Rotavirus et norovirus en cause

Mais par quoi sont causés ces troubles ? Parmi les agents infectieux responsables de la gastroentérite virale, deux virus se distinguent par leur virulence : le rotavirus et le norovirus, qui monopolisent les statistiques. La composition du microbiote intestinal qu’ils vont désorganiser, ainsi que le patrimoine génétique de chacun, jouent probablement un rôle dans la vulnérabilité individuelle.

Le microbiote intestinal Gastroentérite infectieuse

Tous âges confondus, les gastroentérites sont essentiellement dues au norovirus. Mais chez les moins de cinq ans, les infections à rotavirus sont la première cause de diarrhée sévère et aiguë à travers le monde. Les pays pauvres paient le plus lourd tribut, malgré l’existence de vaccins et d’antiviraux.

Identifié en 1973, le rotavirus doit son nom à son architecture particulière en forme de roue3. Il en existe dix espèces différentes, dont la plus commune est la A. En plus de la diarrhée – non sanglante et de courte durée à la différence des diarrhées bactériennes –, l’infection provoque des vomissements qui contribuent à la déshydratation des patients et peuvent entraver l’efficacité des traitements. L’infection par rotavirus est en général plus sévère que les diarrhées provoquées par les autres agents infectieux : fièvre, malaises et fatigue traduisent la réaction défensive de l’organisme en réponse à l’infection. Au-delà d’une semaine ou si les diarrhées / vomissements s’aggravent, une consultation médicale et un traitement spécifique s’imposent. Possible tout au long de l’année, la transmission du rotavirus se fait essentiellement par contact direct ou indirect avec des personnes contaminées. Les complications sont rares mais possibles : s’il pénètre dans la circulation sanguine, l’agent peut provoquer des infections extra-intestinales, essentiellement neurologiques (méningite, encéphalite, encéphalopathie). L’introduction de la vaccination en 2006 à travers le monde a eu deux conséquences dans les pays riches : le vieillissement des personnes infectées (désormais des adolescents ou des personnes âgées de plus de 70 ans), et la saisonnalité des épidémies.

Gare à l’alimentation et à la proximité10 !

Extrêmement contagieux, hautement infectieux et relativement résistants aux désinfectants, les norovirus se transmettent essentiellement par l’ingestion d’aliments ou d’eau infectés, ou par contact avec des objets contaminés ou des personnes malades ; une contamination par voie aérienne est également possible. De simples cas isolés peuvent rapidement conduire à des épidémies dans les espaces confinés (bateaux de croisière, centres de soins, hôpitaux...) et les formes aiguës peuvent entraîner des complications intestinales graves (syndrome du côlon irritable post infectieux, une déshydratation sévère potentiellement mortelle, etc.) Dans les autres cas, les gastroentérites à norovirus durent entre un et quatre jours et entraînent les mêmes symptômes que celles dues à un rotavirus : douleurs abdominales, nausées, vomissements et diarrhées non sanglantes. Elles guérissent en général spontanément, mais l’élimination du virus peut prendre plusieurs mois chez les porteurs sains (infectés mais ne présentant aucun symptôme), et même plusieurs années chez les personnes dont les défenses immunitaires sont en berne ; devenant malades chroniques, ces dernières deviennent probablement des réservoirs épidémiques.

20 millions de gastroentérites à norovirus par an aux États-Unis (coût : 60 milliards de $)

42 % de baisse de la mortalité depuis l’introduction du vaccin anti-rotavirus (2006)

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La piste probiotique

Bien qu’ils ne fassent pas partie du traitement standard des gastroentérites, les probiotiques7 pourraient bien avoir leur place dans la prise en charge des patients souffrant de diarrhée aiguë, sous réserve que la/les souche(s) utilisée(s) ai(en)t été identifiée(s) comme apte(s) à agir sur les symptômes.

