Lutte contre les bactéries résistantes : la piste des lantibiotiques

La colonisation du tractus digestif par une souche d’Enterococcus faecium résistante à la vancomycine pourrait être largement réduite via l’administration de bactéries synthétisant naturellement un lantibiotique* efficace et sélectif.

Publié le 26 novembre 2019
Mis à jour le 29 mars 2022
Photo : Lantibiotics: a new avenue in the fight against resistant bacteria

A propos de cet article

Publié le 26 novembre 2019
Mis à jour le 29 mars 2022

 

Comment lutter contre la transmission de pathogènes hautement résistants aux antibiotiques comme Enterococcus faecium résistant à la vancomycine (ERV) dans les établissements de santé ? Une approche prometteuse repose sur le renforcement de la résistance intestinale à la colonisation via l'administration de bactéries intestinales protectrices. Ainsi, chez la souris, la transplantation bactérienne semble rétablir la résistance à la colonisation et réduire la densité intestinale des ERV. Et ce via le recours à l’association dite « CBBPSCSK » de 4 souches bactériennes, dont Blautia producta (BPSCSK; SCSK désignant la souche de Blautia). Restait à comprendre les mécanismes d’inhibition en jeu. C’est en partie chose faite avec les travaux récemment publiés dans Nature par des chercheurs américains.

Un lantibiotique semblable au conservateur E234

Au regard des résultats des expériences menées, BPSCSK parviendrait à réduire la croissance des ERV en sécrétant un lantibiotique, lequel serait similaire à la nisine-A, produite par Lactococcus lactis, et largement utilisé en agro-alimentaire comme conservateur (E234). Similaire, mais bien plus efficace et sélectif.

Plus efficace et sélectif in vivo

Bien que la croissance de l'ERV soit inhibée à la fois par BPSCSK et L. lactis in vitro, les choses s’avèrent bien différentes in vivo : seule BPSCSK est détectée dans le côlon (elle représente environ 25 % des bactéries présentes 5 jours après administration de CBBPSCSK), réduit la densité des ERV et inhibe les pathogènes à Gram+ tout en préservant les autres bactéries commensales intestinales ; a contrario, L. Lactis ne parvient pas à coloniser le tractus digestif et possède un spectre d’action plus large, sacrifiant certaines bactéries bénéfiques.

Un agent probiotique potentiel

Les résultats soulignent également que les gènes codant la synthèse du lantibiotique sont naturellement présents dans les microbiomes humains d’individus en bonne santé ; et que les espèces productrices de lantibiotiques inhibent les ERV. De plus, chez 22 patients à haut risque d'infection à ERV (car subissant une greffe de cellules hématopoïétiques), une abondance élevée de gènes codant pour le lantibiotique est associée à une densité réduite d'E. faecium. De même, chez les souris axéniques transplantées avec des préparations fécales provenant de ces patients, la résistance à la colonisation par ERV est corrélée à l'abondance du gène du lantibiotique. De quoi soutenir l’idée que les bactéries intestinales productrices de lantibiotiques réduisent la colonisation par ERV et représentent des agents probiotiques potentiels pour rétablir la résistance à ce pathogène.

 

*peptide bactérien de petit poids moléculaire doté d’une activité bactéricide produit par un grand nombre de bactéries à Gram +