Chaude-pisse : les lactobacilles à la rescousse ?

Les femmes ne sont pas toutes égales devant la gonorrhée : certaines ne ressentent aucun symptôme tandis que d’autres comprennent à leurs dépens pourquoi cette infection est aussi appelée chaude-pisse. Une différence, voire une injustice, qui pourrait être liée à leur microbiote vaginal.

Le microbiote vaginal

37% Seule une femme sur trois sait que les bactéries du microbiote vaginal sont bénéfiques pour le vagin

Chaude-pisse, urétrite, gonococcie, blennorragie : les synonymes ne manquent pas pour parler de la gonorrhée, une infection sexuellement transmissible (IST). Ce problème de santé publique touche les 2 sexes. Chez les femmes, elle peut rester invisible (plus de 50 % des femmes seraient asymptomatiques) ou induire des symptômes tels que des écoulements purulents, des douleurs du bas ventre et des brûlures en urinant. Sans que l’on connaisse les raisons de cette différence.

Infection sexuellement transmissible (IST)

Les IST se transmettent principalement par contact cutané lors d’un rapport sexuel vaginal, anal ou oral mais aussi de la mère à l’enfant (grossesse, accouchement, allaitement. On peut aussi être porteur de la maladie sans pour autant développer des symptômes.

Parmi toutes les bactéries, virus et parasites qui se transmettent par voie sexuelle huit d’entre eux sont principalement responsable des maladies sexuellement transmissibles. 

Quatre peuvent être guéries : 

  • la syphilis, 
  • la gonorrhée, 
  • la chlamydiose 
  • la trichomonase. 

Quatre sont des infections virales incurables : 

  • l’hépatite B
  • le virus de l’herpès (virus Herpes simplex ou HSV)
  • le VIH 
  • le papillomavirus humain (PVH).

(sidenote: https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/sexually-transmitted-infections-(stis) )

La faute à Neisseria gonorrhoeae

La gonorrhée est liée à l’infection par une bactérie, appelée Neisseria gonorrhoeae, qui reste pourtant très discrète : elle ne représenterait, selon une récente étude, que 0,24 % des bactéries présentes au niveau du vagin et du col de l’utérus des femmes infectées (elle est bien entendu absente chez les femmes non infectées). Quant à la présence des autres bactéries dans le vagin de ces femmes, et bien justement, tout dépend des symptômes.

Plus de 50 % Plus de 50% des infections des voies génitales inférieures chez les femmes sont asymptomatiques.

Gonorrhée : une question de lactobacilles ?

Chez les femmes infectées mais sans le moindre symptôme, les lactobacilles seraient aux commandes. Ces bactéries en forme de bâtonnet, bien connues des adeptes de yaourts, représenteraient plus de 92 % des bactéries trouvées dans le col et le vagin de ces femmes. Avec à la clé une acidification correcte du vagin qui tiendrait à l’écart les autres microorganismes.

Et chez les femmes infectées présentant des symptômes ? Les lactobacilles sont en berne, pesant pour moins d’un quart des bactéries présentes (21,2 %). En lieu et place de ces alliés, on observe une grande diversité et hétérogénéité des micro-organismes présents. Or, en règle générale, un tel portrait de famille n’est pas bon signe pour le microbiote vaginal : à la différence des autres microbiotes du corps (intestin, peau…), il est en bonne santé lorsqu’il est la chasse gardée des lactobacilles. En outre, les bactéries abritées dans le vagin des femmes symptomatiques se révélaient peu recommandables, souvent associées avec ce que l’on appelle la vaginose bactérienne.

82,4 millions En 2020, 82,4 millions de nouveaux cas de gonorrhée ont été recensés chez les 15 - 49 ans dans le monde (OMS)

(sidenote: https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/multi-drug-resistant-gonorrhoea )

Le préservatif, c’est systématique

De là à dire que les lactobacilles protègent les femmes contre les symptômes de la chaude-pisse, il n’y a qu’un pas… que l’on ne peut toutefois pas encore franchir. Dans l’attente d’études portant sur un plus grand nombre de femmes pour confirmer l’observation, on ne peut donc que continuer à rappeler l’importance de l’utilisation systématique du préservatif : Dans le Monde on estime qu’environ 87 millions de nouvelles infections à gonocoque sont apparus chez les 15-49 ans en 2016, et les cas augmentent dans de nombreux pays. 

Le microbiote vaginal

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Fausse couche : la dysbiose vaginale sur le banc des accusés ?

Les fausses couches sans origine génétique semblent associées à une dysbiose vaginale et à une inflammation locale. Des résultats qui pourraient ouvrir la voie à une prévention chez les femmes dont le microbiote vaginal est pauvre en lactobacilles.

27% Seules 27% des femmes interrogées savent que le microbiote vaginal est équilibré lorsque les bactéries sont peu diversifiées

Une grossesse sur 5 se termine par une fausse couche précoce (avant 12 semaines), la moitié des cas étant dues à des anomalies chromosomiques (fausses couches aneuploïdes). Entre 12 et 24 semaines, des fausses couches euploïdes tardives peuvent se produire, en général en lien avec une infection (2 cas sur 3). Si les mécanismes en jeu demeurent mal compris, le microbiote vaginal est suspecté d’être impliqué.

D’où une hypothèse

Ces fausses couches euploïdes tardives pourraient-elles être causées par des signaux inflammatoires liés à la composition du microbiote vaginal ?

1/5 Une grossesse sur 5 se termine par une fausse couche précoce...

1/2 la moitié des cas étant dues à des anomalies chromosomiques.

Fausses couches : une question de lactobacilles ?

