E. coli signe son rôle dans le cancer colorectal

Une équipe vient de montrer comment certaines espèces d’Escherichia coli génotoxiques endommagent l’ADN, donnant lieu à un risque accru de cancer colorectal. Un mécanisme que l’on pourrait enrayer demain ?

Publié le 28 mai 2020
Mis à jour le 31 mars 2022
Photo : Mutational signature of e. Coli in colorectal cancer

A propos de cet article

Publié le 28 mai 2020
Mis à jour le 31 mars 2022

Si diverses espèces du microbiote intestinal sont associées au cancer colorectal (CCR), aucun rôle direct des bactéries dans l'apparition de mutations oncogènes n’a encore été démontré. Ainsi, des espèces bactériennes, dont des souches d’E. coli génotoxiques, sont davantage présentes dans les selles de patient CCR (60 % vs 20 % des individus sains). Elles sont porteuses d’une unité d’ADN appelée pks (polyketide-nonribosomal peptide synthase operon). Celle-ci encode des enzymes permettant la synthèse de la colibactine, une toxine qui endommage l’ADN.

Une signature ex vivo

Par injections luminales répétées pendant 5 mois, des chercheurs ont exposé des (sidenote: Organoïdes Les organoïdes constituent de nouveaux modèles d’organes ex vivo, à mi-chemin entre les modèles in vivo et les cultures de cellules in vitro. Les cellules souches ou peu différenciées à partir desquelles ils sont obtenus s’auto-organisent spontanément en tissu fonctionnel dans un environnement en 3D adapté )  intestinaux humains à des E. coli génotoxiques (E. coli pks+). Le séquençage du génome des organoïdes, avant et après cette exposition, montre que la colibactine induit une mutation (en l’occurrence recombinaison entre les 2 brins d’ADN) à un endroit très précis du génome. Cette mutation serait « corrigée » (= résolution) par les cellules de l’organoïde via des substitutions de bases uniques (SBS : single-base substitution) ou des insertions-délétions de bases (ID), et ce selon des motifs reconnaissables. Ces 2 résolutions, appelées SBS-pks et ID-pks, ne sont pas observées dans les organoïdes exposés soit à des E. coli non génotoxiques, soit à un simple colorant ; elles sont donc la signature d’une exposition à des E. coli pks+.

… confortée chez l’homme

Restait à savoir si les signatures expérimentales SBS-pks et ID-pks étaient présentes dans des tumeurs humaines. Selon les données issues de plus de 5000 tumeurs couvrant des dizaines de cancers différents, ces 2 signatures s’avèrent largement plus présentes dans les métastases dérivées de CCR par rapport à tous les autres types de cancer. De plus, l’analyse de 7 cohortes de patients CCR montre que 2,4 % des mutations les plus fréquentes induisant un CCR correspondaient aux motifs provoqués par la colibactine. Et qu’un grand nombre d’entre elles affectait l'APC, un gène empêchant la prolifération cellulaire non contrôlée.

Un moyen de prévenir les CCR ?

Une autre équipe avait précédemment décrit ces signatures dans les cryptes du côlon d’individus sains. Ainsi, la mutagenèse se produirait dans le côlon sain d'individus qui abritent des souches génotoxiques d’E. coli pks+, donnant lieu à un risque accru de développer un CCR. Les quelques cas de cancer urogénital et de cancer de la tête et du cou dans cette cohorte présentant une signature pks suggèrent que E. coli pks+ pourrait donc aussi agir au-delà du côlon. Ainsi, la détection et la suppression des E. coli pks+, ainsi que la réévaluation des souches probiotiques porteuses de pks, pourraient diminuer le risque de cancer chez un grand nombre d'individus.