Le microbiote intestinal Gastroentérite infectieuse Les probiotiques

Le recours aux probiotiques connaît une forte progression depuis plusieurs années. Les travaux de plus en plus nombreux sur ces micro-organismes «  bienfaiteurs  » ont largement contribué à cette tendance. Mais n’est pas «  probiotique  » qui veut : il faut survivre dans le tube digestif, résister à l’acidité gastrique et aux enzymes digestives, peupler temporairement l’intestin et avoir montré patte blanche : seuls les micro-organismes qui ne se dégradent pas, inoffensifs pour l’organisme et capables d’atténuer les symptômes peuvent prétendre à l’appellation. Ils sont généralement vendus sous forme de compléments alimentaires ou de médicaments, selon leur degré d’action sur les signes et leur innocuité. Composés d’une ou plusieurs souches ou d’un mélange de plusieurs espèces, ils se présentent sous diverses formes : gélules, poudres à diluer, poudres orodispersibles, comprimés...

Deux espèces sur le podium

Une revue de la littérature scientifique évaluant l’intérêt des probiotiques dans la prévention et le traitement des troubles gastro-intestinaux pédiatriques montre que les bénéfices semblent propres à chaque souche et dépendent de la nature de l’infection8. Pour l’heure, deux micro-organismes semblent agir efficacement sur les symptômes des gastroentérites en réduisant leur durée : la levure Saccharomyces boulardii ainsi que la bactérie Lactobacillus rhamnosus GG (LGG). De façon générale, ces probiotiques amélioreraient les symptômes d’une manière d’autant plus efficace qu’ils sont administrés à un stade précoce de l’infection, et que celle-ci est d’origine virale. En cas de diarrhée associée à la prise d’antibiotiques, S. boulardii et L. rhamnosus GG auraient aussi une action bénéfique. Concernant la prévention des rechutes lors des infections à Clostridium difficile et la prévention de la diarrhée du voyageur, seul S. boulardii agirait sur les symptômes.

Plus vite sur pieds !

En cas de gastroentérite à rotavirus, ces probiotiques réduisent d’un jour ou deux la durée de la diarrhée2. Ils agiraient en diminuant le taux de molécules favorisant le processus inflammatoire, en stimulant la réponse immunitaire et en favorisant la prolifération et/ou la migration des cellules de l’intestin chargées du transport des nutriments, facilitant ainsi l’absorption du glucose – et donc de l’eau. Au-delà de la prévention des diarrhées chez les enfants sous antibiotiques ou hospitalisés, ces souches (S. boulardii entre autres) préviennent 85 % des épisodes diarrhéiques liés à la consommation d’aliments ou d’eau contaminés9 (diarrhée du voyageur). Pour être efficaces, ces traitements doivent être pris quelques jours avant le départ et pendant toute la durée du voyage, voire après.

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L’alimentation, un facteur-clé

Virus, bactéries, parasites... les causes des infections gastro-intestinales sont multiples. Leur principal symptôme ? La diarrhée, qui déshydrate l’organisme. La plupart du temps, il s’agit d’infections aiguës, qui cessent spontanément dans les cinq jours grâce à des traitements symptomatiques, et qui ne récidivent pas. Certains cas peuvent pourtant être d’emblée sévères ou se prolonger, et nécessitent alors un traitement spécifique. En cause : la virulence de certains germes ou de leurs substances toxiques, mais également leurs interactions avec le microbiote intestinal1, propre à chacun. Alors que faire ? Agir sur notre microbiote intestinal pourrait ouvrir la voie à des traitements préventifs et curatifs efficaces et répondre à l’enjeu sanitaire que les diarrhées infectieuses représentent.

Le microbiote intestinal Gastroentérite infectieuse L'alimentation

Première urgence dans le traitement de toute diarrhée aiguë : compenser les pertes en eau et en sodium et ralentir le transit (sauf en cas de diarrhée hémorragique ou de forte fièvre). Mais maintenir des apports protéiques et caloriques suffisants importe également, de même que la prise d’oligo-éléments.

Buvez salé2,3 !

La réhydratation peut se faire soit par l’alimentation via la consommation abondante de boissons source de glucose, sodium, potassium et bicarbonates (eaux plate et gazeuse, certains sodas), associée à celle de produits salés et riches en glucose (riz, pâtes…), soit en cas de nausées par des solutions de réhydratation orale (SRO) disponibles dans le commerce.

