Résilience du microbiote intestinal d'adultes en bonne santé suite à l'exposition à un antibiotique

Article commenté - Rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Commentaire de l’article original de Palleja et al. (Nature Microbiology 2018)

Pour minimiser l’impact des antibiotiques, les micro-organismes intestinaux ont et échangent des gènes de résistance aux antibiotiques appelés leur résistome. En utilisant une méthode de séquençage métagénomique par shotgun, les auteurs ont analysé l’éradication partielle du microbiote intestinal et sa résilience chez 12 hommes en bonne santé sur une période de 6 mois à la suite d’une intervention de 4 jours avec un cocktail de 3 antibiotiques de dernier recours : méropénème, gentamicine et vancomycine. Les changements initiaux comprenaient la prolifération d’entérobactéries et d’autres pathobiontes, comme Enterococcus faecalis et Fusobacterium nucleatum, et la disparition des bactéries du genre Bifidobacterium et des producteurs de butyrate. Le microbiote intestinal des sujets étudié est revenu à un état proche de l’état initial en 1,5 mois, bien que 9 espèces, qui étaient présentes chez tous les sujets avant le traitement, soient restées indétectables chez la plupart des sujets après 180 jours. Les espèces porteuses de gènes de résistance aux β-lactamines ont été sélectionnées positivement pendant et après l’intervention. Le portage de gènes de résistance aux glycopeptides ou aux aminoglycosides augmentaient les chances de colonisation de novo.
Les changements de composition du microbiote induits par une intervention antibiotique in vivo étaient concordants avec les résultats obtenus par des tests in vitro. Malgré une empreinte légère mais durable à la suite de l’exposition aux antibiotiques, le microbiote intestinal de jeunes adultes en bonne santé est résilient à une intervention antibiotique à large spectre à court terme, et leur portage de gène de résistance aux antibiotiques module leur processus de récupération. [1]

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Le microbiote intestinal humain forme un écosystème complexe et équilibré. Les perturbations de cet écosystème peuvent jouer un rôle dans la survenue d’infections, d’obésité, de diabète et pathologies inflammatoires et neurologiques. Il est estimé qu’une augmentation de l’espérance de vie de 2 à 10 ans est attribuable aux antibiotiques. Cependant, l’exposition précoce aux antibiotiques a également été associée à des effets métaboliques, inflammatoires et neurologiques délétères, à la fois dans les modèles animaux et chez l’homme. Lorsqu’elles sont exposées à des antibiotiques, les communautés microbiennes réagissent non seulement en modifiant leur composition, mais aussi en évoluant, optimisant et diffusant les gènes de résistance aux antibiotiques (GRA), formant collectivement le résistome [2]. Le microbiote intestinal humain est considéré comme un réservoir pour les GRA, ses membres échangent ces gènes, propageant ainsi la résistance [3]. Le développement et la diffusion de la résistance microbienne aux antibiotiques est un grave problème de santé publique. Seules quelques études ont caractérisé les effets d’antibiotiques particuliers sur les écosystèmes intestinaux vis-à- vis des résistomes associés. Plusieurs études précédentes ont montré que l’administration d’antibiotiques induisait une diminution de la diversité et une augmentation du portage de GRA [4, 5]. Cependant, les effets d’une combinaison d’antibiotiques sur le microbiote et le rôle des GRA dans la persistance microbienne intestinale n’ont pas encore été étudiés. Dans la présente étude, 12 hommes en bonne santé (âgés de 18 à 40 ans) ont reçu un cocktail d’antibiotiques de dernier recours (vancomycine, gentamicine et méropénème), et les auteurs ont étudié les effets sur le microbiote intestinal en utilisant une approche par séquençage en shotgun sur des échantillons fécaux prélevés avant et à quatre moments différents sur une période de six mois après le traitement.

Image

Fer de lance de l'arsenal thérapeutique moderne, les antibiotiques ont sauvé des millions de vie. En revanche, leur utilisation excessive et parfois injustifiée peut conduire à l'apparition de différentes formes de résistance chez les micro-organismes. Chaque année, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) organise la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW) afin de sensibiliser la population sur ce problème de santé publique. Lisez la page qui y est consacrée.

Résistance aux antibiotiques : le microbiote au premier plan

L'utilisation massive et parfois inappropriée des antibiotiques les rend de plu…

Qu'est-ce que la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens ?

Depuis 2015, l'OMS organise chaque année la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW) dont l'objectif est de sensibiliser sur le phénomène mondial de la résistance aux antimicrobiens. Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

À J4, immédiatement après l’intervention, la richesse et la diversité du microbiote étaient considérablement réduites par rapport à J0. Cependant, malgré le très large spectre du traitement antibiotique utilisé, de nombreuses espèces étaient toujours détectables à J4 (Figure 1a). Dès J8, la diversité (mesurée par l’index de Shannon) avait considérablement augmenté, suggérant que les micro-organismes survivants avaient commencé à se régénérer (Figure 1b). La diversité était quasiment complètement revenue à l’état initial à 6 mois, mais ce n’était pas le cas pour la richesse, suggérant que certaines souches avaient été éliminées de manière définitive (ou au moins prolongée).

Parmi les changements précoces observés, il y avait un enrichissement en commensaux habituellement sous-dominants comme Escherichia coli, Veillonella spp., Klebsiella spp., Enterococcus faecalis et Fusobacterium nucleatum et une diminution majeure en bactéries productrices de butyrate comme Faecalibacterium prausnitziiRoseburia hominisAnaerostipes hadrus, Coprococcus spp. et Eubacterium spp. Ces altérations en composition n’étaient plus significatives dès J42.

Les auteurs ont ensuite investigué le rôle de GRA dans l’évolution du microbiote des sujets étudiés. Ils ont notamment observé que les espèces métagénomiques porteuses de β-lactamases avaient des chances de survie significativement plus élevées (OR = 1,64 [1,24-2,17]) à J8. D’autre part, les espèces métagénomiques non détectées à J0 avaient plus de chances de colonisation de novo à un point ultérieur si elles portaient des GRA contre l’une des trois classes utilisées.

Points clés

  • Le microbiote intestinal de jeunes adultes en bonne santé est résilient à quatre jours de traitement antibiotique à large spectre avec une récupération sur approximativement 6 mois de la plupart des communautés bactériennes

  • La récupération individuelle des espèces est modulée par le portage de GRA

  • L’effet de traitements antibiotiques prolongés ou itératifs reste à étudier, particulièrement en population pédiatrique

Quelles conséquences en pratique ?

Ces résultats démontrent que le microbiote intestinal de jeunes adultes en bonne santé est résilient à quatre jours de traitement antibiotique à large spectre avec une récupération de la plupart des communautés bactériennes en approximativement 6 mois. La récupération individuelle des espèces est modulée par le portage de GRA. D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’effet de perturbations itératives et/ou sur des périodes plus prolongées et si ces résultats sont aussi valides chez l’enfant ayant un microbiote et un système immunitaire immatures. Il est possible que l’utilisation itérative d’antibiotiques sur des périodes prolongées sélectionne des bactéries porteuses de GRA au détriment d’autre bactéries commensales, avec des effets prolongés ou permanents sur le microbiote. Dans ce cas, des interventions correctrices avec apport exogène de micro-organismes pourraient être envisagées. Les effets des antibiotiques sur le microbiote intestinal sont donc importants et leur utilisation doit être raisonnée.

Conclusion

Les antibiotiques à large spectre impactent négativement le microbiote intestinal de manière immédiate, significative et durable pour certaines espèces. Chez les adultes jeunes en bonne santé, le microbiote intestinal est résilient mais la récupération quasi-complète prend environ 6 mois. Modulée par le portage de GRA, la capacité de régénération des espèces est plus favorable à la diversité qu’à la richesse.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Article commenté Gastroentérologie

Microbiote et maladie Cœliaque

Synthèse

Par le Pr. Elena F. Verdu
Farncombe Family Digestive Health Research Institute, Université McMaster, Hamilton, Canada

Des facteurs environnementaux seraient impliqués dans la pathogenèse de la maladie cœliaque (MC), une maladie auto-immune déclenchée par l’ingestion de gluten. Des études cliniques montrent des altérations de la composition du microbiote chez les patients atteints de MC. Même si certaines caractéristiques constantes ont été mises en évidence dans les différentes études réalisées, aucune signature microbienne de cette maladie n’a été identifiée. À l’aide de modèles animaux gnotobiotiques* et réductionnistes, une récente étude a suggéré que les souches bactériennes provenant de patients ayant une MC pouvaient avoir un potentiel pathogène ou inflammatoire plus important. La modulation du microbiote avec des probiotiques spécifiques, permettant de modifier certains mécanismes pathogènes essentiels à la maladie cœliaque, pourrait constituer une approche thérapeutique intéressante en complément du régime sans gluten.

La maladie cœliaque est une réaction inflammatoire auto-immune fréquente, survenant chez les personnes génétiquement prédisposées, suite à la consommation de gluten (Figure 1). La lésion caractéristique est la destruction des villosités de la muqueuse de l’intestin grêle (entéropathie). Les manifestations cliniques de la maladie sont variées et incluent des symptômes intestinaux et extra-intestinaux. La MC est la seule maladie auto-immune dans laquelle l’antigène déclenchant (le gluten) est identifié. On connaît bien les mécanismes qui expliquent le risque génétique HLA et les étapes provoquées par le facteur alimentaire conduisant au développement de lymphocytes T pro-inflammatoires spécifiques au gluten et d’auto-anticorps (Figure 2). En revanche, on ignore pourquoi la prévalence de la maladie a rapidement augmenté ces dernières années et pourquoi la MC ne se développe que chez une fraction de personnes génétiquement prédisposées, suggérant l’implication d’autres facteurs génétiques ou environnementaux dans l’activation de la cascade inflammatoire. Le rôle des facteurs microbiens dans le développement de la maladie cœliaque fait notamment l’objet d’un intérêt croissant [1]. Dans cette revue, nous nous concentrons sur les altérations bactériennes et cherchons à déterminer leur rôle dans les mécanismes pathologiques ainsi que la manière dont elles pourraient constituer des cibles thérapeutiques potentielles.