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont suivi 167 grossesses : 74 grossesses à terme, 54 fausses couches non génétiques (grossesses euploïdes) et 39 fausses couches génétiques (aneuploïdes). L’analyse de leur microbiote (ARN 16S) montre l’existence de 2 types de microbiote vaginal : un premier dominé à 94,2 % par Lactobacillus spp. (75 % des échantillons) et un second (25 % des échantillons) caractérisé par une déplétion des lactobacilles avec une teneur moyenne de seulement 18,5 %. 

Or, comparativement aux fausses couches aneuploïdes, les fausses couches euploïdes s’avèrent associées à un microbiote vaginal :

  • plus riche en bactéries et en diversité
  • pauvres en Lactobacillus spp., 
  • riches en Streptococcus spp. (60 % des cas) et en Prevotella spp (40 %)

Microbiote vaginal et inflammation

Côté inflammation, indépendamment de l'issue de la grossesse, la pauvreté en lactobacilles va de pair avec des niveaux élevés de cytokines dans le liquide vagino-cervical. Mais surtout, les sous-groupes dominés par Prevotella ou Streptococcus spp. présentent des concentrations significativement plus élevées de TNF-α et de certaines interleukines pro-inflammatoires (IL-6, IL-8, IL-1β). Il est donc possible qu’un appauvrissement en Lactobacillus spp. soit associé à un environnement pro-inflammatoire défavorable au bon déroulé de la grossesse. Ce qui serait concordant avec la fréquence plus élevée de fausses couches observée lorsque le microbiote vaginal est pauvre en lactobacilles.

En outre, la forte présence de streptocoques serait le facteur de risque de fausses couches euploïdes le plus significatif, et le principal facteur responsable de l’augmentation des médiateurs pro-inflammatoires chez ces patientes.

Un espoir pour les femmes

On observe une différence de composition du microbiote vaginal entre les grossesses aneuploïdes et euploïdes. Il semble donc que l’arrêt de la grossesse repose sur des mécanismes différents : une défaillance génétique pour les premières, des interactions avec les bactéries du microbiote vaginal et l’hôte pour les secondes. Conséquence directe : le microbiote vaginal pourrait représenter une cible de choix pour prévenir les fausses-couches.

Recommandé par notre communauté

"Voilà une lecture à ne pas manquer" - Commentaire traduit de Legómena (Repris de Biocodex Microbiota Institute sur X)

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Actualités Médecine générale

Microbiote vaginal : plus de lactobacilles, moins de fausses couches ?

La bonne santé du microbiote vaginal va de pair avec une prédominance de bactéries appelées lactobacilles. Au point de réduire le risque de fausse-couche ?

Le microbiote vaginal

27% Seules 27% des femmes interrogées savent que le microbiote vaginal est équilibré lorsque les bactéries sont peu diversifiées

La fausse couche : le cauchemar de toute femme enceinte. 1 grossesse sur 5 s’arrête avant 12 semaines du fait d’une fausse couche précoce, dont la moitié est liée à des anomalies chromosomiques (erreurs génétiques). Entre 12 et 24 semaines, des fausses couches tardives peuvent encore se produire : dans 2 cas sur 3, elles ont pour cause une infection. Or les bactéries du microbiote vaginal pourraient être de précieuses alliées contre les fausses couches.

1/5 1 grossesse sur 5 s’arrête avant 12 semaines du fait d’une fausse couche précoce.

Vive les lactobacilles !

Posons-le d’emblée : le microbiote vaginal ne fait rien comme les autres. A la différence des autres flores corporelles qui gagnent à être diversifiées, le vagin est plutôt monomaniaque : on considère que la bonne santé vaginale va de pair avec une très faible diversité et une forte proportion de lactobacilles. Très très forte même : dans une récente étude, ces bactéries, facilement reconnaissables par leur forme en bâtonnets, représentaient 94,2 % des bactéries de la flore vaginale chez les ¾ des 167 femmes enceintes suivies… Et chez les autres femmes ? Leurs lactobacilles ne représentaient qu’une portion congrue de leur microbiote, à savoir 18,5% des bactéries vaginales. Or, cette perte de dominance des lactobacilles semble associée à des conséquences graves sur l’issue de la grossesse.

10% à 15% Il y aurait entre 10 et 15 % de fausses couches chez les femmes enceintes.

Du microbiote vaginal à la fausse-couche

En effet, les fausses couches sans explication génétique s’avèrent plus fréquentes lorsque les femmes arborent un microbiote vaginal :

Et cette perte de domination des lactobacilles semble également liée à une inflammation vaginale plus fréquente. Ainsi, tout se passe comme si une moindre présence des lactobacilles allait de pair avec une inflammation du système reproducteur féminin. Conséquence directe : dans cet environnement défavorable à l'implantation du fœtus, la grossesse n’arrive pas à se dérouler normalement. Ce qui expliquerait la fréquence plus élevée de fausses couches observée lorsque les lactobacilles désertent. Mais cela ouvre aussi une lueur d’espoir : le microbiote vaginal pourrait représenter une cible de choix pour réduire le risque de fausses couches.

Le microbiote vaginal

En savoir plus
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Obésité sévère : le cercle vicieux du métabolisme de la biotine

C’est là un paradoxe : les obèses sévères sont souvent dénutris, la quantité ne compensant pas la faible qualité de leur régime alimentaire. D’autant qu’un cercle vicieux impliquant le microbiote intestinal se met en place avec, à la clé, des statuts bien trop faibles en vitamine B.

On le sait : les vitamines B, et notamment la biotine (B8) produites par les bactéries intestinales, influencent à la fois la fonction microbienne, le métabolisme de l'hôte et l'inflammation. Elles sont donc impliquées dans la régulation de la santé métabolique de l'hôte. Mais qu’en est-il en cas d'obésité sévère chez l’Homme ? Une question qui méritait d’être posée puisque de précédentes études (précliniques et cliniques) avaient justement mis en évidence une altération du statut en biotine dans le sérum et les tissus en cas d’obésité.

x11 L’obésité sévère a été multipliée par 11 chez les hommes

x3 et par 3 chez les femmes entre 1975 et 2014, dans le monde.