À l’inverse, il est préférable d’éviter l’eau du robinet, le bouillon de poulet, le jus de pommes et la grande majorité des sodas. La vigilance est de mise chez les seniors, moins sensibles à la soif ; face à une déshydratation sévère, la compensation des pertes nécessite d’être faite par voie intraveineuse. L’allaitement maternel doit être privilégié dans la mesure du possible chez les nourrissons. Pour ceux nourris au lait infantile, les formules sans lactose sont déconseillées car elles risquent de compromettre l’efficacité du traitement lorsqu’une antibiothérapie a été instaurée.

LA DIARRHÉE EN QUELQUES DONNÉES

En pratique, on parle de diarrhée lorsqu’il y a plus de trois selles molles ou liquides par jour. Selon l’OMS, il existe trois types cliniques de diarrhées :

  • liquides aiguës (qui durent plusieurs heures ou jours, comme celles provoquées par le choléra)
     
  • liquides avec émission de sang (également appelées dysenterie)
     
  • persistantes (à partir de 14 jours d’affilée)

Du zinc pour les enfants dénutris

L’Organisation Mondiale de la Santé conseille par ailleurs une supplémentation quotidienne en zinc durant deux semaines pour les enfants de plus de six mois souffrant de malnutrition ; une recommandation qui fait souvent défaut dans les pays à bas revenus où la consommation de viande (source de zinc) est faible4. Au niveau du tube digestif, le zinc restaure l’intégrité de la barrière intestinale et stimule l’immunité contre les germes responsables d’infections intestinales. Un double intérêt confirmé dans des études chez l’animal selon lesquelles un déficit chronique en zinc altère la composition et les fonctions du microbiote intestinal et accroît le risque d’infections gastro-intestinales.

Concrètement, donner des compléments alimentaires contenant du zinc aux enfants souffrant d’une diarrhée sévère raccourcit la durée de l’épisode. Une réserve toutefois : la démarche n’aurait que peu d’intérêt, rappellent les scientifiques, chez les enfants de moins de cinq ans souffrant de diarrhée sévère mais pas de déficit en zinc, d’autant plus que cette supplémentation peut augmenter le risque de vomissement lors de la prise initiale

2e cause de mortalité chez l’enfant de moins de cinq ans (525 000 décès annuels)

1,7 milliard d’enfants touchés dans le monde chaque année

> 90 % des infections mortelles surviennent dans les pays pauvres

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Le microbiote vaginal prédictif du risque d’accouchement prématuré ?

La composition bactérienne du microbiote vaginal serait corrélée au risque d’accouchement prématuré. Les femmes d’origine africaine semblent, à cet égard, davantage exposées. La recherche de biomarqueurs spécifiques permettrait de mieux anticiper et prévenir ce type d’incidents.

Le microbiote vaginal Microbiote fœtal : la fin d’une controverse ? Microbiote, allaitement et puberté précoce La transplantation fécale pour restaurer le microbiote des bébés nés par césarienne ?
Photo : The vaginal microbiota as a predictor of the risk of premature delivery

 

Avec environ 15 millions de cas annuels et une incidence mondiale supérieure à 10 %, l’accouchement prématuré (avant 37 semaines d’aménorrhée (SA)) est un enjeu de santé publique global et la seconde cause de décès néo-natal dans le monde. Les facteurs environnementaux, particulièrement le microbiote vaginal, joueraient un rôle important dans ce phénomène : une composition vaginale bactérienne homogène, à prédominance de Lactobacillus, serait synonyme de risque réduit de prématurité, tandis qu’une forte diversité semble liée à un risque accru.

Une « signature » du risque

Une équipe américaine a cherché à préciser le sujet en analysant le microbiote vaginal de 45 femmes (principalement d’origine Africaine) ayant accouché prématurément (<32 SA) puis en le comparant à celui de 90 femmes (d’origine ethnique variée) ayant mené leur grossesse à terme (≥37 SA). Les données collectées, couplées à celles issues d’une vaste banque de données américaine (12 000 échantillons) confirment l’hypothèse : une plus grande diversité bactérienne vaginale ainsi qu’une moindre abondance de Lactobacillus crispatus associée à la surabondance de certaines bactéries (BVAB1, Sneathia amnii, et Prevotella cluster 2) sont liées à un risque supérieur d’accouchement prématuré. Chez ces mêmes patientes, des échantillons collectés précocement (entre 6 et 24 SA) ont par ailleurs mis en évidence la présence accrue de Megasphaera type 1 et TM7-H1, des taxons déjà connus pour être associés à une mauvaise santé vaginale.

