Adaptation des Escherichia coli commensales dans le tractus intestinal de jeunes enfants atteints de mucoviscidose

Article commenté - rubrique enfant

Par le Pr. Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Newsletter 4 - article 2

Commentaire de l’article original de Matamouros et al. (PNAS 2018)

Le microbiote intestinal humain mature se met en place au cours des premières années de la vie, or des altérations des microbiomes intestinaux ont été associées à plusieurs problèmes de santé chez l’homme. Escherichia coli représente généralement moins de 1 % du microbiome intestinal humain, alors que dans la mucoviscidose, une relative abondance (> 50 %) est fréquente et corrélée à l’inflammation intestinale et à la stéatorrhée. Malgré la prolifération d’E. coli et autres protéobactéries dans des conditions impliquant une inflammation chronique du tractus gastro-intestinal, on sait peu de chose sur l’adaptation de caractéristiques spécifiques liées à l’expansion clonale du microbiote.

Cette étude met en évidence qu’E. coli isolée à partir d’échantillons de selles de jeunes enfants ayant la mucoviscidose a adapté sa croissance à la présence de glycérol, un composant majeur des graisses. Les isolats d’E. coli issus de différents patients atteints de mucoviscidose révèlent un taux de croissance accru en présence de glycérol par rapport aux E. coli issues de sujets sains, tandis que des souches d’E. coli non associées à la mucoviscidose ont acquis de manière indépendante cette caractéristique de croissance. En outre, ces isolats des enfants ayant la mucoviscidose et des contrôles montrent une expression génique différentielle lorsqu’ils sont cultivés dans des milieux minimaux dont la seule source de carbone est le glycérol. Alors que les isolats des enfants ayant la mucoviscidose présentent un profil transcriptionnel favorisant la croissance, ceux des contrôles impliquent l’induction de stress et d’une phase stationnaire, ce qui peut entraîner des taux de croissance plus lents. Ces résultats mettent en évidence l’existence d’une sélection de caractéristiques uniques au sein du microbiome des personnes souffrant de mucoviscidose, qui pourrait contribuer au pronostic individuel de la maladie [1].

Que sait-on déjà à ce sujet ?

La principale atteinte digestive de la mucoviscidose est l’insuffisance pancréatique exocrine. Elle est présente dans 85 % des cas et elle nécessite une supplémentation en extraits pancréatiques. Malgré cette supplémentation, une malabsorption des graisses peut persister. La proportion d’E. coli dans le microbiome intestinal humain est en général inférieure à 1 % mais elle peut atteindre jusqu’à 70-80 % chez les sujets atteints de mucoviscidose. Il existe une expansion clonale chez un patient mais les souches sont différentes entre les patients, ce qui suggère une adaptation d’E. coli à son environnement. Certaines souches d’E. coli sont impliquées dans l’inflammation intestinale et dans le cancer colorectal. Dans la mucoviscidose, on peut retrouver une inflammation digestive, une dysbiose, voire un risque augmenté de cancer colorectal selon des données récentes.

Les auteurs ont émis l’hypothèse qu’a lieu, dans la mucoviscidose, une sélection de souches d’E. coli, capables de survivre dans un milieu intestinal contenant un excès de graisses et un mucus anormal.

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Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?         

E. coli a été isolée de selles de 6 jeunes enfants atteints de mucoviscidose et de 2 témoins. Les auteurs ont évalué la croissance de ces bactéries dans un milieu minimal dont la seule source de carbone était une supplémentation en glucose (GluMM) ou glycérol (GlyMM). La croissance d’E. coli était plus rapide dans des plaques GlyMM pour des souches isolées d’enfants ayant la mucoviscidose que pour celles isolées de témoins (Figure 1). Ces différences n’étaient pas observées en conditions anaérobies. Le milieu intestinal étant essentiellement anaérobie, il est possible que l’oxygène joue un rôle important. À proximité de l’épithélium, il existe un gradient minimal d’oxygène.

