Le microbiote, élément ‘de poids’ du sevrage tabagique

Plainte récurrente des ex-fumeurs, le gain de poids en démotive plus d’un. D’où l’importance de récents travaux qui soulignent le rôle du microbiote, mis à mal par les années de tabagisme. Avec à la clé de possibles solutions pour éviter la prise de poids.

4,5kg de plus dans les 6 à 12 mois qui suivent l’arrêt du tabac, voire plus de 10kg en un an chez 13% des ex-fumeurs : la prise de poids représente un obstacle majeur à l’arrêt de la cigarette. Pour évaluer le rôle potentiel du microbiote intestinal dans cette prise de poids, une équipe de chercheurs a utilisé un modèle de souris.

Tabac, dysbiose et prise de poids

Premier constat : les rongeurs régulièrement exposés à la fumée de cigarette gardaient la ligne, même avec un régime riche en graisses et sucre. En revanche, comme chez l’homme, le sevrage entraînait un gain de poids, sauf si les souris recevaient des antibiotiques à large spectre appauvrissant leur microbiote. En cause ? Des composés liés au tabac, comme la nicotine, semblent pénétrer le système digestif des souris "fumeuses", modifiant durablement (au-delà du sevrage) la composition bactérienne du microbiote intestinal. Avec à la clé, un métabolisme plus apte à extraire l’énergie des aliments (moins de calories dans leurs fèces).

4,5kg de plus dans les 6 à 12 mois qui suivent l’arrêt du tabac.

10kg voire plus de 10kg en un an chez 13% des ex-fumeurs.

Des transferts de microbiotes de souris "fumeuses" ou "ex-fumeuses" confirment le rôle du microbiote intestinal : les souris receveuses ( (sidenote: Souris axéniques Souris sans germes, élevées en milieu stérile )  et jamais exposées à la fumée) ont progressivement pris du poids, sauf si elles avaient préalablement reçu des antibiotiques (prise de poids nettement moindre).

Deux métabolites en jeu

Restait à décrypter les métabolites en jeu. Deux molécules aux effets opposés ont été isolées parmi des milliers de composés bioactifs dont les niveaux variaient au moment du sevrage :

  • la diméthylglycine (DMG) fabriquée par l’intestin et le foie à partir de choline alimentaire, qui accroît la prise de poids ; 
  • l’acétylglycine (ACG) avec l’effet inverse. 

Autant les 2 molécules antagonistes permettent à la souris « non-fumeuse » de garder la ligne, autant le tabagisme met progressivement à mal cet équilibre (production accrue de DMG et moindre d’ACG). Selon les auteurs, une « rétroaction anorexique » conduisant à une réduction de la prise alimentaire se mettrait en place, pour éviter l’emballement calorique. Le problème : avec l’arrêt du tabac, cet effet coupe-faim disparait tandis que la dysbiose obésogène et les métabolites accumulés seraient lents à s'inverser. D’où la prise de poids.

Et chez l’Homme ?

Chez l’Homme, une étude préliminaire montre des dysbioses chez les fumeurs et des modifications des métabolites microbiens similaires à celles observées chez les souris. Reste que le tabagisme relève aussi d’un comportement volontaire, impliquant sans doute des mécanismes supplémentaires. Il n’en demeure pas moins que cette étude fournit une preuve de concept du rôle du microbiote dans la prise de poids post-tabac. Et ouvrent la possibilité rééquilibrer la flore intestinale (mesures diététiques, biotiques) pour limiter les kilos du sevrage et éviter qu’ils ne compromettent l’arrêt de la cigarette.

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Actualités Pneumologie Gastroentérologie

Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) et microplastiques : un cocktail explosif ?

Connaissez-vous le point commun entre une bouteille plastique, un emballage de fast-food et un pull en polyamide ? Tous seraient pourvoyeurs de microplastiques qui finissent dans nos intestins. Avec néanmoins des différences selon que l’on souffre ou non de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Bon appétit…

Le microbiote intestinal Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin L'alimentation

Poissons, récifs, coquillages et bactéries marines ne sont pas les seules victimes collatérales des microplastiques issus de la dégradation des sacs plastiques. Les microplastiques sont désormais partout : dans l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, les aliments que nous mangeons. Et personne n’y échappe, comme le montre une équipe de recherche qui en a retrouvé dans 100% des selles de patients atteints de MICI et également d’individus sains.

5g de plastique /semaine Un être humain ingèrerait 5g de plastique chaque semaine, soit l’équivalent d’une carte de crédit.

MICI : des selles pleines de microplastiques 

De l’homo erectus… à l’homo plasticus ! Si nous sommes tous devenus, à notre insu, des consommateurs de microplastiques, il semble que nous ne soyons pas tous logés à la même enseigne. Ainsi, selon notre santé intestinale, nos selles ne contiennent pas les mêmes particules de plastique, en nombre, taille et nature. Cette étude montre que chez les personnes souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI) comme la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse, ces microplastiques étaient :

  • plus nombreux (environ 42 morceaux / gramme de matière fécale sèche contre 28 chez les sujets sains),
  • globalement de plus petite taille (< 50 μm),
  • et d’origine différente, le PET (un plastique typique des bouteilles d’eau), le polyamide (issu notamment des textiles synthétiques) ou le PVC (canalisations, sols plastiques) étant plus présents.

La maladie de Crohn

La maladie de Crohn est une Maladie Inflammatoire Chronique de l’Intestin (MICI) dont la cause reste inconnue à ce jour. Cette affection inflammatoire chronique peut toucher toutes les parties du tube digestif. Elle se caractérise par une atteinte de la paroi intestinale, qui alterne des lésions souvent profondes avec des zones saines. Elle évolue par poussées entrecoupées de phases de rémissions. Le microbiote intestinal semble impliqué : une altération de la diversité et de la composition de la flore est observée chez les patients.

(sidenote: What is Crohn’s disease? Crohn’s & colitis foundation Torres J, Mehandru S, Colombel JF et al. Crohn’s disease. Lancet. 2017 Apr 29;389(10080):1741-1755. )

Autre constat de l’équipe : plus les selles des patients souffrant de MICI étaient riches en microplastiques, plus la maladie était grave. Pour autant, cela ne signifie pas forcément que les microplastiques soient responsables des MICI. D’autres explications sont possibles. Par exemple, la maladie pourrait entraîner une plus forte rétention de microplastiques dans l’intestin, tant et si bien que l’on en retrouve davantage dans les selles. Les chercheurs planchent encore pour savoir qui des microplastiques ou des MICI est la conséquence de l’autre.

La colite ulcéreuse

La colite ulcéreuse est une Maladie Inflammatoire Chronique de l’Intestin (MICI) caractérisée par une ulcération de la surface de la muqueuse du côlon. Sa cause reste inconnue à ce jour. Le microbiote intestinal semblerait impliqué dans le processus pathologique de la maladie.

(sidenote: Ulcerative colitis_Canadian Society of Intestinal Research Hu Y, Ye Z, Wu M, et al. The Communication Between Intestinal Microbiota and Ulcerative Colitis: An Exploration of Pathogenesis, Animal Models, and Potential Therapeutic Strategies. Front Med (Lausanne). 2021 Dec 13;8:766126. )

Notre alimentation pointée du doigt

Quant à savoir d’où viennent ces minuscules morceaux de plastiques, l’équipe pointe 3 origines :

  • la consommation d’eau en bouteilles qui va de pair avec un doublement de la quantité de plastique dans les selles. Ce qui n’a rien d’étonnant, quand on sait que l'eau en bouteille contient 22 fois plus de microplastiques (notamment du PET), que l'eau du robinet. 
  • la consommation d’aliments issus de la restauration rapide, sans doute liée aux emballages plastiques ;
  • et l’exposition à la poussière que ce soit au travail ou dans la vie.

Une raison de plus, s’il en était besoin, de privilégier le fait maison et les contenants inertes (bocal en verre) : non seulement c’est bon pour la planète, mais aussi pour notre corps.

Le microbiote intestinal

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Garderies végétalisées et microbiote : le pouvoir des fleurs !

Du béton armé… mais un microbiote désarmé. C’est le paradoxe des espaces urbains, sans nature, avec à la clef, une flambée des maladies auto-immunes chez nos enfants. Des chercheurs ont proposé de revégétaliser les cours d’école pour rééquilibrer le microbiote. Non seulement ça marche mais les bénéfices s’inscrivent dans la durée.

Le microbiote intestinal Le microbiote cutané Le microbiote ORL

Avec l’urbanisation croissante de notre mode de vie, nos enfants sont de moins en moins confrontés à la nature dans leur environnement quotidien. Ceci n’est pas sans conséquences sur le microbiote, puisque celui des enfants résidant en zone rurale est différent de celui des enfants vivant en zone urbaine. Cela pourrait en partie expliquer la plus forte incidence de maladies auto-immunes chez les enfants citadins.

En 2020, les travaux d’une équipe finlandaise avaient montré l’impact positif de la végétalisation des garderies sur microbiote des enfants sur une période de 28 jours.

En 2021, cette même équipe revient avec de nouveaux résultats. Cette fois-ci, ils ont suivi 61 enfants dans 6 centres différents et regardé les effets sur leur microbiote pendant 2 ans.

