De récents travaux explorent pour la première fois les versants fongique et viral des perturbations du microbiote intestinal chez des patients atteints de cancer colorectal. De nouvelles pistes diagnostiques et thérapeutiques pourraient en découler.
Majoritairement centrée sur les populations bactériennes, la recherche sur le cancer colorectal (CCR) s’élargit peu à peu aux autres micro-organismes (espèces fongiques et virus). Une étude réalisée par une équipe hongkongaise s’est focalisée sur les spécificités du mycobiome chez des patients atteints de cancer colorectal. Après analyse des selles de 73 patients et 92 individus sains, les chercheurs ont pu observer une signature fongique chez les malades : un ratio augmenté Basidiomycota / Ascomycota (deux phyla les plus abondants du mycobiome humain), bien que la richesse et la diversité fongiques soient restées inchangées.
Levures opportunistes et protectrices
Plus spécifiquement, 6 genres fongiques étaient enrichis dans les selles de patients souffrant de CCR, et parmi eux certains pathogènes opportunistes comme Acremonium (Ascomycota) et Rhodotorula(Basidiomycota). De même pour la levure Malassezia (Basidiomycota), qui est normalement observée au niveau cutané et impliquée dans la dermatite atopique, entre autres. Elle serait donc capable de colonisation intestinale par un mécanisme similaire à celui qu’utilise Candida albicans (Ascomycota). Certaines espèces d’Aspergillus étaient également plus abondantes chez les malades, notamment A. flavus, productrice d’aflatoxine et potentiellement cancérigène. A l’inverse, la levure Saccharomyces cerevisiae, connue pour coloniser le microbiote digestif et aux propriétés anti-inflammatoires et régulatrices du système immunitaire, était diminuée chez les patients cancéreux, ce qui en ferait une piste thérapeutique potentielle selon les auteurs. Ces dysbioses fongiques ont été validées par la même équipe dans deux autres cohortes, et pourraient donc constituer des biomarqueurs diagnostiques.
Rôle indirect des bactériophages ?
Dans une autre étude, des chercheurs nord-américains ont analysé les selles de 30 patients atteints de carcinome, 30 porteurs d’adénome et 30 sujets sains. Ils ont observé que la diversité et la richesse virales n’étaient pas altérées chez les patients porteurs de carcinome / adénome, et ont mis en lumière le rôle de certains bactériophages (appartenant aux famille Siphoviridae et Myoviridae,entre autres) dans la carcinogénèse colorectale. Selon les scientifiques, certains perturberaient les populations bactériennes du côlon et seraient associés à la progression tumorale : en entretenant la lyse bactérienne, ils permettraient aux espèces opportunistes ancrées à l’épithélium de produire un biofilm favorisant la pénétration dans la lumière intestinale des bactéries oncogènes qui déclencheront la réponse immunitaire inflammatoire. A moins que ce ne soit les bactéries elles-mêmes qui influent sur le virome, et non l’inverse… ? Des hypothèses subsistent et de nombreux éléments restent à préciser, l’enjeu étant d’enrichir l’arsenal diagnostique et thérapeutique du troisième cancer le plus diagnostiqué au monde en 2018.
Jusqu’alors réservé aux personnes intolérantes à cette protéine, le régime sans gluten séduit de plus en plus d’adultes en parfaite santé, convaincus de ses bienfaits. Mais qu’en est-il réellement ? Faut-il manger moins de gluten pour être en meilleure santé ? Une équipe danoise s’est penchée sur la question...
Composant majeur du blé, de l’orge et du seigle, le gluten est un mélange de protéines, pour la majorité insolubles et indigestes. Elles s’accumulent alors dans l’intestin où elles peuvent interagir avec le système immunitaire, affectant la perméabilité intestinale et modifiant l’activité du microbiote. Seule la véritable intolérance au gluten, appelée « maladie cœliaque », impose une exclusion définitive du gluten de son alimentation.
