Comment les métabolites du microbiote bucco-dentaire favorisent les maladies des gencives et l’inflammation
Et si les maladies des gencives n’étaient pas seulement causées par les bactéries buccales, mais aussi par ce qu’elles sécrètent ? Une nouvelle étude 1 révèle que certains métabolites du microbiote bucco-dentaire ne se contentent pas de coexister : ils provoquent des lésions, de l’inflammation et des maladies parodontales. Autrement dit, la bouche parle, mais les métabolites crient.
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A propos de cet article
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Les maladies parodontales (maladies des gencives) sont un problème de santé majeur dans le monde. (sidenote: Dysbiose La « dysbiose » n’est pas un phénomène homogène : elle varie en fonction de l’état de santé de chaque individu. Elle est généralement définie comme une altération de la composition et du fonctionnement du microbiote, provoquée par un ensemble de facteurs environnementaux et liés à l’individu, qui perturbent l’écosystème microbien. Levy M, Kolodziejczyk AA, Thaiss CA, et al. Dysbiosis and the immune system. Nat Rev Immunol. 2017;17(4):219-232. ) du microbiote bucco-dentaire est un facteur important qui contribue à leur développement et à leur progression. Par le passé, nous nous sommes concentrés sur l’identification des bactéries pathogènes. Mais une étude récente 1 met en lumière un autre élément crucial : les métabolites produits par ces microbes et leur impact direct sur la santé de nos tissus gingivaux.
L’étude montre que le déséquilibre du microbiote bucco-dentaire affecte directement la quantité et l’équilibre de la composition des métabolites. Certains métabolites, en lien avec les bactéries associées à la parodontite, peuvent avoir des effets inflammatoires sur les (sidenote: Cellules épithéliales gingivales Cellules de surface formant la muqueuse des gencives. Elles représentent la première ligne de défense contre l’invasion microbienne dans la cavité buccale. ) humaines. Cela établit une relation directe entre les altérations de l’écosystème microbien bucco-dentaire, ses produits métaboliques et la réponse inflammatoire dans les tissus de l’hôte.
Lien entre le microbiote et les métabolites
Les auteurs, de la Faculté des sciences dentaires de l’Université de Kyushu (Japon), ont analysé des échantillons d’eau de rinçage buccal de personnes atteintes de maladie parodontale (n = 24) et de témoins sains (n = 22). Ce type d’échantillon reflète fidèlement les informations présentes dans la salive. Les chercheurs n’ont pas seulement identifié les bactéries les plus répandues dans les états pathologiques, confirmant les suspects habituels tels que Porphyromonas gingivalis et Fusobacterium nucleatum, mais ils ont surtout établi un lien entre ces espèces bactériennes spécifiques et les métabolites trouvés dans les mêmes échantillons. Cette approche ciblée a permis d’identifier 20 métabolites fortement corrélés au microbiote de la parodontite. Il ne s’agissait pas seulement de composés aléatoires, mais aussi de dérivés d’acides aminés, d’ (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) et de polyamines.
Cette approche met en évidence l’interaction profonde entre le microbiote bucco-dentaire et l’environnement de l’hôte par le biais de ses sous-produits métaboliques. Outre les espèces bactériennes bien connues, l’étude démontre que leurs profils métaboliques, en particulier dans des conditions pathologiques, peuvent perturber considérablement l’homéostasie de la plaque, ce qui suggère que ces déséquilibres ne sont pas seulement corrélatifs, mais peut-être causaux.
Métabolites ayant des effets pathogènes
L’étape cruciale suivante consistait à vérifier si les métabolites identifiés avaient un impact direct sur les cellules gingivales humaines. Pour cela, les chercheurs ont testé 20 métabolites corrélés sur des cellules épithéliales gingivales humaines. Les résultats ont révélé que plusieurs composés présentaient un potentiel pathogène évident. En particulier, le propionate, le succinate, l’homosérine et la citrulline ont considérablement inhibé la croissance de ces cellules épithéliales gingivales. En outre, le traitement des cellules à l’ (sidenote: Homosérine Composé dérivé d’un acide aminé, peu présent dans le métabolisme humain mais produit par certaines bactéries. Il peut exercer des effets pro-inflammatoires ou cytotoxiques sur les tissus hôtes, notamment sur l’épithélium gingival. ) , au propionate et au succinate a augmenté de manière significative l’expression de l’ (sidenote: Interleukine-8 (IL-8) Protéine de signalisation (cytokine) sécrétée par les cellules pour attirer les cellules immunitaires, notamment les neutrophiles, vers le site de l’infection ou de l’inflammation. Un taux élevé d’IL-8 est souvent associé à une inflammation des tissus en cours. ) , une cytokine inflammatoire clé, indiquant que ces métabolites peuvent déclencher une inflammation locale et contribuer aux lésions tissulaires associées à la plaque dentaire.
L’étude suggère également que la parodontite chronique pourrait être exacerbée par un déséquilibre persistant du métabolisme microbien, ce qui fait des métabolites microbiens des biomarqueurs potentiels à la fois de l’apparition précoce de la maladie et de la perturbation de la plaque.
Enfin, si l’homosérine était connue pour être produite par certaines bactéries, cette étude révèle une nouvelle découverte en détectant sa production par plusieurs espèces de bactéries parodontales clés, notamment Prevotella melaninogenica, Prevotella intermedia, et Porphyromonas gingivalis. Cela suggère que ces microbes associés à la parodontite contribuent directement aux niveaux locaux d’homosérine observés dans les états pathologiques, confirmant ainsi leur potentiel d’impact sur l’hôte.
Des solutions pour les maladies des gencives ?
De nouvelles thérapies basées sur le microbiote dentaire offrent des alternatives prometteuses pour traiter les maladies des gencives en rétablissant un équilibre sain des communautés microbiennes dans la bouche. Les probiotiques, des bactéries bénéfiques présentes dans certains compléments alimentaires, ont démontré leur capacité à réduire l’inflammation et les microbes nocifs lorsqu’ils sont utilisés en complément des soins dentaires traditionnels.
D’autres approches innovantes et émergentes, telles que les greffes de microbiote bucco-dentaire 2 ou les peptides antimicrobiens ciblés, , sont à l’étude. L’objectif est de développer des traitements plus doux et plus efficaces, capables de s’attaquer à la cause racine des maladies des gencives plutôt que d’éliminer simplement toutes les bactéries.
En substance, cette étude apporte des preuves irréfutables que certains métabolites, bien au-delà des bactéries elles-mêmes, participent activement à la progression des maladies parodontales. Ces sous-produits microbiens représentent à la fois de nouvelles cibles thérapeutiques et de nouveaux indicateurs diagnostiques potentiels de la parodontite, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives en matière de soins prédictifs, de diagnostics bucco-dentaires et de thérapies centrées sur le microbiote.