L’analyse génétique a montré que les souches d’E. coli étaient distinctes. En outre, les 8 isolats avaient plus de 11 000 SNP (single nucleotide polymorphisms) présents chez un ou plusieurs enfants ayant la mucoviscidose mais absents des témoins. L’analyse transcriptomique (RNA-seq), en milieu GluMM ou GlyMM, a été réalisée sur des isolats de 2 enfants souffrant de mucoviscidose et de 2 témoins ; ces isolats avaient été sélectionnés en raison de leur croissance en milieu GlyMM et de leur positionnement sur l’arbre phylogénétique. Parmi les gènes exprimés différemment, 213 gènes étaient surexprimés (absorption et métabolisme du glycérol), et 6 sous-exprimés (transport cellulaire du glucose) en milieu GlyMM de manière identique chez les enfants ayant la mucoviscidose et les témoins. En milieu GluMM, seuls 20 gènes étaient exprimés différemment dans la mucoviscidose et chez les témoins, tandis que 405 l’étaient en milieu GlyMM (377 gènes non induits dans la mucoviscidose) (Figure 2). Ces gènes sous-exprimés dans la mucoviscidose en milieu GlyMM codaient pour des protéines impliquées dans le stress, la résistance acide et la formation de biofilm. Les gènes surexprimés dans la mucoviscidose ou sous-exprimés chez les témoins codaient pour des protéines impliquées dans des mécanismes de croissance. Dans la mucoviscidose, l’augmentation de croissance en milieu GlyMM ne serait pas liée à une reprogrammation métabolique mais à une perte de l’inhibition de croissance et de réponse au stress.

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Points clés

  • Il existe une dysbiose au niveau intestinal dans la mucoviscidose. On retrouve notamment une augmentation très importante d’E. coli.

  • En raison de la malabsorption des graisses, il existe une augmentation du glycérol au niveau intestinal. Ces souches d’E. coli sélectionnées dans la mucoviscidose se sont adaptées à ces conditions avec des gènes exprimés différemment et une perte de l’inhibition de croissance.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Cette étude permet de comprendre des mécanismes impliqués dans la dysbiose associée à la mucoviscidose pour ce qui concerne E. coli. Afin de corriger cette dysbiose et de limiter, au moins en partie, l’inflammation intestinale, il est important d’optimiser l’absorption intestinale des graisses pour réduire la quantité de glycérol. Une amélioration de la barrière intestinale, notamment du mucus dans cette maladie, pourrait aussi réduire la disponibilité en oxygène nécessaire à la croissance de ces souches d’E. coli.

Conclusion

Dans la mucoviscidose, la quantité importante de glycérol présent dans l’intestin en raison de la malabsorption des graisses entraîne une adaptation des E. coli avec une prolifération clonale. La compréhension de ces mécanismes pourrait permettre de développer de nouvelles approches thérapeutiques et d’améliorer la prise en charge des malades.

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Article commenté

Le microbiote oesophagien : cause ou conséquence des maladies oesophagiennes ?

Revue de presse

Par le Pr. Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Illustration showing gastroesophageal reflux.

Le reflux gastro-oesophagien (RGO) est courant dans les pays occidentaux. L’endobrachyoesophage (EBO), ou oesophage de Barrett, est une complication du RGO et constitue le principal facteur de risque d’adénocarcinome de l’oesophage, qui est associé à un taux de survie à cinq ans de moins de 20 %.

Une récente revue a analysé le rôle du microbiote oesophagien dans l’EBO et le cancer de l’oesophage [1]. L’oesophage est exposé aux micro-organismes oraux avalés ainsi qu’à ceux du contenu gastrique reflué. Le microbiote de l’oesophage est différent de celui de la bouche ou de l’estomac. Les premières bactéries détectées dans l’oesophage ont été Streptococcus viridans et les streptocoques du groupe D. Ultérieurement, six phyla ont été identifiés par PCR universelle ADNr 16S, notamment Firmicutes, Bacteroidetes, Actinobacteria, Proteobacteria et Fusobacteria, le genre Streptococcus étant le plus représenté. L’EBO et la dysplasie de haut grade ont été associés au nombre le plus élevé de bactéries. Chez les patients présentant une oesophagite et un EBO, le nombre de Streptococcus était diminué, tandis que celui des bactéries micro-aérophiles et anaérobies à gram négatif était augmenté.