Améliorer le dépistage

Un modèle capable de prédire le risque d’accouchement prématuré en fonction de la présence de BVAB1, Sneathia amnii, et Prevotella cluster 2 en début de grossesse (< 24 SA) a donc été développé. Le rôle des bactéries en cause reste à éclaircir, mais elles pourraient être responsables de l’augmentation de certaines cytokines pro-inflammatoires susceptibles de déclencher prématurément le travail. Si la signature microbienne se retrouve majoritairement chez les femmes d’origine africaine incluses dans l’étude, des travaux complémentaires s’avèrent toutefois nécessaires pour généraliser le lien entre flore vaginale et accouchement prématuré. Couplées aux données cliniques et aux éventuels facteurs génétiques, les biomarqueurs bactériens, métaboliques et immunologiques pourraient faciliter le dépistage précoce du risque d’accouchement prématuré et la prise en charge des grossesses à risque.

 

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Le fœtus humain en plein bain bactérien ?

Des chercheurs ont confirmé la présence d’ADN bactérien dans le liquide amniotique de la femme enceinte et le tube digestif du fœtus. Ces micro-organismes pourraient impacter le développement in utero, notamment celui du système immunitaire du bébé.

Le microbiote intestinal L'alimentation
Actu GP : Le fœtus humain en plein bain bactérien ?

« Le fœtus grandit dans un environnement stérile ». Ce dogme autrefois immuable est remis en question à mesure que les experts identifient des traces d’ADN bactérien dans le liquide amniotique et le (sidenote: Méconium Premières « selles » du bébé, correspondant à l’évacuation du liquide amniotique absorbé in utero. Ce méconium permet d’identifier les micro-organismes tapissant le tube digestif du fœtus. ) , tous deux représentatifs du milieu intra-utérin. La présence de micro-organismes est d’autant plus importante à préciser qu’ils sont à même d’impacter le développement de l’immunité de l’enfant et façonner la constitution de son microbiote.

Une analyse ADN de pointe

Afin de confirmer l’existence de microbes et de les identifier, des chercheurs australiens ont analysé l’ADN bactérien présent dans le liquide amniotique de 50 femmes enceintes et celui du méconium de leurs enfants nés par césarienne programmée. Une procédure spécifique a permis de réduire au maximum le risque de « contamination parasite » (lors d’une manipulation par exemple) susceptible de fausser les résultats obtenus.

Des bactéries partout…

Les analyses ADN dévoilent au final des bactéries dans la grande majorité des échantillons étudiés, parfois communes aux deux milieux. Une espèce non pathogène domine dans le méconium : Pelomonas puraquae, sans que la raison de sa présence soit clarifiée (une contamination externe est envisagée, malgré les précautions prises). Le liquide amniotique contient pour sa part de l’ADN de bactéries commensales (« normales ») de la peau, principalement Propionibacterium acnes et des staphylocoques. Des molécules bénéfiques produites par les bactéries ont également été retrouvées dans le méconium, en particulier des acides gras à chaînes courtes, connus pour leurs effets protecteurs sur la santé. Autant de constats qui amènent à conclure que l’environnement fœtal n’est pas stérile et que la composition de son « microbiote » pourrait influer sur la future santé du bébé.

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Sources :

L. Stinson, M. Boyce, M. Payne, et al. The Not-so-Sterile Womb: Evidence That the Human Fetus Is Exposed to Bacteria Prior to Birth. Front Microbiol. 10 :1024. 2019

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Pr. Philippe SEKSIK: Vers une prise en charge inédite des mici

Médecin et chercheur à la fois, le Pr Philippe SEKSIK exerce au sein du service de gastro- entérologie et nutrition de l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP, Paris) et co-dirige l’unité de recherche « Microbiote, intestin et inflammation » au centre de recherche Saint-Antoine (UMRS_U938).