Microbiote : la nature gagne toujours

L’étude de la composition microbienne de la surface des sols des garderies et de la flore intestinal, salivaire et de la peau des enfants montre que la revégétalisation des espaces a impacté positivement les compositions microbiennes. Les microbiotes cutanés, oraux et intestinaux des enfants ont en effet évolué durablement vers un nouvel équilibre où des bactéries bénéfiques se sont développées.
A l’inverse, ceux-ci contiennent moins de microorganismes potentiellement pathogènes. 

Intéressant quand on sait qu’un microbiote équilibré contribue au bon fonctionnement du système immunitaire !

Quand biodiversité rime avec immunité 

Ces effets, constatés au bout de 2 ans, sont donc très prometteurs et constituent le socle potentiel d’une stratégie d’optimisation des espaces urbains. En favorisant la réintégration de la biodiversité au sein des environnements bétonnés, cela pourrait contribuer à réduire la quantité de microorganismes pathogènes dans les villes, et donc les maladies liées à un déséquilibre du microbiote ! Bien sûr, ces hypothèses mériteraient des études complémentaires pour confirmer un réel impact sur l’incidence des maladies liées au système immunitaire. Mais en attendant, laissons nos enfants se rouler dans l’herbe sans crainte !

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Endométriose et microbiote : quels liens ?

Symptômes, diagnostic, traitement, connexions éventuelles avec le microbiote... A l’occasion du mois de sensibilisation à l’endométriose, l’Institut du Microbiote donne la parole à trois experts. Décryptage de cette maladie inflammatoire chronique, longtemps ignorée et encore mal diagnostiquée. 

Endometriosis

"Le diagnostic de l’endométriose repose d’abord sur le dialogue avec la patiente"

Dr. Erick Petit

(sidenote: Dr. Erick Petit : Président de RESENDO (Réseau Ville Hôpital Endométriose), membre des comités de pilotage de la Filière Endométriose EndoSud-IDF et de la stratégie nationale contre l’endométriose, co-auteur de : Tout sur l’endométriose, soulager la douleur, soigner la maladie (Editions Odile Jacob, 2019). )

Peut-on dater l’endométriose ?

Erick Petit : L’endométriose a une histoire ancienne, sinueuse, pour ne pas dire mouvementée. Si les symptômes de la maladie sont connus depuis 4 000 ans, il faut attendre la fin du XIXème siècle pour que cette maladie soit reconnue comme organique. Imaginez-vous, près de 4000 ans d’errance diagnostique. La première description clinique de l’endométriose date de -1855 avant notre ère, chez une femme égyptienne. La maladie a ensuite été inventoriée dans son corpus clinique par les Grecs vers moins 500 avant J-C. C’est à cette époque que les symptômes ont été clairement catalogués et qu’on a associé l’endométriose aux règles.
La maladie est ensuite tombée dans les limbes de la psyché féminine jusqu’à la Renaissance. Hysterikos étant le terme grec donné à l’utérus, les médecins s’en sont donné à cœur joie sur cette prétendue maladie inventée de toute pièces par des femmes soi-disant hystériques. Pendant ce temps la douleur elle, était bien réelle…

Durant des siècles, la femme a été enfermée dans la normalité de la douleur. Des institutions ont été créées pour les interner et les marginaliser. Ce n’est qu’au 19ème siècle, grâce aux travaux d’un médecin autrichien, Karel Rokitansky, que l’endométriose a été prouvée histologiquement pour la première fois, en 18601.

Pourquoi le diagnostic de l’endométriose est-il si long, si complexe ? 

E. P. : Si l’examen de référence reste l’échographie endovaginale (ou une IRM si la jeune fille est vierge, mais cet examen est moins sensible et moins spécifique), je reste persuadé que les images ne disent pas tout. Il faut comparer les résultats de l’imagerie avec les données cliniques, prendre le temps d’écouter la patiente. C’est pourquoi, au sein du réseau (sidenote: https://www.resendo.fr/ ) , nous utilisons un questionnaire clinique avec des questions ciblées permettant de mieux préciser les douleurs de la patiente. Or, dans 9 cas sur 10, le diagnostic d’endométriose est avéré. Pour nous, la base du diagnostic, c’est d’abord l’écoute, le dialogue. Faute de temps, plus personne ne prend le temps de discuter ne serait-ce que 15 minutes avec une patiente.

C’est pourtant en posant les bonnes questions aux patientes que nous parvenons à établir un diagnostic fiable et à sortir des femmes qui sont parfois depuis 10 ans en errance diagnostique2 !  Aujourd’hui, nous manquons d’études épidémiologiques de grande envergure, mais des signaux tangibles font penser que la prévalence a augmenté ces dernières années. Il est convenu de dire qu’une femme sur dix est touchée par l’endométriose. Ce serait plutôt une femme sur sept voire cinq en âge de procréer2.

1/10 On estime qu’au moins une femme sur dix en âge de procréer souffre d’endométriose.

10 ans Certaines femmes sont en errance diagnostique durant de longues années, parfois plus de 10 ans.

#1 L’endométriose représente la 1ère cause d’hypofertilité.

Existe-t-il un profil type de femme atteinte d’endométriose ? Quelles sont les conséquences ?

E. P. : La pathologie est complexe, multifactorielle. De ce fait, il n’y a pas un profil type. Je dirais qu’il y a autant de formes que de femmes. Avec cette maladie, il n’y a pas de corrélation anatomo-clinique. C’est-à-dire que certaines femmes peuvent avoir une endométriose très sévère sur le plan anatomique, sans trop de douleurs. A contrario, d’autres peuvent être très invalidées et avoir une endométriose légère. Cette maladie représente la 1ère cause d’hypofertilité2, c’est la seconde conséquence de l’endométriose, outre les douleurs. En effet, il existe une corrélation entre l’importance des lésions et la fertilité. Mais qui n’est pas forcément liée à la douleur.

Quels sont les signes précoces ?

E. P. : La maladie apparaît dès les premières menstruations. D’où l’importance de bien observer la jeune fille pendant cette période. Est-ce que les douleurs sont intenses ? Doit-elle rester alitée pendant ses règles ? L’absentéisme scolaire est également un bon indicateur. Les règles précoces (avant 11 ans) ainsi que le fait d’avoir une mère ou une sœur atteinte d’endométriose représentent des facteurs de risque. Pour éviter une errance diagnostique et une prise en charge trop tardive, je milite depuis des années pour intégrer dans les consultations des jeunes filles entre 11 et 13 ans une sensibilisation à l’endométriose.

De plus, presque 100% des patientes souffrant d’endométriose ont également un syndrome du côlon irritable. Ces symptômes digestifs peuvent aussi être un signe d’appel de la maladie, et parfois le seul, il est donc primordial de sensibiliser également les gastroentérologues.

Quel est le traitement ?

E. P. : Il est encore très imparfait, et repose principalement sur l’hormonothérapie. Il nécessite une prise en charge multidisciplinaire :

Un traitement hormonal (un contraceptif)

Le traitement hormonal va permettre de stopper les règles, donc les douleurs, ainsi que l’évolution de la maladie.

La chirurgie

Dans les formes les plus sévères, la chirurgie peut être utile pour retirer les lésions d’endométriose (cela concerne environ 1/3 des patientes).

La prise en charge de la douleur

Prise en charge de la douleur : médicamenteuse, et également par le recours aux médecines alternatives, très efficaces : hypnose, ostéopathie, acupuncture, électrostimulation… 

La nutrition

Une prise en charge nutritionnelle permet également de réduire les douleurs et d’améliorer très significativement les troubles fonctionnels intestinaux constants : c’est un volet indispensable.

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Gynécologie

L’essentiel de ce qu’il faut lire sur le microbiote en gynécologie !

 

"Certains signes cliniques confortent l’hypothèse d’un lien entre microbiote et endométriose"

Vanessa Gouyot

 

(sidenote: Vanessa Gouyot : forte d’une expérience hospitalière depuis 2003 et d’une collaboration à des projets de recherche, j’assure une consultation libérale à Levallois-Perret ainsi qu’au sein de la Clinique du Landy dans la ville de Saint Ouen sur Seine. Biochimiste diplômée de l’Université Paris XII et Micro nutritionniste diplômée de la Faculté de Médecine de Dijon, je suis également experte média en nutrition et j'ai participé à l'écriture de 2 livres sur l'endométriose avec RESENDO. )

Quels sont les liens connus entre l’endométriose et les microbiotes ?

Vanessa Gouyot : Même s’ils sont de plus en plus tangibles, ces liens ne sont pas encore avérés. Aujourd’hui, aucune étude scientifique ne permet d’officialiser des liens entre l’endométriose et la dysbiose observée dans les différents microbiotes du corps humain3. Pour autant, la médecine nous apporte des signes cliniques4 qui renforcent cette hypothèse.  Ainsi, sur le front diététique, on sait aujourd’hui que 90% des femmes touchées par l'endométriose souffrent également de troubles digestifs associés (syndrome de l’intestin irritable ou de mal digestion). Lors de mes consultations, je rencontre un grand nombre de patientes qui déclarent avoir un déséquilibre de leur microbiote, qu’il soit buccal, gastrique et / ou intestinal... Une hypothèse semble donc se dessiner : l’endométriose est une maladie inflammatoire qui se servirait du limon « fertile » et inflammatoire du tube digestif (c’est-à-dire de l’inflammation digestive de bas grade) pour se développer. 

