Vaccination post-antibiothérapie : effet sur l’immunité, rôle du microbiote

Chez les individus présentant une immunité pré-vaccinatoire faible contre la grippe*, la prise d’antibiotiques conduit à une dysbiose intestinale qui perturbe la réponse immunitaire au vaccin anti-grippal. Des scientifiques ont tenté de savoir pourquoi.

Publié le 06 janvier 2020
Mis à jour le 30 mars 2022
Photo : Vaccination after antibiotic therapy: effect on immunity and role of the microbiota

A propos de cet article

Publié le 06 janvier 2020
Mis à jour le 30 mars 2022

 

De nombreuses études mettent en évidence le rôle central du microbiote intestinal dans l’immunité, même si les preuves cliniques restent rares. Mieux comprendre les mécanismes sous-jacents est crucial en termes de santé publique, en particulier pour développer des thérapies ciblant le microbiote en cas de troubles de l’immunité. Dans ce contexte, et partant du constat que l’efficacité des vaccins varie tout autant que le microbiote intestinal des individus en fonction des régions du monde, des chercheurs se sont intéressés à l’effet de la prise d’antibiotiques sur la réponse immunitaire à la vaccination.

Vaccination : quel effet des antibiotiques ?

Pour ce faire, les scientifiques ont étudié deux populations présentant une différence de taux d’anticorps de base contre la grippe avant le démarrage de l’étude. Dans la première, 22 adultes en bonne santé ont été vaccinés contre la grippe saisonnière (vaccin contenant 3 souches de virus atténués) ; 3 jours avant la vaccination, la moitié d’entre eux débutaient un traitement ATB de 5 jours. Comme attendu, les ATB ont perturbé profondément et durablement la composition du microbiote intestinal. Mais contrairement à l’hypothèse des chercheurs, la production d’anticorps en réponse à la vaccination n’était pas affectée par la prise d’ATB. Ce n’est que sur la seconde cohorte de 11 sujets ne présentant pas d’immunité pré-existante significative à la grippe (pas de vaccination ou de grippe récente*) qu’un effet était observé : les ATB entraînaient une diminution de la production d’anticorps IgG1 et IgA dirigés contre la souche de virus H1N1. Ainsi, des ATB à large spectre pourraient, dans certains cas, perturber la réponse immunitaire à la vaccination.

Acides biliaires, messagers de l’inflammation

Les chercheurs ont aussi observé que les modifications induites par la vaccination au niveau des métabolites du sang différaient entre les sujets du groupe ATB et les témoins ; et ce en particulier pour les substances dérivées du métabolisme des acides biliaires. Pour rappel, le microbiote transforme les acides biliaires primaires sécrétés par la vésicule biliaire et déversés dans l’intestin en acides biliaires secondaires ; les acides biliaires sont ensuite en partie réabsorbés. Or chez les sujets ayant reçu les ATB, on observait une augmentation des acides biliaires primaires dans le sang et une diminution majeure des acides biliaires secondaires. L’antibiothérapie allait jusqu’à réduire d’un facteur 1 000 le principal d’entre eux : l’acide lithocholique. Et cette réduction des acides biliaires secondaires s’avérait fortement corrélée à l’augmentation de molécules pro-inflammatoires. Ce qui suggère qu’un changement dans le ratio des acides biliaires induit par l’antibiothérapie pourrait constituer l’un des mécanismes régulant la réponse inflammatoire.

Deux voies de réponses distinctes

Existe-t-il un lien entre les voies modulant la production d’anticorps, et celles impliquant les acides biliaires et l’inflammation ? Non, concluent les chercheurs après avoir cartographié les différentes voies de signalisation depuis l’altération du microbiote post-antibiothérapie jusqu’aux variations de métabolites sanguins : les deux voies sont indépendantes. Ainsi, l’altération profonde du microbiote induite par les ATB modulerait la fonction immunitaire via deux mécanismes distincts, soit directement en interagissant avec les cellules immunitaires soit de façon systémique en modulant la production de certains métabolites critiques.

 

*pas de vaccination ou de grippe récente, comme en témoignent des taux d’anticorps faibles (1ère cohorte : sérologie < 320 pour au moins 2 des 3 souches contenues dans le vaccin ; 2ème cohorte : sérologie ≤ 320 pour les 3 souches contenues dans le vaccin)