Image

Corrélation entre dysbiose et maladie cœliage : leçon des études cliniques

L’une des premières études à suggérer une contribution microbienne dans la MC décrivait la présence de bactéries en forme de bâtonnet dans les biopsies duodénales d’enfants nés pendant une « épidémie » de MC en Suède. Ces bactéries n’ont pas été observées chez les enfants non atteints ni chez ceux nés après l’épidémie. On a alors pensé que leur présence pouvait avoir contribué à l’augmentation de l’incidence de la maladie observée en Suède [2]. Cependant, on ignore toujours les mécanismes sous-tendant cette association.

Image

Un certain nombre d’études publiées de- puis ont analysé la composition du microbiote présent dans le côlon et au niveau de l’intestin grêle chez des patients atteints  de MC par rapport à des témoins sains. Certaines caractéristiques relativement constantes ont été mises en évidence dans les différentes études réalisées : des augmentations des proportions de Bacteroides et de membres du phylum des Proteobaceria, et des diminutions de Lactobacillus et de Bifidobacteria chez les patients cœliaques par rapport aux témoins [1]. Une abondance accrue de Proteobacteria a également été retrouvée chez des patients souffrant de symptômes persistants malgré un régime sans gluten [3]. Plus récemment, il a été montré que la composition du microbiote d’enfants présentant un risque génétique élevé de développer la maladie était différente de celle d’enfants présentant un risque génétique faible [4-6]. Enfin, il a été suggéré que les enfants à risque ayant développé la MC avaient une diversité microbienne initiale plus importante mais qui n’a pas augmenté avec l’âge, ce qui indiquerait une « maturation prématurée » du microbiote intestinal [7]. Les résultats laissent supposer que les modifications précoces du microbiote pourraient prédisposer à la maladie, mais des essais plus vastes portant sur des échantillons plus im-portants sont nécessaires pour confirmer ces observations. Néanmoins, aucune « signature microbienne » cœliaque n’a été établie. Les différences au niveau de la localisation des populations d’étude, du statut des sujets témoins, de l’origine des échantillons (selles vs intestin grêle) et de la méthodologie pourraient avoir contribué aux divergences constatées entre les études. Des observations contradictoires ont également été rapportées concernant les associations entre les événements pouvant altérer le développement du microbiote et le développement de la MC. Alors que les premières études suggéraient que l’utilisation d’antibiotiques et l’accouchement par césarienne pouvaient augmenter le risque de MC, des études cliniques plus récentes menées à plus grande échelle n’ont pas confirmé ces associations [8].

Le suivi à long terme des enfants à risque pourrait permettre de mieux comprendre les facteurs susceptibles de contribuer au déclenchement de la maladie. Malgré l’absence d’élément permettant d’établir un lien de causalité, ces associations cliniques ont stimulé l’étude des mécanismes fondamentaux en cause dans des systèmes réductionnistes et des modèles animaux.

Mécanismes microbiote-maladie cœliaque : que dit la recherche ?

Pour mieux comprendre comment les bactéries peuvent être impliquées dans la pathogenèse ou le développement de la MC, il faut étudier la fonction de la communauté microbienne chez des patients atteints de MC vs des sujets sains. L’isolement de bactéries provenant de l’intestin grêle humain permet une traduction en modèles réductionnistes. Par exemple, les souches d’Enterobacteriaceae isolées chez des patients cœliaques étaient plus virulentes que celles isolées chez les témoins sains [9]. De plus, les souches d’Escherichia coli isolées chez des enfants cœliaques avaient une plus grande capacité pro-inflammatoire in vitro que les souches de Bifidobacterium isolées chez les enfants sains [10]. L’introduction d’un microbiote d’origine humaine chez des souris axéniques* permet une comparaison in vivo des phénotypes induits. En outre, ces souris peuvent ex- primer les caractéristiques du système immunitaire humain (expression de la classe II du CMH par exemple) qui sont essentielles au développement de la maladie cœliaque. Des souris transgéniques exprimant HLA-DQ8, le gène du risque cœliaque chez l’homme, étaient protégées de la pathologie induite par le gluten quand elles étaient colonisées de façon minimale avec un microbiote dépourvu d’agents pathogènes ou de bactéries opportunistes. Cependant, si une souche adhérente d’E. coli, isolée dans l’intestin cœliaque, était ajoutée aux bactéries protectrices, les souris développaient la pathologie induite par le gluten. De manière similaire, le traitement antibiotique par vancomycine de souris possédant un microbiote murin diversifié a entraîné une augmentation de Proteobacteria, notamment d’E. coli, et une aggravation de la pathologie induite par le gluten [11].

Image

De récents travaux translationnels conduits chez la souris ont réitéré l’observation selon laquelle des bactéries sont capables de dégrader le gluten (Figure 3). Cette étude a été réalisée avec des souris gnotobiotiques colonisées avec des agents pathogènes opportunistes, comme Pseudomonas aeruginosa, ou avec des commensaux, comme Lactobacillus. Les auteurs ont montré que différentes bactéries peuvent dégrader le gluten in vivo, mais que les fragments protéiques qu’elles produisent sont distincts. Cette étude a également démontré que les enzymes issues de P. aeruginosa, isolée chez un patient cœliaque, pouvaient dégrader le gluten. Ce processus de digestion a produit des fragments de gluten qui ont stimulé une réponse immunitaire inflammatoire dans les cellules isolées chez les patients atteints de la MC et qui étaient davantage capables de franchir la barrière de l’intestin grêle, siège de l’interaction avec les cellules immunitaires. Plusieurs peptides générés par la digestion de P. aeruginosa et ultérieurement digérés avec des lactobacilles, isolés chez un sujet sain et constituant un élément central du microbiome sain, n’induisaient plus de réponses immunitaires inflammatoires in vitro. Cette étude a mis en évidence le fait que les agents pathogènes opportunistes, mais aussi les commensaux, peuvent modifier le répertoire et les propriétés immunitaires des peptides du gluten dans l’intestin, impactant ainsi la prédisposition à la maladie [12].

Les micro-organismes peuvent-ils être utilisés pour traiter ou prévenir la maladie cœliaque

Un diagnostic de MC implique l’éviction stricte à vie de tout aliment contenant du gluten parce qu’une exposition à des quantités, même faibles, peut déclencher toute une variété de symptômes et une entéropathie chez les personnes touchées. Le gluten est omniprésent dans les aliments transformés, d’où la difficulté d’une observance stricte et le développement de recherches visant à trouver des traitements alternatifs ou adjuvants. Compte tenu du rôle clé des micro-organismes dans la régulation de l’immunité et de l’association entre MC et altération de la composition et de la fonction du microbiote, le potentiel thérapeutique de différents probiotiques a été testé. Une souche de Bifidobacterium longum, qui a précédemment démontré des effets anti-inflammatoires in vitro [10- 13], a été testée chez des enfants suivant un régime sans gluten dans le cadre d’un essai contrôlé vs placebo en double aveugle.

Métabolisme du gluten par les bactéries

  • Le gluten est très résistant à la dégradation par les enzymes digestives de l’hôte dans l’intestin grêle en raison de sa structure d’acides aminés

  • Il reste alors de gros fragments de gluten capables d’induire des réponses immunitaires une fois qu’ils ont franchi la barrière épithéliale chez les personnes génétiquement prédisposées

  • Le tractus gastro-intestinal contient des bactéries capables de dégrader le gluten, et ces bactéries peuvent différer entre les patients atteints de la maladie cœliaque et le sujet sain [17]

L’administration du probiotique a produit des modifications immunitaires, ainsi que des taux plus faibles de bactéries potentiellement nocives (B. fragilis). Cependant, aucune modification des symptômes n’a été observée chez les enfants qui ont reçu le probiotique par rapport à ceux ayant reçu le placebo [14]. Comme le probiotique a été administré avec le régime sans gluten, il est difficile de faire la distinction entre les effets induits par la restriction alimentaire et ceux provoqués par le probiotique. Deux autres études ont testé les effets d’une souche de Bifidobacterium infantis. Le premier essai randomisé contrôlé vs placebo en double aveugle a démontré que les patients recevant le probiotique présentaient une amélioration significative des symptômes après 3 semaines, mais aucune différence n’a été constatée au niveau de la perméabilité intestinale [15]. Un essai de suivi visait à déterminer si le même probiotique pouvait moduler les réponses immunitaires innées, qui pourraient être responsables de l’amélioration des symptômes précédemment observée. L’administration d’une souche de B. infantis a produit une diminution du nombre de cellules de Paneth dans l’intestin grêle, en parallèle à une diminution des peptides antimicrobiens. Ces effets du probiotique étaient indépendants du régime sans gluten [16]. Compte tenu du faible nombre de patients inclus à ces études, aucun élément à ce jour ne permet de recommander un probiotique en particulier dans la MC. De plus, les probiotiques consommés par les patients cœliaques doivent être rigoureusement certifiés sans gluten, ce qui n’est pas le cas de toutes les préparations en vente libre. Avant toute consommation par le patient, nous devons mieux comprendre les mécanismes d’action, et ceux choisis en vue de tests complémentaires doivent être sélectionnés sur la base de leur implication dans les voies de la MC. Par exemple, les bactéries qui aident à la détoxification du gluten pourraient être sélectionnées et utilisées pour compléter le régime sans gluten. Cependant, à ce jour, aucune des bactéries testées n’a montré une digestion optimale du gluten in vitro. Les études réalisées se sont concentrées sur les souches bactériennes produisant des enzymes capables de dégrader le gluten, mais des espèces fongiques comme Aspergillus niger produisent également des enzymes dégradant le gluten, et des combinaisons rationnelles d’organismes fongiques et bactériens pourraient offrir un axe intéressant de recherche thérapeutique dans la MC.

Conclusion

Le rôle du microbiote intestinal dans la MC est désormais évident. Au-delà des associations cliniques, des systèmes réductionnistes et des modèles animaux gnotobiotiques ont montré que des micro-organismes spécifiques pouvaient moduler des étapes clés dans la pathogenèse de la maladie cœliaque. L’utilisation de ces systèmes pour étudier les interactions spécifiques micro-organismes-hôte et micro-organismes-gluten et des études cliniques plus vastes impliquant le suivi des personnes à risque sont essentielles pour comprendre comment les micro-organismes peuvent déclencher la maladie. Cela pourrait permettre de mettre au point des stratégies préventives ciblées sur les micro-organismes ou des traitements adjuvants au régime sans gluten.