90% des femmes touchées par l'endométriose souffrent de troubles digestifs.

43% des femmes savent que le microbiote intestinal influe sur le microbiote vaginal.

Le microbiote pourrait-il néanmoins aider à diagnostiquer plus rapidement la maladie ?

V. G. : L’endométriose est une maladie inflammatoire chronique, complexe avec un diagnostic souvent tardif. La physiopathologie de l’endométriose fait intervenir de nombreuses hypothèses sans qu’on puisse déterminer la plus solide. Le microbiote intestinal est une piste prometteuse qui ouvre de nouvelles perspectives de recherches pour mieux comprendre les causes de cette pathologie5. A terme, ce qu’on pourrait concevoir, ce n’est pas nécessairement une évaluation de l’endométriose via le microbiote mais plutôt un meilleur diagnostic de l’inflammation digestive6,7 grâce à l’évaluation du microbiote

Le diagnostic de l’endométriose ne peut avoir lieu sans une approche clinique holistique. Aujourd’hui, quand je reçois une nouvelle patiente souffrant d’endométriose, nous passons en revue son mode de vie, c’est-à-dire son alimentation, mais aussi ce qu’elle boit, l’air qu’elle respire... Nous remontons même jusqu’à la naissance car on le sait, les premiers mois de vie sont déterminants dans la formation du microbiote. Lors de mon anamnèse, j’interroge également ma patiente sur l’existence de troubles digestifs antérieurs à ses premières règles. C’est une statistique qu’il faut prendre avec recul mais près de 90% de mes patientes souffrant d’endométriose avaient des troubles digestifs antérieurs à leurs premières règles.

Ma mission est de faire comprendre à mes patientes que le tube digestif est une zone de passage qui est agressée en permanence. Ces agressions peuvent entraîner une altération du système digestif et générer des inflammations. A cette approche holistique, il convient d’ajouter une dimension pluridisciplinaire incluant le médecin généraliste, le gynécologue, l’algologue, l’ostéopathe... Il faut tout mettre en œuvre pour ne pas laisser les patientes en errance diagnostique. Je suis convaincu que c’est au travers d’un parcours de soins coordonné et pluridisciplinaire que nous parviendrons à favoriser un diagnostic précoce et une meilleure prise en charge des patients atteintes d’endométriose. 

Vanessa Gouyot :

« La physiopathologie de l’endométriose fait intervenir de nombreuses hypothèses sans qu’on puisse déterminer la plus aboutie. Le microbiote est une hypothèse parmi tant d’autres. »

A terme, le microbiote pourrait-il être utile pour de futurs traitements ?

V. G. : La recherche sur le microbiote8,9 avance et vite.  Elle charrie de nombreux espoirs et devrait, à moyen terme, réduire les délais de diagnostic pour les patientes atteintes d’endométriose et souffrant de troubles digestifs. Aujourd’hui, la prise de probiotiques fait partie des solutions mises en place pour restaurer la flore intestinale et réduire l’inflammation. Le problème c’est le déficit de connaissances sur leur usage.

Il faut savoir qu’un probiotique seul n'est pas curatif d'une hyperperméabilité intestinale, il aide, mais ne restaure pas. Certaines patientes estiment ne pas en avoir besoin, d’autres en prennent mais de manière irrégulière, d’autres encore ont abandonné leur cure car selon elles le traitement n’avait aucun effet… Il faut donc prendre le temps d’expliquer, de rassurer mais aussi d’ajuster le traitement en fonction des besoins. Ce que l’on cherche avec un traitement par probiotiques, c’est à réautonomiser notre patiente, que celle-ci soit plus à l’écoute des signaux envoyés par son organisme. Le retour à une vie normale, avec une réduction des symptômes douloureux, pour nous, c’est la plus belle des victoires.

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41% Seulement 41 % indiquent qu’elles ont pris des probiotiques et/ou des prébiotiques (par voie orale ou vaginale)

Infographie : Les probiotiques, c'est quoi ?

Des infographies à partager avec vos patients !

 

"L’alimentation joue un rôle capital pour soulager les douleurs digestives liées à l’endométriose"

Dr Laetitia Viaud Poubeau

(sidenote: Dr. Laetitia Viaud Poubeau : diplômée d’un doctorat de spécialiste en médecine générale, elle enrichie son cursus par diverses formations en micronutrition. La découverte du lien entre l’impact de la santé du microbiote et de nombreuses pathologies dites de civilisation devient une passion. L’ensemble de ces compétences acquises lui permettent ainsi de répondre plus efficacement aux besoins de ses patients. )

Dans le cas de l’endométriose, la nutrition peut-elle jouer un rôle pour rééquilibrer le microbiote ? 

Laetitia Viaud Poubeau : La nutrition anti-inflammatoire, de type méditerranéen, à adopter en cas d’endométriose, ne peut être que bénéfique pour le microbiote intestinal. Riche en légumes, fruits, légumineuses, céréales complètes, mais aussi en acides gras oméga 3, à la fois prébiotiques et anti-inflammatoires, cette nutrition favorise le développement d’une flore eubiotique, riche en bifidobactéries et lactobacilles10-12. Cette nutrition permet d’optimiser la synthèse d’acides gras à courte chaine, tel que le butyrate, carburant du microbiote et des cellules intestinales13,14

L’intérêt est triple : favoriser l’équilibre du microbiote intestinal, lutter contre la perméabilité intestinale et ainsi baisser l’inflammation de bas grade sous-jacente.

Quels sont les aliments à proscrire en cas d’endométriose ?

L. V.-P. : La « Western Diet »11,15, c’est-à-dire le régime occidental riche en aliments transformés, en sucre raffiné, en sel, en graisses saturées (viandes rouges par exemple) et graisses trans (viennoiseries par exemple)16, est délétère pour l’équilibre microbien intestinal. Cette alimentation entraine une dysbiose intestinale et une inflammation de bas grade. Les boissons type sodas, sirop, jus de fruits, alcool fort, sont également à éviter. 

Des études montrent aussi l’intérêt de réduire la consommation de gluten11,17,18, qui par activation de la (sidenote: Zonuline Protéine impliquée dans la régulation de la perméabilité épithéliale et endothéliale.
Elle est produite entre autres au niveau hépatique et à la surface des entérocytes de la muqueuse intestinale, en agissant au niveau des jonctions serrées.  Fasano A. Intestinal permeability and its regulation by zonulin: diagnostic and therapeutic implications. Clin Gastroenterol Hepatol. 2012 Oct;10(10):1096-100.
)
, favorise l’ouverture des jonctions serrées et renforce l’inflammation systémique. 

En revanche, la consommation de produits laitiers animaux ne semble pas être en faveur d’un sur-risque d’endométriose19,20. Mais leur teneur en hormones de croissance peut renforcer le terrain d’hyperoestrogénie relative des patientes souffrant d’endométriose21. De plus, une hypersensibilité aux protéines de lait entretient une inflammation de bas grade11

Il faut aussi faire attention à l’impact des additifs, perturbateurs endocriniens, antibiotiques agro-alimentaires, pesticides et autres polluants chimiques, nombreux dans nos aliments, qui altèrent l’équilibre de nos microbiotes.

Aliments à éviter en cas d’endométriose :

  • aliments transformés
  • sucre raffiné
  • sel
  • graisses saturées (viande rouge...) 
  • graisses trans (viennoiseries...)
  • sodas, sirop, jus de fruits
  • alcool fort
  • réduire la consommation de gluten

Quelles sont les conséquences d’un régime de type occidental (« Western Diet ») sur le microbiote intestinal ? Ce régime est-il responsable des troubles gastrointestinaux observés dans l’endométriose ? 

L. V.-P. : La dysbiose intestinale engendrée par le régime occidental favorise le développement des bacilles gram négatifs. Ces bactéries sont porteuses d’un motif moléculaire type lipopolysaccharide (LPS), à l’origine d’une endotoxinémie métabolique et de l’activation d’une inflammation de bas grade, via l’activation du récepteur TLR411,22,23

Cette dysbiose induite se traduit par de l’inconfort intestinal, qui peut aller de la constipation aux diarrhées. On peut également observer des ballonnements, des spasmes intestinaux, des gaz plus ou moins odorants, renforçant alors l’inconfort des patientes souffrant d’endométriose. 

Dans ce cas, un régime sans FODMAPs (« Fermentable Oligo, Di, Monosaccharides And Polyols »), ou d’épargne digestive, peut être introduit en phase initiale de rééquilibrage alimentaire, pour soulager rapidement les patientes24. L’épargne digestive est un modèle alimentaire qui vise à réduire l’inflammation et favoriser la cicatrisation de la muqueuse intestinale. Il repose sur des règles hygiéno-diététiques simples : éviction des crudités et fruits crus, limiter les agrumes et crucifères, éviction du lactose et du gluten, éviction des boissons irritantes tel que café, alcool fort, sodas. Il peut se maintenir pendant 4 à 6 semaines, se révèle moins contraignant que le régime sans FODMAPs, et surtout n’altère pas l’équilibre de la flore intestinale contrairement au régime sans FODMAPs qui va réduire la concentration endoluminale des bifidobactéries25.

