Mélanome : la transplantation fécale pour contrer la résistance aux anti-PD-1 ?

Une étude récente publiée dans Science montre qu’une modification du microbiote intestinal aiderait les patients atteints de mélanome avancé à répondre à une immunothérapie par anti-PD-1 auxquels leur tumeurs résistaient jusque-là. Comment ? Grâce à la transplantation du microbiote fécal (TMF).

Publié le 18 mai 2021
Mis à jour le 06 octobre 2021

A propos de cet article

Publié le 18 mai 2021
Mis à jour le 06 octobre 2021

C’est une des grandes avancées thérapeutiques de ces dix dernières années. Le traitement anti-PD-1 procure des avantages cliniques à long terme pour les patients présentant un mélanome avancé. Dans les modèles précliniques et chez les patients atteints de cancer, l’efficacité de cette thérapie est en corrélation avec la composition du microbiote intestinal. L’objectif de cet essai clinique de phase II ? Déterminer si une modification du microbiote intestinal peut vaincre la résistance aux anti-PD-1.


Microbiote fécal et anti-PD1 : une combinaison gagnante ?


Cet essai clinique a pour but d’évaluer l’innocuité et l'efficacité de la TMF en association avec un anti-PD-1 (pembrolizumab), chez des patients atteints de mélanome métastatique, tous réfractaires à cette thérapie préalablement. Quinze patients ont reçu en sus de l’anti-PD1 (administration toutes les 3 semaines jusqu’à évolution), une seule TMF provenant de sept donneurs qui avaient déjà présenté une réponse complète (quatre patients) ou partielle (trois patients) à l'immunothérapie. Des évaluations radiographiques ont été effectuées toutes les 12 semaines.

Le microbiote intestinal des receveurs et des donneurs a été analysé via un séquençage shotgun. Pour chaque receveur, un échantillon pré-TMF (obtenu 7 à 21 jours avant) et tous les échantillons post-TMF (recueillis chaque semaine pendant 12 semaines, puis toutes les 3 semaines) ont été séquencés. L'évolution des patients a été suivie pendant 12 mois en moyenne.


La TMF remanie le microbiote intestinal


Cette combinaison, très bien tolérée, apporte des bénéfices cliniques significatifs chez six patients, avec une régression ou une stabilisation de la tumeur durant plus d’une année. Chez ces patients, les médianes de survie étaient de 14 mois.


La composition du microbiote intestinal des quinze patients transplantés différait après la greffe, qu’ils soient ou non répondeurs à l’immunothérapie. Parmi les six patients répondeurs, la composition du microbiote intestinal devenait plus similaire à celle des donneurs comparativement aux non répondeurs. Celle-ci est devenue notamment plus riche en espèces appartenant aux Firmicutes (Lachnospiraceae et Ruminococcaceae) et Actinobacteria (Bifidobacteriaceae et Coriobacteriaceae) et s’est appauvrie en Bacteroidetes.

La TMF et l’immunothérapie remanient la réponse immunitaire


Chez les six patients répondeurs, des changements immunologiques dans le sang et aux sites tumoraux suggèrent une activation accrue des cellules immunitaires (activation CD8, diminution IL-8). En outre, les répondeurs possédaient différentes signatures protéomiques et métaboliques que le microbiote intestinal semble réguler. Inversement, les non répondeurs à l’immunothérapie pourraient être réfractaires pour de multiples raisons selon les chercheurs, en lien avec leur composition intestinale.


Bien que ces conclusions nécessitent une investigation poussée avec des essais cliniques de plus grande ampleur, cette étude met en évidence qu’une seule transplantation fécale administrée avec un inhibiteur de PD1 suffit à coloniser avec succès le microbiote intestinal des répondeurs, et à reprogrammer le microenvironnement tumoral pour contrer la résistance à l’immunothérapie. La TMF modifie la composition du microbiote favorisant l'efficacité de l’anti-PD-1 pour induire des réponses cliniques chez des patients atteints de mélanome réfractaire à l’immunothérapie.