Références

Verdu EF, Galipeau HJ, Jabri B. Novel players in coeliac disease pathogenesis: role of the gut microbiota. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2015 ; 12 : 497-506.

Ou G, Hedberg M, Hörstedt P, et al. Proximal small intestinal microbiota and identification of rod-shaped bacteria associated with childhood celiac disease. Am J Gastroenterol 2009 ; 104 : 3058-67.

Wacklin P, Laurikka P, Lindfors K, et al. Altered duodenal microbiota composition in celiac disease patients suffering from persistent symptoms on a long-term gluten-free diet. Am J Gastroenterol 2014 ; 109 : 1933-41.

Olivares M, Neef A, Castillejo G, et al. The HLA-DQ2 genotype selects for early intestinal microbiota composition in infants at high risk of developing coeliac disease. Gut 2015 ; 64 : 406-17.

Sellitto M, Bai G, Serena G, et al. Proof of concept of microbiome-metabolome analysis and delayed gluten exposure on celiac disease autoimmunity in genetically at-risk infants. PLoS One 2012 ; 7 : e33387.

Olivares M, Benítez-Páez A, de Palma G, et al. Increased prevalence of pathogenic bacteria in the gut microbiota of infants at risk of developing celiac disease: The PROFICEL study. Gut Microbes 2018 ; 9 : 551-8.

Olivares M, Walker AW, Capilla A, et al. Gut microbiota trajectory in early life may predict development of celiac disease. Microbiome 2018 ; 6 : 36.

Tye-Din JA, Galipeau HJ, Agardh D. Celiac disease: a review of current concepts in pathogenesis, prevention, and novel therapies. Frontiers in Pediatrics 2018 ; 6 : 350.

Sánchez E, Nadal I, Donat E, et al. Reduced diversity and increased virulence-gene carriage in intestinal enterobacteria of coeliac children. BMC Gastroenterol 2008 ; 8 : 50.

10 De Palma G, Kamanova J, Cinova J, et al. Modulation of phenotypic and functional maturation of dendritic cells by intestinal bacteria and gliadin: relevance for celiac disease. J Leukoc Biol 2012 ; 92 : 1043-54.

11 Galipeau HJ, McCarville JL, Huebener S, et al. Intestinal microbiota modulates gluten-induced immunopathology in humanized mice. Am J Pathol 2015 ; 185 : 2969-82.

12 Caminero A, Galipeau HJ, McCarville JL, et al. Duodenal bacteria from patients with celiac disease and healthy subjects distinctly affect gluten breakdown and immunogenicity. Gastroenterology 2016 ; 151 : 670-83.

13 Laparra JM, Olivares M, Gallina O, et al. Bifidobacterium longum CECT 7347 modulates immune responses in a gliadin-induced enteropathy animal model. PLoS One 2012 ; 7 : e30744.

14 Olivares M, Castillejo G, Varea V, et al. Double-blind, randomised, placebo-controlled intervention trial to evaluate the effects of Bifidobacterium longum CECT 7347 in children with newly diagnosed coeliac disease. Br J Nutr 2014 ; 112 : 30-40.

15 Smecuol E, Hwang HJ, Sugai E, et al. Exploratory, randomized, double-blind, placebo-controlled study on the effects of Bifidobacterium infantis natren life start strain super strain in active celiac disease. J Clin Gastroenterol 2013 ; 47 : 139-47.

16 Pinto-Sánchez MI, Smecuol EC, Temprano MP, et al. Bifidobacterium infantis NLS super strain reduces the expression of α-defensin-5, a marker of innate immunity, in the mucosa of active celiac disease patients. J Clin Gastroenterol 2017 ; 51 : 814-7.

17 Caminero A, Nistal E, Herrán AR, et al. Differences in gluten metabolism among healthy volunteers, coeliac disease patients and first-degree relatives. Br J Nutr 2015 ; 114 : 1157-67.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Article

Cancers digestifs et microbiote intestinal : de l’oncogenèse à la réponse aux traitements

Synthèse
Par le Pr. Iradj Sobhani
Gastro-entérologie Université Paris est Créteil (UPEC), CHU Henri-Mondor, Créteil, France

Light microscope section through colon tissue showing an adenocarcinoma.

Devenus première cause de mortalité dans de nombreux pays occidentaux en raison de leur prévalence croissante, les cancers sont à présent davantage considérés comme des maladies émergentes dues à l’environnement que comme des pathologies induites par des anomalies génétiques constitutionnelles – finalement peu fréquentes. Un changement de paradigme favorisé par le développement des techniques de biologie moléculaire, par une meilleure compréhension des mécanismes et par l’identification de biomarqueurs associés. Depuis plusieurs décennies, les épidémiologistes établissent une relation entre oncogenèse et alimentation, ce qui tend à conférer au microbiote intestinal – donc à la dysbiose – une place centrale dans l’étude des cancers. Cette association trouve désormais une explication mécanistique, tant sur le plan énergétique qu’inflammatoire et immunitaire : favorisées par l’alimentation, certaines bactéries peuvent en particulier influencer la progression tumorale, impacter la réponse des tumeurs aux traitements ou les effets secondaires qui en résultent.

Les associations entre certains cancers et des dysbioses (mécanismes par lesquels le microbiote intestinal peut promouvoir un cancer chez l’homme) sont résumées dans le tableau 1. Il en va de même pour l’inventaire des biomarqueurs à des fins diagnostiques et/ou thérapeutiques, en particulier dans le domaine des immunothérapies anti cancéreuses.

Comme pour l’obésité et le diabète, il s’agit d’identifier les marqueurs bactériens à visée diagnostique, mais également d’étudier les fonctions des bactéries pour mieux comprendre l’impact de l’environnement sur les pathologies.

Chez les patients obèses par exemple, une alimentation déséquilibrée sur le plan quantitatif et qualitatif peut rapidement affecter le microbiote intestinal ainsi que les fonctions bactériennes [1]. La caractérisation de leur microbiote intestinal peut faire émerger une dysbiose spécifique et permettre l’évaluation des probabilités de succès ou d’échec d’un régime alimentaire correctif. De nombreuses maladies émergentes, comme les cancers, ont connu des développements similaires et bénéficient de nouvelles pistes de recherche physiopathologiques (Figure 1).

Image
Image

Oesophage-estomac 

Dans des conditions physiologiques, le microbiote de l’oesophage se rapproche de celui de la cavité orale. Les Firmicutes, BacteroidetesActinobacteria, Proteobacteria, Fusobacteria sont les plus représentés et le genre Streptococcus est dominant au niveau oesophagien. En cas de reflux gastro-oesophagiens (RGO) ou d’un endobrachyoesophage (EBO), conditions favorisant les situations prénéoplasiques, on note un microbiote plus proche de celui de l’estomac, caractérisé par l’abondance de BacteroidetesProteobacteria et FusobacteriumHelicobacter pylori, bactérie identifiée comme un co-facteur des néoplasies gastriques (cancer et lymphome-MALT), semble paradoxalement protectrice contre les adénocarcinomes oesophagiens, en émergence dans les pays occidentaux. En réalité, différentes espèces bactériennes, autres que H. pylori, telles que Pasteurella stomatis, Dialister pneumosintes, Slakia exigua, Parvimonas micra et Streptococcus anginosus, jouent un rôle de promotion tumorale gastrique. Des travaux récents ont suggéré que les Enterobacteriaceae, en particulier le Ruminococcus pourraient jouer un rôle important dans l’échappement au contrôle immunitaire antitumoral des adénocarcinomes gastriques et oesophagiens [2].

Cancer colorectal (ccr) et modèle d’étude d’échappement tumoral à la réponse immune

Depuis les premières descriptions d’une dysbiose colique liée au CCR [3, 4], l’hypothèse que la flore orale participerait à la dysbiose impliquée dans la genèse du CCR est réactualisée à la lumière des travaux originaux sur la capacité de certaines bactéries orales à franchir le filtre gastrique et à participer à la dysbiose colique [5]. Les déséquilibres bactériens se font souvent au détriment des bactéries bénéfiques telles Bifidobacteria et Lactobacilli, qui contribuent au maintien de la réponse immune [2]. Ces bactéries ne pouvant plus assurer le contrepoids des bactéries pro-inflammatoires, s’installe alors une inflammation chronique asymptomatique de la muqueuse colique, connue depuis fort longtemps pour favoriser le processus carcinogène. Désormais, l’actuel régime alimentaire de type occidental (trop riche en protéines animales et en sucres) est réputé favoriser les bactéries pro-inflammatoires au détriment de bactéries anti- inflammatoires. Au contraire, un régime de type méditerranéen (riche en fibres végétales) en limite les méfaits [6]. En l’absence d’un apport suffisant en fibres, les bactéries recrutées par la surconsommation de protéines ou de graisses animales érodent le mucus, pris comme source de fibres, et exposent l’épithélium intestinal à des bactéries potentiellement virulentes (Figure 1). À l’échelle cellulaire, les grandes voies biologiques telles la voie Wnt et la voie commune NF-kB (nuclear factorkappa B), à l’origine respectivement du renouvellement cellulaire et d’une plus grande production de cytokines pro-inflammatoires, sont stimulées par cette alimentation [6]. On peut associer à ce phénomène celui d’une orientation de la réponse immune vers la tolérance due à la surabondance d’autres bactéries comme Parvimonas micra et Streptococcus fragilis [7]. Chez l’animal, Bacteroides fragilis ou Escherichia coli, qui font partie du panel des bactéries surabondantes en cas de CCR à un stade avancé (III ou IV de TNM), entretiennent la stimulation inflammatoire dans la muqueuse colique et favorisent la survenue de tumeurs [8].

Carcinome hépatocellulaire (chc)

Les tumeurs primitives du foie surviennent après un processus chronique incluant la cirrhose, elle-même résultat d’une infection virale induite par le VHB ou le VHC. Des mécanismes épigénétiques secondaires à l’action des micro-organismes entraînent une extinction de certains gènes-clés tels que p16 (INK4A), glutathione S-transférase P 1 (GSTP1), CDH1 (E-cadherine), Ras association domain containing protein 1 (RASSF1A), p21 (WAF1/CIP1) tous hyperméthylés par le VHB ainsi que certains gènes suppresseurs de cytokines 1 (SOCS- 1), et celui de STAT1, hyperméthylés par le VHC. Ces gènes retardent la survenue du cancer mais l’hyperméthylation inhibe leur expression. Des bactéries peuvent intervenir comme facteurs de promotion dans ces processus : Helicobacter hepaticus augmente le risque carcinogène, soit directement par l’activation de la voie Wnt et celle de NF-kB, soit comme facilitateur du processus VHC-induit. De même que certains éléments de l’environnement (virus, polluants chimiques, etc.), certaines entérobactéries, comme E. coli, sont identifiées comme co-facteurs d’activation du processus carcinogène. Dans le domaine du métabolisme, le déséquilibre Firmicutes/ Bacteroidetes, connu comme facteur de risque d’obésité, favorise le risque de CHC par la baisse des bactéries protectrices telles que LactobacillusBifidobacteriumParabacteroides et Oscillibacter [9, 10].