Gastro-entérologie

Tout ce qu'il faut savoir sur le microbiote en gastro-entérologie !

En France, durant tout le mois de mars, le Biocodex Microbiota Institute et la Fondation pour la Recherche sur l'Endométriose se mobilisent pour sensibiliser le grand public et les professionnels de santé sur les liens possibles entre le microbiote et l’endométriose. La Fondation pour la Recherche sur l'Endométriose sous l’égide de la FRM soutient des projets de recherche sur l’endométriose. Vous êtes chercheur ?  Professionnel de santé ? Vous souhaitez présenter votre projet ? Le prochain appel à projets de la FRE se fera en mai 2022.

Pour participer, rendez-vous sur https://www.fondation-endometriose.org/ 

Ils soutiennent cet article :

Recommandé par notre communauté

"🥺 Cela fait près de 12 ans que je lutte contre cette maladie et le fait de voir enfin une prise de conscience s'opérer me rassure. ❤️" - Commentaire traduit de Sharaya💋

"Merci d'avoir diffusé cette information. C'est un point de vue intéressant." - Commentaire traduit de Ian

"Très bon projet !" - Commentaire traduit de Serega

(Repris de Biocodex Microbiota Institute sur X)

BMI 22.07
Sources

1. Nezhat C, Nezhat F, Nezhat C. Endometriosis: ancient disease, ancient treatments. Fertil Steril 2012 ; 98 (6 Suppl) : S1-62.

2. Kvaskoff M. Epidémiologie de l’endométriose. In : Petit E, Lhuillery D, Loriau J, Sauvanet E. Endométriose : Diagnostic et prise en charge. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2020. P.9-14.

3. Yuan M, Li D, Zhang Z, et al. Endometriosis induces gut microbiota alterations in mice. Hum Reprod. 2018 Apr 1;33(4):607-616. 

4. Svensson A, Brunkwall L, Roth B, et al. Associations Between Endometriosis and Gut Microbiota. Reprod Sci. 2021 Aug;28(8):2367-2377.

5. Huang L, Liu B, Liu Z, et al. Gut Microbiota Exceeds Cervical Microbiota for Early Diagnosis of Endometriosis. Front Cell Infect Microbiol. 2021 Dec 7;11:788836.

6. Guo S, Al-Sadi R, Said HM, et al. Lipopolysaccharide causes an increase in intestinal tight junction permeability in vitro and in vivo by inducing enterocyte membrane expression and localization of TLR-4 and CD14. Am J Pathol. 2013 Feb;182(2):375-87.

7. Jayashree B, Bibin YS, Prabhu D, et al. Increased circulatory levels of lipopolysaccharide (LPS) and zonulin signify novel biomarkers of proinflammation in patients with type 2 diabetes. Mol Cell Biochem. 2014 Mar;388(1-2):203-10.

8. Jiang I, Yong PJ, Allaire C, et al. Intricate Connections between the Microbiota and Endometriosis. Int J Mol Sci. 2021 May 26;22(11):5644.

9. Ata B, Yildiz S, Turkgeldi E, et al. The Endobiota Study: Comparison of Vaginal, Cervical and Gut Microbiota Between Women with Stage 3/4 Endometriosis and Healthy Controls. Sci Rep. 2019 Feb 18;9(1):2204. 

10. Holscher HD, Dietary fiber and prebiotics and the gastrointestinal microbiota. Gut Microbes. 2017 Mar 4;8(2):172-184.

11. Panizza D. L’intestin et le poids. De la dysbiose au surpoids, de l’inflammation à l’obésité. Muret: Edition Géo Reflet; 2017. 

12. Missmer SA, Chavarro JE, Hankinson SE, et al. A prospective study of dietary fat consumption and endometriosis risk. Hum Reprod. 2010 Jun; 25(6): 1528-35.

13. Louis P, Flint HJ. Formation of propionate and butyrate by the human colonic microbiota. Environ Microbiol. 2017 Jan; 19(1):29-41.

14. Brahe LK, Astrup A, Harsen LH. Is butyrate the link between diet, intestinal microbiota and obesity-related metabolic diseases? Obes Rev. 2013 Dec;14(12):950-9.

15. Zinöcker MK, Lindseth IA. The Western Diet-Microbiome-Host Interaction and Its Role in Metabolic Disease. Nutrients. 2018 Mar 17;10(3):365. 

16. Yamamoto A, Harris HR, Vitonis A et al. A prospective cohort study of meat and fish consumption and endometriosis risk. Am J Obstet Gynecol. 2018 Aug; 219(2):178.e1-178.e10.

17. Marziali M, Venza M, Stolfi VM. Gluten-free diet: a new strategy for management of painful endometriosis related symptoms? Minerva chir. 2012 Dec; 67(6):499-504.

18. Marziali M, Capozzolo T. Role of Gluten-Free Diet in the Management of Chronic Pelvic Pain of Deep Infiltranting Endometriosis. J Minim Invasive Gynecol. Nov-Dec 2015; 22(6S):S51-S52.

19. Xiangying Qi, Wenyan Zhang, Mingxiu Ge, et al. Relationship Between Dairy Products Intake and Risk of Endometriosis: A Systematic Review and Dose-Response Meta-Analysis. Front nutr. 2021 Jul 22;8:701860.

20. Nodler JL, Harris HR, Chavarro JE, et al. Dairy consumption during adolescence and endometriosis risk. Am J obstet Gynecol. 2020 Mar;222(3):257.e1-257.e16.

21. Maruyama K, Oshima T, Ohyama K. Exposure to exogenous estrogen through intake of commercial milk produced from pregnant cows. Pediatr int. 2010 Feb; 52(1):33-8.

22. Guo S, Al-Sadi R, Said HM, et al. Lipopolysaccharide causes an increase in intestinal tight junction permeability in vitro and in vivo by inducing enterocyte membrane expression and localization of TLR-4 and CD14. Am J Pathol. 2013 Feb;182(2):375-87.

23. Boroni Moreira AP, Fiche Salles Texeira T, Barbosa Ferreira A, et al. Influence of a high-fat diet on gut microbiota, intestinal permeability and metabolic endotoxaemia. Br J Nutr. 2012 sept;108(5):801-99.

24. Moore JS, Gibson PR, Burgell RE et al. Endometriosis in patients with irritable bowel syndrome: Specific symptomatic and demographic profile, and response to the low FODMAP diet. Aust NZJ Obstet Gynaecol. 2017 Apr; 57(2):201-205. 

25. Heidi Maria Staudacher. Nutritional, microbiological and psychosocial implications of the low FODMAP diet. J Gastroenterol Hepatol. 2017 Mar; 32 Suppl 1:16-19.

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Actualités Gastroentérologie Médecine générale

Endométriose et microbiote : existe-t-il un lien ?

À l’occasion du mois de sensibilisation à l’endométriose, l’Institut du Microbiote donne la parole à trois experts de cette pathologie. Quels sont les symptômes ? Comment la diagnostiquer ? Quelle prise en charge ? Y a-t-il un lien avec le microbiote ? Toutes les réponses à vos questions dans cet article.

Le microbiote intestinal Le microbiote vaginal Santé de la femme L'alimentation Les probiotiques Prébiotiques : l'essentiel pour comprendre
Endometriosis

"L’endométriose, c’est 4000 ans de préjugés et d'errance diagnostique"

Dr. Erick Petit

Médecin radiologue, fondateur et responsable du Centre de l'endométriose du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph

À quand remontent les premières traces de l’endométriose ?

Erick Petit : Cela fait 4000 ans que cette maladie empoisonne la vie des femmes… mais seulement un siècle et demi qu’elle est reconnue ! La première « patiente » officiellement répertoriée est une femme égyptienne qui vivait en - 1855 ans avant notre ère. On retrouve la trace de l’endométriose aux VIème et Vème siècles avant J-C, sous la plume des médecins hippocratiques qui inventorièrent de manière précise ses symptômes. Passée cette période, nous basculons dans une forme d’obscurantisme médical. Jusqu’à la Renaissance, l’endométriose n’était qu’une facette de la psyché féminine.

Etymologiquement parlant, cela concordait. L’utérus, étant issu du grec hysterikos, le corps médical a facilement dérivé vers l’hystérie, l’endométriose prenant les formes d’une maladie imaginaire, inventée de toutes pièces par des femmes pourtant percluses de douleurs. Rendez-vous compte, il a fallu attendre 1860 pour que Karel Rokitansky, un médecin autrichien, démontre que la maladie vient de l’ (sidenote: Endomètre Tissu qui tapisse l’intérieur de l'utérus.  NCI Dictionaries_Endometrium   ) , d’où son nom endométriose1. Aujourd’hui, on estime qu’au moins une femme sur dix en âge de procréer souffre d’endométriose. Ce serait plutôt une femme sur sept voire cinq en âge de procréer2.

Santé de la femme

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Comment diagnostiquer l’endométriose ? Pourquoi est-ce si complexe ?