Régime pauvre vs. riche en gluten
Face à l’engouement de la population générale pour le régime sans gluten, des chercheurs ont mené une étude auprès de 60 adultes en parfaite santé, comparant un régime alimentaire pauvre en gluten à un régime riche en gluten (respectivement 2 et 18 g par jour). D’une durée de huit semaines chacun, les deux régimes étaient séparés par une période d’au moins six semaines de reprise d’une alimentation habituelle (12 g de gluten par jour). Dans les deux groupes, les apports étaient équivalents (nombre de calories et de nutriments, quantité de fibres alimentaires) et les régimes ne différaient que par la nature des fibres ingérées.
Des bienfaits aux causes inattendues
Les résultats montrent que le régime sans gluten a modifié la composition du microbiote intestinal, (baisse notable de la quantité de bifidobactéries), mais a surtout modulé son activité. Les participants ont rapporté un meilleur confort digestif et moins de ballonnements, ainsi qu’une modeste perte de poids. Une très légère baisse de l’inflammation a par ailleurs été observée, témoignant d’un impact sur le système immunitaire. Autant d’arguments en faveur d’un régime pauvre en gluten ? Pas si sûr : davantage qu’à une moindre consommation de cette protéine, il semblerait que ces bienfaits soient dus à la plus grande diversité des fibres ingérées. Car exclure les produits contenant du gluten oblige à se tourner vers d’autres sources de fibres comme les légumes, le riz, le maïs ou encore le quinoa. Or d’après les chercheurs, c’est la composition de ces fibres, et non l’éviction du gluten, qui aurait un impact positif sur le microbiote. Pas question pour autant d’inciter la population générale à suivre un régime pauvre en gluten, préviennent les chercheurs. Mais elle a tout à gagner à diversifier davantage son alimentation, comme le rappellent régulièrement les nutritionnistes...
Lea B.S. Hansen et al. A low-gluten diet induces changes in the intestinal microbiome of healthy Danish adults. Nature communications (2018) 9:4630. DOI: 10.1038/s41467-018-07019-x www.nature.com/naturecommunications
Un accouchement par voie basse facilite la transmission du microbiote maternel, dont la composition participe au développement du système immunitaire du nouveau-né, notamment via la voie de biosynthèse des lipopolysaccharides.
19,1 % des accouchements mondiaux sont réalisés par césarienne. Un chiffre qui s’élève à 25 % pour l’Europe et pose question, puisque ce mode d’accouchement est fréquemment pratiqué pour des raisons de confort et non d’impératif médical. On sait déjà que le mode de délivrance impacte la composition du microbiote intestinal du nouveau-né, principalement via le contact éventuel avec la flore vaginale, cutanée (parfois même fécale) de la mère et l’utilisation d’antibiotiques en cas de césarienne. Les premiers jours post-partum représentant une fenêtre critique pour le développement du système immunitaire néonatal, une équipe internationale s’est intéressée au type de bactéries intestinales transmises de la mère à l’enfant selon le type d’accouchement, et a complété l’analyse par l’étude des gènes bactériens pour évaluer leurs fonctions.
Voie basse : stimulation de la voie de synthèse des LPS
Dans cette étude réalisée chez 33 nouveau-nés, le principal constat est le suivant : l’accouchement par voie basse s’accompagne chez le nouveau-né d’une surabondance de bactéries à Gram-négatif (Bacteroides et Parabacteroides) semblant être à l’origine de fonctions physiologiques renforcées. D’autre part, un accouchement par césarienne favorise le contact du nouveau-né avec les micro-organismes maternels cutanés et la transmission de Staphylococcus, retrouvés plus abondamment dans les selles des nourrissons venus au monde de cette manière. Les chercheurs expliquent que l’abondance de ce type de bactéries chez les nourrissons nés par voie basse serait liée à une stimulation accrue de la voie de biosynthèse des lipopolysaccharides (LPS), des composants de la membrane externe des bactéries Gram-négatif, comparativement à ceux nés par césarienne. Ces LPS, qui sont des endotoxines, favorisent la production de cytokines pro-inflammatoires (TNF-a et d’IL-18) dans le plasma, qui se retrouvent à des taux plus élevés chez les nourrissons nés par voie basse.