Le microbiote intestinal Antibiotiques et risque de MICI: Qu’en est-il chez l’adulte ? Le sang, indicateur de la diversité du microbiote intestinal ? Microbiote fœtal : la fin d’une controverse ?
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MICI paroles d'expert

VERS UNE PRISE EN CHARGE INÉDITE DES MICI

Comment diagnostiquer les MICI ?

À défaut de test disponible, le diagnostic de MICI passe par la convergence d’un faisceau de preuves, que le médecin doit rassembler pour confirmer l’inflammation et son caractère chronique. Dans le cas de la maladie de Crohn (MC), l’inflammation peut toucher l’ensemble du tube digestif, alors qu’elle se limite au rectum et au côlon dans la rectocolite hémorragique (RCH). Généralement, le diagnostic est posé par un spécialiste ; il s’avère relativement simple et est appuyé par une endoscopie et des biopsies, parfois une IRM de l’intestin. Rappelons qu’1 Européen sur 100 développera une MICI au cours de sa vie, ceux du Nord étant davantage atteints. Elles sont souvent détectées chez des patients jeunes : 28 ans en moyenne pour la MC ; une trentaine d’années pour la RCH, pour laquelle un second pic est observé à la cinquantaine, quelques mois après l’arrêt du tabac. Car si la cigarette aggrave la MC, elle limite paradoxalement les symptômes de la RCH.

« La piste du microbiote intestinal est incontestablement prometteuse »

Quelle prise en charge proposer aux patients ?

Toute la difficulté de la prise en charge de la MC et de la RCH repose sur l’ajustement du traitement de fond prévenant les dégâts anatomiques dus aux poussées successives de la maladie et à la nécessité de repousser au maximum toute intervention chirurgicale. Quant au traitement des poussées, il est important d’éviter le recours aux corticoïdes, responsables de trop d’effets secondaires, de morbidité et de mortalité chez nos patients. Un jeu qui s’avère subtil en l’absence de biomarqueur fiable de gravité clinique… Par ailleurs, le patient souffrant de MICI colique doit être surveillé de près pour valider l’absence de dysplasie (donc, à terme, de cancer) et pour éviter toute infection (tuberculose, herpès…) lors de la prescription d’un ou plusieurs immunosuppresseurs (surveillance sérologique et du calendrier vaccinal notamment). Enfin, il faut accompagner le patient dans sa vie quotidienne : études, voyages, sexualité, mariage, désir d’enfant, alimentation… car les MICI s’avèrent très invalidantes pour certains (30 à 50 %).

Le microbiote, un axe thérapeutique majeur pour aujourd’hui et demain ?

La recherche de nouvelles molécules, la prise en charge des poussées et le développement de stratégies de traitements font l’objet d’une recherche très active autour des MICI. Parmi elles, la piste du microbiote intestinal est incontestablement prometteuse : on commence à comprendre que c’est le microbiote intestinal qui déclenche et pérennise l’inflammation du système digestif. Un dialogue existe entre le microbiote et son hôte à travers de nombreuses actions de symbiose liées à la co-évolution des espèces. Mais il peut arriver que, pour des raisons que l’on ignore encore, ces relations symbiotiques dysfonctionnent. D’où ce profond besoin de recherche pour trouver des modes d’action permettant de moduler le microbiote et de restaurer les fonctions éventuellement défectueuses via l’administration de probiotiques, de métabiotiques (métabolites du microbiote) ou la transplantation de microbiote fécal, une manière pragmatique de remplacer un microbiote déséquilibré par un autre jugé sain.

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Parole d’expert Gastroentérologie

Utilisation des probiotiques

Administrer des souches de bactéries bénéfiques vivantes a longtemps été considéré comme l’approche la plus sûre et la plus durable face aux MICI. Si certaines d’entre elles semblent efficaces dans la prise en charge de la RCH, les études relatives à la MC demeurent encore peu concluantes.