L’EBO et l’adénocarcinome de l’oesophage sont associés à un nombre accru d’Escherichia coli. Une autre espèce à gram négatif détectée chez les patients atteints d’un cancer de l’oesophage est Fusobacterium nucleatum. Une dysbiose buccale peut également être associée à un risque accru de cancer de l’oesophage, alors que la présence d’Helicobacter pylori dans l’estomac semble constituer une protection contre ce cancer. Une dysbiose gastrique caractérisée par une augmentation de Clostridiales et Erysipelotrichaceae est associée au carcinome épidermoïde de l’oesophage. Des champignons, comme Candida albicans et C. glabrata, sont aussi fréquemment détectés dans les échantillons oesophagiens de patients atteints d’un adénocarcinome de l’oesophage. Une étude épidémiologique a montré une association dose-dépendante entre l’utilisation de la pénicilline et l’augmentation du risque de cancer de l’oesophage. Les inhibiteurs de la pompe à protons modifient également les microbiotes gastrique et oesophagien.

Les données actuelles sur le microbiote oesophagien proviennent de populations de patients de petite taille, sélectionnées, symptomatiques et issues d’études transversales. Aucune conclusion ne peut donc être tirée quant à un lien de causalité éventuel entre le microbiote oesophagien et les maladies oesophagiennes. Seule une petite partie des patients présentant un EBO développent un adénocarcinome et des études plus approfondies sont nécessaires pour définir le rôle de la dysbiose oesophagienne dans la pathogenèse du cancer. L’impact des inhibiteurs de la pompe à protons sur le microbiote oesophagien et sur le risque de maladies oesophagiennes doit également être évalué [1].

L’oesophagite à éosinophiles (OeE) est une maladie inflammatoire allergique chronique constituant la première cause de dysphagie chez les enfants et les jeunes adultes des pays développés. L’OeE possède des caractéristiques inflammatoires communes aux autres maladies allergiques et l’exposition aux allergènes joue probablement un rôle central dans la pathogenèse de l’OeE. Capucilli et Hill ont analysé l’épidémiologie, la pathogenèse et le traitement de cette maladie [2]. Le microbiote oesophagien pourrait être impliqué dans la pathogenèse de l’OeE. L’oesophage est colonisé par des centaines d’espèces bactériennes et les membres des phyla Firmicutes et Bacteroidetes sont les plus courants [2]. Chez les patients présentant une OeE active, les genres Streptococcus et Atopobium sont diminués alors que Neisseria et Corynebacterium sont augmentés. Une autre étude a montré que la quantité totale des bactéries oesophagiennes et celle du genre Haemophilus en particulier étaient augmentées dans l’OeE. Les inhibiteurs de la pompe à protons utilisés dans le traitement de l’OeE entraînent un enrichissement du phylum Proteobacteria. La charge bactérienne oesophagienne est augmentée chez les patients atteints d’OeE, indépendamment du traitement ou de la sévérité de l’éosinophilie au niveau de la muqueuse oesophagienne. Comme dans d’autres maladies allergiques et auto-immunes, la prise d’antibiotiques et l’accouchement par césarienne sont associés à un risque accru d’OeE [2].

Conclusion

Les études réalisées étaient transversales et il n’y a pas de données sur la stabilité du microbiote oesophagien dans le temps. Davantage d’études sont nécessaires pour définir le rôle du microbiote oesophagien dans la pathogenèse et l’activation de l’OeE

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Revue de presse

Rôle de fusobacterium dans le cancer colorectal

Article commenté - rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Photo : The role of Fusobacterium in colorectal cancer

Commentaire de l’article original de Bullman et al. (Science 2017)

Les cancers colorectaux comprennent un mélange complexe de cellules malignes, de cellules non transformées et de micro-organismes. Fusobacterium nucleatum est parmi les espèces bactériennes les plus répandues dans les tissus du cancer colorectal (CCR).

Ici, les auteurs démontrent que la colonisation des CCR humains avec Fusobacterium et son microbiome associé (y compris les espèces Bacteroides, Selenomonas et Prevotella) est maintenue dans les métastases distales. Ceci démontre la stabilité du microbiome entre les tumeurs primaires et métastatiques appariées.