Potentiel immuno-stimulateur confirmé in vitro
L’extraction de LPS des selles de nourrissons nés par césarienne et par voie basse en vue de stimuler in vitro des cellules immunitaires humaines primaires a confirmé que l’accouchement par césarienne s’accompagne d’une moindre production de TNF-a et d’IL-18. Ceci confirme le moindre potentiel immuno-stimulateur du microbiote intestinal des enfants nés par césarienne non exposés aux bactéries vaginales de leurs mères, et ainsi la transmission verticale limitée de certaines souches bactériennes au nourrisson. Un facteur qui pourrait avoir des répercussions tout au long de la vie en termes d’augmentation du risque de développer des troubles inflammatoires, immunitaires, métaboliques, voire des maladies chroniques. Ces résultats nécessitent néanmoins d’être confirmés sur de plus grosse cohortes avec un suivi à plus long terme afin de mieux comprendre l’effet de l’exposition microbienne précoce sur les réponses immunitaires innées et adaptatives.
Avant la puberté, on peut transpirer des litres de sueur et continuer à sentir (relativement) bon. Après, c’est une autre histoire ! Pourquoi la sueur devient-elle malodorante à partir de l’adolescence ? Des chercheurs asiatiques se sont penchés sur la question, source de mal-être chez bon nombre de jeunes.
On sait que l’odeur corporelle est principalement due à la décomposition bactérienne des constituants naturels de la transpiration, produite par les glandes sudoripares. Mais on ignore les espèces impliquées et les mécanismes en jeu chez les jeunes. Des chercheurs ont donc recruté des enfants prépubères (5-9 ans) et adolescents (15-18 ans), chez lesquels ils ont analysé des échantillons de sueur sécrétée au niveau des aisselles, de la nuque et du crâne, 1h après une douche, suite à un effort, puis 7 heures après.
A chaque espèce son odeur
À tout moment, les adolescents dégageaient une odeur plus forte que celle produite par les enfants, surtout au niveau des aisselles. Si la sueur des plus jeunes se caractérisait par une odeur plutôt aigre, c’est celle du soufre qui dominait chez les ados après un effort physique. Au niveau du crâne, quel que soit l’âge, c’est l’odeur de gras qui chatouillait les narines. Des différences qui soulignent l’hétérogénéité des espèces du microbiote cutané à l’origine des mauvaises odeurs, et surtout l’influence de certaines, estiment les chercheurs.
A quoi sont dues les mauvaises odeurs ?
Deux espèces peuplent abondamment la nuque et le crâne : l’une est majoritaire chez les enfants ; l’autre domine chez les ados, reflétant les changements d’activité des glandes sudoripares à la puberté. Mais la principale découverte, c’est le rôle majeur que jouent les staphylocoques dans l’odeur corporelle des jeunes - rôle tenu par les corynébactéries chez l’adulte. L’odeur soufrée sous les aisselles des ados ? Sans doute due à la production acide de la bactérie Staphylococcus epidermidis. L’aigreur émanant de la nuque des enfants ? C’est Staphylococcus hominis qu’il faut incriminer.
Des déodorants spécialement conçus pour les ados ?
Pour les scientifiques, le passage d’une transpiration plutôt aigre chez l’enfant à une transpiration plutôt soufrée chez l’ado semble refléter la réorganisation des espèces au sein du microbiote cutané à la puberté. Une découverte qui pourrait être utile aux fabricants de déodorants, jusqu’alors élaborés pour contrôler les mauvaises odeurs chez les adultes et non chez les adolescents.
Un premier essai mené sur 2 patients montre qu’une allogreffe de microbiote fécal permettrait de résorber les colites réfractaires causées par les traitements inhibiteurs de checkpoints immunitaires. Une piste à explorer dans un contexte d’essor de l’immuno-oncologie.
Les dernières avancées thérapeutiques en oncologie doivent beaucoup aux inhibiteurs de checkpoints immunitaires (ICI), des anticorps monoclonaux ciblant actuellement CTLA-4, PD-1 et PD-L1*. Nettement moins toxiques que les chimiothérapies, les premiers traitements sur le marché présentent néanmoins des effets indésirables immuno-médiés, en particulier la survenue de colites réfractaires. La prise en charge optimale de ce type de troubles restant à déterminer, une équipe américaine s’est penchée sur l’intérêt de la transplantation de microbiote fécal (TMF). Objectif : lutter contre la dysbiose entraînée par les ICI et favoriser les mécanismes bactériens de lutte contre les phénomènes inflammatoires locaux.