Moins de bactéries productrices ou transporteuses de biotine

Pour y répondre, des chercheurs se sont penchés sur les données de 1 545 sujets issus de l’étude multicentrique européenne (sidenote: https://cordis.europa.eu/project/id/305312/fr ) , comparant 608 patients souffrant d’obésité sévère (IMC>35), à 299 en situation de surpoids ou d’obésité (25<IMC<35) et à 638 individus contrôles ayant un IMC normal (IMC<25). 

Résultat : l'obésité sévère est associée à une carence en bactéries productrices et transporteuses de biotine. Avec des conséquences pour le patient obèse, l’abondance de ces bactéries étant corrélée au statut inflammatoire et troubles métaboliques associés. 

D’ailleurs, chez les obèses sévères, la biotine circulante affiche des niveaux sous-optimaux et l’expression des gènes codant pour cette vitamine est altérée dans le tissu adipeux.

Les bactéries intestinales en cause ?

Le transfert de microbiote de l’Homme à la souris confirme la contribution du microbiote intestinal dans la quantité de biotine circulante. L’alimentation jouerait également un rôle : en effet, le (sidenote: Régime occidental Alimentation riche en aliments transformés, en sucre raffiné, en sel, en graisses saturées (viandes rouges) et graisses trans (viennoiseries) Zinöcker MK, Lindseth IA. The Western Diet-Microbiome-Host Interaction and Its Role in Metabolic Disease. Nutrients. 2018 Mar 17;10(3):365.  ) provoque une diminution des bactéries intestinales productrices de biotine, ainsi qu’une réduction des niveaux circulants de cette vitamine dans le sérum. Paradoxalement, l’inflammation intestinale, observée chez les patients obèses, limite son absorption lorsque celle-ci provient de l’alimentation.

Au final, c’est un cercle vicieux qui semble se mettre en place en cas d'obésité sévère : les signaux moléculaires du microbiote dysbiotique pourraient contribuer à l'aggravation de l'inflammation de l'hôte et à la carence tissulaire en biotine.

Des pistes thérapeutiques ?

Comment sortir de ce cercle vicieux ? La chirurgie bariatrique, qui améliore le métabolisme et l'inflammation, favorise les bactéries productrices de biotine. Avec à la clé à une amélioration de la biotine systémique de l'hôte. Autre piste : la supplémentation en prébiotiques (fibres) et en biotine. Chez des souris nourries avec un régime riche en graisses, ces deux voies améliorent la diversité du microbiote intestinal, boostent la production bactérienne de biotine et autres vitamines B, tout en limitant la prise de poids et la détérioration de la glycémie. Deux pistes pour transformer le cercle vicieux en cercle vertueux…

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Actualités Gastroentérologie

Le #bluepoop challenge: une méthode fiable pour évaluer le transit intestinal ?

Par le Pr Gianluca Ianiro
Service de gastroentérologie, Fondazione Policlinico Universitario Agostino Gemelli-IRCCS, Università Cattolica del Sacro Cuore, Rome, Italie

Récemment, un nouveau défi viral est apparu sur les médias sociaux, notamment sur Twitter et Instagram : le #BluePoopChallenge. Ce défi consiste à manger des aliments de couleur bleue (plus précisément, deux muffins préparés avec du colorant alimentaire bleu roi) et à enregistrer combien de temps il faut pour voir des selles bleues dans vos toilettes.

Comme pour tous les examens menés par les patients, je recommanderais d’abord une visite avec un professionnel de santé spécialisé dans les maladies digestives pour éviter de faire du système D

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Cette méthode s’est récemment révélée être un moyen simple et direct de mesurer le temps de transit intestinal. Il s’agit du temps que mettent les aliments à traverser notre tractus gastro-intestinal, de l’ingestion à l’évacuation, et il est généralement évalué pour mesurer la motilité intestinale, qui est un élément clé de la santé intestinale. Dans une étude récente [1] d’Asnicar et de ses collègues, publiée dans Gut, les auteurs ont évalué la méthode du colorant bleu comme marqueur du temps de transit intestinal, et son association avec des marqueurs de santé spécifiques (notamment la consistance et la fréquence des selles, la composition et la fonction du microbiome intestinal, et la santé cardiométabolique) chez 863 personnes en bonne santé.

Ils ont tout d’abord constaté que la consistance plus dure des selles, mesurée à l’aide du British Stool Chart, est associée à un temps de transit intestinal plus long (> 5 jours en médiane pour le type 1), tandis que la consistance plus molle correspond à un temps de transit intestinal plus court (1 jour en médiane pour le type 6).

En outre, ils ont également constaté que le temps de transit intestinal est associé à plusieurs caractéristiques du microbiome intestinal. La diversité alpha, qui est un marqueur de la santé microbienne, était positivement corrélée au temps de transit intestinal. Un temps de transit intestinal plus long était associé à des taxons microbiens spécifiques, notamment Akkermansia muciniphila (une souche bénéfique aux propriétés métaboliques favorables), Bacteroides spp. et Alistipes spp. De manière générale, le temps de transit intestinal était associé aux caractéristiques du microbiome intestinal plus que la consistance ou la fréquence des selles.

Enfin, un temps de transit plus long était associé à la masse de graisse viscérale et aux réponses lipidiques et glycémiques postprandiales (deux facteurs de risque cardiovasculaire).

En conclusion, la méthode du colorant bleu semble être un marqueur simple et peu coûteux du temps de transit intestinal, qui s’est avéré être associé à des marqueurs de la santé humaine, notamment la diversité et la composition du microbiome intestinal, et à des facteurs de risque cardiovasculaire spécifiques. Il pourrait s’agir d’une méthode fiable pour évaluer le temps de transit intestinal en cas de besoin, c’est-à-dire chez les patients souffrant de constipation).

