Rôle du microbiote dans la communication intestin cerveau

Cet article décrypte le circuit à double sens reliant l’intestin au cerveau : via le système sympathique intestinal extrinsèque, les bactéries ou leurs métabolites communiquent avec le cerveau qui en retour influe sur la physiologie intestinale.

Publié le 24 novembre 2020
Mis à jour le 30 mars 2022

A propos de cet article

Publié le 24 novembre 2020
Mis à jour le 30 mars 2022

Les connections entre l’intestin et le cerveau permettent le contrôle à la fois du tissu intestinal et du contenu microbien et alimentaire, en régulant les fonctions physiologiques intestinales telles que l'absorption des nutriments, leur motilité, et les comportements alimentaires. Il est donc plausible que des circuits existent pour détecter les bactéries intestinales et relayer cette information aux zones du système nerveux central qui, à leur tour, régulent la physiologie intestinale. D’où ces travaux décryptant l'influence du microbiote sur les neurones entériques, via des modèles de (sidenote: souris gnotobiotiques Souris dans lesquelles seules certaines souches connues de bactéries (ou autres micro-organismes) sont présentes. )  et en utilisant la (sidenote: transcriptomique Mesure l’expression des gènes en quantifiant l'ensemble des transcrits présents dans une cellule à un moment donné et dans des conditions données. ) , des outils d’identification des circuits ( (sidenote: Traçage antérograde Méthode permettant de tracer des projections axonales depuis leur source à leur point de terminaison. ) , (sidenote: Profilage translationnel Détection, quantification et suivi des composés produits par le microbiote. ) ) et de manipulations fonctionnelles ( (sidenote: Chimiogénomique Techniques de transgénèse permettant de modifier la réponse d’une population de neurones à un composé chimique. ) ).

Une cartographie du système sympathique intestinal

Les auteurs ont tracé, zone après zone (iléon, jéjunum…), l’implication des corps cellulaires du système sympathique intestinal extrinsèque ( (sidenote: eEAN pour extrinsic enteric-associated neurons ) ) et les ont répartis en 2 groupes :

- ceux afférents (de l’intestin vers le système nerveux) qui remontent l’information vers le ganglion de la racine dorsale (DRG) et le ganglion noueux (NG, ganglion inférieur du nerf vague) ;

- et ceux efférents (du système nerveux vers l’intestin) qui stimulent les ganglions mésentériques cœliaques-supérieurs sympathiques (CG-SMG). Ces derniers innervant d’autres organes (rate, pancréas, foie) en sus de l’intestin, ils pourraient avoir des actions bien plus larges (immunité, métabolisme) que la seule réduction de la motricité intestinale.

Ce travail de fourmi a ainsi permis de localiser avec précision où circule l’info entrante et sortante de l’intestin, pour l’eEAN.

Le microbiote module l’axe-intestin-cerveau

Enfin, chez des souris axéniques, les auteurs observent une augmentation d’activité dans les neurones du NG et du CG-SMG connectés à l’intestin (mais pas dans le DRG), comme si l’absence de bactéries activait ces corps cellulaires du système eEAN. A l’inverse, chez des souris gnotobiotiques colonisées par un microbiote producteur d’acides gras à chaîne courte (AGCC) ou des souris axéniques consommant des AGCC via leur eau de boisson, les neurones des CG-SMG ne sont pas activés, comme si les AGCC inhibaient les neurones efférents du système eEAN. Ainsi, la détection par l’EAN des bactéries, ou de leurs métabolites, est un système sensoriel dans lequel une dysbiose intestinale suffirait à activer les neurones. Pour les auteurs, la mise en évidence de ce circuit de modulation de l’eEAN par le microbiote et/ou ses métabolites pourrait déboucher sur de nouvelles stratégies thérapeutiques en matière de régulation de la motilité intestinale, de douleur viscérale, d'immunité entérique et de troubles métaboliques, sous réserve de mieux caractériser les signaux bactériens à l’œuvre.