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Microbiota 10 - Juillet 2020

Chers lecteurs,

isolée pour la première fois en 1935 par Hall et O’Toole dans les fèces d’un nourrisson en bonne santé, Clostridium difficile, récemment renommée « Clostridioides difficile », est une bactérie commensale de l’intestin retrouvée chez 5 % des adultes et entre 15 et 70 % des enfants. Son nom d’espèce, difficile, reflète les difficultés rencontrées par ses découvreurs pour l’isoler et la faire croître en milieu de culture.

Sa reclassification en Clostridioides il y a quelques années a aussi été complexe. Le genre Clostridium a été proposé en 1880 par Prazmowski en se basant sur l’espèce type Clostridium butyricum et est devenu l’« entrepôt » d’un grand nombre de bactéries Gram positif anaérobiques en forme de bâtonnet et formant des spores.
Grâce à l’évolution des technologies de séquençage, la phylogénie du genre Clostridium a été redéfinie, démontrant une diversité phylogénétique très étendue dans celui-ci et le besoin de créer de nouveaux genres. La dénomination C. difficile, voire C. diff., est mondialement utilisée, et un changement radical de nom aurait eu des conséquences à tous les niveaux. Une modification au niveau des hôpitaux (nom des tests et des résultats, codes pour les pharmacies, matériels épidémiologiques, manuels d’éducation), au niveau des organisations de santé nationales et internationales (sites Internet, littérature et documents officiels) mais aussi au niveau des industries pharmaceutiques et biotechnologiques aurait engendré un coût global très important. C’est pourquoi la lettre « C » a été conservée comme première lettre du nouveau nom de la famille Clostridioides, littéralement organisme similaire à Clostridium.
La responsabilité de C. difficile dans les colites pseudo membraneuses a été démontrée en 1978. Vers la fin du XXe siècle, l’incidence des infections à C. difficile a nettement augmenté, les plaçant au premier rang des infections nosocomiales, touchant tous les services des hôpitaux et devenant ainsi une menace urgente à traiter selon le CDC. Parmi les facteurs de risque, la prise d’antibiotiques affaiblissant le microbiote est souvent mise en cause, mais elle n’est désormais peut-être plus la seule : une étude parue en 2018 (commentée dans notre newsletter Microbiota d’octobre 2018) a montré le rôle potentiel du tréhalose, additif alimentaire largement utilisé, dans la virulence de certaines lignées épidémiques de C. difficile. En effet, certaines de ces souches seraient capables de n’utiliser que ce sucre, en faible quantité, comme source unique de carbone pour leur métabolisme aidant leur émergence et contribuant à leur virulence.
Dans ce numéro, le Pr Ianiro évoque l’importance du microbiote intestinal à la fois dans la physiopathologie et dans la prise en charge de l’infection à C. difficile : certains facteurs de risque (antibiotiques à large spectre, inhibiteurs de la pompe à protons) sont associés à une dysbiose et la modulation du microbiote (probiotiques, transplantation fécale) fait aujourd’hui partie des options envisageables pour prévenir ou traiter cette infection.

Très bonne lecture.
BMI 20.18

Publié le 01 juillet 2020
Mis à jour le 24 mai 2023
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