La façon dont cette procédure est diffusée (expansion virale par les médias sociaux) laisse penser que de nombreux patients demanderont ce test aux médecins. Comme pour tous les examens demandés par les patients, je recommanderais d’abord une visite chez un professionnel de la santé spécialisé dans les maladies digestives pour éviter de faire du système D. Ensuite, si les médecins confirment la nécessité d’un test de temps de transit intestinal, la méthode du colorant bleu serait alors fiable et bon marché.

De futures évaluations, y compris des comparaisons avec d’autres méthodes d’évaluation du transit intestinal, sont nécessaires pour confirmer ces résultats et permettre un positionnement à grande échelle de cet outil dans l’arsenal diagnostique des troubles digestifs et nutritionnels.

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Microbiote vaginal #15

Par le Pr Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Profilage du microbiote vaginal pour prévenir les naissances prématurées

Pruski P, Correia GDS, Lewis HV, et al. Direct on-swab metabolic profiling of vaginal microbiome host interactions during pregnancy and preterm birth. Nat Commun. 2021 Oct;12(1):5967.

Prédire le risque de naissance prématurée avec une méthode simple, rapide et peu onéreuse est un véritable défi pour les obstétriciens. En effet, ces derniers ne disposent toujours pas de méthode fiable pour prédire cette complication clinique, qui constitue pourtant la première cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans. Les facteurs de risque sont bien connus : une dysbiose vaginale associée à une inflammation locale.

Une équipe de chercheurs a eu l’idée d’utiliser leur méthode d’analyse récemment décrite – la DESI-MS (désorption-ionisation par électronébulisation couplée à la spectrométrie de masse) – pour identifier, en moins de 3 minutes et sans avoir besoin de préparer les échantillons, les métabolites présents dans la muqueuse cervicovaginale. Leurs hypothèses ? Le métabolome ainsi caractérisé pourrait permettre de prédire la composition du microbiote vaginal et les réponses immunitaires et inflammatoires locales, et de contrôler leur évolution vers des états associés au risque de naissance prématurée. La DESI-MS a été utilisée pour analyser plus de 1 000 échantillons cervicovaginaux prélevés chez 365 femmes enceintes réparties en deux cohortes.

Parmi les métabolites détectés, 113 ont permis de faire la distinction entre deux types de microbiotes : l’un pauvre en lactobacilles et l’autre dominé par les lactobacilles, qui constituent un marqueur de bonne santé vaginale. Le profil métabolique obtenu par DESI-MS a également permis de prédire les taux de différents marqueurs immunitaires (IL-1β, IL-8, C3b/iC3b, IgG3, IgG2, MBL – Mannose- Binding Lectine) mesurés dans un sous-groupe de 391 femmes. Certains de ces marqueurs (C3b, IL-1β, IgG2, IgG3) ont été retrouvés en grandes quantités dans les microbiotes vaginaux pauvres en lactobacilles, indiquant une activation de la réponse immunitaire innée et adaptative locale.

Dans une dernière série de tests, le profil métabolique vaginal obtenu par DESI-MS n’a pas permis de prédire de manière fiable le risque direct de naissance prématurée. Les chercheurs prévoient cependant des applications cliniques potentielles. Le suivi des métabolites vaginaux par DESI-MS pourrait permettre de détecter des modifications dans le microbiote vaginal ainsi que les marqueurs immunitaires locaux associés à la naissance prématurée.

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Microbiote intestinal #15

Par le Pr Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Le microbiote intestinal module la réponse au traitement du cancer de la prostate

Pernigoni N, Zagato E, Calcinotto A, et al. Commensal bacteria promote endocrine resistance in prostate cancer through androgen biosynthesis. Science 2021 Oct 8;374(6564):216-224.

Le cancer de la prostate (CP) est l’un des cancers les plus fréquents chez les hommes. Étant donné que la croissance et la progression de ces tumeurs dépendent du taux d’androgènes, on utilise chez ces patients un traitement par suppression androgénique, au moyen d’une castration chirurgicale ou chimique. Néanmoins, certains patients développent un cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC) entraînant une progression tumorale, et de nouvelles stratégies thérapeutiques sont donc à l’étude. De récentes études ayant mis en évidence le rôle du microbiote dans le développement du cancer et le succès du traitement, les auteurs ont utilisé des modèles murins de CP et des données de patients afin d’évaluer le rôle du microbiote intestinal dans la carcinogenèse du CP. Un enrichissement en bactéries du genre Ruminococcus et de l’espèce Bacteroides acidifaciens a été détecté après le développement d’un CPRC, mais l’ablation du microbiote intestinal a ralenti la croissance tumorale chez les souris atteintes de CPRC. La transplantation de microbiote fécal (TMF) résistant à la castration à partir de souris résistantes à la castration et l’administration de R. gnavus ont augmenté les taux circulants d’androgènes et favorisé la croissance tumorale et la résistance à la castration. La croissance du CP a été contrôlée grâce à une TMF à partir de patients hormonosensibles et à l’administration de Prevotella stercorea. On a observé chez les patients atteints d’un CPRC un enrichissement en bactéries des genres Ruminococcus et Bacteroides, associées à un mauvais pronostic, alors que chez les patients hormonosensibles, il y avait une abondance plus importante du genre Prevotella, lié à un pronostic plus favorable.

Chez les souris et les patients ayant fait l’objet d’une suppression androgénique, le microbiote intestinal commensal produit des androgènes qui, via la circulation systémique, favorisent la croissance tumorale et la résistance à la castration. La modulation du microbiote intestinal pourrait donc théoriquement être ajoutée à l’arsenal thérapeutique du CP.