Cancer du pancréas

Chez les patients atteints de cancer du pancréas, des densités élevées d’Enterobacteriaceae, Pseudomonadaceae, Moraxellaceae et Enterococcaceae sont détectées au niveau du tissu tumoral ; celles d’Acinetobacter, Aquabacterium, Oceanobacillus, Rahnella, Massilia, Delftia, Deinococcus, et Sphingobium sont élevées au niveau luminal duodénal. Comme dans le CCR, la dysbiose liée à ce cancer inclut par ailleurs la modification de la flore orale, caractérisée par une surabondance de Porphyromonas gingivalis ou la sous-abondance de Neisseria elongate et Streptococcus mitis. De quoi souligner, une fois encore, l’association entre dysbiose bactérienne intestinale et cancer digestif. Sur le plan thérapeutique, il est important de noter que les Gammaproteobacteria peuvent augmenter la résistance à la gemcitabine, traitement de référence des cancers du pancréas.

Réponse immune antitumorale et dysbiose

Les animaux axéniques (dépourvus de germes) développent moins de tumeurs, sans doute en raison d’une immunotolérance et d’une moindre activité inflammatoire réactionelle, ces derniers pouvant s’expliquer par l’absence d’un microbiote physiologique. Le microbiote peut contribuer à la carcinogénèse par différents mécanismes : tout d’abord, l’activation inflammatoire par dysbiose et réorientation du système immunitaire ; la production de génotoxines (colibactine, fragilysine) et de facteurs de virulence par les bactéries capables d’altérer directement l’ADN de l’hôte ; ou encore l’induction d’un stress oxydatif par la production de réactifs de l’oxygène (ROS) ; enfin la production de métabolites secondaires par les bactéries (acides biliaires secondaires…). Dans le modèle du côlon, par exemple, on note 4 sous-types distincts correspondant à des voies métaboliques, immunitaires ou inflammatoires différentes [11]. Dans le sous-type de CCR infiltré par les lymphocytes T (LT), on note la diminution de la capacité des LT à exprimer des cytokines ou à attaquer les cellules cibles en raison d’une stimulation persistante par des antigènes tumoraux. Ce phénomène est décrit comme un épuisement de LT. C’est le mécanisme le plus courant d’évasion immunitaire. Quel que soit le recrutement lymphocytaire initial, cytotoxique ou facilitateur, la tumeur continuera à se développer [9]. Des cellules lymphocytaires T régulatrices (LT-reg) faciliteront l’effet immunosuppresseur par le biais de la production de facteurs tel que TGF-β. Les LT-reg seront préférentiellement recrutés dans la phase d’épuisement. D’ailleurs, la densité intra tumorale des LT-reg est un marqueur de pronostic défavorable. En produisant des cytokines immunosuppressives (IL-10 et TGF-β), les cellules T-reg réduisent l’action spécifique des LT cytotoxiques dirigée normalement contre la cellule tumorale. En particulier, ils augmentent la molécule inhibitrice associée à l’expression de la protéine 4 (CTLA-4 ou CD 152) de ces lymphocytes. Cette protéine est devenue une cible des immunothérapies modernes. Les LT-regs agissent à l’aide des LTh17 ainsi qu’avec STAT3 (Signal Transducer and Activator of Transcription 3), impliqués dans la cancérogenèse de divers organes. Le LTh17 produit des cytokines pro-inflammatoires (IL-17 et l’IL-23) qui favorisent la croissance tumorale en augmentant la production de cytokines Th1 et celle d’un ligand de chimiokine (motif C-X-C) 9 et 10 (CXCL9 et CXCL10). Les cellules Th17 ont des caractéristiques similaires aux cellules souches et sont capables de se renouveler. L’environnement cytokinique présent au site tumoral influence les différents modèles d’expression des cellules Th17 : dans les cancers colorectaux, hépatocellulaires et pancréatiques, l’infiltration de LTh17 est associée à un mauvais pronostic car il favorise la tolérance immunitaire à la tumeur. La dysbiose adhérente aux muqueuses, module l’expression des IL17, IL-23, STAT3.

Microbiote et traitement des cancers

La capacité du microbiote intestinal à moduler la réponse à la chimiothérapie anticancéreuse et à l’immunothérapie a été notée chez la souris et chez l’homme. Les carcinomes du poumon, du rein, et le mélanome ont fait l’objet d’études cliniques. Cette influence n’est jamais attribuable à une espèce seule : dans tous les cas, il s’agit de l’impact d’une communauté microbienne intestinale dans son ensemble sur l’immunité ou une fonction partagée par différentes bactéries. Ces dernières influencent les effets secondaires ou la résistance thérapeutique (Figure 2). À titre d’exemple, l’activité cytidine-désaminase des protéobactéries, en particulier de Mycoplasma hyorhinis, métabolise la gemcitabine et en réduit l’efficacité. De même, le cyclophosphamide présente des effets antitumoraux variables selon la dose administrée ; des bactéries à gram-positif (dont Enterococcus hirae) et à gram-négatif (dont Barnesiella intestinihominis) en modulent l’efficacité [12]. Les immunothérapies antinéoplasiques ont été utilisées avec succès dans le mélanome malin. Il s’agit des thérapeutiques les plus prometteuses qui agissent sur les molécules du point de contrôle immunitaire comme la cible PD-1 et CTLA-4. D’abord, il a été constaté que chez des patients atteints d’un cancer métastatique rénal ou pulmonaire, l’utilisation d’un traitement antibiotique pourrait moduler l’activité des immunothérapies anti-PD-1 ou anti-PD-L1 [13]. Ensuite, une large étude américaine menée dans le mélanome malin métastatique traité par immunothérapie a révélé que la bonne réponse au traitement (survie sans progression et survie globale plus grande) dépendait de la composition microbienne colique : le transfert de microbiote intestinal des patients dans un modèle murin montrait que la dysbiose intestinale était bien à l’origine de la variabilité de la réponse à l’immunothérapie de type anti-PD-1 [14, 15]. Ces données sont à rapprocher de celles sur les polymorphismes de TLR4, liés à la variabilité de la réponse à l’immunothérapie. Les TLR (toll-like receptors) sont transmembranaires ou cytosoliques ; ils font partie de la grande famille des récepteurs de l’immunité innée PRR (pattern recognition receptors), exprimés par les cellules épithéliales et les cellules immunitaires au niveau de l’intestin. La liaison d’un TLR avec le ligand microbien entraîne une cascade de signalisation intracellulaire aboutissant généralement à une réponse de type inflammatoire par activation de NF-kB. Le statut immunitaire de l’hôte s’avère être le facteur principal dans la réponse à tous les traitements antinéoplasiques, directement et par des altérations du microbiote intestinal. De plus, les autres volets thérapeutiques comme la radiothérapie et la chirurgie sont également impactés par le microbiote : les souris axéniques présentent moins de toxicité aux radiations ionisantes que les souris conventionnelles ; la cicatrisation postopératoire chez les patients opérés d’un cancer du côlon dépend du type de dysbiose.

Image

Conclusion

La composition microbienne colique est influencée par les facteurs de l’environnement et peut influencer la genèse et la progression des tumeurs malignes par la voie du métabolisme, de l’inflammation ou de l’immunité. La résistance aux traitements anti tumoraux ainsi que l’apparition de certains effets secondaires de ces traitements font l’objet d’études. Il est probable que la modulation du microbiote intestinal devienne à l’avenir un moyen d’optimiser les traitements antitumoraux.

Sources

1 David LA, Maurice CF, Carmody RN, et al. Diet rapidly and reproducibly alters the human gut microbiome. Nature 2014 ; 505 : 559–63.

2 Cianci R, Franza L, Schinzari G, et al. The interplay between immunity and microbiota at intestinal immunological niche: The case of cancer. Int J Mol Sci 2019 ; 20 : 501.

3 Sobhani I, Tap J, Roudot-Thoraval F, et al. Microbial dysbiosis in colorectal cancer patients. Plos One 2011 ; 6 : e16393.

4 Zeller G, Tap J, Voigt AY, et al. Potential of fecal microbiota for early-stage detection of colorectal cancer. Mol Syst Biol 2014 ; 10 : 766.

5 Prodan A, Levin E, Nieuwdorp M. Does disease start in the mouth, the gut or both? eLife 2019 ; 8: e45931.

6 O’Keefe SJ, Li JV, Lahti L., et al. Fat, fibre and cancer risk in African Americans and rural Africans. Nat Commun 2015 ; 6 : 6342.

7 Purcell RV, Visnovska M, Biggs PJ, et al. Distinct gut microbiome patterns associate with consensus molecular subtypes of colorectal cancer. Sci Rep 2017 ; 7: 11590.

8 Tjalsma H, Boleij A, Marchesi JR, Dutilh BE. A bacterial driver-passenger model for colorectal cancer: beyond the usual suspects. Nat Rev Microbiol 2012 ;10 : 575–582.

9 Tilg G, Schmiderer A, Djanani A. Gut microbiome-immune crosstalk affects progression of cancer. Transl Gastroenterol Hepatol 2018 ; 3 : 34.

10 Guinney J, Dienstmann R, Wang X, et al. The consensus molecular subtypes of colorectal cancer. Nat Med 2015 ; 21 : 1350-6.

11 Sivan A, Corrales L, Hubert N, et al. Commensal Bifidobacterium promotes antitumor immunity and facilitates anti–PD-L1 efficacy. Science 2015 ; 350 : 1084–9.

12 Alexander J, Wilson ID, Teare J, et al. Gut microbiota modulation of chemotherapy efficacy and toxicity. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2017 ; 14 : 356–65.