Le microbiote intestinal Antibiotiques et risque de MICI: Qu’en est-il chez l’adulte ? Le sang, indicateur de la diversité du microbiote intestinal ? Microbiote fœtal : la fin d’une controverse ?

Scanning electron micrograph (SEM) of Bifidobacterium sp. Gram-positive anaerobic bacteria. 

Les probiotiques sont des micro- organismes vivants qui, lorsqu’ils sont consommés en quantité adaptée, confèrent des bénéfices santé. Dans les MICI, les effets bénéfiques des probiotiques passeraient par plusieurs modes d’action : la modification de la composition microbienne intestinale, réduisant la dysbiose intestinale ; la régulation de l’activité métabolique du microbiote intestinal ; la suppression des processus pro-inflammatoires ; et l’immuno- modulation12.

Des résultats contrastés selon la pathologie

Dans la RCH, des probiotiques contenant une seule et unique souche (appartenant à l’espèce E. coli ), ainsi qu’un lait fermenté par Bifidobacterium, ont montré une efficacité comparable à celle obtenue grâce au traitement anti-inflammatoire conventionnel (mésalazine)12 dans la rémission de la maladie. Différents mélanges de souches bactériennes ont également été testés, sans résultat sur la rémission des malades. À une exception près : un cocktail de 8 souches différentes15, a induit une réduction significative des symptômes de la RCH13,16 (saignement rectal et fréquence des selles) et une étude a montré son efficacité dans le maintien de la rémission. Ce même cocktail semble également efficace en cas de pouchite : il prévient les poussées inflammatoires consécutives à la colo-proctectomie et maintient la rémission des patients17,18. En revanche, les probiotiques n’ont pas montré d’intérêt sur la MC à ce jour. Les résultats des rares études demeurent faibles et non-concluants, y compris avec les souches efficaces dans la RCH et la pouchite12,15.

Poursuite des investigations

L’hétérogénéité des résultats précliniques et cliniques pourrait être attribuée - au moins en partie - à des facteurs liés à l’hôte (âge, sexe, régime alimentaire, localisation de la maladie, gravité, antécédents familiaux de MICI) et aux préparations probiotiques utilisées (type de souche, concentration, mode de délivrance, colonisation potentielle et taux de survie des souches). D’autres facteurs, tels que la dose et la durée de l’administration des probiotiques, sont également supposés jouer un rôle de premier plan dans le succès de cette approche thérapeutique, dont les effets indésirables sont minimes – voire nuls12

RÈGLES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

  • Des excès énergétiques et/ou en certains macronutriments (graisses saturées ? sucres raffinés ?) augmenteraient l’inflammation intestinale, alors que plusieurs micronutriments pourraient la moduler : vitamines A, C, E et D, acide folique, bêtacarotène et oligo-éléments (zinc, sélénium, manganèse et fer)2
  • À défaut de recommandations nutritionnelles propres aux MICI, on recommande au patient d’éviter les aliments susceptibles d’aggraver ses symptômes (aliments riches en fibres lors des crises, caféine, alcool, excès de graisses…)2
  • Les régimes dits « en glucides spécifiques » (ou régime SCD pour Specific Carbohydrate Diet, qui réduit les glucides complexes et élimine les sucres simples), FODMAP (sans sucres fermentescibles) et méditerranéen auraient montré des propriétés antiinflammatoires et permettent une amélioration, sous certaines conditions. Néanmoins, les régimes d’exclusion font l’objet de controverses en raison de risques de déséquilibres alimentaires.2
  • Proscrire le tabac2
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Détail du dossier Gastroentérologie

Transplantation de microbiote fécal : des résultats hétérogènes

Puisqu’une dysbiose intestinale semble associée aux MICI, la modulation du microbiote pourrait représenter une piste de prise en charge pertinente. Deux options possibles : la transplantation de microbiote fécal, ou le recours à des probiotiques.

Le microbiote intestinal Antibiotiques et risque de MICI: Qu’en est-il chez l’adulte ? Le sang, indicateur de la diversité du microbiote intestinal ? Microbiote fœtal : la fin d’une controverse ?