Association entre dysbiose intestinale et bronchopneumopathie obstructive

Li N, Dai Z, Wang Z, et al. Gut microbiota dysbiosis contributes to the development of chronic obstructive pulmonary disease. Respir Res 2021 Oct 25;22(1):274.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) désigne un ensemble de maladies respiratoires (emphysème, bronchite et asthme) caractérisées par une détresse respiratoire progressive. De récentes études ont montré que des modifications du microbiote intestinal étaient liées au développement de la maladie dans les poumons. Essentiellement considérée comme une maladie respiratoire, la BPCO coexiste souvent avec les maladies chroniques du tractus gastro-intestinal. Dans cette étude, les auteurs se sont intéressés aux liens entre l’axe intestin-poumon et la BPCO. Des analyses de selles ont montré que les patients atteints de BPCO sévère présentaient une abondance plus faible de bactéries du phylum Bacteroidetes mais une abondance plus élevée de bactéries du phylum Firmicutes. Au niveau des familles de bactéries, l’abondance de Prevotellaceae était plus importante dans la BPCO légère, alors que celle de Bacteroidaceae et Fusobacteriaceae était plus faible dans la BPCO sévère que chez les témoins sains. Les taux d’acides gras à chaîne courte (AGCC) étaient significativement plus faibles dans la BPCO sévère. La transplantation de microbiote fécal (TMF) de patients atteints de BPCO à des souris a entraîné une réduction significative du poids et une hypersécrétion de mucus au niveau des voies respiratoires chez la souris. Une accélération du déclin de la fonction respiratoire a été détectée chez les souris ayant reçu la TMF lors d’une exposition à la fumée de biomasse. Cette étude a montré que les patients atteints de BPCO présentaient une dysbiose du microbiote intestinal avec une réduction des taux d’AGCC. Ces modifications sont probablement liées à l’inflammation des voies respiratoires et à la progression de la BPCO.

Impact des comédications sur l'efficacité du traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire

Kostine M, Mauric E, Tison A, et al. Baseline co-medications may alter the anti-tumoural effect of checkpoint inhibitors as well as the risk of immune-related adverse effects. Eur J Cancer 2021 Nov;157:474-484.

Les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI) ont considérablement amélioré le pronostic de plusieurs cancers avancés. Des données ont montré que le microbiote intestinal était susceptible de moduler la réponse au traitement par ICI, et également d’être impliqué dans la pathogenèse des événements indésirables immuno-médiés (EIim). Alors que les antibiotiques sont connus pour dégrader le pronostic des patients cancéreux traités par ICI, on en sait peu sur l’effet qu’exercent sur le microbiote différentes comédications administrées lors de la mise en route de l’ICI. Dans cette étude, les auteurs ont examiné l’effet de comédications administrées 1 mois avant ou après l’ICI sur les résultats du traitement et la survenue d’EIim.

L’utilisation d’antibiotiques, de glucocorticoïdes (dose journalière > 10 mg), d’inhibiteurs de la pompe à protons, de psychotropes, de morphine et d’insuline était associée à une réduction significative de la survie et de la réponse tumorale. Ces médicaments utilisés en association ont davantage diminué la survie qu’en monothérapie. Ces médicaments ont également été associés à une diminution de l’incidence des EIim. La co-administration de statines, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion et/ou d’antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, d’aspirine et d’antidiabétiques oraux n’a pas eu d’impact sur la survie des patients.

Cette étude a montré que les comédications influaient à la fois sur la réponse au traitement par ICI et sur les EIim. L’impact des comédications pourrait être médié par le microbiote ou d’autres mécanismes immunomodulateurs. Dans la pratique clinique, les comédications doivent être évaluées avec attention au moment de la mise en route d’un traitement par ICI. Lorsque cela est possible, les médicaments exerçant un impact négatif sur les ICI doivent être évités.

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Le microbiote au congrès gastro 2021

Retour de congrès

Par le Pr Eamonn M M Quigley
Centre des maladies digestives Lynda K et David M Underwood, Division de Gastro-entérologie et d’Hépatologie, hôpital méthodiste de Houston et Weill Cornell Medical College, Houston, Texas, États-Unis

L’édition 2020 du Congrès mondial de gastro-entérologie (WCOG) devait initialement se tenir fin 2020 à Prague, en République tchèque, mais l’événement a dû être repoussé en raison de la pandémie de Covid. Le congrès s’est finalement tenu sous forme hybride du 9 au 11 décembre 2021. Grâce à la diligence et aux compétences organisationnelles de tous les acteurs impliqués, une plateforme virtuelle exceptionnelle a pu être mise en place et a permis de retransmettre dans le monde entier des symposiums couvrant l’ensemble du spectre de la spécialité, des conférences inaugurales spéciales, des articles originaux et des posters. Au cours de ces sessions, des experts du monde entier se sont joints aux intervenants de République tchèque pour traiter des sujets « brûlants » et des controverses. Nous parlerons ici en particulier du microbiote intestinal.

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En 2020, le thème de la Journée mondiale de la santé digestive, sponsorisée par l’Organisation mondiale de gastro-entérologie (WGO), était l’aspect mondial du microbiote. Eamonn MM Quigley, au nom des nombreux collaborateurs qui ont contribué à ce programme, en a présenté un compte rendu avec notamment une présentation générale du microbiote intestinal. Il a décrit les facteurs qui influent sur le microbiote et façonnent son développement de la naissance à la petite enfance et a souligné le rôle de l’alimentation tout au long de la vie. Il a été suggéré que le microbiote jouait un rôle dans de nombreuses maladies, mais beaucoup d’études décrivent une association, et non un lien de causalité.

