Anorexie mentale : et si le déséquilibre du microbiote perturbait la guérison ?
Le cerveau des personnes souffrant d’anorexie mentale pourrait bien être sous l’influence du microbiote intestinal, selon une nouvelle étude. Une découverte qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles pistes de traitement centrées sur l’axe intestin-cerveau et ses effets sur la santé mentale.
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A propos de cet article
Restrictions alimentaires, peur maladive de prendre du poids, obsession des calories, déni de maigreur, boulimie, anxiété, dépression… L’anorexie mentale est un trouble des conduites alimentaires (TCA) grave qui a un impact considérable sur la santé du patient, affectant le comportement et le corps. Il est également particulièrement difficile à prendre en charge (lire encadré).
Les TCA en bref :
- Sont caractérisés par des comportements alimentaires différents de ceux habituellement adoptés par les personnes vivant dans le même environnement. 1
- Ces troubles sont importants et durables et ont des répercussions psychologiques et physique. 2
- Les symptômes : humeur instable, irritabilité, faible estime de soi, dépression, anxiété.
- Les 3 TCA principaux sont : l’anorexie mentale, la boulimie (crises compulsives d’ingestion de grandes quantités de nourriture suivies de crise de comportements compensatoires inappropriés tels que vomissement, jeûne ou pratique excessive d’exercices physiques) et l’hyperphagie (crises de boulimie, mais sans comportement compensatoire associé). 3
Chez les personnes touchées, on retrouve souvent une altération des fonctions cognitives, notamment de certaines capacités d’apprentissage indispensables à l’adaptation comportementale, qui pourrait freiner la guérison.
Une nouvelle étude suggère que ce trouble pourrait être liée aux changements qui se produisent dans le microbiote intestinal. 4
4 % des femmes et 0,3 % des hommes Seront touchés par l’anorexie au cours de leur vie. ⁵
Entre 14 et 17 ans C’est l’âge auquel se déclenche l’anorexie mentale (avec un pic à 16 ans). ⁶
Un microbiote moins diversifié
Les auteurs, des chercheurs de l’Université de Graz en Autriche, ont enrôlé 15 patientes souffrant d’anorexie mentale et 13 femmes témoins en bonne santé. Toutes ont été soumises à des tests visant à évaluer leurs capacités d’« apprentissage implicite » (lire encadré). En parallèle, leurs selles ont été analysées afin de déterminer la composition de leur microbiote intestinal.
Les calculs des chercheurs confirment que les patientes souffrant d’anorexie mentale présentent des scores d’apprentissage implicite inférieurs à ceux des volontaires en bonne santé. Mais le plus intéressant, c’est que ces scores sont liés à la composition du microbiote : plus ils sont élevés, plus les microorganismes sont diversifiés.
Quand le microbiote intestinal fait bugger le cerveau
Comment expliquer ce résultat ? On sait que le microbiote intestinal influence le fonctionnement du cerveau par le biais de l’axe intestin-cerveau. Il peut par exemple modifier les réponses au stress ou produire des messagers du cerveau (dopamine, sérotonine…) susceptibles d’influencer les capacités d’apprentissage.
L’anorexie mentale en bref ³ :
- C’est un TCA (Trouble du Comportement Alimentaire), un trouble psychiatrique.
- A ne pas confondre avec l’anorexie au sens médical, général, du terme : une perte d’appétit quelle qu’en soit la cause, qui est un symptôme et non pas une maladie.
- Les causes : facteurs génétiques, psychologiques, environnementaux, familiaux et socioculturels.
- Parfois associée à un trouble boulimique (absorption compulsive sur un temps court de grandes quantités de nourriture, suivie de vomissements provoqués).
- Risque important d’ostéoporose, d’infertilité, de dépression, de défaillance cardiaque et de suicide.
Dans cette étude :
Un score d’apprentissage élevé était par exemple associé à une augmentation des Bifidobacteria, des bactéries essentielles à la communication entre l’intestin et le cerveau. Celles-ci peuvent réduire l’anxiété et, ainsi, influencer les processus d’apprentissage.
1,5 à 3 ans C’est la durée moyenne d’une phase d’anorexie mentale. ⁶
20 % Des cas restent anorexiques toute la vie. ⁶
Un score faible était au contraire lié à une augmentation des bactéries Lachnospiraceae que plusieurs études ont associé à des troubles dépressifs susceptibles d’altérer le fonctionnement du cerveau et l’apprentissage implicite. Ces effets suggèrent un lien fort entre microbiote, comportement et santé mentale dans les maladies telles que l’anorexie.
L’apprentissage implicite, c’est quoi ?
L’apprentissage implicite se produit sans en avoir conscience et sans intention d’apprendre 7. Il n’implique pas des efforts de mémorisation ou de se concentrer sur des règles. Le fait de pencher son corps du côté où l’on tourne quand on fait du vélo est par exemple le fruit d’un apprentissage implicite. Il est différent de l’apprentissage explicite associé à l’acquisition de connaissances théoriques, de règles ou de principes.
Vers un traitement de l’anorexie à base de probiotiques ?
Cette découverte est particulièrement intéressante, car elle pourrait apporter une explication au fait que la psychothérapie, qui repose en partie sur l’apprentissage implicite, n’est pas toujours efficace pour prendre en charge les patients anorexiques.
Si elle est confirmée, il pourrait être un jour possible d’utiliser des probiotiques contenant des bifidobactéries pour mieux prendre en charge l’anorexie mentale.
En stabilisant l’axe intestin-cerveau, ceux-ci pourraient aider les femmes à retrouver une alimentation normale.
Anorexie : la piste du microbiote intestinal ?
1. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/anorexie-mentale/definition-frequence-causes#
2. https://www.camh.ca/fr/info-sante/index-sur-la-sante-mentale-et-la-dependance/troubles-des-conduites-alimentaires#
3. https://www.frm.org/fr/maladies/recherches-maladies-neurologiques/troubles-des-conduites-alimentaires/focus-troubles-conduite-alimentaires
4. Kipper JA, Wiener M, Horvath A, et al. Beyond the surface: gut microbiome and implicit learning in anorexia nervosa - A pilot study. J Psychosom Res. 2025 Jul;194:112164.
5. van Eeden AE, van Hoeken D, Hoek HW. Incidence, prevalence and mortality of anorexia nervosa and bulimia nervosa. Curr Opin Psychiatry. 2021 Nov 1;34(6):515-524.
6. Inserm
7. Université Bourgogne Franche-Comté