13 Routy B, Le Chatelier E, Derosa L, et al. Gut microbiome influences efficacy of PD-1-based immunotherapy against epithelial tumors. Science 2018 ; 359 : 91-7.

14 Matson V, Fessler J, Bao R, et al. The commensal microbiome is associated with anti-PD-1 efficacy in metastatic melanoma patients. Science 2018 ; 359 : 104-8.

15 Gopalakrishnan V, Spencer C, Nezi L, et al. Gut microbiome modulates response to anti-PD-1 immunotherapy in melanoma patients. Science 2018 ; 359 : 97-103.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Article

Microbiome intestinal et maladies inflammatoires chroniques

Revue de presse 

Par le Pr Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

3D illustration of Pasteurella multocida bacteria. This is a Gram-negative, non-motile, penicillin-sensitive coccobacillus belonging to the Pasteurellaceae family.

Les auteurs ont analysé les altérations du microbiote intestinal dans les maladies inflammatoires chroniques [1]. Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), la polyarthrite rhumatoïde (PR), la spondylarthrite ankylosante (SA), le psoriasis/rhumatisme psoriasique (Ps/ RP) et le lupus érythémateux disséminé (LED) sont les principales maladies inflammatoires chroniques à médiation immunitaire (IMID), et touchent 5 à 8 % de la population mondiale. Chez les personnes génétiquement prédisposées, ce sont des stimuli environnementaux qui induisent une réponse immunitaire pathologique, potentiellement déclenchée par le microbiote intestinal.

Incurable et associée à une faible mortalité, une MICI (dans les pays occidentaux, essentiellement la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn) est diagnostiquée chez des sujets souvent jeunes, d’où l’augmentation exponentielle de sa prévalence partout dans le monde. Les patients concernés présentent un risque accru de souffrir d’autres IMID, telles que le Ps, la PR, la SA et la cholangite sclérosante primitive. Ils ont par ailleurs davantage de Proteobacteria (ex. bactéries Escherichia coliadhérentes et invasives), de Pasteurellaceae, de Veillonellaceae, de Fusobacterium et de Ruminococcus gnavus, et moins de Clostridium des groupes IV et XIVa, de Bacteroides, de Sutterella, de Roseburia, de Bifidobacterium et de Faecalibacterium prausnitzii. Sur les plans fongique et viral respectivement, les Saccharomyces cerevisiae sont moins nombreux et les Caudovirales plus abondants.

Comme les patients atteints de MICI, ceux souffrant de sclérose en plaques ont une plus faible abondance de Faecalibacterium, ce qui suggère qu’il pourrait s’agir d’un signe d’inflammation systémique. La PR débute probablement au niveau de la muqueuse buccale ou intestinale, et l’auto-immunité dirigée contre les protéines citrullinées est un phénomène typique. Chez les patients atteints de PR, on a également rapporté une réduction de Faecalibacterium et une augmentation d’Actinobacteriamais on ignore si la dysbiose intestinale est une cause ou un effet de la PR. Les infections virales par le parvovirus B 19 et l’hépatite C sont associées à un risque accru de PR. Le profil du microbiote intestinal des patients atteints de SA, de Ps/RP et de LED serait également altéré.

Dans l’intestin, les bactéries protectrices produisent des métabolites bénéfiques comme le butyrate et le polysaccharide A, stimulant la production de lymphocytes T régulateurs. Une abondance plus faible de ces bactéries est typique des IMID et conduit à une diminution de la tolérance immunitaire. Une dysbiose et une plus grande perméabilité intestinale pourraient stimuler les cellules dendritiques au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui entraîne la production de cytokines inflammatoires. L’augmentation des métabolites xénobiotiques (le méthane par exemple) stimule les lymphocytes TH 17 qui jouent un rôle important dans la pathogenèse des IMID. La stimulation des protéases pourrait générer la production d’auto-antigènes typiques des IMID. La diminution des bactéries productrices de butyrate est typique des MICI et autres IMID.

L’alimentation influence le profil du microbiote intestinal à long terme, mais on relève également des modifications à très court terme. Le passage d’une alimentation animale à une alimentation végétale modifie le microbiote intestinal en l’espace d’une seule journée. Les composantes alimentaires étudiées sont notamment les protéines animales, de lactosérum et de pois, une forte/faible teneur en graisses, une forte teneur en graisses saturées/insaturées, le lactose, les édulcorants artificiels, les fibres, l’amidon résistant, les probiotiques et les polyphénols. Les régimes méditerranéen et végétarien augmentent la diversité bactérienne de l’intestin, alors que les régimes occidental et sans gluten pourraient la réduire. La diminution de la diversité bactérienne et la perte de bactéries productrices d’acides gras à chaîne courte sont associées aux MICI.

Les profils dysbiotiques sont communs aux IMID en général, mais certains soustypes de dysbiose sont spécifiques à une maladie. Un groupe de métabolites microbiens produits par diverses compositions microbiennes pourrait être impliqué dans la pathogenèse des IMID. Le profil fonctionnel du microbiome pourrait être le facteur décisif dans la pathogenèse de ces maladies.

Les MICI, les autres IMID et les maladies métaboliques sont associées à un mode de vie occidentalisé (régime alimentaire, meilleures conditions sanitaires). Les pratiques en matière d’hygiène et l’utilisation des antibiotiques pourraient induire des changements défavorables du microbiote, qui pourraient être à l’origine de troubles de la maturation et de la fonction du système immunitaire. Les probiotiques et les antibiotiques ne sont pas des traitements efficaces pour les MICI. De plus, la transplantation de microbiote fécal ne permet d’obtenir de rémission que chez un tiers des patients atteints de rectocolite hémorragique. Les auteurs concluent que la dysbiose pourrait ne pas être spécifique des MICI mais qu’elle modulerait globalement le système immunitaire. Les individus pourraient être génétiquement programmés pour répondre aux modifications immunitaires dans différents systèmes d’organes conduisant à différentes IMID.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Revue de presse

Régime méditerranéen, microbiote intestinal et maladies non transmissibles

Revue de presse 

Par le Pr Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Computer illustration of Bacteroides sp. bacteria. These are rod shaped, obligate anaerobic, Gram-negative, saccharolytic bacteria. 

Le régime méditerranéen est caractérisé par un apport significatif en légumes, fruits, légumineuses, fruits à coque, graines et céréales complètes, une consommation modérée de poisson et un apport faible en graisses saturées, viandes et produits laitiers, ainsi que par une consommation modérée d’alcool, notamment de vin rouge. Le régime alimentaire de certaines personnes vivant dans les pays nordiques se rapproche du régime méditerranéen. Chez les personnes suivant un régime méditerranéen, la morbi-mortalité cardiovasculaire est plus faible, et ce régime a un effet préventif et thérapeutique sur le syndrome métabolique, l’obésité, le diabète de type 2, les maladies inflammatoires et certains cancers.

L’intestin humain est colonisé par des milliers d’espèces microbiennes (bactéries, virus, archées, espèces eucaryotes unicellulaires) qui contiennent plus de trois millions de gènes différents (le génome humain contient 23 000 gènes). Le microbiote intestinal fermente les fibres alimentaires non digestibles et le mucus intestinal endogène, ce qui stimule la croissance de micro-organismes produisant des acides gras à chaîne courte (butyrate, propionate, acétate).

La dysbiose est liée à une inflammation localisée de la muqueuse intestinale, à une détérioration de la physiologie intestinale et à des troubles métaboliques ; elle est associée à de nombreuses maladies gastro-intestinales et extra-intestinales. Le microbiote présente cependant des variations interindividuelles significatives chez les personnes souffrant d’une même maladie, et la population microbienne est très variable selon les maladies.

Des études conduites chez l’animal ont montré que l’alimentation a un impact important sur le microbiote intestinal. Le régime méditerranéen contient des glucides complexes qui sont fermentés par un microbiote sain produisant des acides gras à chaîne courte. Il a des effets bénéfiques sur le microbiote et son profil métabolomique. Une plus grande diversité du microbiote intestinal a également été rapportée même après une consommation modérée de vin rouge. Le régime méditerranéen accroît l’abondance des Bacteroides et diminue le nombre de Firmicutes. Chez les personnes dont l’observance du régime méditerranéen est meilleure, la concentration fécale de butyrate et de propionate est plus élevée. On a détecté chez elles un ratio élevé bifidobactéries/ Escherichia coli, associé à un bon équilibre intestinal et à un bon état de santé. Ce régime augmente également les taux de Faecalibacterium prausnitzii et de certaines espèces appartenant aux Clostridiales, ainsi que la capacité du microbiote intestinal à métaboliser les polyphénols alimentaires.

Le régime méditerranéen a été proposé en complément thérapeutique pour les patients atteints de maladies métaboliques (diabète de type 2, obésité, stéatose hépatique non alcoolique) car il pourrait résorber la dysbiose et les troubles du profil métabolomique souvent détectés chez ces patients. Cependant, nous aurions besoin de davantage de données sur les profils de variation temporelle du microbiote intestinal dans le cadre du régime méditerranéen. Nous devons également mieux comprendre les mécanismes par lesquels l’alimentation modifie le microbiote et de quelle manière la dysbiose est impliquée dans la pathogenèse des maladies non transmissibles.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Revue de presse

Microbiote intestinal et fragilité liée à l'âge

Revue de presse 

Par le Pr. Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Les auteurs ont analysé le rôle du microbiote intestinal et de la dysbiose dans le développement du vieillissement [1] qui se manifeste par de la fragilité liée à l’âge, la perte de poids, une faiblesse musculaire, la fatigue, un mode de vie sédentaire et une marche ralentie. La faiblesse musculaire est due à la sarcopénie, caractérisée par une perte de masse et de fonction musculaire (force et puissance) et dont la prévalence est de 5 à 13 % chez les personnes âgées de 60 à 70 ans, et de 11 à 50 % chez celles de plus de 80 ans.