De premiers résultats prometteurs
L’analyse des populations bactériennes avant la transplantation fécale chez les deux patients a mis en évidence l’absence de bactéries protectrices (appartenant aux classes Bacteroidia et Verrucomicrobiae). Le premier patient est une femme de 50 ans traitée pour carcinome urothélial métastatique résistant à la chimiothérapie et hospitalisée pour colite ulcéreuse après initiation d’un traitement par ICI. Les symptômes de la colite étant résistants aux traitements standards, elle a reçu par coloscopie une dose unique de fèces en provenance d’un donneur sain. Résultat : une disparition progressive et rapide (36 jours) des symptômes coliques, confirmée par endoscopie. Le second patient, âgé de 78 ans, était traité par ICI pour cancer de la prostate résistant à la chimio- et à l’hormonothérapie. Après avoir développé une colite associée à l’immunothérapie et résistante à tous les traitements standards, il a reçu deux doses de fèces du même donneur sain, espacées de 67 jours. La première greffe a induit une réduction partielle des symptômes cliniques, qui ont totalement disparu après la seconde intervention, endoscopie à l’appui.
Une évolution post-transplantation
Des analyses d’échantillons fécaux collectés au fil de l’étude mettent en exergue une évolution des populations du microbiote intestinal post transplantation. Bien que la diversité reste stable, la richesse bactérienne augmente chez les deux patients d’une manière transitoire et le microbiote du receveur se rapproche de celui du donneur dans les jours suivant la transplantation. Immédiatement après la TMF, les receveurs se voient de nouveau colonisés par des bactéries appartenant aux genres Bifidobacterium et Blautia, reconnues pour abroger la toxicité des ICI dans un modèle murin et associées à la réduction de l’inflammation intestinale. Ces résultats préliminaires mériteront d’être étoffés ; ils laissent entrevoir une réponse à des besoins thérapeutiques appelés à croître au même rythme que l’utilisation des ICI.
*Respectivement Cytotoxic T-lymphocyte-associated antigen 4, Programmed cell death protein 1 et Programmed cell death ligand 1
En mars 2015, des astronautes ont découvert 5 souches bactériennes résistantes aux antibiotiques dans les toilettes et la salle de gym de la station spatiale internationale (ISS).
Si cette découverte peut faire sourire, les chercheurs de la NASAla prennent, quant à eux, très au sérieux. Dans la revue BMC Microbiology, une équipe du prestigieux centre de recherche aérospatial explique que la présence de ces bactéries pourrait représenter un danger à l’avenir pour les astronautes lors de longues missions dans l’espace, voire durant les premiers vols habités en direction de la planète Mars. Il serait, en effet, impossible de faire demi-tour pour soigner les personnes infectées lors de ce long voyage de 260 millions de kilomètres.
Des souches résistantes…
En étudiant l’ADN de ces 5 bactéries, les scientifiques ont découvert qu’elles présentaient de fortes similitudes avec 3 souches d’entérobactéries (présentes dans les intestins) isolées récemment sur Terre en Tanzanie et aux Etats-Unis. Responsables de graves infections nosocomiales chez les personnes affaiblies sur le plan immunitaire et chez les nourrissons, ces dernières font partie d’une espèce bactérienne connue pour être hautement pathogène et résistante à de nombreux antibiotiques. D’ailleurs, les souches retrouvées dans la station spatiale internationale étaient elles aussi résistantes à de nombreux antimicrobiens (pénicilline par exemple), « des antibiotiques pris par les astronautes depuis plus de 20 ans », soulignent les chercheurs.
… mais inoffensives jusque là
Heureusement, il s’avère que ces souches n’étaient pas virulentes, et que de ce fait elles ne menaçaient pas la santé des astronautes. Mais elles pourraient très probablement acquérir une capacité de nuisance (79% de risque) sous certaines conditions (à déterminer) comme la très faible pesanteur qui règne dans l'ISS : plusieurs études ont suggéré que cette condition peut accroître la virulence des bactéries et leur résistance aux antibiotiques, ou influencer la croissance ou la taille des micro-organismes. Cette étude rappelle par ailleurs que la station spatiale internationale n’est pas stérile : les astronautes viennent à bord avec leurs microbes, et d’autres germes peuvent être introduits via les cargaisons de nourriture ou de matériel envoyées à la station.