L’analyse par hybridation in situ a révélé que Fusobacterium est principalement associé aux cellules cancéreuses dans les lésions métastatiques. Dans des xénogreffes en souris d’adénocarcinomes colorectaux primaires humains, Fusobacterium et son microbiome associé restent viables malgré des passages successifs. Le traitement de souris portant une xénogreffe de cancer du côlon avec l’antibiotique métronidazole réduit la charge de Fusobacterium, la prolifération des cellules cancéreuses et la croissance tumorale globale.

Ces observations plaident pour une étude plus approfondie des interventions antimicrobiennes en tant que traitement potentiel pour les patients atteints d’un CCR associé à Fusobacterium  [1].

Que sait-on déjà à ce sujet ?

On sait que le microbiote associé au cancer influence le développement et la progression du cancer, notamment du CCR. Le microbiote des patients atteints de CCR est dysbiotique, et plusieurs études sans a priori ont révélé un enrichissement en F. nucleatum dans le tissu cancéreux et dans les adénomes par rapport aux tissus coliques non cancéreux [2]. Ces observations ont été confirmées dans des études portant sur plusieurs cohortes de patients atteints d’un CCR à travers le monde. Des niveaux élevés de F. nucleatum ont été associés avec une infiltration tumorale moindre en lymphocytes T (alors que l’infiltration en lymphocyte T est un facteur de bon pronostic) [3], avec un stade avancé de la maladie et une plus faible survie des patients. Par ailleurs, les patients atteints de CCR associé à F. nucleatum présentaient souvent une localisation colique droite de leur cancer, une mutation BRAF et une instabilité des microsatellites. Des études reposant sur divers modèles expérimentaux ont suggéré un rôle protumorigène de Fusobacterium, lequel potentialise la croissance tumorale dans des modèles murins de CCR, dans des xénogreffes dérivées de lignées cellulaires de CCR et in vitro sur des lignées cellulaires de CCR. Les mécanismes suggérés vont de l’adhésion et de l’invasion accrues des cellules tumorales à la modulation de la réponse immunitaire de l’hôte, ou à l’activation de la voie du récepteur Toll-like 4. Cependant, certaines études animales ou cellulaires n’ont pas démontré d’effet carcinogène de Fusobacterium [4].

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Pour explorer le rôle de Fusobacterium et de son microbiote associé dans le CCR, les auteurs ont analysé le microbiote de 5 cohortes indépendantes de patients avec CCR. À partir d’échantillons congelés (11 cas), la recherche de Fusobacterium par culture s’est révélée positive dans plus de 70 % des cas, démontrant que la bactérie est vivante au sein du tissu tumoral. Par ailleurs, lorsque du tissu métastatique était disponible et de bonne qualité, Fusobacterium y était aussi retrouvé par culture. La recherche par méthode moléculaire (qPCR) avait une sensibilité supérieure avec plus de 80 % et plus de 60 % de positivité pour les tissus primitifs et métastatiques respectivement. Les Fusobacterium identifiés dans les tissus métastatiques étaient les mêmes que ceux identifiés dans la lésion primitive. À côté de Fusobacterium, d’autres bactéries suivant le même profil étaient identifiées comme Bacteroides fragilis ou Bacteroides thetaiotaomicron. Mais contrairement à Fusobacterium, les souches identifiées dans les métastases étaient différentes de celles de la lésion primitive. Sur une cohorte de 77 patients, les auteurs ont observé qu’il n’existait pas de lien entre la présence de Fusobacterium par culture et la récidive tumorale. Pour déterminer si la présence de Fusobacterium joue un rôle dans la carcinogenèse ou s’il s’agit seulement d’un témoin du processus cancéreux, les auteurs ont utilisé plusieurs systèmes dont des xénogreffes de cellules tumorales humaines sur souris immunodéficientes. Ils ont observé que les tumeurs positives pour Fusobacterium s’implantaient sans problème chez les souris alors que cela n’était pas le cas pour les tumeurs Fusobacterium négatives. Enfin, un traitement par métronidazole, antibiotique hautement actif contre Fusobacterium, réduisait de manière significative la croissance tumorale (Figure 1).

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Point clés

  • Fusobacterium est présent sous forme viable dans les tissus primitifs et métastatiques d’une majorité de patients avec CCR.

  • Fusobacterium, lorsqu’il est présent, favorise la croissance tumorale.