Le vieillissement se traduit par une augmentation des réponses inflammatoires, un dysfonctionnement endothélial, des modifications du système immunitaire et un accroissement du stress nitrosatif. Avec l’âge, la biodiversité du microbiote intestinal diminue, et le nombre de micro- organismes pathogènes augmente. Ces modifications sont typiques des personnes de plus de 65 ans et sont imputables à une altération de l’alimentation causée par une réduction de l’appétit, une perte des dents et de l’efficacité de la mastication, des troubles de la déglutition et une malabsorption. Les modifications du microbiote ne sont pas uniformes, mais elles pourraient être associées à la localisation géographique, à l’habitat, au mode de vie (tabagisme, consommation d’alcool), à l’activité physique, à la prise d’antibiotiques et d’autres médicaments ainsi qu’à des facteurs génétiques. Les modifications du microbiote liées à l’âge les plus typiques sont la diminution des bactéries productrices de butyrate (bifidobactéries, Firmicutes) et l’augmentation des Bacteroides. Malgré une importante hétérogénéité interindividuelle, le nombre de micro-organismes pathogènes opportunistes tend à augmenter, ce qui peut accentuer la perméabilité intestinale.

La dysbiose est associée à une réduction de la synthèse des protéines musculaires (résistance anabolique), qui conduit à la sarcopénie. La dysbiose pourrait également réduire la biodisponibilité des acides aminés alimentaires et perturber le métabolisme vitaminique des cellules musculaires squelettiques. Les principaux mécanismes de la sarcopénie induite par la dysbiose sont la résistance anabolique, l’inflammation, les troubles du métabolisme mitochondrial, le stress oxydatif et l’insulinorésistance. La réduction des acides gras à chaîne courte pourrait jouer un rôle central dans les troubles du métabolisme énergétique et protéique musculaire.

Les carences nutritionnelles et l’inactivité physique jouent un rôle central dans la pathogenèse de la sarcopénie et elles ont également un impact majeur sur le microbiote intestinal. Réciproquement, la dysbiose intestinale pourrait moduler l’inflammation systémique, la synthèse des protéines musculaires, la sensibilité à l’insuline et le métabolisme énergétique. À l’heure actuelle, rien ne prouve que la composition du microbiote soit particulière chez les patients sarcopéniques. La présente revue soutient cependant le concept selon lequel le microbiote intestinal joue un rôle dans les effets de la nutrition sur les cellules musculaires (« axe intestin-muscle »).

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Revue de presse

Principales contributions autour du microbiote intestinal de l’enfant

Retour de Congrès

Par le Pr Patrick Bontems
Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Belgique

L’ESPGHAN, créé il y a plus de 50 ans, organise un congrès annuel dont l’audience dépasse les 4 000 participants venant de plus de 100 pays différents.

Développement du microbiote à la naissance

Le développement du microbiote après la naissance est déterminé par les échanges entre la mère et l’enfant. La perturbation de ces échanges augmente le risque de survenue de certaines maladies [1]. Les principales causes de dysbioses induites en période néonatale sont la naissance par césarienne, l’utilisation d’antibiotiques et l’absence ou l’arrêt prématuré (avant l’âge de 4 à 6 mois) de l’allaitement maternel. Certaines indications de césarienne et un usage raisonné des antibiotiques ne pouvant être remis en question, la promotion de l’allaitement maternel est une priorité pour les pédiatres.

Diverses études présentées renforcent cette notion. Par exemple, 267 enfants ont été suivis par Sakwinski et al. jusqu’à l’âge de 2 ans. L’étude longitudinale a montré que les enfants non-allaités avaient un risque d’infections respiratoires 3,84 fois supérieur. L’effet protecteur de l’allaitement est dû à la modulation du microbiote, le lait maternel favorisant sa composition en faveur d’une prédominance de bifidobactéries comme le rappelait Berger et al. Cette étude portait sur l’analyse de selles recueillies auprès de nourrissons exclusivement allaités aux États-Unis, en Belgique, en Italie, aux Philippines et au Bangladesh. Cependant, la prédominance de bifidobactéries n’était présente que parmi 17 % des nourrissons aux États-Unis, contre une moyenne de plus de 70 % dans les autres pays. Cette différence pourrait être due à la composition du lait maternel, au microbiote de la mère, ou à d’autres facteurs environnementaux.

La composition du microbiote des enfants nés prématurément est perturbée en raison de la séparation de la mère et de l’enfant. L’administration de lait maternel permet de réduire ces perturbations [2]. Ainsi, l’administration de colostrum par voie oropharyngée favorise la présence de bifidobactéries comme le montrent Feferbaum et al. La pasteurisation du colostrum entraîne toutefois une augmentation des proteobactéries comparativement au colostrum cru. L’administration concomitante de colostrum et de Bifidobactérium breve, dans une étude réalisée par Yamashiro et al. au Japon, semble permettre d’augmenter la colonisation du tube digestif par des bifidobactéries et d’entraîner une amélioration de la croissance chez le prématuré.

Oligosaccharides (HMO)

Les HMOs représentent le troisième composant du lait maternel après le lactose et les graisses [3]. Ce sont principalement des galacto-oligosaccharides qui ont des effets sur le microbiote [4]. Ces dernières années, les laits pour nourrissons ont été supplémentés par certains HMOs [5]. De nombreuses études ont été présentées à ce sujet durant le congrès. Par exemple, Binia et al. ont montré que l’absence de 2’-fucosylated HMO dans le lait de mère, dû à une variation génétique, entraîne une fréquence plus élevée d’infections respiratoires. Sprenger et al. ont rapporté les résultats d’un essai randomisé contrôlé montrant que cet effet protecteur est dû à un microbiote plus riche en bifidobactéries. Tomasi et al. ont étudié les capacités cognitives de souris en fonction de la présence ou absence de 6’-sialyllactose. La mémoire et l’orientation spatiale des souris est améliorée en présence de ce HMO dans l’alimentation des jeunes souris.

Transplantation fécale

La transplantation fécale est une thérapeutique destinée à renouveler le microbiote d’un receveur en cas de dysbiose. L’indication indiscutablement reconnue à ce jour est la colite à Clostridium réfractaire ou récidivante. Une étude chinoise, réalisée par Zhang et al. sur 11 enfants, rapporte une efficacité de 64 % après une seule administration, les cas restants s’améliorant après 2-3 administrations. Dans une deuxième présentation, les mêmes auteurs mettaient en garde contre le risque de ces transplantations, en particulier chez les patients immunodéprimés. Des effets indésirables étaient rapportés chez un quart des patients, mais surtout deux cas sévères ont été observés, dont un entraînant le décès.

Symbiotiques

Le développement de symbiotiques représente probablement une solution d’avenir plus reproductible (pas de variation en fonction des donneurs) et potentiellement moins dangereuse que la transplantation fécale. Durant le congrès, l’intérêt de symbiotiques a été illustrée notamment par une étude réalisée en Russie par Larkova et al. (allergie alimentaire) et par Lin et al. (cirrhose hépatique non-alcoolique). Pour cette dernière, les auteurs ont montré, chez la souris, l’effet protecteur d’un symbiotique pour prévenir la fibrose et la stéatose en cas de régime riche en graisse. L’assemblée s’est ensuite intéressée aux effets cliniques des probiotiques seuls. L’efficacité de Lactobacillus rhamnosus pour améliorer les symptômes en cas d’allergie aux protéines du lait de vache a été démontrée dans un essai contrôlé randomisé avec bras placebo par Bastruk et al. L’efficacité de certains probiotiques pour diminuer la durée d’une gastroentérite aiguë a été rappelée par Nardi et al., pour réduire les effets indésirables digestifs des antibiotiques par Moretti et al., et pour les troubles digestifs fonctionnels des nourrissons par Nocerino et al.

Microbiote et maladies du tube digestif

Les symptômes de dyspepsie sont extrêmement fréquents. Des inhibiteurs de la pompe à protons sont souvent prescrits. Acharyva et al. ont montré que 60 % des enfants avec des symptômes digestifs évoquant une pathologie oesophagienne ou gastrique présentaient une prolifération/ pullulation bactérienne de l’intestin grêle (PBIG). Les auteurs suggèrent de réaliser un test au glucose en cas de gastroscopie négative chez ces patients.

Divers auteurs ont mis en évidence le rôle du microbiote dans la maladie de Crohn, la mucoviscidose et l’intolérance au lactose. En revanche, une revue systématique effectuée par Bezawada et al. n’a pas permis de démontrer le rôle du microbiote dans l’autisme. De même, Lukasik n’a pas pu démontrer de lien entre l’administration d’antibiotiques en période néonatale et l’autisme.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Retour congrès

Focus sur le 4e congrès biennal de la ESNM

Retour de Congrès 

Par le Pr. Fernando Man
Gastro Health, Buenos Aires, Argentine

Bandeau-article4-NL08

Le 4e Congrès biennal de la Société européenne de neurogastroentérologie et de motilité (NeuroGASTRO 2019) s’est tenu du 5 au 7 septembre à Lisbonne (Portugal). Plus de 400 médecins et chercheurs du monde entier ont fait de ce congrès un événement exceptionnel, grâce à la présentation des toutes dernières recherches expérimentales et de nombreuses conférences passionnantes.

Syndrome de l’intestin irritable et microbiote 

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble chronique associé à des douleurs et à une modification de la consistance et de la fréquence des selles. L’influence de la composition du microbiote intestinal a été proposée comme axe d’étude [1]. Une diminution de la diversité alpha, une augmentation du ratio Firmicutes/Bacteroidetes et une abondance accrue de Streptococcus et de Ruminococcus ont été décrites. Même si le traitement par probiotiques dans le SII n’est pas encore clairement défini, de nombreuses études ont montré des résultats prometteurs. Une pullulation bactérienne de l’intestin grêle (PBIG), diagnostiquée par un test respiratoire au lactulose/ glucose, a été associée au SII dans un sous-groupe de patients.

Lors d’un atelier Biocodex intitulé « Stratégies basées sur le microbiome dans la prise en charge du SII », le Professeur Magnus Simren a souligné le fait que le microbiote intestinal est altéré dans un sous-groupe de patients atteints de SII. Il a été proposé d’inscrire la physiopathologie du SII dans un cadre intégré, dans lequel le microbiote intestinal pourrait interagir avec le système immunitaire intestinal, la barrière épithéliale et l’axe intestin-cerveau. Une signature microbienne intestinale spécifique pourrait être liée à la sévérité des symptômes du SII. En outre, les probiotiques pourraient agir sur l’hypersensibilité viscérale, le dysfonctionnement neuromoteur, la dysbiose, l’altération de la barrière intestinale et l’inflammation de bas grade. En fait, la plupart des méta-analyses sont en faveur de l’utilisation des probiotiques dans le SII [2]. Reste à déterminer quel probiotique est utile chez chaque patient.