La transplantation de microbiote fécal

Le potentiel thérapeutique du microbiote est immense. Francisco Guarner a présenté une actualisation des recommandations de la WGO sur les probiotiques et Pavel Drastich a parlé du thème fascinant de la transplantation de microbiote fécal (TMF). Ce dernier a mis en balance l’efficacité de la TMF dans l’infection à Clostridioides difficile et les données beaucoup plus mitigées dans d’autres maladies, la rectocolite hémorragique étant celle tirant le mieux son épingle du jeu (même si les données concernant cette maladie sont toujours considérées comme de qualité modérée). Ici, l’interprétation des résultats est perturbée par les mêmes facteurs que ceux qui faussent tant d’études sur la TMF, à savoir la variabilité de la population sélectionnée, des critères d’évaluation et des protocoles d’étude. Il existe en effet des disparités très problématiques, notamment concernant la forme des selles utilisées (fraîches vs congelées), la voie d’administration (sonde naso-jéjunale vs lavement vs coloscopie vs gélules), le nombre de traitements (unique vs multiples) et la source des matières fécales (donneur unique vs donneurs multiples).

Mais le plus intéressant a été l’aperçu qu’il nous a donné de l’avenir de la TMF. Il prédit en effet une évolution par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui (à savoir des échantillons de selles entières), avec le développement de combinaisons spécifiques ou consortiums de micro-organismes (domaine qui fait l’objet d’une activité scientifique et commerciale intense) ou encore l’élaboration de molécules biologiquement et thérapeutiquement actives à partir de microorganismes. Mirjana Rajilic-Stojanovic a décrit plus précisément les promesses et les limites de la TMF dans le SII. Les facteurs de confusion sont ici parfaitement décrits : un phénotype très hétérogène avec des symptômes de nature et de sévérité variables qui fluctuent avec le temps, une compréhension incomplète du rôle du microbiote et, dans le meilleur des cas, une idée approximative de la façon dont la TMF pourrait agir. Pas étonnant que les résultats obtenus à ce jour soient si variables.

La situation actuelle de la recherche sur le microbiote

Francisco Guarner a abordé, dans le cadre de l’une des sessions d’ouverture du programme, un thème pas encore abordé dans cet article : la situation actuelle de la recherche sur le microbiote. C’était une conférence parfaitement pertinente et opportune dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 et de la crise internationale de la résistance aux antibiotiques ; est-il en effet encore besoin de rappeler l’importance des micro-organismes qui cohabitent avec nous sur cette planète ? Il est revenu sur le thème de l’aspect mondial en rappelant l’importance de la mauvaise alimentation dans le risque de mortalité et il a habilement précisé que cette alimentation n’avait pas seulement un impact négatif sur les êtres humains mais également sur leurs bactéries, et en particulier celles produisant du butyrate.

Or, une faible diversité microbienne intestinale a été associée à de nombreuses maladies, dont l’un des exemples les plus frappants est l’asthme infantile. Il a ensuite souligné les insuffisances d’une approche taxonomique de l’étude du microbiote dans les maladies. Il a illustré ce point en montrant que chez les personnes normales, la composition du microbiote intestinal est extrêmement dynamique ; en effet, jusqu’à 90 % des souches apparaissent et disparaissent avec le temps ! Il a donc appelé à adopter une nouvelle approche pour la définition de ce qu’est un microbiote normal ou anormal (eubiose vs dysbiose, termes préférés par certains), davantage axée sur la capacité fonctionnelle et la stabilité écologique (intégrant des concepts tels que la résistance aux variations structurelles des communautés avec le temps et la résilience, c’est-àdire la capacité à revenir rapidement à la situation initiale en cas de perturbation par un antibiotique par exemple). Il s’agit de concepts essentiels, qui reflètent le mouvement actuel s’écartant de la simple énumération des nombres de micro-organismes, des espèces et des souches, pour aller vers la description du potentiel fonctionnel à l’aide de la métagénomique et l’analyse des produits métaboliques par la métabolomique et la métatranscriptomique.

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L'alimentation avec des préparations pour nourrissons est associée à des altérations de leur microbiote intestinal et à une augmentation de la résistance aux antibiotiques

Article commenté - Rubrique Enfant

Par le Pr Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Commentaire de l’article original de Pärnänen KMM et al. Am J Clin Nutr 2021 [1]

Les nourrissons courent un risque élevé de contracter des infections mortelles, dont le traitement repose sur des antibiotiques fonctionnels. Les gènes de résistance aux antibiotiques (ARG) sont présents en grand nombre dans les microbiomes intestinaux des nourrissons naïfs d’antibiotiques, et la mortalité infantile due aux infections résistantes est élevée.

Les auteurs de cet article poursuivaient un objectif : déterminer l’impact d’une exposition précoce au lait maternisé sur la charge ARG chez les nouveau-nés et les nourrissons nés avant ou après terme. Une hypothèse retenue était que le régime alimentaire exerce une pression sélective qui influence la communauté microbienne de l’intestin du nourrisson et que l’exposition au lait maternisé augmente l’abondance des taxons porteurs d’ARG. L’étude a montré que les nouveau-nés nourris au lait maternisé présentaient une abondance relative plus élevée d’agents pathogènes opportunistes tels que Staphylococcus aureus, S. epidermidis, Klebsiella pneumoniae, K. oxytoca et Clostridioides difficile. Ces nourrissons présentaient également beaucoup moins de bactéries typiques des nourrissons, telles que les bifidobactéries, qui ont des avantages potentiels pour la santé.