  • En modèle murin, un traitement antibiotique ciblant Fusobacterium réduit de manière significative la croissance des tumeurs positives pour Fusobacterium.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Le traitement des formes métastatiques de CCR reste un problème clinique très important. Ce travail montre que certaines bactéries du microbiote, particulièrement celles appartenant au genre Fusobacterium, persistent de manière viable à la fois dans la tumeur primitive et dans les tissus métastatiques chez une majorité de patients et jouent un rôle dans la progression du CCR. L’utilisation de traitements antimicrobiens ciblant ces bactéries est donc une stratégie à envisager tout en essayant d’être le plus spécifique possible car d’autres bactéries pourraient avoir une fonction protectrice, voire être impliquées dans la réponse aux traitements anticancéreux classiques et aux immunothérapies [5].

Conclusion

Cette étude démontre dans plusieurs cohortes indépendantes que Fusobacterium est présent sous forme viable dans les tissus primitifs et métastatiques d’une fraction majoritaire de patients avec CCR et suggère un rôle favorisant la progression tumorale. Ces observations plaident pour une étude plus approfondie des interventions antimicrobiennes en tant que traitement potentiel pour les patients atteints d’un CCR associé à Fusobacterium.

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Article commenté

L’impact du microbiote des parents sur la santé des enfants

Revue de presse

Par le Pr Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Photo : The impact of the parents’ microbiome on the descendants health

L’intestin de l’enfant est colonisé par les bactéries vaginales et fécales de la mère lors d’une naissance par voie basse. La colonisation microbienne de l’intestin commence durant la vie foetale, même si son rôle est toujours débattu. Selon l’hypothèse des origines développementales de la santé et des maladies (Developmental Origins of Health and Disease, DOHaD), les conditions de vie foetale auraient un impact sur les premiers stades de la vie du nouveau-né et leurs perturbations majoreraient le risque de maladies chroniques chez l’enfant.

Le Professeur Friedman a analysé la programmation développementale [1]. L’obésité, le diabète et l’alimentation occidentale chez la mère ont un impact sur les cellules souches, le système immunitaire et le microbiote intestinal de l’enfant. L’intestin du nouveau-né est d’abord colonisé par des micro-organismes aérobies et des anaérobies facultatifs, eux-mêmes remplacés par des anaérobies stricts. Ce phénomène modifie la signalisation immunitaire innée, les réponses immunitaires des cellules T auxiliaires et la tolérance aux endotoxines. L’obésité maternelle peut perturber la colonisation microbienne normale et majorer le risque ultérieur de maladies immunologiques et métaboliques. La prise d’antibiotiques pendant la grossesse augmente le risque d’obésité chez l’enfant. Les enfants nés de mères obèses possèdent une plus faible quantité de deux familles de protéobactéries fécales. De plus, une alimentation riche en graisses chez la mère provoque une perte de bactéries-clés et diminue la diversité bactérienne du microbiote fécal de l’enfant.

Le régime alimentaire du père peut également avoir un impact sur l’état de santé des générations suivantes. Zhang et al. ont étudié l’impact d’une alimentation déséquilibrée dans un modèle animal [2]. Ils ont nourri des rats mâles de deux générations successives (F0 et F1) avec des aliments riches en graisses, en saccharose et en sel. Le groupe témoin a reçu une alimentation normale. L’alimentation enrichie a été associée à une élévation des taux d’aspartate- aminotransférase à la génération suivante (F2). L’alimentation déséquilibrée a également été associée à un poids corporel plus élevé. Chez les femelles de la génération F2, l’indice de Shannon du microbiote intestinal indiquait une diversité significativement supérieure. La variation de l’abondance du genre bactérien a été associée à des anomalies de la fonction hépatique. L’alimentation déséquilibrée des générations F0 et F1 a été associée à une augmentation des taux sériques de cholestérol et de lipoprotéines chez les rats mâles de la génération F2.

Conclusion

Ces données suggèrent qu’une alimentation déséquilibrée chez les parents entraîne une dysbiose du microbiote intestinal chez les enfants et qu’elle pourrait majorer les risques de surpoids et de différentes maladies chroniques (diabète de type 2, maladies hépatiques et cardiovasculaires).