Dans un essai contrôlé versus placebo, une souche de l'espèce Bifidobacterium longum (anciennement B. infantis) s’est montrée supérieure au placebo concernant l’évaluation globale du soulagement des symptômes dans tous les sous-types de SII [3]. Le mécanisme proposé est une normalisation de l’équilibre entre les cytokines anti- et pro-inflammatoires IL-10 et IL-12.

Le régime pauvre en FODMAP a récemment été proposé dans le cadre de la prise en charge du SII. Davantage d’études doivent être réalisées afin d’évaluer son effet à long terme sur la composition du microbiote ainsi que ses conséquences nutritionnelles. La réponse à une intervention de ce type pourrait être prédite par les profils bactériens fécaux.

De nombreuses études passionnantes sur le SII et le microbiote ont été présentées à l’occasion de ce congrès.

La transplantation de microbiote fécal (TMF) est devenue un candidat prometteur dans le traitement du SII. Toutefois, une récente méta-analyse [4] n’a montré aucune différence entre le placebo et la TMF. La disponibilité d’un super donneur (sportif, jeune et en bonne santé, n’ayant pris des antibiotiques que 3 fois dans sa vie), comme l’a montré une étude présentée par M. El Salhy, pourrait être la clé pour obtenir de meilleurs résultats.

Dans un poster présenté par V. Passananti, l’espèce Bifidobacterium infantis a démontré une amélioration des symptômes chez les non-répondeurs au régime pauvre en FODMAP. Les résultats étaient similaires pour la sévérité et la fréquence des douleurs et de la distension abdominale. Le nombre de cas sévères de SII a également été réduit de moitié et une réduction significative des scores d’anxiété (p < 0,005) et de dépression (p < 0,006) a été observée.

L’effet d’un probiotique contenant seulement Saccharomyces boulardii (Sb) ou plusieurs espèces (Lactobacillus casei, L. rhamnosus, L. acidophilus, L. bulgaricus, Bifidobacterium longum et B. brevis) a été étudié chez 53 patients souffrant de ballonnements et de douleurs abdominales, et a été présenté par D. Vera dans une étude. Les deux probiotiques ont entraîné une diminution des ballonnements et des douleurs, avec un effet plus important de Sb pour le soulagement des douleurs abdominales (p < 0,001).

L’impact de S. boulardii (Sb) chez des patients présentant un SII-D et une PBIG a été évalué par L. Bustos Fernandez. Une tendance à une plus forte diminution de l’ASC de la production d’hydrogène au test respiratoire a été observée dans le groupe Sb, avec une amélioration du score IBSSSS et une normalisation des selles suivant l’échelle de Bristol par rapport au groupe témoin. L’espèce Faecalibacterium prausnitzii était plus abondante chez les patients présentant une amélioration clinique marquée avec Sb, à savoir une normalisation de la consistance des selles (+ 120 %), un test PBIG négatif avec une amélioration des symptômes liés au SII (+ 400 %) et une réduction des douleurs abdominales (- 76,5 %). Les analyses du mycobiote ont montré des modifications significatives de Sb et des lignées phylogénétiques proches (les genres Saccharomyces [+ 27 %], Debaryomyces [– 88 %] et Filobasidium [> 1 000 %]). En outre, le genre Penicilium et la lignée supérieure proche étaient 100 fois plus abondants dans les échantillons PBIG-négatifs après le traitement par Sb.

Microbiote et obésité 

Le rôle du microbiote dans l’obésité a suscité un vif intérêt, et il a été suggéré que certaines signatures microbiennes pourraient augmenter la capacité d’absorption énergétique.

P. Enck a souligné le fait qu’une faible diversité du microbiote intestinal pourrait également être utilisée comme biomarqueur de l’obésité, et qu’une signature microbienne spécifique entraîne une préférence pour les aliments hautement caloriques. Le rôle de l’altération du ratio Firmicutes Bacteroidetes a été avancé, mais cette caractéristique n’est pas spécifique à l’obésité. Cette hypothèse n’a pas été confirmée dans une récente méta-analyse [5].

Pour qu’un biomarqueur putatif de l’obésité soit pertinent, la composition du microbiote doit être sensible aux variations de poids, ce qui n’est pas toujours observé en chirurgie bariatrique ; inversement, la modification du microbiote doit induire une variation de poids. Ni les pré/probiotiques, ni la TMF n’ont atteint cet objectif.

Même si l’on sait que le microbiote intestinal est impliqué dans l’obésité, il n’est pas possible aujourd’hui d’identifier une signature fiable à titre de biomarqueur. Les essais cliniques conduits chez l’Homme sont perturbés par l’alimentation quotidienne et d’autres facteurs comme les probiotiques, l’exercice physique et la TMF.

Microbiote et axe intestin-cerveau

Le microbiote intestinal joue un rôle dans la détermination de la santé mentale, aspect ciblé par les «psychobiotiques». Les probiotiques, les prébiotiques, l’alimentation, la TMF et l’altération de consortiums microbiens et leurs métabolites représentent un champ d’investigation passionnant dans le cadre des troubles liés au stress.

G. Clarke a présenté des études montrant que le microbiote intestinal peut moduler le volume de l’amygdale et qu’une hypertrophie dendritique au niveau des neurones de l’amygdale basolatérale est observée chez les animaux axéniques. La sérotonine et le tryptophane, un précurseur de la sérotonine, jouent un rôle dans l’axe intestin-cerveau. Le microbiote peut réguler le système sérotoninergique de l’hippocampe et une déplétion en tryptophane normalise les comportements dépressifs.
De plus, l’altération du microbiote est associée à un comportement de désespoir induit par le stress chez le rat ; la restauration des taux intestinaux de Lactobacillus a normalisé le comportement induit par le stress et a amélioré la production de sérotonine. Une réduction de la diversité microbienne est également présente dans la dépression, avec une diminution de Prevotella. Les comportements de type anhédonie, l’anxiété et le profil métabolique du tryptophane peuvent être transférés via le microbiote intestinal. Les travaux présentés par G. Clarke montrent que l’espèce B. longum pourrait jouer un rôle antidépresseur chez le rat et réduire la réponse au stress chez le volontaire sain en bonne santé.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Retour congrès

Critères cliniques et biologiques de réponse à un traitement standardisé de rectocolite chez l’enfant : une étude multicentrique prospective

Article commenté - Rubrique Enfant

Par le Pr Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Section of the large intestine with Ulcerative Colitis. Illustration.

Commentaire de l’article original de Hyams et al. (Lancet 2019 [1])

Du fait de l’absence de données basées sur les preuves d’efficacité thérapeutique, le choix des traitements pour les enfants chez lesquels une rectocolite hémorragique (RCH) vient d’être diagnostiquée est aléatoire. C’est pourquoi les auteurs ont fait l’hypothèse que des facteurs cliniques, transcriptomiques et microbiens pourraient prédire l’évolution de la maladie avant le traitement. Dans cette étude de cohorte initiale, ils ont recruté des patients de 4 à 17 ans atteints de RCH nouvellement diagnostiquée dans 29 centres aux États-Unis et au Canada. Les patients ont d’abord reçu de la mésalazine ou des corticoïdes selon un protocole préétabli, avec des critères d’escalade vers des immunomodulateurs (thiopurines) ou une biothérapie par anti-TNFα. Un séquençage de l’ARN a été réalisé pour définir l’expression génique rectale avant le traitement, et un séquençage 16S pour caractériser les microbiotes rectal et fécal. Le critère principal était une rémission sans corticoïde à la 52e semaine, sans autre traitement que la mésalazine.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Les scores cliniques, biologiques et/ou endoscopiques, tels que le PUCAI (pediatric ulcerative colitis activity index), permettent de classer la sévérité de la RCH chez l’enfant. On distingue les formes minimes (PUCAI 10-30), modérées à sévères (35-60) et sévère/fulminante (≥ 65). Les 5-aminosalycilates peuvent être efficaces dans les formes minimes, alors que les corticoïdes sont utilisés dans les formes modérées ; toutefois, un certain nombre d’enfants seront cortico-dépendants ou réfractaires et nécessiteront une escalade thérapeutique (immunomodulateurs, voire anti-TNFα).

Cependant, il n’existe pas d’étude prospective ayant évalué la réponse à un traitement standardisé lors du diagnostic de RCH.

Image

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ? 

Dans cette étude prospective multicentrique, réalisée dans 29 centres aux États-Unis et au Canada entre 2012 et 2015, 467 enfants âgés de 4 à 17 ans ont été recrutés (Figure 1). Le critère principal de jugement était la rémission, définie par un PUCAI < 10, à la semaine 52, sans autre traitement que la mésalazine (sans corticoïdes ni colectomie). Les auteurs ont défini la sévérité initiale en minime (traitement par mésalazine ou corticoïdes oraux avec PUCAI < 45) et modérée à sévère (corticoïdes oraux avec PUCAI ≥ 45 ou corticoïdes intraveineux). En plus des paramètres cliniques et biologiques habituels, cette étude a évalué l’expression génique à partir de biopsies rectales ainsi que les microbiomes rectal et fécal avant traitement. 428 enfants ont débuté le traitement : âge moyen de 12,7 ans, 50 % de filles, 42 % de formes minimes (PUCAI moyen de 31,9 ± 12,1 DS) et 58 % de formes modérées à sévères (PUCAI moyen de 62,9 ± 13,2 DS). À 52 semaines, 150 (38 %) des 400 participants évaluables étaient en rémission sans corticoïdes, dont 80 (49 %) avaient une forme minime et 70 (30 %) avaient une forme modérée à sévère (Tableau 1).