Donor tests for faecal microbiota transplant. Researcher holding a petri dish culture from sample testing of a donor stool. 

La transplantation de microbiote fécal permet d’apporter au patient approximativement 1011 bactéries par gramme de fèces, mais aussi des champignons, des virus et des archées. Objectif : corriger la dysbiose intestinale. Le nombre d’essais et les résultats diffèrent selon les individus et leur pathologie, et le protocole nécessite des contrôles sans faille13.

Moduler le microbiote intestinal représente un traitement potentiel des MICI. En pratique, cette stratégie peut être réalisée par transplantation de microbiote fécal (Fecal Microbiota Transplantation, ou FMT). La préparation de matière fécale provient d’un ou de plusieurs donneurs en bonne santé puis elle est transplantée dans le tractus gastro-intestinal distal d’un patient à l’aide d’une sonde nasogastrique, lors d’un lavement au cours d’une coloscopie, ou plus récemment par administration orale de gélules. Le protocole est déjà utilisé avec succès en cas d’infection récidivante à Clostridium difficile, mais qu’en est-il en cas de MICI ?

En cas de rectocolite hémorragique

Si les conditions de sécurité des premiers essais étaient satisfaisantes et que la thérapeutique apermis une rémission partielle ou totale chez certains patients souffrant de rectocolite hémorragique (RCH), d’autres tentatives furent plus controversées . La qualité de la composition fécale du donneur, le nombre de greffes et la précocité de la prise en charge pourraient moduler les chances de succès du protocole et expliquer, a posteriori, l’hétérogénéité des résultats14.

En cas de maladie de crohn (MC)

Les résultats des essais, moins nombreux, menés jusqu’à présent dans la maladie de Crohn (MC) ont révélé des résultats soit positifs (rémission clinique et endoscopique) soit nuls. Dans la seule étude qui ne met pas en évidence de réduction significative de la maladie, les patients rapportent néanmoins une amélioration de leur qualité de vie14. Pour confirmer l’efficacité clinique de la transplantation fécale dans la maladie, des études complémentaires demeurent encore nécessaires.

De nombreuses questions en suspens

Quelle que soit la maladie considérée, plusieurs questions restent en suspens. Elles concernent la prise de la greffe de microbiote, qui pourrait nécessiter des transplantations fécales multiples ; la qualité du microbiote implanté, souvent issu de donneurs vivant dans des pays où la prévalence des MICI est élevée ; la restauration des fonctions altérées du microbiote après la transplantation (par exemple la production d’acides gras à chaîne courte protecteurs comme le butyrate) ; sans oublier la place de l’inflammation, en tant que cause ou conséquence de la dysbiose14.

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Détail du dossier Gastroentérologie

Zoom sur le rôle des peptides antimicrobiens

Petits peptides multifonctionnels présents dans le règne animal et végétal, les peptides antimicrobiens (PAM) protègent l’hôte des agressions de micro-organismes pathogènes. Parmi eux, les défensines ainsi nommées pour leur action de défense de l’organisme.

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Antimicrobial peptides, illustration.

Parmi les peptides antimicrobiens, les défensines jouent un rôle majeur dans l’immunité innée. Dix défensines ont été identifiées chez l’Homme : 6 α-défensines, principalement sécrétées par les cellules de Paneth, les neutrophiles et certaines populations de macrophages de l’intestin grêle ; et 4 β-défensines sécrétées par les cellules épithéliales5.

Mécanismes d'action

Les mécanismes d’action des peptides antimicrobiens sont variables8 : certains perforent les membranes bactériennes et provoquent un efflux d’ions et de nutriments, une perte de la structure, voire la lyse bactérienne ; d’autres « enlacent » les bactéries pour limiter leur passage à travers l’épithélium intestinal sans pour autant les tuer ; en d’autres termes, ils réduisent la colonisation de pathogènes, modifiant la composition et la densité des communautés bactériennes de la lumière digestive.

