Maladie rénale chronique : une signature intestinale de la sévérité

Des bactéries intestinales et des métabolites sanguins signeraient la progression de la maladie rénale chronique. Au-delà de la possibilité de disposer demain de biomarqueurs, ces travaux avancent des pistes étiologiques.

Publié le 11 septembre 2020
Mis à jour le 31 mars 2022

A propos de cet article

Publié le 11 septembre 2020
Mis à jour le 31 mars 2022

La maladie rénale chronique (MRC) est associée à des modifications spécifiques du microbiote intestinal et de métabolites circulants. Pourtant, les fonctions du microbiote et sa relation complexe avec le métabolisme de l'hôte durant la progression de la MRC demeurent peu comprises. D’où cette étude auprès de 72 patients atteints de MRC à différents stades de sévérité (26 cas légers, 26 modérés et 20 avancés) et 20 témoins ayant une fonction rénale intacte. Un (sidenote: Technique de séquençage d’ADN haut débit, dite de « séquençage aléatoire » qui permet de séquencer de grandes quantités d’ADN en des temps records. Cette méthode peut être utilisée pour séquencer des génomes entiers par exemple )  des fèces a été réalisé ainsi qu’un profilage des métabolites sanguins ciblant les acides biliaires (AB), les acides gras à chaînes courtes et moyennes et les toxines urémiques.

Une signature bactérienne et métabolique

Treize espèces bactériennes et 6 métabolites circulants étaient significativement modifiées (hausse ou baisse) des stades précoces à avancés, ou seulement à un (ou des) stade(s) particulier(s). Ainsi, Bacteroides eggerthii permettait de différencier les témoins des patients aux stades précoces de la MRC tandis que Prevotella sp. 885 était corrélée avec l'excrétion d'urée et reflétait la progression de la maladie. Certaines bactéries intestinales seraient donc des biomarqueurs utiles pour le diagnostic précoce et le suivi de la MRC. Côté métabolites, l'acide propionique diminuait de manière significative aux stades tardifs et discriminait fortement les patients à un stade avancé.

Des pistes étiologiques

Les gènes bactériens liés à la biosynthèse des AB secondaires s’avéraient plus présents au stade précoce, indiquant que la conversion des AB primaires en AB secondaires par les bactéries intestinales aurait lieu au début du déclin de la fonction rénale. Aux stades avancés, les voies liées :

- d’une part au métabolisme de (sidenote: Stéroïdes, étherlipides, acides gras polyinsaturés ) , probablement impliqués dans le syndrome métabolique – syndrome souvent associé à une dyslipidémie, connu pour être un facteur étiologique de la MRC -,

- et d’autre part à la biosynthèse des lipopolysaccharides (LPS, endotoxines inflammatoires) étaient enrichies. Ainsi, les modifications du métabolisme du microbiote et l'inflammation de l'hôte contribueraient à la santé rénale.

Des associations bactéries-métabolites

Enfin, l’équipe a identifié des bactéries intestinales liées aux changements des métabolites circulants, suggérant une implication potentielle du microbiote intestinal dans la pathogenèse des MRC. Ainsi, la nette diminution chez les patients atteints de MRC de B. eggerthii était corrélée à la synthèse des AB secondaires à un stade précoce. De même, la synthèse accrue des LPS aux stades avancés serait en partie attribuée à une augmentation d'Escherichia coli et d'autres Enterobacteriaceae. Ces associations bactéries-métabolites pourraient indiquer soit que l'espèce produit ce métabolite, soit que le métabolite favorise/inhibe la croissance de cette espèce. Ainsi, cette meilleure compréhension de la relation entre les espèces intestinales et le métabolisme de l'hôte à différents stades de la MRC, offre des pistes potentielles d’étiologie et de diagnostic de la maladie.