Des paramètres cliniques, biologiques et endoscopiques qui étaient associés à une rémission sans corticoïdes ont été validés dans une autre étude prospective indépendante ayant inclus 307 enfants. À noter que la rémission sans corticoïdes est obtenue avant 16 semaines pour les formes modérées à sévères (après quoi elle ne peut plus être obtenue) alors qu’elle peut l’être jusqu’à 52 semaines dans les formes minimes. En outre, même des enfants avec des formes très sévères ont pu obtenir une rémission sans corticoïdes à 52 semaines (41/133 [31 %] avec PUCAI ≥ 65) et, à l’inverse, certains enfants qui avaient une forme minime étaient sous anti-TNFα à 52 semaines (13/90 [14 %] avec PUCAI < 35). Les auteurs ont trouvé que 33 gènes étaient exprimés différemment entre les patients ayant une forme modérée à sévère qui avaient obtenu une rémission sans corticoïdes (n = 51) ou non (n = 101). Parmi ces gènes, 18 étaient surexprimés, associés au transport cellulaire et à des canaux ; 15 étaient sous-exprimés, associés à la réponse antimicrobienne (Figure 2). La voie de signalisation des α-défensines antimicrobiennes avait la plus forte association négative avec la rémission sans corticoïdes à la semaine 52. Cependant, l’ensemble de ces 33 gènes était associé négativement avec la nécessité d’une escalade thérapeutique vers les anti-TNFα.

Image

Points clés

  • Les choix thérapeutiques dépendent de la sévérité
    de la RCH (scores PUCAI, Mayo) mais aussi de la réponse thérapeutique à 4 semaines

  • D’autres critères (taux Hb, éosinophiles rectaux, 25-OH vitamine D) sont aussi à prendre en considération

  • L’intégration de nouveaux paramètres (expression génique et microbiote) pourrait faciliter une médecine personnalisée dans le futur

Image

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Il est important de retenir les facteurs prédictifs de rémission sans corticoïdes et d’escalade thérapeutique déterminées d’après les analyses multivariées.


Les facteurs prédictifs d’une rémission sans corticoïdes à 52 semaines étaient :

  • PUCAI < 45, Hb ≥ 10 g/dL ;
  • rémission à 4 semaines ;
  • expression faible des gènes antimicrobiens ;
  • abondance relative augmentée des Ruminococcaceae et diminuée de Sutterella.

Les facteurs prédictifs d’une escalade vers les anti-TNFα étaient :

  • score Mayo total ≥ 11 ;
  • nombre d’éosinophiles dans biopsies rectales < 32 par champs à fort grossissement ;
  • 25O-H vitamine D < 20 ng/mL ;
  • Hb < 10 g/dL ;
  • absence de rémission à 4 semaines ;
  • diminution des gènes impliqués dans le transport et des gènes antimicrobiens ;
  • abondance relative diminuée de Oscillospira.

Conclusion

Cette étude a montré des paramètres qu’il faut prendre en considération dans les choix thérapeutiques pour les enfants nouvellement diagnostiqués avec une RCH. L’analyse de l’expression des gènes rectaux et du microbiote pourrait aider à prédire la réponse thérapeutique, mais aussi à déterminer de nouvelles cibles thérapeutiques.

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Article commenté

Parkinson : découverte et inhibition du métabolisme de la lévodopa par les bactéries intestinales

Article commenté - Rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Levodopa (L-DOPA) Parkinson's disease drug, molecular model. L-DOPA is a precursor of the catecholamine neurotransmitters dopamine, norepinephrine and epinephrine and is used in the treatment of Parkinson's disease. Atoms are represented as wires. A map of electrostatic potential surrounds the molecule.

Commentaire de l’article original de Rekdal et al. (Science 2019 [1])

Le microbiote intestinal humain métabolise la lévodopa (L-dopa), médicament utilisé pour le traitement de la maladie de Parkinson, réduisant potentiellement la disponibilité du médicament et provoquant des effets indésirables. Cependant, les micro-organismes, gènes et enzymes responsables de cette activité chez les patients et la sensibilité aux médicaments inhibiteurs ciblant l’hôte sont inconnus. Ici, les auteurs décrivent une voie inter-espèces pour le métabolisme de la L-dopa dans le microbiote intestinal. La conversion de la L-dopa en dopamine par une tyrosine décarboxylase dépendante du pyridoxal phosphate chez Enterococcus faecalis est suivie par la transformation de la dopamine en m-tyramine par une déshydroxylase dépendante du molybdène d’Eggerthella lenta. Ces enzymes prédisent le métabolisme des médicaments dans des microbiotes intestinaux humains complexes. Le médicament, qui cible la décarboxylase des acides aminés aromatiques de l’hôte, ne prévient pas la décarboxylation de la L-dopa par le microbiote intestinal ; mais les auteurs ont identifié un composé qui inhibe cette activité dans les microbiotes des patients atteints de maladie de Parkinson, augmentant ainsi la biodisponibilité de la L-dopa dans un modèle murin.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

La maladie de Parkinson est une maladie neurologique invalidante affectant plus de 1 % de la population mondiale âgée de plus de 60 ans. Le principal médicament utilisé pour traiter la maladie de Parkinson est la lévodopa (L-dopa) [2]. Pour être efficace, la L-dopa doit pénétrer dans le cerveau et être convertie en dopamine (neurotransmetteur) par une enzyme humaine, la décarboxylase des acides aminés aromatiques (AADC). Cependant, le tractus gastro-intestinal est également un site majeur pour la décarboxylation de la L-dopa, et ce métabolisme est problématique car la dopamine générée en périphérie ne peut pas traverser la barrière hémato-encéphalique et provoque des effets secondaires indésirables. Ainsi, la L-dopa est co-administrée avec des médicaments qui bloquent son métabolisme périphérique, y compris le carbidopa, qui est un inhibiteur de l’AADC. Même avec ces médicaments, jusqu’à 56 % de la L-dopa ne parvient pas au cerveau. En outre, l’efficacité et les effets secondaires du traitement par L-dopa sont extrêmement hétérogènes chez les patients atteints de Parkinson, et cette variabilité ne peut être complètement expliquée par les différences de métabolisme de l’hôte. Des études antérieures chez l’homme et sur modèles animaux ont démontré que le microbiote intestinal peut métaboliser la L-dopa [3]. La principale voie proposée implique une décarboxylation initiale de la L-dopa en dopamine, suivie par la conversion de la dopamine en m-tyramine par une réaction de déshydroxylation.

Bien que ces activités métaboliques se soient produites dans des échantillons de microbiote intestinal, les organismes spécifiques, les gènes et les enzymes responsables restent inconnus. Les effets des inhibiteurs ciblant l’hôte, comme la carbidopa, sur le métabolisme microbien intestinal de la L-dopa ne sont pas clairs non plus. Pour faire un premier pas vers la compréhension du rôle du microbiote intestinal dans le traitement de la maladie de Parkinson, les auteurs ont cherché à élucider les bases moléculaires du métabolisme microbien intestinal de la L-dopa et de la dopamine.

Image

Points clés

  • Certaines bactéries du micro- biote intestinal peuvent méta- boliser la L-dopa en dopamine puis en m-tyramine, limitant la disponibilité de la L-dopa au cerveau

  • Le microbiote joue un rôle dans l’efficacité et la toxicité de la L-dopa pour le traitement de la maladie de Parkinson

  • L’utilisation d’un inhibiteur spé- cifique du métabolisme bactérien de la L-dopa peut permettre d’augmenter la biodisponibilité de la L-dopa, et donc d’augmenter son efficacité

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ? 

Les auteurs ont émis l’hypothèse que la décarboxylation de la L-dopa nécessiterait une enzyme dépendante du pyridoxal phosphate (PLP). Ils ont analysé les génomes de bactéries intestinales et identifié une tyrosine décarboxylase conservée (TyrDC) dans Enterococcus faecalis (Figure 1A). Des expériences génétiques et biochimiques ont révélé que TyrDC décarboxyle simultanément la L-dopa et son substrat préféré, la tyrosine. Ensuite, ils ont utilisé des méthodes d’enrichissement pour isoler une souche d’Eggerthella lenta capable de déhydroxyler la dopamine (Figure 1A). Une analyse transcriptomique a permis d’identifier que l’enzyme responsable de cette activité est une déshydroxylase dépendante du molybdène (Dadh). De façon inattendue, la présence de cette enzyme dans le microbiote intestinal n’est pas corrélée avec le métabolisme de la dopamine. C’est en fait un polymorphisme génétique sur un nucléotide (SNP) dans le gène Dadh qui prédit l’activité. La capacité à métaboliser la L-dopa selon cette voie était variable d’un sujet à l’autre (Figure 1B). Dans le microbiote intestinal des patients atteints de Parkinson, l’abondance d’E. faecalis, de tyrDC, et du SNP de Dadh est corrélée avec le métabolisme de la L-dopa et de la dopamine, ce qui confirme leur pertinence. Les auteurs ont ensuite montré que la carbidopa, qui inhibe l’AADC humain, n’avait un effet que minime sur la décarboxylation de la L-dopa par E. faecalis, et un effet nul sur le microbiote intestinal complexe de patients, ce qui suggère que ce médicament ne peut probablement pas empêcher le métabolisme microbien de la L-dopa in vivo. Etant donné la préférence de TyrDC pour la tyrosine, les auteurs ont recherché des molécules « imitant » la tyrosine. Ils ont identifié la (S)-α-fluorométhyltyrosine (AFMT) comme inhibiteur sélectif de la décarboxylation bactérienne intestinale de la L-dopa. L’AFMT, co-administrée avec la L-dopa et la carbidopa à des souris colonisées avec E. faecalis, permettait d’augmenter la concentration sérique de L-dopa.

Quelles sont les conséquences en pratique ? 

Ces résultats démontrent que le microbiote intestinal est un acteur du métabolisme de la L-dopa et qu’il peut jouer un rôle dans son efficacité et sa toxicité. Cette étude ouvre la voie vers la mise au point de biomarqueurs prédictifs de l’efficacité et de la toxicité de la L-dopa. D’autre part, étant donné que les mécanismes moléculaires sont élucidés, l’utilisation d’inhibiteurs spécifiques du métabolisme de la L-dopa par le microbiote intestinal est envisageable chez les patients porteurs des activités bactériennes délétères dans leur microbiote.

Conclusion

Chez certains patients, le microbiote intestinal peut métaboliser la L-dopa. Cela joue possiblement un rôle dans l’hétérogénéité de l’efficacité et de la toxicité de ce traitement de la maladie de Parkinson. L’utilisation d’inhibiteurs de ce métabolisme bactérien pourrait être une solution. Plus globalement, cette étude est une nouvelle preuve du rôle du microbiote intestinal dans la pharmacocinétique et la pharmacodynamie des médicaments. Elle ouvre des perspectives prometteuses pour le nouveau champ que l’on pourrait appeler la « pharmacomicrobiomique ».

Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Désactivé
Updated content
Désactivé
Hide image
Off
Article commenté