La découverte inédite d’une corrélation entre l’exposition au lait maternisé et une charge ARG néonatale plus élevée montre que les cliniciens devraient prendre en compte le mode d’alimentation en plus de l’utilisation d’antibiotiques au cours des premiers mois de vie afin de minimiser la prolifération de bactéries intestinales résistantes aux antibiotiques chez les nourrissons.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Les bactéries résistantes aux antibiotiques sont la cause de nombreux décès en période néonatale. L’émergence de bactéries résistantes est favorisée par l’utilisation d’antibiotiques. Cela est associé à un nombre plus abondant de gènes de résistance aux antibiotiques (ARGs) portés par ces souches bactériennes résistantes ou multi-résistantes. Ces ARGs sont transmis entre bactéries par des éléments génétiques mobiles (MGEs). Par ailleurs, on sait que le type d’alimentation modifie le microbiote intestinal, ainsi que la quantité d’ARGs. C’est la magnitude de l’impact de l’alimentation sur la résistance qui n’est pas bien décrite dans la littérature.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Les auteurs ont inclus 46 prématurés nés entre 26 et 37 semaines de grossesse ; 21 étaient alimentés avec du lait infantile, 20 avec du lait de mère enrichi et 5 avec du lait maternel. Les selles étaient récupérées dans les 36 jours pour analyser la composition du microbiote intestinal et la présence d’ARGs. Trente nourrissons ont reçu un traitement par antibiotiques : le recueil de selles était réalisé environ 2 semaines après la fin du traitement pour limiter les facteurs confondants.

Pour comparer les résultats avec les données issues de la littérature, une métaanalyse regroupant 5 études et incluant 696 nouveau-nés avec des données similaires a été examinée en parallèle.

Les résultats indiquent que les nouveaunés ayant été alimentés avec du lait infantile avaient une quantité significativement plus élevée d’ARGs que les nouveau- nés ayant reçu du lait maternel enrichi (x 3,6 ; IC95% 1,61-8,9) ou du lait maternel (x 4,3 ; IC95% 1,61-11,56) (p < 0,01) (Figure 1). L’abondance des MGEs était augmentée de manière similaire (p < 0,05).

Les Enterobacteriaceae, dont il est connu que le génome contient plus d’ARGs mobiles, avaient une abondance plus élevée chez les nourrissons alimentés avec une formule pour nourrissons (p < 0,05) (Figure 2) et tendait à être inversement corrélée à l’âge gestationnel (p < 0,1). L’abondance des ARGs diminuait avec une grossesse plus longue (x 0,72 ; IC95% 0,57-0,89) (p < 0,001). Plusieurs ARGs étaient plus abondants chez des nouveau-nés alimentés avec du lait infantile incluant des gènes codant pour des béta-lactamases à spectre étendu présents chez les Klebsiella (p < 0,05).

Des résultats similaires étaient retrouvés dans la méta-analyse : on observe une augmentation relative de 70 % des ARGs chez les nouveau-nés alimentés avec des préparations pour nourrissons (p = 0,013). La médiane des ARGs était plus élevée chez ces nouveau-nés alimentés avec des préparations pour nourrissons dans l’ensemble des cohortes (Figure 3). Enfin, l’analyse du microbiote intestinal révèle que les bactéries appartenant auxfamilles Bifidobacteriaceae, Veillonellaceae, Clostridiaceae, Lachnospiraceae et Porphyromonadaceae (comprenant des bactéries anaérobies strictes) étaient diminuées chez les nouveau-nés alimentés avec des formules pour nourrissons ; à l’inverse, les bactéries anaérobies facultatives appartenant aux Enterobacteriaceae, Staphyloccoccaceae et Enterococcaceae étaient augmentés (p < 0,05). De même, plusieurs espèces potentiellement pathogènes incluant des espèces anaérobies facultatives comme S. aureus, S. epidermidis, K. pneumoniae, K. oxytoca, et une espèce anaérobie stricte Clostridioides difficile étaient enrichis chez les nouveau-nés alimentés avec des formules pour nourrissons (p < 0,001). Ainsi, l’utilisation de formules infantiles favorise la prolifération de bactéries pathogènes possédant des ARGs.

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Mag 15_Mas Fig1 & 2 FR

Quels sont les conséquences en pratique ?

Ces résultats sont en faveur du bénéfice de l’allaitement maternel. L’alimentation des nouveau-nés prématurés avec des formules pour nourrissons est associée à une augmentation de 70 % des ARGs par rapport à ceux alimentés exclusivement avec du lait maternel. L’enrichissement de ce type de lait entraîne une augmentation moindre de ces ARGs.

Points Clés

  • L’utilisation de formules pour nourrissons est associée à une augmentation de gènes de résistance aux antibiotiques (ARGs)
     
  • Cette résistance est transmise entre les bactéries par des éléments génétiques mobiles, avec une prédominance d’Enterobacteriaceae chez les nourrissons alimentés avec des formules pour nourrissons
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Mag 15_Mas Fig3 FR

Conclusion

Outre l’utilisation appropriée des antibiotiques, il est important de prendre en considération le type d’alimentation des nouveaunés prématurés en privilégiant l’allaitement maternel pour éviter la prolifération de bactéries résistantes.

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Des souches de Clostridiales commensales sont impliquées dans la réponse immunitaire anti-cancéreuse contre les tumeurs solides

Article commenté - Rubrique Adulte

Par le Pr Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Commentaire de l'article de Montalban-Arques et al. Cell Host & Microbe 2021 [1]

En dépit de leur succès général, les inhibiteurs des points de contrôle des cellules T pour le traitement du cancer (immunothérapie anticancéreuse) ne sont encore efficaces que chez une minorité de patients. Récemment, il a été découvert que le microbiote intestinal modulait de manière critique l’immunité anticancéreuse et la réponse au traitement. Ici, les auteurs ont identifié les membres de l’ordre des Clostridiales du microbiote intestinal comme associés à une charge tumorale plus faible dans les modèles murins de cancer colorectal (CCR). De manière intéressante, ces espèces commensales étaient également significativement réduites chez les patients atteints de CCR par rapport aux témoins sains. L’administration par gavage gastrique d’un mélange de quatre souches de Clostridiales (CC4) chez la souris a permis de prévenir et même de traiter avec succès le CCR en tant que thérapie autonom e. Cet effet dépendait de l’infiltration intratumorale et de l’activation des cellules T CD8+. L’administration d’une souche unique de Roseburia intestinalis ou d’Anaerostipes caccae était encore plus efficace que le CC4. Dans une comparaison directe, la supplémentation en mélange CC4 a surpassé la thérapie anti-PD-1 dans des modèles murins de CCR et de mélanome. Ces résultats fournissent une base préclinique solide pour explorer les bactéries intestinales comme nouvelle thérapie autonome contre les tumeurs solides.