Maladie de crohn et baisse des défensines

Lorsque la MC touche l’iléon, la production de certaines α-défensines baisse, ce qui réduit l’activité antibactérienne et facilite la pénétration de bactéries pathogènes5. Parmi les explications possibles, une mutation du gène NOD2, impliqué dans la reconnaissance de la surface des bactéries et l’initiation de la production des défensines ; et des défauts de certaines voies de signalisation, dont le dérèglement intervient dans le développement de nombreux cancers chez l’homme. Pour certains chercheurs, la réduction des α-défensines ne serait pas la cause mais la conséquence d’une inflammation4. Dans les MC coliques, seuls les taux de β-défensines sont perturbés5 : augmentation de la sécrétion de la β-défensine de type 2 et diminution du type 1. Certains scientifiques incriminent, entre autres, un nombre inférieur de copies du gène localisé sur le chromosome 8 chez les malades (3 au lieu de 4).

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Détail du dossier Gastroentérologie

Rôle de l’épithélium intestinal et de la réponse immunitaire innée

La dysbiose observée dans les MICI pourrait être liée à une altération de l’épithélium intestinal, devenu incapable de jouer son rôle de barrière, ainsi qu’à un dérèglement de la réponse immunitaire innée locale favorisant l’inflammation. Explications et zoom sur les peptides antimicrobiens suspectés d’y contribuer.

Le microbiote intestinal Antibiotiques et risque de MICI: Qu’en est-il chez l’adulte ? Le sang, indicateur de la diversité du microbiote intestinal ? Microbiote fœtal : la fin d’une controverse ?
Rôle de l’épithélium intestinal image

Intestinal epithelium

L’altération de la barrière intestinale observée chez les patients souffrant de MICI pourrait expliquer la physiopathologie de la dysbiose : non seulement cette frontière mécanique serait altérée, mais aussi sa première ligne de défense immunitaire. Outre son rôle dans l’absorption d’ions, d’eau et d’autres nutriments, la barrière intestinale sert de rempart et empêche l’entrée de bactéries dans la lumière intestinale.

Or sa perméabilité augmente lors des phases aiguës de maladie de Crohn (MC), ce qui favorise la translocation de bactéries à travers la muqueuse et l’inflammation locale5.

Le rôle de la barrière intestinale

Possiblement en cause : l’altération des jonctions serrées des cadhérines de l’épithélium intestinal (des glycoprotéines jouant un rôle-clé dans l’adhérence intercellulaire) ; l’implication de certains facteurs de transcription11 liés à la régénération épithéliale. Les autres mécanismes évoqués concernent le mucus intestinal, dont l’épaisseur maintient les bactéries pathogènes à distance et qui s’avère considérablement amoindrie chez les patients MICI. Le phénomène s’expliquerait par l’altération des cellules caliciformes, productrices de mucus, dont la perturbation induit le développement de colites sur des modèles murins ; il s’expliquerait également chez les malades MC par le dysfonctionnement des cellules de Paneth, situées au fond des cryptes de l’intestin grêle, réputées participer à l’homéostasie et au rôle de défense de la muqueuse intestinale via la sécrétion d’antimicrobiens5,11.

Première ligne de défense du système immunitaire

La littérature évoque par ailleurs plu- sieurs mécanismes mettant en jeu l’immunité innée, et plus précisément les cellules dendritiques, les macro- phages, les cellules lymphoïdes in- nées et les neutrophiles. Ces cellules, qui complètent le dispositif évoqué plus haut, agissent en tant que pre- mière ligne de défense du système immunitaire. Dans l’intestin des su- jets sains, les macrophages sont en état d’hyporéactivité (prolifération et activité réduites) et peuvent produire des cytokines anti-inflammatoires11. Chez le patient MICI en revanche, le déséquilibre des populations de cellules dédiées à l’immunité innée serait associé à plusieurs phénomènes11 : le franchissement de la muqueuse, devenue perméable, par des bactéries du fait d’une atténuation de l’activité des macrophages et d’un défaut de recrutement des neutrophiles ; une inflammation induite par la production de grandes quantités de cytokines pro-inflammatoires (TNF-α et IL-6) par des macrophages spécifiques ; et enfin le recrutement de lymphocytes T inflammatoires via une accumulation de cellules dendritiques, qui induisent la réponse immunitaire adaptative.

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