Singh NK, Bezdan D, Checinska Sielaff A, et al. Multi-drug resistant Enterobacter bugandensis species isolated from the International Space Station and comparative genomic analyses with human pathogenic strains. BMC Microbiol. 2018 Nov 23;18(1):175.
Certains antibiotiques utilisés en soins intensifs seraient à l’origine d’une dysbiose intestinale favorisant la croissance de Pseudomonas aeruginosa résistant aux carbapénèmes, en tête des phénomènes d’antibiorésistance.
Les patients en unité de soins intensifs (USI) sont particulièrement exposés au risque de dysbiose intestinale, elle-même promotrice d'infections par des bactéries opportunistes ou des pathogènes extérieurs. Ce phénomène favorise l’émergence d’antibiorésistance chez des patients souvent soumis à de lourds traitements antibiotiques. Ceci est particulièrement vrai de Pseudomonas aeruginosa, pour laquelle l'OMS classe comme critique la nécessité de développer de nouveaux antibiotiques.
Une bactérie particulièrement résistante
P. aeruginosa présente notamment une résistance inquiétante aux carbapénèmes (estimée à 25 % en France et à 28 % aux Etats-Unis). Une équipe nord-américaine s’est penchée sur le lien entre dysbiose intestinale, antibiothérapie et colonisation par P. aeruginosa résistant aux carbapénèmes (CRPA) chez 109 patients admis en soins intensifs et répartis en trois groupes : un groupe « contrôle » n’ayant reçu aucun antibiotique et n’ayant pas développé de CRPA, et deux groupes sous antibiotiques : l’un ayant développé un CRPA mais pas le second. Parmi les antibiotiques utilisés figuraient la vancomycine, molécule de référence anti (sidenote:
SARM
Staphylococcus aureus résistant à la Méticilline
), et l’association pipéracilline-tazobactam, à l’activité anti-anaérobique et anti-pseudomonale.
Fer de lance de l'arsenal thérapeutique moderne, les antibiotiques ont sauvé des millions de vie. En revanche, leur utilisation excessive et parfois injustifiée peut conduire à l'apparition de différentes formes de résistance chez les micro-organismes. Chaque année, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) organise la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW) afin de sensibiliser la population sur ce problème de santé publique. Lisez la page qui y est consacrée.
La combinaison pipéracilline-tazobactam s’est avérée nocive pour des bactéries bénéfiques telles Lactobacillus et Faecalibacterium, utilisées dans certains probiotiques, et Blautia,qui aiderait à la prévention de l’infection par Clostridium difficile. En parallèle, le traitement a favorisé la croissance des pathogènes opportunistes comme Enterococcus. La vancomycine, quant à elle, était associée à une diminution de Bifidobacterium. Au total, le risque de voir émerger des CRPA était près de trois fois plus élevé chez les patients ayant reçu l’un ou l’autre de ces traitements comparativement à ceux qui n’avaient reçu aucun antibiotique.
Qu'est-ce que la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens ?
Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.
Profiler les patients à risque
Les chercheurs ont également identifié certaines bactéries protectrices face au CRPA, parmi lesquelles Peptoniphilus, Prevotella et des bactéries appartenant à l’ordre des Clostridiales, qui pourraient être utilisées comme biomarqueur chez les patients en soins intensifs afin d'adapter l'antibiothérapie en cas de présence avérée de CRPA ou de signes d'infection. Les auteurs notent toutefois que certaines de ces bactéries protectrices comme Finegoldia, Anaerococcus et Peptoniphilus, ont déjà été associées à des infections et des plaies chroniques. Avant toute application clinique, les recherches devront donc être poursuivies et inclure d’autres microbiotes (cutané et respiratoire) ainsi que d’autres sites potentiels de colonisation.
Nous vous présentons le Professeur Sørensen, lauréat de la bourse internationale 2022 de la Biocodex Microbiota Foundation.