E.P. : En réalité, le diagnostic est assez simple : les patientes répondent à un questionnaire clinique que j’ai établi et que nous proposons lors des consultations au sein du réseau (sidenote: https://www.resendo.fr/ ) . Celui-ci comprend un certain nombre de questions, entre autres sur le type de douleurs rencontrées. En fonction des résultats obtenus, je parviens à établir un diagnostic fiable, en effet dans 9 cas sur 10, le diagnostic est confirmé. C’est un gain de temps mais aussi de confort pour la patiente. Aujourd’hui, la porte d’entrée de l’endométriose, c’est le dialogue, l’écoute. Certaines femmes sont en errance diagnostique depuis de longues années, parfois plus de 10 ans2 ! Elles subissent encore des préjugés vieux de 4000 ans selon lesquels les règles féminines sont forcément douloureuses. Mon combat, c’est de tuer ce mythe et de rappeler que l’endométriose est une pathologie.

1/10 On estime qu’au moins une femme sur dix en âge de procréer souffre d’endométriose.

10 ans Certaines femmes sont en errance diagnostique durant de longues années, parfois plus de 10 ans.

#1 L’endométriose représente la 1ère cause d’hypofertilité.

Ensuite, l’examen que je qualifierai de référence, c’est bien sûr l’échographie endovaginale réalisée par un expert (ou une (sidenote: IRM Imagerie par Résonance Magnétique. ) si la jeune fille est vierge, mais cet examen est moins sensible et moins spécifique). Cet examen permet de visualiser les lésions d’endométrioses et leurs localisations. Mais, et j’insiste sur ce point, l’imagerie seule ne suffit pas. Il faut savoir que pour cette maladie, il n’y a pas de corrélation entre les symptômes et les lésions. C’est-à-dire qu’on peut avoir une femme avec une endométriose très sévère mais qui ne souffre pas, ou, a contrario, une patiente avec une endométriose beaucoup plus légère et qui souffre le martyr. 

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Y a-t-il plusieurs formes d’endométriose ? Certaines formes sont-elles plus graves que d’autres ?

E.P. : Il y a autant de formes que de femmes ! D’où l’importance de bien cartographier les douleurs pour affiner le diagnostic et la prise en charge. La conséquence principale de la maladie est la non-fertilité, suivant la localisation des lésions. En effet, on observe une corrélation entre l’importance anatomique de la maladie et la fertilité. Mais qui n’est pas forcément liée à la douleur. L’endométriose représente la 1ère cause d’hypofertilité2 !

Quels sont les signes précoces ?

E.P. : La maladie apparaît dès les premières règles. Il convient de bien observer la jeune fille pendant cette période, identifier l’intensité des douleurs, si la jeune fille doit s’aliter, si elle n’est pas en capacité physique de suivre ses cours… On sait que les règles précoces avant 11 ans sont un facteur de risque de maladie, de même qu’avoir une mère ou une sœur atteinte (facteurs génétiques). C’est pour cela que je milite pour sensibiliser précocement les jeunes filles entre 11 et 13 ans à l’endométriose : c’est seulement de cette manière que l’on pourra réduire l’errance diagnostique. D’autre part, il existe des atteintes digestives qu’il ne faut pas minimiser : la quasi-majorité de mes patientes ont un syndrome du côlon irritable. D’où l’importance de sensibiliser également les gastroentérologues à la maladie !

Sur quoi repose la prise en charge des patientes ?

E.P. : Le traitement demeure très imparfait et repose sur une approche multidisciplinaire :

Un traitement hormonal (un contraceptif)

Tout d’abord, on prescrit un traitement hormonal (un contraceptif) qui permet de couper le robinet central des règles douloureuses. En stoppant les règles, on stoppe les douleurs ainsi que l’évolution de la maladie.

La chirurgie

Dans les formes les plus sévères, nous avons recourt à la chirurgie pour enlever les lésions d’endométriose. Ainsi, 30% de nos patientes sont opérées chaque année.

Le traitement de la douleur

Le troisième pilier se concentre sur le traitement de la douleur. Il peut s’agir d’un traitement médicamenteux, et nous orientons également les patientes vers des méthodes dites de médecine alternative, très efficaces : acupuncture, hypnose, ostéopathie… 

La nutrition

Le dernier pilier repose sur la prise en charge des douleurs intestinales, par l’angle de la nutrition.

 

"Le microbiote intestinal, sans doute une des clés de l’énigme endométriose"

Vanessa Gouyot 

Diététicienne depuis 20 ans, micronutritionniste spécialisée dans la prise en charge nutritionnelle de l'endométriose auprès du réseau RESENDO

Existe-t-il un lien entre l’endométriose et le microbiote ? 

Vanessa Gouyot : Nous ne disposons pas aujourd’hui d’études scientifiques qui établissent des liens avérés entre l’endométriose et un déséquilibre des différents microbiotes (intestinal, vaginal par exemple) du corps humain. Pour autant, certains signes cliniques viennent renforcer cette hypothèse. Nous savons aujourd’hui que 90% des femmes touchées par l'endométriose ont également des troubles digestifs associés (syndrome de l’intestin irritable notamment). Ce chiffre se vérifie en consultation où je rencontre de plus en plus de patientes qui semblent avoir un déséquilibre intestinal, que l’on appelle dysbiose, au niveau de leur tube digestif : parfois cette (sidenote: Dysbiose La « dysbiose » n’est pas un phénomène homogène : elle varie en fonction de l’état de santé de chaque individu. Elle est généralement définie comme une altération de la composition et du fonctionnement du microbiote, provoquée par un ensemble de facteurs environnementaux et liés à l’individu, qui perturbent l’écosystème microbien. Levy M, Kolodziejczyk AA, Thaiss CA, et al. Dysbiosis and the immune system. Nat Rev Immunol. 2017;17(4):219-232. ) est buccale, parfois gastrique et / ou intestinale.

90% des femmes touchées par l'endométriose souffrent de troubles digestifs.

Le rôle de notre microbiote est de nous protéger et de faire barrière. Or, si 90% des femmes souffrant d’endométriose ont des troubles digestifs, cela signifie qu’il y a une inflammation digestive à ce niveau-là… Ma mission est de faire comprendre à mes patientes que le tube digestif est une zone de passage qui est agressée en permanence (par l’alimentation entre autres). Ces agressions peuvent entraîner une altération du système digestif et générer des inflammations. Il faut voir le corps humain comme une grande caserne avec des pompiers qui interviennent régulièrement pour éteindre les incendies.

Vanessa Gouyot :

« La recherche sur le microbiote progresse et va, à terme, améliorer significativement la qualité de vie des patientes atteintes d’endométriose et souffrant de troubles digestifs. »

Or si tous ces pompiers sont mobilisés pour résoudre une inflammation permanente au niveau intestinal, ils ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Toutes ces demandes constituent un « bruit de fond » inflammatoire, c’est-à dire une inflammation chronique, qui faciliterait le développement d’autres pathologies, telles que l’endométriose.

Comptes tenus des symptômes digestifs observés chez les patientes souffrant d’endométriose, le microbiote pourrait-il aider à diagnostiquer plus rapidement la maladie ?

V.G. : Face à l’endométriose, maladie par nature complexe et particulièrement difficile à diagnostiquer, il convient de faire preuve d’une grande humilité et d’une certaine prudence. Les mécanismes de la maladie font intervenir de nombreuses hypothèses sans qu’on puisse déterminer la plus aboutie. Le microbiote est une hypothèse parmi tant d’autres. C’est un fait : la recherche sur le microbiote avance et charrie de nombreux espoirs pour les patientes mais ne brûlons pas les étapes. Ce qu’on pourrait imaginer, ce n’est pas forcément une évaluation de l’endométriose via le microbiote, mais plutôt une évaluation du microbiote pour un meilleur diagnostic de l’inflammation digestive et de leurs troubles digestifs3. L’endométriose nécessite une approche globale et pluridisciplinaire.

Aujourd’hui, quand je prends en charge une nouvelle patiente souffrant d’endométriose, nous passons au crible son alimentation, ce qu’elle boit mais aussi son cadre de vie, tous les facteurs pouvant entrainer une agression digestive, et un déséquilibre du microbiote intestinal.

Le microbiote intestinal

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Le microbiote pourrait-il être utile pour de futurs traitements ?

V.G. : La recherche sur le microbiote progresse4,5 et va, à terme, améliorer significativement la qualité de vie des patientes atteintes d’endométriose et souffrant de troubles digestifs6. En attendant les futures découvertes médicales, la prise de probiotiques reste un des éléments pour rétablir le bon fonctionnement du microbiote intestinal et réduire l’inflammation. Le problème c’est le manque d’information. J’ai des patientes qui n’en voient pas la nécessité, d’autres qui en prennent de manière épisodique, d’autres encore qui reviennent en m’indiquant que le traitement ne fonctionne pas…

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41% Seulement 41 % indiquent qu’elles ont pris des probiotiques et/ou des prébiotiques (par voie orale ou vaginale)

Différents cas de figure qui nécessitent un travail explicatif avec chaque patiente. Il faut rappeler que le contexte de prise est important, que la consommation d’un probiotique doit être adossée à un avis d’expert… Il existe une grande variété de souches de probiotiques qui peuvent avoir un effet bénéfique en cas d’endométriose. Ce que l’on cherche avec un traitement par probiotiques, c’est à réautonomiser notre patiente, que celle-ci soit plus à l’écoute des signaux envoyés par son organisme et qu’elle retrouve in fine un confort de vie. Le retour à une vie normale, une amélioration des douleurs, pour nous, c’est une victoire.

