Microbiote, allaitement et puberté précoce

Une alimentation riche en graisse durant l’allaitement perturbe le microbiote intestinal des souriceaux, favorise la puberté précoce des jeunes femelles et l'insensibilité à l'insuline. Le partage de microbiote via une cohabitation avec des jeunes issus de mères normalement nourries inverse la tendance.

Publié le 22 avril 2020
Mis à jour le 30 mars 2022
Photo : Microbiota, breastfeeding and early puberty

A propos de cet article

Publié le 22 avril 2020
Mis à jour le 30 mars 2022

La puberté précoce touche 20 filles sur 10 000 par an dans le monde, et l'obésité infantile accroît ce risque. Depuis 2010, une attention croissante a été accordée aux effets du microbiote intestinal sur l'homéostasie énergétique et l'obésité. Bien que de multiples facteurs puissent influencer ce microbiote (utilisation d'antibiotiques, ...), l'allaitement maternel semble jouer un rôle dominant dans sa maturation. Des chercheurs ont donc modulé le régime alimentaire de souris femelles allaitantes, pour évaluer son influence sur le risque d’obésité et de puberté précoce de leur progéniture. Pendant trois semaines à partir de la naissance des souriceaux, les femelles ont été nourries soit avec un régime standard (12 % de matières grasses ; régime dit NCD pour normal calory diet), soit avec un régime riche en matières grasses (60 % de MG, régime HFD, high fat diet). A 21 jours, les souriceaux ont été sevrés, tous nourris avec un régime NCD et répartis au hasard en cages de 4 souriceaux de mères NCD, 4 souriceaux de mères HFD ou en cage de 2 NCD + 2 HFD pour mesurer l’effet de cette cohabitation, qui pourrait inverser les éventuels effets du régime HFD de leur mère.

Effet de l’alimentation maternelle durant l’allaitement

Une alimentation riche en graisses chez la mère pendant l’allaitement a influencé la maturation du microbiote de sa progéniture : par exemple, l'abondance relative de la famille des Streptococcaceae et des Peptostreptococcaceae dans le microbiote intestinal des souriceaux était augmentée. De plus, les souriceaux de mères HFD présentaient un microbiote significativement moins riche. L’alimentation maternelle HFD provoquait également chez la progéniture femelle une obésité juvénile, une puberté précoce, des cycles menstruels irréguliers et des signes de perturbation du métabolisme du glucose ; en revanche, chez les jeunes mâles, on n’observait pas de puberté précoce.

Effet du partage de microbiote

Les souris étant des animaux coprophages, elles partagent leur microbiote par la voie fécale-orale. Ainsi, après avoir cohabité avec des descendants de souris NCD, les descendants de souris HFD ont vu la richesse de leur microbiote augmenter, inversant les effets du régime maternel HFD. Cela a aussi préservé les femelles d’une puberté précoce et de l’insensibilité à l’insuline. Aucun effet protecteur n’était en revanche observé sur le poids ni la masse grasse des descendants HFD.

Un angle d’attaque des maladies métaboliques ?

Selon les auteurs, l’allaitement constitue une fenêtre critique pour le développement d'une fonction métabolique et reproductive normale chez la progéniture : la résistance à l'insuline associée à la dysbiose du microbiote a favorisé une puberté précoce induite par un régime maternel riche en graisses durant l’allaitement. Ainsi, le microbiote pourrait représenter une nouvelle cible thérapeutique pour traiter les maladies métaboliques et reproductives.