Son équipe a été la première à lancer une étude ambitieuse sur le résistome de 700 enfants, qui permettra de faire un pas de géant dans la compréhension de l'évolution et de la dissémination de la résistance aux antibiotiques dans l'intestin humain au cours de la petite enfance.
L'allaitement joue un rôle majeur dans le développement du microbiote des nourrissons dans l’intestin et la bouche. Cela s'avère particulièrement important pour les prématurés : donner le sein le plus rapidement possible favoriserait l'apparition d'un écosystème protecteur.
Allaiter son enfant est une pratique encouragée par l'Organisation Mondiale de la Santé. Elle est d'autant plus recommandée si le nourrisson est né prématurément. Un phénomène loin d'être rare, puisqu'il concerne plus de 50 000 naissances par an en France. Une étude italienne confirme les bénéfices de l'allaitement sur le microbiote (intestinal et buccal) de ces bébés venus au monde trop tôt. Des bienfaits qui pourraient se répercuter sur leur santé, à court et long termes.
L’allaitement et ses bénéfices
L'équipe s'est penchée sur le lien entre le lait maternel, le fait d'allaiter, et la composition des microbiotes buccal et intestinal du bébé. Pour cela, 16 couples mère-enfant ont été suivis pendant au moins un mois. Chez les prématurés, la tétée n'est pas possible les premiers jours. Une particularité qui a permis de comprendre l'impact du lait humain, distinct de celui de l'allaitement : donner le sein semblerait avoir un effet sur la composition microbienne du lait. Celui examiné dans les premiers jours suivant l'accouchement, prélevé à l'aide d'une pompe, présente une moindre diversité et abrite plus de bactéries de la famille des staphylocoques. Même constat pour celui issu de donneuses. A l'inverse, celui prélevé lorsque les enfants étaient nourris au sein est bien plus riche en « bonnes » bactéries, sans que l’on sache pourquoi.
Un microbiote « à l’équilibre »
Ce constat aurait un impact sur la construction du microbiote des nourrissons. Durant leur première semaine de vie, les enfants nourris au biberon contenant du lait maternel ont des microbiotes intestinal et buccal bien différents de celui des autres nourrissons et dominés par des staphylocoques, comme ceux de leur mère. Mais lorsqu'ils sont allaités, leurs microbiotes (buccal et intestinal) contiennent davantage de « bonnes » bactéries . La diversité est alors similaire à celle retrouvée chez des enfants nés à terme, allaités par leur mère et en bonne santé. Si le lait maternel est essentiel, cette étude suggère que le geste d'allaiter est au moins aussi important pour le microbiote du prématuré, considéré alors comme « équilibré ». Cela pourrait favoriser le bon développement du système immunitaire, de la fonction digestive... ou encore protéger ces bébés contre des maladies infantiles sévères.
Faire griller ou rôtir ses aliments serait plus bénéfique pour le microbiote intestinal que la cuisson à l’eau, selon une étude inédite à paraître dans la revue Journal of Agriculture and Food Chemistry.
Parmi tous les facteurs susceptibles d’influencer les micro-organismes hébergés dans notre système digestif, l’alimentation arrive largement en tête. C’est elle qui, à partir des substances non digérées et absorbées par l’intestin (comme les fibres, l’amidon, certaines protéines et acides gras...), fournit aux bactéries et autres germes de la flore les substrats dont ils ont besoin pour se développer, qu’ils transforment ensuite en molécules bénéfiques ou néfastes pour la santé.
Cuisson = modulation
Partant de l’hypothèse selon laquelle l’intensité de la chaleur propre à chaque technique culinaire génère des composés chimiques différents (et par conséquent module à sa manière la composition du microbiote), des chercheurs espagnols ont mené une expérience originale : ils ont cuit cinq types d’aliments (poulet, banane, poivron rouge, pain et pois chiches) selon cinq modes de cuisson différents (à la poêle, à l’eau, au grill, rôti et toasté), puis les ont soumis à une digestion et une fermentation in vitro, mimant l’action de l’intestin grêle et du côlon. Pour évaluer les effets de la cuisson, ils ont analysé la quantité de trois substances produites au cours de la (sidenote:
Réaction chimique qui survient lors de l’interaction des sucres et des protéines dès qu’un aliment est chauffé à 145°C et plus.