Les probiotiques

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"Oui, l’alimentation peut soulager les douleurs digestives en cas d’endométriose"

Dr. Laetitia Viaud Poubeau

Docteur en médecine, spécialisée en médecine fonctionnelle et nutritionnelle

Une bonne alimentation permet-elle de rééquilibrer le microbiote intestinal des femmes souffrant d’endométriose ?

Laetitia Viaud Poubeau : En cas d’endométriose, une alimentation de type méditerranéenne, c’est-à-dire riche en légumes, fruits, légumineuses, céréales complètes, mais aussi en acides gras oméga 3, à la fois prébiotiques et anti-inflammatoires, ne peut être que bénéfique pour le microbiote intestinal. Cette alimentation aux vertus anti-inflammatoires favorise le développement d’une (sidenote: Flore eubiotique Flore dite « à l’équilibre ».  Iebba V, Totino V, Gagliardi A, et al. Eubiosis and dysbiosis: the two sides of the microbiota. New Microbiol. 2016 Jan;39(1):1-12. ) , riche en bifidobactéries et lactobacilles7-9. L’intérêt de cette alimentation est multiple : elle permet de rééquilibrer le microbiote intestinal, de lutter efficacement contre la perméabilité intestinale et ainsi de réduire l’inflammation.

L'alimentation

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Quels sont les aliments à éviter lorsqu’on souffre d’endométriose ?

L. V.-P. : Ce que nous appelons la « Western Diet »8,10, c’est-à-dire une alimentation occidentale riche en aliments transformés, en sucre raffiné, en sel, en graisses saturées (viandes rouges par exemple) et graisses trans (viennoiseries par exemple)11, est particulièrement néfaste pour le microbiote intestinal. La Western Diet peut provoquer une dysbiose intestinale avec, à terme des complications plus ou moins importantes pour l’organisme. A cette liste d’aliments à bannir, il convient d’ajouter les alcools forts, les boissons type sodas, sirop, jus de fruits, particulièrement riches en sucre et/ou édulcorants. Certaines études montrent aussi l’intérêt de diminuer la consommation de gluten qui renforcerait l’inflammation de la maladie8,12,13.

En revanche, les avis sont plus partagés sur la consommation de produits laitiers d’origine animale. Ces derniers ne semblent pas être un facteur de sur-risque d’endométriose14,15. Néanmoins, leur teneur en hormones de croissance peut renforcer le terrain d’ (sidenote: Hyperoestrogénie Sécrétion d’oestrogènes normale ou forte, mais prolongée par rapport à la sécrétion de progestérone. Norman Lavin (1 April 2009). Manual of Endocrinology and Metabolism. Lippincott Williams & Wilkins. p. 274. ISBN 978-0-7817-6886-3. Retrieved 5 June 2012 ) pour les patientes souffrant d’endométriose16. De plus, une hypersensibilité aux protéines de lait entretient un bruit de fond inflammatoire8 : c’est-à-dire une inflammation permanente, chronique.

Prudence également avec les additifs, antibiotiques agro-alimentaires, perturbateurs endocriniens, pesticides et autres polluants chimiques, qu’on retrouve dans notre alimentation et qui peuvent altérer l’équilibre de nos microbiotes.

Aliments à éviter en cas d’endométriose

  • aliments transformés
  • sucre raffiné
  • sel
  • graisses saturées (viande rouge...) 
  • graisses trans (viennoiseries...)
  • sodas, sirop, jus de fruits
  • alcool fort
  • réduire la consommation de gluten

Quelles sont les conséquences du régime de type occidental (« Western Diet ») sur le microbiote intestinal ? Quelles sont les alternatives en termes d’alimentation ?

L. V.-P. : La dysbiose intestinale générée par le régime occidental va se traduire par de l’inconfort intestinal, qui peut aller de la constipation aux diarrhées. On observe également, chez de nombreuses femmes souffrant d’endométriose, des ballonnements, des spasmes intestinaux, des gaz plus ou moins odorants.

Nous conseillons alors un régime sans (sidenote: “Fermentable Oligo, Di, Monosaccharides And Polyols”: Glucides fermentescibles. ) ou d’épargne digestive pour soulager rapidement les patientes17. Le régime d’épargne digestive repose sur des règles hygiéno-diététiques simples : éviction des crudités et fruits crus, du lactose et du gluten, des boissons irritantes tel que café, alcool fort, sodas, limitation des agrumes et crucifères… Il peut se maintenir pendant 4 à 6 semaines, se révèle moins contraignant que le régime sans FODMAPs, et surtout n’altère pas l’équilibre de la flore intestinale18.

En France, durant tout le mois de mars, l’Institut du Microbiote et la (sidenote: https://www.fondation-endometriose.org/ ) se mobilisent pour sensibiliser le grand public et les professionnels de santé sur les liens possibles entre le microbiote et à l’endométriose. La Fondation pour la Recherche sur l'Endométriose sous l’égide de la FRM soutient des projets de recherche sur l’endométriose. En faisant un don à la Fondation pour la Recherche sur l’Endométriose, vous contribuez à l’ouverture de nouveaux projets de recherche nécessaires pour mieux comprendre la maladie et potentiellement les liens avec le microbiote.

Rendez-vous sur https://www.fondation-endometriose.org/.

Ils soutiennent cet article :
BMI 22.05
Sources

1. Nezhat C, Nezhat F, Nezhat C. Endometriosis: ancient disease, ancient treatments. Fertil Steril 2012 ; 98 (6 Suppl) : S1-62

2. Kvaskoff M. Epidémiologie de l’endométriose. In : Petit E, Lhuillery D, Loriau J, Sauvanet E. Endométriose : Diagnostic et prise en charge. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2020. P.9-14

3. Jayashree B, Bibin YS, Prabhu D, et al. Increased circulatory levels of lipopolysaccharide (LPS) and zonulin signify novel biomarkers of proinflammation in patients with type 2 diabetes. Mol Cell Biochem. 2014 Mar;388(1-2):203-10

4. Jiang I, Yong PJ, Allaire C, et al. Intricate Connections between the Microbiota and Endometriosis. Int J Mol Sci. 2021 May 26;22(11):5644

5. Ata B, Yildiz S, Turkgeldi E, et al. The Endobiota Study: Comparison of Vaginal, Cervical and Gut Microbiota Between Women with Stage 3/4 Endometriosis and Healthy Controls. Sci Rep. 2019 Feb 18;9(1):2204

6. Cani PD, Delzenne NM. The gut microbiome as therapeutic target. Pharmacology & Therapeutics. 2011. Vol 130, Issue 2: 202-12

7. Holscher HD, Dietary fiber and prebiotics and the gastrointestinal microbiota. Gut Microbes. 2017 Mar 4;8(2):172-184.

8. Panizza D. L’intestin et le poids. De la dysbiose au surpoids, de l’inflammation à l’obésité. Muret: Edition Géo Reflet; 2017. 

9. Missmer SA, Chavarro JE, Hankinson SE, et al. A prospective study of dietary fat consumption and endometriosis risk. Hum Reprod. 2010 Jun; 25(6): 1528-35.

10. Zinöcker MK, Lindseth IA. The Western Diet-Microbiome-Host Interaction and Its Role in Metabolic Disease. Nutrients. 2018 Mar 17;10(3):365. 

11. Yamamoto A, Harris HR, Vitonis A et al. A prospective cohort study of meat and fish consumption and endometriosis risk. Am J Obstet Gynecol. 2018 Aug; 219(2):178.e1-178.e10.

12. Marziali M, Venza M, Stolfi VM. Gluten-free diet: a new strategy for management of painful endometriosis related symptoms? Minerva chir. 2012 Dec; 67(6):499-504.

13. Marziali M, Capozzolo T. Role of Gluten-Free Diet in the Management of Chronic Pelvic Pain of Deep Infiltranting Endometriosis. J Minim Invasive Gynecol. Nov-Dec 2015; 22(6S):S51-S52.

14. Xiangying Qi, Wenyan Zhang, Mingxiu Ge, et al. Relationship Between Dairy Products Intake and Risk of Endometriosis: A Systematic Review and Dose-Response Meta-Analysis. Front nutr. 2021 Jul 22;8:701860.

15. Nodler JL, Harris HR, Chavarro JE, et al. Dairy consumption during adolescence and endometriosis risk. Am J obstet Gynecol. 2020 Mar;222(3):257.e1-257.e16.

16. Maruyama K, Oshima T, Ohyama K. Exposure to exogenous estrogen through intake of commercial milk produced from pregnant cows. Pediatr int. 2010 Feb; 52(1):33-8.

