Des fibres pour modifier le microbiote ?

Décrypter comment différentes bactéries intestinales utilisent les composants bioactifs de fibres alimentaires pourrait ouvrir la voie au développement d'aliments ciblant le microbiote et offrant des avantages métaboliques à l'hôte.

Publié le 04 décembre 2019
Mis à jour le 30 mars 2022

A propos de cet article

Publié le 04 décembre 2019
Mis à jour le 30 mars 2022

 

L’impact du microbiote intestinal sur la santé étant de plus en plus documenté, se développent des stratégies visant à l’influencer favorablement, notamment via l’alimentation. Certains chercheurs travaillent ainsi sur des aliments spécifiquement destinés à agir sur le microbiote, ou MDF (Microbiota-directed foods), en l’occurrence des polysaccharides (fibres végétales).

34 ‘fibres’ testées

Un modèle murin a permis de mieux comprendre comment les bactéries de l’intestin humain interagissent avec les polysaccharides alimentaires, ainsi qu’entre elles : des souris axéniques colonisées par des souches bactériennes intestinales bénéfiques (Bacteroides issus d’un homme adulte mince, et qui le distinguent de son jumeau obèse) ont été nourries de différentes combinaisons de 34 fibres alimentaires, ajoutées à un régime à faible teneur en fibres représentatif de celui adopté aux États-Unis. En combinant des technologies de pointe, les chercheurs ont identifié les composés bioactifs des fibres favorisant le développement de certains Bacteroides. Ainsi, 21 des 34 polysaccharides testés favorisaient significativement la croissance de certaines espèces, comme la pectine d’agrumes et la fibre de pois avec Bacteroides thetaiotaomicron. Des résultats qui pourraient à terme permettre d’enrichir l’alimentation en ces actifs.

Des compétitions inter-espèces

Pour comprendre les mécanismes en jeu et identifier les fibres consommées ou non, des expériences complémentaires ont été menées, y compris via des biocapteurs, billes magnétiques recouvertes de certains polysaccharides et facilement récupérables dans les selles. Elles ont confirmé que 2 espèces bactériennes différentes (par exemple Bacteroides cellulosilyticus et Bacteroides vulgatus), dès lors qu’elles sont dotées des gènes nécessaires, peuvent dégrader le même polysaccharide. Ainsi, des compétitions s’instaurent pour l’accès aux ressources nutritives.

Vers une médecine nutritionnelle personnalisée ?

En cherchant à étudier l’adaptation des micro-organismes intestinaux à leur milieu (compensation d’une espèce absente, compétition entre espèces concurrentes), les scientifiques ont constaté que certaines bactéries s’avèrent plus flexibles que d’autres concernant l’utilisation du substrat. C’est par exemple le cas de Bacteroides ovatus, qui sait s’adapter à la présence de B. cellulosilyticus, son concurrent pour l’arabinoxylane (constituant majeur des parois végétales de céréales et de pois), ce que ne sait pas faire B. vulgatus. Or identifier les organismes les plus flexibles contribue à comprendre comment certaines souches peuvent coexister avec les autres « habitants » des communautés intestinales. Forte de ces résultats, l’équipe entrevoit déjà la personnalisation des recommandations nutritionnelles, fondées sur la collecte des données microbiologiques et physiologiques de l’hôte via des biocapteurs.