Que sait-on sur déjà à ce sujet ?

Le microbiote intestinal joue un rôle majeur dans le développement du système immunitaire et le maintien de l’homéostasie immunitaire. Le microbiote intestinal n’influence pas seulement le système immunitaire au niveau local mais aussi au niveau systémique, en maintenant une réponse immunitaire équilibrée. Comme pour un large éventail de maladies telles que l’obésité, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, les troubles neuropsychiatriques et le cancer colorectal (CCR), une perturbation de l’équilibre microbien, dysbiose, a été impliquée.

Une des affections malignes les plus fréquemment diagnostiquées, le CCR, reste la principale cause de décès liée au cancer dans le monde avec des facteurs de risque associés au mode de vie (alimentation, tabac, alcool) ou l’obésité… Or tous ces facteurs sont étroitement liés à des modifications de la composition du microbiote intestinal sain.

Les patients atteints de CCR présentent un microbiote intestinal altéré avec une augmentation de certains taxons tels que Bacteroides ou Fusobacterium [2] ainsi qu’une réduction des taxons bactériens appartenant à l’ordre des Clostridiales par rapport aux individus sains [3]. La grande majorité des tumeurs colorectales ont une faible immunogénicité et, par conséquent, ne répondent pas aux immunothérapies actuelles d’activation des cellules T. En effet, les anticorps monoclonaux anti-PD-1, anti PD-L1 et/ou anti-CTLA4 ne sont efficaces que dans ces 4 à 5 % des tumeurs du CCR, qui présentent un défaut de réparation des mésappariements ou une instabilité des microsatellites élevée [4]. Des études récentes ont montré comment certains membres du microbiote intestinal sont capables de moduler l’efficacité des traitements anticancéreux [5, 6]. Dans la présente étude, les auteurs ont cherché à évaluer si un cocktail de 4 souches bactériennes, spécifiquement associé à une faible charge tumorale dans un modèle expérimental de CCR, pourrait déclencher une réponse immunitaire antitumorale efficace.

Points Clés

  • Les bactéries de l’ordre des Clostridiales sont associées à une faible charge tumorale dans les modèles de cancer du côlon chez la souris
     
  • L’abondance de certaines bactéries de l’ordre des Clostridiales est diminuée chez les patients atteints de cancer colorectal
     
  • Un mélange de 4 souches de Clostridiales a un effet antitumoral puissant via les cellules T CD8+
     
  • Le traitement par Clostridiales est efficace dans des modèles de tumeurs solides chez la souris, indépendamment d’une immunothérapie anticancéreuse par anti-PD-1
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Mag 15_Sokol Fig 1 FR

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

En partant de modèles animaux, les auteurs ont observé que les souris ayant un microbiote pauvre en bactéries de l’ordre des Clostridiales (familles des Ruminococcaceae et Lachnospiraceae) avaient une susceptibilité accrue au CCR. Sur la base de ces analyses, les auteurs ont sélectionné un mélange de quatre espèces de Clostridiales (CC4), à savoir Roseburia intestinalis, Eubacterium hallii (Anaerobutyricum hallii), Faecalibacterium prausnitzii et Anaerostipes caccae, dont l’abondance est diminuée chez les patients avec CCR, pour des études plus poussées sur des modèles murins. L’administration de CC4 avait un effet sur le microbiote des souris avec notamment une augmentation des espèces appartenant aux familles des Ruminococcaceae et Lachnospiraceae.

Dans plusieurs modèles de cancer solide, incluant CCR, poumon et sein, l’administration de CC4 avait pour effet de ralentir la croissance tumorale. Ce bénéfice était en grande partie médié par les lymphocytes car il disparaissait chez des souris dépourvues de lymphocytes matures (souris Rag2 KO). Les principaux candidats sont les lymphocytes T CD8+ cytotoxiques producteurs d’interféron gamma qui infiltrent massivement la tumeur chez les animaux recevant CC4. L’effet protecteur était aussi observé avec chacune des souches bactériennes individuellement et testé dans un modèle de CCR, mais avec un degré d’efficacité variable (Figure 1). L’effet thérapeutique n’était pas lié à la production de butyrate par les bactéries.

Enfin, dans le modèle de CCR (MC-38), le cocktail CC4 avait un effet supérieur à l’immunothérapie par anti-PD-1. Par ailleurs, aucun effet additif n’était observé chez les souris ayant reçu l’immunothérapie et les 4 bactéries.

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Quelles sont les conséquences en pratique ?

Cette étude montre que, à côté d’un rôle adjuvant dans le traitement des cancers par immunothérapie, certaines bactéries du microbiote ont un effet anticancéreux propre dans des modèles de tumeurs solides chez la souris. Ces résultats ouvrent la possibilité de développer, chez l’homme, des traitements anticancéreux basés sur le microbiote intestinal. Leur utilisation pourra ainsi s’envisager seule ou en association avec d’autres traitements anticancéreux « conventionnels ». Il reste à déterminer les groupes de patients qui bénéficieront le plus de ce type d’approche thérapeutique.

Conclusion

Cette étude chez la souris montre que des souches bactériennes de l’ordre des Clostridiales, qui sont significativement réduites chez les patients atteints de cancer colorectal, sont efficaces pour stimuler une réponse anticancéreuse visà- vis des tumeurs solides. Les mécanismes passent par l’activation des cellules T CD8+, et sont indépendants de l’immunothérapie anti-PD-1.

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