17. Moore JS, Gibson PR, Burgell RE et al. Endometriosis in patients with irritable bowel syndrome: Specific symptomatic and demographic profile, and response to the low FODMAP diet. Aust NZJ Obstet Gynaecol. 2017 Apr; 57(2):201-205. 

18. Heidi Maria Staudacher. Nutritional, microbiological and psychosocial implications of the low FODMAP diet. J Gastroenterol Hepatol. 2017 Mar; 32 Suppl 1:16-19.

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Actualités

Le microbiote nasal, un modulateur du risque d’otite ?

Une étude combinant séquençage de l’ARN 16 S et culture bactérienne à grande échelle (« culturomique ») vient documenter les caractéristiques du microbiote nasal associées à la santé auriculaire et nasale des enfants aborigènes (2-7 ans), une population à haut risque d’otite.

ORL

Si les otites sont des affections fréquentes au cours de l’enfance, (sidenote: Les enfants aborigènes australiens seraient 5 fois plus à risque d’otite sévère de l’oreille moyenne que les enfants australiens non aborigènes. Gunasekera H, Knox S, Morris P et al. The spectrum and management of otitis media in Australian indigenous and nonindigenous children: a national study. Pediatr Infect Dis J. 2007 Aug;26(8):689-92. ) . Problème, les études cherchant à caractériser les micro-organismes associés à la maladie dans ces populations ont jusqu’ici recherché des otopathogènes connus (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis), ou ont majoritairement eu recours à des techniques de culture, qui ne permettent pas de révéler la présence des micro-organismes difficiles à cultiver.

En analysant le microbiote nasal de 101 enfants aborigènes par séquençage du gène de l’ARN 16S et en augmentant le nombre de conditions de culture bactérienne, des chercheurs ont investigué les associations entre sa composition et la santé auriculaire et nasale des enfants.

Moraxella, marqueur d’otites passées ?

Ils ont mis en évidence une abondance de Moraxella chez les enfants qui avaient déjà eu une otite. Cette présence accrue, alors même que les enfants sont exempts d’otite au moment de l’analyse, pourrait résulter d’un remodelage durable du microbiote nasal suite à une ancienne otite. L’abondance de Moraxella dans le microbiote nasal était par ailleurs négativement corrélée à celle de Staphylococcus, un genre bactérien plus représenté chez les enfants ne présentant pas d’écoulement nasal infectieux. Or, des données in vitro suggèrent que certaines espèces de Staphylococcus peuvent inhiber des Moraxella, ce qui pourrait expliquer la corrélation négative observée.

Un duo de micro-organismes protecteur ?

En outre, chez les enfants sans affection de l’oreille au moment de l’étude, une corrélation positive était observée entre Dolosigranulum et Corynobacterium. Une telle corrélation était également retrouvée chez les enfants ne présentant pas de rhinorrhée infectieuse, amenant les auteurs à considérer cette co-colonisation comme potentiellement protectrice vis-à-vis de pathogènes comme S. pneumoniae, et garante de la santé des voies aéro-supérieures et auriculaire.

Vers l’identification de nouveaux otopathogènes

En revanche, Ornithobacterium était sur-représenté chez les enfants qui présentaient une otite séreuse par rapport aux enfants n’ayant jamais eu d’otite. Il pourrait ainsi constituer un nouvel otopathogène potentiel. Sa présence était corrélée à celle de deux autres genres bactériens, Dichelobacter et Helcococcus, dont les effets sur la santé nasale et auriculaire restent à préciser.

Ainsi, cette étude combinant séquençage 16S et culturomique, la plus vaste jamais réalisée sur des populations autochtones, a permis de décrire des associations du microbiote nasal avec la santé auriculaire et nasale, en identifiant des synergies (et antagonismes) potentiels entre micro-organismes, et de nouveaux candidats otopathogènes, qui devront être étudiés de façon plus approfondie.

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Actualités Otorhinolaryngologie Pédiatrie

Eau du puits, robinet ou bouteille : un effet sur le microbiote qui coule de source ?

« Méfiez-vous de l’eau qui dort », proclame un dicton populaire. Et de sa provenance ? Car son origine (eau de puits, du robinet, filtrée, en bouteille) et la quantité bue vont de pair avec la composition de notre microbiote intestinal.

Le microbiote intestinal L'alimentation

Eau du puits, du robinet, eau filtrée, eau en bouteille : toutes les eaux ne se valent pas en termes d’origine (nappes phréatiques, eau de surface…), de traitements (filtration, désinfection…), et donc de composition chimique, minérale ou microbienne. Mais alors que l’eau représente le plus gros volume ingéré quotidiennement, loin devant les aliments, c’est souvent le parent pauvre des études scientifiques sur l’alimentation et le microbiote : l’effet des aliments (chocolat noir, avocat, thé…) a été décortiqué, celui de certaines boissons (sodas, alcool, jus de betterave…) observé à la loupe, mais l’eau avait du mal à gagner les paillasses de laboratoires.

Cette époque est aujourd’hui révolue : l’eau semble en effet jouer un rôle majeur sur la composition de notre microbiote intestinal, arrosé quotidiennement par 2 litres de boissons. C’est en tout cas ce qui ressort des travaux d’une équipe de chercheurs1 qui s’est plongée dans les données d’une précédente étude menée auprès de Britanniques2 et d’Américains3.

États-Unis
  • 2,7 L d'eau/j pour les femmes
  • 3,7 L d'eau/j pour les hommes
  • dont 70 à 80% proviennent des boissons, le reste venant des aliments.
Europe
  • 2 L d'eau/j pour les femmes
  • 2,5 L d'eau/j pour les hommes
  • dont 80% proviennent des boissons, le reste venant des aliments.

Un effet qualitatif…

Résultats des courses ? L’origine de l'eau potable est un facteur clé qui expliquerait les variations de composition du microbiote intestinal. Son influence est comparable à celle de la consommation d’alcool, voire du type de régime alimentaire. Ainsi, à chaque type d’eau consommée correspond une signature du microbiote intestinal. Vous buvez principalement de l'eau de puits ? Votre microbiote intestinal a toutes les chances d’être plus diversifié que si vous buviez de l’eau du robinet, de l’eau filtrée ou en bouteille. Et votre tube digestif abrite sans doute davantage de bactéries Dorea et moins de Bacteroides, Odoribacter et Streptococcus. Comment expliquer cette différence ? Peut-être parce que l'eau de puits contient naturellement des communautés microbiennes plus diversifiées que l'eau du robinet, faute de désinfection systématique.

Le microbiote intestinal

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… et quantitatif

Mais tout n’est pas qu’une question de l’origine de l’eau bue. La quantité joue également. Ainsi, le microbiote intestinal des faibles buveurs d'eau (toutes sources confondues) diffère de celui des grands consommateurs. Chez les petits buveurs, on observe par exemple une plus grande abondance de Campylobacter, une bactérie associée aux infections intestinales. De quoi nous inciter à lever davantage le coude, sous réserve de boire de l’eau !

Sources

1. Vanhaecke T, Bretin O, Poirel M et al. Drinking Water Source and Intake Are Associated with Distinct Gut Microbiota Signatures in US and UK Populations. J Nutr. 2022 Jan 11;152(1):171-182.

2. EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition, and Allergies (NDA). Scientific opinion on dietary reference values for water. EFSA J 2010;8(3):1459 

3. Institute of Medicine. Dietary Reference Intakes for water, potassium, sodium, chloride, and sulfate. Washington (DC): National Academies Press; 2005

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Quand le sommeil des nourrissons tient à quelques bactéries

Les pédiatres vont désormais pouvoir répondre aux jeunes parents exténués par leur nourrisson noctambule : chez l’enfant aussi le sommeil serait lié au microbiote intestinal… et les deux influeraient sur son comportement futur.

Un axe sommeil-cerveau-intestin. C’est ce que vient de mettre en évidence une récente étude. On savait déjà que, chez l’adulte, sommeil et microbiote intestinal étaient doublement liés : l’altération des nuitées modifie la composition du microbiote intestinal et, inversement, la composition microbienne intestinale impacte le sommeil. Reste que l’on ne connaissait pas l’âge auquel s’établissait ce lien bidirectionnel entre sommeil et microbiote intestinal et ses éventuelles conséquences sur le développement.
Ce qui a justifié cette étude longitudinale à 3, 6, 12 et 24 mois auprès de 162 nourrissons en bonne santé.

Un sommeil connecté au microbiote intestinal dès 3 mois

Première confirmation : la composition du microbiote intestinal évolue bien à partir de 6 mois. La majorité des enfants suivis ont connu un changement de flore jusque-là dominée par Bifidobacterium (entérotype A) à un microbiote riche en Bacteroides (entérotype B), avec une augmentation de la (sidenote: Diversité α Une mesure indiquant la diversité d'un échantillon unique, soit le nombre d’espèces différentes présentes chez un individu. Hamady M, Lozupone C, Knight R. Fast UniFrac: facilitating high-throughput phylogenetic analyses of microbial communities including analysis of pyrosequencing and PhyloChip data. ISME J. 2010 Jan;4(1):17-27. )

Une réserve des auteurs : cette étude ne retrouve que 2 entérotypes (contre 3 dans d’autres travaux) peut-être en raison de l’homogénéité de la cohorte (enfants suisses nés à terme par voie basse, allaités, pas d’antibiotiques…).

