Le lien entre microbiote et métabolisme dans le cancer du côlon
Une étude d’avant-garde sur l’adénocarcinome du côlon révèle l’influence du métabolisme des acides gras, du microbiote intratumoral et du micro-environnement tumoral sur les résultats des patients, ouvrant la voie à des innovations pilotées par l’IA pour le diagnostic du cancer.
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A propos de cet article
Auteur
Le cancer du côlon se caractérise par une dynamique intratumorale complexe à laquelle participent le microbiote, (sidenote: Métabolisme des acides gras Processus cellulaire impliqué dans la décomposition et la synthèse des graisses, qui exerce une influence sur la croissance et la progression des tumeurs. ) , et le (sidenote: Micro-environnement tumoral Milieu environnant d’une tumeur, y compris les cellules immunitaires, les vaisseaux sanguins et les molécules de signalisation ayant un impact sur le développement du cancer. ) . Une étude récente1 s'est penchée sur le rôle encore méconnu de ce trio dans (sidenote: Adénocarcinome du côlon (ADCO) Type de cancer du côlon dont l’origine se situe au niveau des cellules glandulaires du côlon. ) . En s'appuyant sur les données d’une vaste cohorte de patients provenant de The Cancer Genome Atlas (TCGA) et en appliquant des techniques sophistiquées de bioinformatique et d’analyse d’images pathologiques, les scientifiques se sont mis en quête de nouvelles pistes diagnostiques et thérapeutiques pour ce cancer agressif.
Connexions entre microbiote et métabolisme
L’équipe de scientifiques a commencé par analyser les données complètes de 420 patients atteints d’un ADCO. L’une des étapes essentielles de la méthode utilisée a consisté à classer ces patients en deux sous-groupes distincts :
- Ayant une forte capacité (groupe FAM_high).
- Une faible capacité (groupe FAM-low) à métaboliser les acides gras.
Cette stratification a été effectuée sur la base du score (sidenote: Gene Set Variation Analysis (GSVA, Analyse des variations d’un ensemble de gènes) Méthode informatique permettant de déterminer l’activité de voies génétiques spécifiques dans des échantillons provenant de malades, et utilisée comme aide au sous-typage métabolique et au diagnostic. ) calculé pour les gènes du métabolisme des acides gras.
À la grande surprise des chercheurs, bien que la diversité alpha globale du microbiote (une mesure de la diversité intra-échantillon) semble similaire entre les deux groupes, une analyse approfondie de la diversité bêta microbienne (une mesure de la diversité inter-échantillon) a révélé des compositions bactériennes clairement distinctes et étroitement corrélées aux profils métaboliques sous-jacents.
Les chercheurs ont observé que certains types spécifiques de bactéries intestinales sont impliqués dans la modulation de l'environnement tumoral. L’étude a notamment permis d’identifier un ensemble de genres bactériens spécifiques, parmi lesquels Desulfovibrio, Desulfococcus, Streptococcus et Mycobacterium, qui étaient significativement plus abondants dans le groupe de patients FAM_high, ce qui démontre clairement l’existence d’un lien entre le (sidenote: Microbiote intratumoral Communauté de micro-organismes présents dans la tumeur, qui peut affecter le comportement de celle-ci et le pronostic du patient. ) et le métabolisme de l’hôte. Cette stratification métabolique a également prouvé son intérêt pour le pronostic des patients.
En effet, les chercheurs ont observé que les patients du groupe FAM_low avaient une survie globale (SG) significativement meilleure que leurs homologues du groupe FAM_high. L’identification de quatre gènes spécifiques (ADIPOR2, HAO2, ALAD, HPGD) dont les niveaux d’expression montraient une corrélation significative avec la survie des patients a permis de confirmer le rôle critique du métabolisme des acides gras dans le pronostic de l’ADCO.
Des signatures métaboliques utilisées comme outils de prédiction
Au-delà du diagnostic et du pronostic, l’analyse complète de la sensibilité aux médicaments réalisée dans le cadre de l’étude a mis en évidence des différences considérables et potentiellement exploitables au niveau clinique dans la manière dont les deux sous-types définis par le métabolisme des acides gras réagissent à un large éventail d’agents thérapeutiques.
En calculant les valeurs de CI50 (concentration de médicament nécessaire pour inhiber 50 % des cellules) d’un ensemble très large de 195 candidats-médicaments, les chercheurs ont découvert que les groupes FAM_high et FAM_low présentaient des sensibilités significativement différentes à 120 de ces molécules, soit un nombre tout à fait remarquable. Par exemple, le groupe FAM_high présente une sensibilité réduite à des médicaments comme le JQ1, ce qui suggère que ces agents pourraient être moins efficaces dans ce contexte métabolique. De telles informations pourraient contribuer à la mise au point de stratégies plus personnalisées dans le traitement du cancer.
L’imagerie au service du diagnostic
Mais le résultat le plus important de cette étude est sans doute d’avoir montré que l’imagerie anatomopathologique courante est capable de refléter les différents types sous-jacents de métabolisme des acides gras. Certaines caractéristiques distinctives en matière de texture sont en corrélation avec les scores de métabolisme des acides gras et les signatures microbiennes, et des différences significatives ont été observées entre les groupes FAM_high et FAM_low. On peut s’attendre à ce que des modèles d’IA soient bientôt capables d’effectuer des analyses histologiques afin de détecter les signatures bactériennes et de déterminer le type de métabolisme des tumeurs en temps réel.
Cette étude apporte un éclairage intéressant sur l’étroite relation qui existe entre l’intestin et l'environnement tumoral dans la progression de l’ADCO. La possibilité d’un sous-typage métabolique non invasif offerte par l’analyse d'images pilotée par l’IA constitue une avancée particulièrement prometteuse pour de futures applications cliniques à grande échelle. Une meilleure compréhension des interactions entre les bactéries intestinales et les cellules tumorales sera essentielle pour permettre de nouvelles avancées thérapeutiques à l’avenir.