La furosine, le furfural et l’hydroxyméthylfurfural (HMF) sont des composés produits lors de cette réaction
). Ils ont ensuite analysé la composition microbienne des aliments et mesuré la production d’acides gras à chaîne courte (ou AGCC) ; particulièrement bénéfiques pour la santé, ces substances nous protégeraient de l’obésité, du syndrome métabolique ou encore du cancer colorectal.
Des effets différents selon les aliments
De manière générale, les modes de cuisson intense, comme faire griller ou rôtir, entraînent la production d’acides gras à chaîne courte et augmentent la teneur des aliments en bactéries protectrices ; mais le constat semble inverse pour certains aliments comme le pain et la banane, dont la cuisson intense diminue le nombre de bactéries bénéfiques pour la santé. Ces résultats montrent que la cuisson, en modifiant la composition des aliments, module celle du microbiote intestinal. Mais toutes les techniques culinaires ne se valent pas, et surtout, leur impact varie selon la nature de l’aliment, concluent les auteurs.
Pérez-Burillo S, Pastoriza S, Jiménez-Hernández N, D'Auria G, Francino MP, Rufián-Henares JA. Effect of Food Thermal Processing on the Composition of the Gut Microbiota. J Agric Food Chem. 2018 Oct 31;66(43):11500-11509
Une étude vient de montrer que la flore intestinale pourrait jouer un rôle dans la formation des calculs rénaux. Les patients aux antécédents de lithiase rénale à répétition abriteraient une moins grande proportion de bactéries digestives dégradant l’oxalate.
Une équipe italienne a étudié le microbiote intestinal de 52 patients ayant eu au moins deux épisodes symptomatiques de calculs rénaux constitués à plus de 80% de cristaux d’oxalate de calcium (groupe C+), et l’a comparé à celui de 48 témoins sains. Ce type de calcul est identifié dans 70 % des coliques néphrétiques, généralement sans cause primitive retrouvée. Seule l’alimentation (apports de calcium et d’oxalate trop importants) est actuellement incriminée dans la genèse de ces lithiases idiopathiques, souvent récidivantes. L’implication du microbiote intestinal avait déjà été suggérée par une étude mettant en évidence la capacité d’une bactérie intestinale (Oxalobacter formigenes)à dégrader l’oxalate, réduisant ainsi son absorption et son excrétion urinaire.
Genres bactériens impliqués dans l’oxaliurie
Ces nouveaux travaux étayent l’hypothèse : les échantillons du groupe C+ comprenaient une diversité plus faible et sur le plan taxonomique une représentation significativement inférieure de trois genres : Faecalibacterium, Enterobacter, Dorea. En revanche, la proportion d’Oxalobacter formigenes détectée dans chaque échantillon était très faible, et sans différence entre les groupes. Les scientifiques ont ensuite recherché une éventuelle différence d’activité de dégradation oxalique. Cinq échantillons de chaque groupe ont été testés par une méthode de séquençage spécifique ciblant les gènes impliqués dans la dégradation de l’oxalate. Les échantillons du groupe C+ contenaient une proportion réduite de ces gènes inversement corrélée à l’oxaliurie des 24h et à son excrétion dans les selles. Cette approche génétique a également permis d’identifier pour la première fois des bactéries et des archées porteuses de gènes impliqués dans la dégradation de l’oxalate (Escherichia coli entre autres) qui étaient plus représentées dans le groupe de témoins sains.
Modulation du microbiote : une piste d’avenir ?
Les études antérieures n’avaient pas permis de montrer l’efficacité de prébiotiques et de probiotiques ciblés sur Oxalobacter formigenes pour prévenir la récidive des calculs. Selon les chercheurs, cet échec pourrait provenir de l’implication d’autres espèces dans l’équilibre oxalo-calcique. C’est pourquoi ces travaux fournissent de nouvelles pistes de recherche sur l’axe intestin-rein et sur la pathophysiologie de la lithiase rénale. Ils devraient permettre d’évaluer de nouvelles stratégies thérapeutiques en lien avec la modulation du microbiote intestinal.