Mais surtout, l’étude montre un lien entre les habitudes de sommeil et le microbiote intestinal dès 3 mois :

  • le sommeil diurne (durée, nombre de siestes et leur régularité) est associé négativement à la diversité bactérienne : les nourrissons qui dorment le plus la journée ont une diversité intestinale plus faible ;
  • la fragmentation et la variabilité du sommeil nocturne sont liées à la maturité bactérienne et à l'entérotype : les nourrissons ayant un microbiote intestinal plus mature ont une activité nocturne plus élevée (plus de réveils la nuit). D’autre part, leur entérotype n’évolue pas de l’entérotype A vers le B entre 6 et 12 mois.

Sommeil, cerveau et intestin : tous liés ?

Par ailleurs, l’activité cérébrale analysée grâce aux électroencéphalogrammes nocturnes réalisés à 6 mois s’avère riche en enseignements. 

Premier enseignement, les nourrissons avec une flore dominée par les Bifidobacterium présentaient moins de sommeil à ondes lentes (« sommeil léger ») ;
Deuxième enseignement, la qualité du sommeil à 6 mois prédit la diversité bactérienne du microbiote intestinal à 1 an. Davantage d’ondes thêta à 6 mois présagent d’une moindre diversité bactérienne à 12 mois.

Enfin, le microbiote intestinal à 6 mois et surtout le sommeil à 6 et 12 mois prédisent le développement comportemental de l’enfant à 24 mois.

Ces résultats démontrent l'existence d’une interaction dynamique entre le sommeil, le microbiote intestinal, la maturation du cerveau et le comportement pendant la petite enfance. Soit le concept d'un axe sommeil-cerveau-intestin. Avec un corollaire clinique : de nombreuses maladies de l'âge adulte se mettant en place durant la petite enfance, la surveillance du sommeil et du microbiote de l’enfant (pré et pro-biotiques, impact des antibiothérapies) dans la petite enfance semble donc primordiale.

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Dis-moi comment est le microbiote intestinal de ton bébé, je te dirai comment il dort

Existe-t-il un lien entre le sommeil de nos chérubins et le microbiote qui peuple leur système digestif ? Et cela peut-il influer sur leur développement comportemental ? Une double interrogation à laquelle vient de répondre une équipe suisse.

Le microbiote intestinal L'alimentation Les probiotiques Prébiotiques : l'essentiel pour comprendre

Au clair de la lune, meunier, tu dors, fais dodo… Chaque soir, vous passez en revue votre répertoire de berceuses pour plonger votre enfant dans les bras de Morphée. En vain. Loin de s’endormir, votre adorable progéniture bat des mains, des pieds et les yeux grands ouverts plébiscite vos talents de chanteur. Comble de l’ironie, il semble même vous demander « une autre » ! Mais quand donc votre bébé va-t-il enfin faire ses nuits ? Grande nouvelle : il existerait des solutions pour que votre bébé dorme comme un loir de la tombée de la nuit au petit matin. Et celles-ci passeraient notamment par son microbiote intestinal, ces microorganismes qui peuplent son système digestif et dont la composition évolue durant les premières années de vie.

Le sommeil, une question de bactéries dès 3 mois

Des travaux, menés chez plus de 160 nourrissons, viennent en effet de montrer que la flore intestinale d’un nourrisson est liée à ses habitudes de sommeil. Les nourrissons dormant le plus pendant la journée abritent une flore intestinale moins diversifiée en termes de bactéries que les bébés qui commencent à réserver leur sommeil aux périodes nocturnes. De plus, la qualité du sommeil nocturne de ces petits anges semble dépendre du type de bactéries présentes dans leur intestin et de la maturité de leur microbiote intestinal. Et ce, avec un effet évident dès leurs trois mois. Soit une véritable découverte car jusqu’à présent, ces liens n’étaient connus que chez les adultes.

Highlight

La qualité du sommeil nocturne des nourrissons semble dépendre du type de bactéries présentes dans leur intestin et de la maturité de leur microbiote intestinal.

De l’influence sur le comportement futur 

Par ailleurs, l’activité cérébrale durant le sommeil à 6 mois varierait selon les bactéries de l'intestin. Et prédirait la diversité du microbiote intestinal à 1 an. Bref, sommeil et microbiote semblent étroitement connectés et co-évoluent au fil des mois. De quoi stresser un peu plus les parents d’enfants au sommeil agité ? Au contraire, nous rassurent les auteurs de ces travaux :« le sommeil et microbiote intestinal peuvent tous les deux être facilement modifiés. Le sommeil peut être corrigé grâce à des stratégies éducatives et comportementales initiées par les parents. Quant à la composition microbienne intestinale, elle peut être modifiée par l’alimentation ou par la prise de prébiotiques et de probiotiques ajoutés aux préparations pour nourrissons. »

Des pistes qui doivent encore être validées par des essais cliniques. Ainsi, dans l’attente d’aliments miracles ou de probiotiques qui pourraient demain sauver les nuitées – et la voix - de jeunes parents, il est urgent de bichonner le microbiote intestinal des bébés. Et de rendre les antibiotiques, qui le perturbent grandement, encore moins automatiques…

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Antibiotique et césarienne : quel impact pour le microbiote du nourrisson ?

Avant l’incision et non après le clampage du cordon : tel est le « timing » actuellement recommandé pour l’antibiothérapie prophylactique chez la femme accouchant par césarienne. Pour autant, ce geste pourrait-il aggraver les perturbations du microbiote intestinal de l’enfant associées à ce mode de naissance ? Les résultats d’une étude parue dans Gut1 se veulent rassurants.

Chez la femme accouchant par césarienne, l’antibioprophylaxie réduit le risque de complications infectieuses graves de 60 à 70%2. L’administration avant l’incision et non après le clampage du cordon diminue encore l’incidence d’endométrite et de morbidité infectieuse maternelle globale3. Cette approche est donc aujourd’hui largement recommandée… mais expose l’enfant aux antibiotiques avant sa naissance avec de potentielles répercutions sur sa santé et la mise en place de son microbiote.  Des chercheurs néerlandais ont souhaité savoir si elle contribuait à l’altération de la colonisation bactérienne des enfants nés par césarienne.

Leur étude randomisée et contrôlée a inclus 40 femmes accouchant par césarienne ayant reçu un antibiotique prophylactique (céfuroxime 1 500 mg), la moitié d’entre elles 30 min avant l’incision, l’autre moitié après le clampage du cordon, ainsi que 23 femmes accouchant par voie basse en tant que groupe contrôle. Le microbiote intestinal de tous les nourrissons a été analysé 1, 7, 28 jours après la naissance et à l’âge de 3 ans par séquençage de l’ARN 16S et du métagénome par shotgun.

Une dysbiose durant le mois après la naissance par césarienne

Les chercheurs ont constaté, comme dans de nombreuses autres études, des différences importantes entre la flore intestinale des enfants nés par césarienne et celle des enfants nés par voie basse dans le premier mois de vie. Ils ont observé une moindre diversité Shannon (richesse et abondance relative des espèces), avec une diminution des bactéries des genres Bacteroides et Bifidobacterium et une augmentation du phylum des Proteobacteria, en particulier des Firmicutes. Cependant, ces différences ont disparu à l’âge de 3 ans.

Acclamés comme l'une des avancées majeures de la médecine du XXème siècle, les antibiotiques ont sauvé des millions de vies. Mais ils ont aussi un impact sur notre microbiote en provoquant des dysbioses. Examinons de plus près ce rôle ambivalent.

Le rôle ambivalent des antibiotiques

En détruisant les bactéries responsables des infections ils impactent aussi le …

Aucune conséquence de l’antibiothérapie avant l’incision

Ce que révèle principalement l’étude, c’est l’absence de différence significative dans la composition en phyla et genres bactériens du microbiote intestinal entre les deux groupes d’enfants nés par césarienne et ce, à aucune étape entre 1 jour et 3 ans. Bien que portant sur un petit groupe de femmes, ces travaux suggèrent que l’antibioprophylaxie avant l’incision ne serait pas un facteur additionnel d’altération du microbiote intestinal des enfants nés par césarienne.

Qu'est-ce que la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens ?

Depuis 2015, l'OMS organise chaque année la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW) dont l'objectif est de sensibiliser sur le phénomène mondial de la résistance aux antimicrobiens.

Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.

Sources

1. Dierikx T, Berkhout D, Eck A, et al. Influence of timing of maternal antibiotic administration during aesarean section on infant microbial colonization : a randomised controlled trial. [published online ahead of print, 2021 Nov 21]. Gut. 2021; gutjnl-2021-324767.

2. Smaill FM, Grivell RM. Antibiotic prophylaxis versus no prophylaxis for preventing infection after cesarean section. Cochrane Database Syst Rev. 2014;2014(10):CD007482.

3. Boselli E, Bouvet L, Rimmelé T et al. Antibioprophylaxie pour césarienne avant incision ou après clampage du cordon ? Méta-analyse. Annales françaises d’Anesthésie et de réanimation, 2009 ; 28-(10), 855-867.

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Actualités Pédiatrie Médecine générale