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Revue de presse

Cibler le microbiote intestinal pour lutter contre l’allergie

Synthèse

Par le Pr. Roberto Berni Canani, MD, PhD
Département des sciences médicales translationnelles ; Laboratoire européen pour l’étude des maladies d’origine alimentaire et les biotechnologies de pointe du CEINGE ; Groupe de travail sur l’étude du microbiote intestinal, Université de Naples Federico

Photo : Targeting the gut microbiota to combat allergies

Le microbiote intestinal (MI) dysbiotique joue un rôle important dans le développement des maladies allergiques, notamment alimentaires (AA). Le MI induit la maturation et le fonctionnement du système immunitaire ; or des facteurs génétiques, environnementaux et alimentaires peuvent modifier le microbiote commensal, ce qui provoque un dérèglement de la fonction immunitaire. Plusieurs facteurs responsables de la dysbiose ont été associés à la survenue d’allergies, tels que l’accouchement par césarienne, l’absence d’allaitement maternel, l’utilisation de médicaments (surtout antibiotiques et inhibiteurs de la pompe à protons) ainsi que l’usage d’agents antiseptiques et des régimes alimentaires à faible teneur en fibres et riches en graisses. Aucun taxon bactérien spécifique n’a été relié de manière systématique aux allergies, mais il a été insinué que la dysbiose intestinale se produit avant même que les allergies ne soient présentes. Les acides gras à chaîne courte (AGCC) sont des métabolites essentiels dérivés du MI, impliqués dans les interactions avec le système immunitaire. Cibler la composition et la fonction du MI représente ainsi une stratégie prometteuse pour lutter contre les maladies allergiques, en particulier contre les AA dans l’enfance.

La prévalence, la persistance et la sévérité des maladies allergiques, notamment des AA, ont considérablement augmenté ces dernières décennies dans les pays industrialisés, sous la pression des interactions entre les gènes et l’environnement, conduisant à un dysfonctionnement du système immunitaire, médié, au moins en partie, par des mécanismes épigénétiques [1, 2]. Cette évolution a entraîné une augmentation des hospitalisations, des visites médicales, des traitements et de la charge en soins pour les familles. Tous ces facteurs, qui ont un retentissement significatif sur les coûts engendrés et la qualité de vie, imposent un lourd fardeau psychologique aux patients et à leur entourage. Les AA sont caractérisées par une réponse immunitaire anormale vis-à-vis des peptides antigéniques alimentaires qui sont normalement tolérés.

La cause de celles-ci est encore mal définie. D’après les connaissances actuelles, la susceptibilité génétique ne peut, à elle seule, expliquer l’évolution des AA, et le rôle de l’environnement dans la sensibilisation aux aliments suscite un regain d’intérêt. Des études suggèrent une fonction pathogénétique clé des altérations du MI dans le développement des allergies : un MI sain a un impact crucial sur le développement du tractus gastrointestinal et du système immunitaire ; un MI dysbiotique est lié à diverses maladies, y compris aux allergies [3].

Valeur de l’exposition microbienne pour la tolérance immunitaire

La manière dont les antigènes alimentaires sont normalement rendus non immunogènes, par le biais de la tolérance immunitaire, n’a pas encore été entièrement définie. Des travaux évoquent un rôle pivot des lymphocytes T régulateurs (Treg) exprimant le facteur de transcription Foxp3 (Foxp3+ Treg) et de l’interaction complexe entre le MI et les cellules immunitaires ou non immunitaires. La présence de populations de cellules Treg induite par l’alimentation et par les microbes est nécessaire pour une tolérance complète des antigènes alimentaires [4].

Lors d’un accouchement par voie basse, les nourrissons reçoivent leur premier inoculum bactérien du tractus vaginal, du tissu cutané et souvent de la matière fécale de la mère, exposant le système immunitaire immature à une charge bactérienne substantielle [3]. La maturation d’un MI sain au début de la vie permet une variation de l’équilibre Th1/Th2, ce qui favorise une réponse cellulaire de type Th1, tandis que la dysbiose altère l’homéostasie du microbiote de l’hôte, ce qui déséquilibre les cytokines vers une réponse de type Th2 [5].

Le nombre de cellules Treg est réduit chez les souris dépourvues de germes et celles recevant une alimentation à base d’acides aminés [4, 6]. Les immunoglobulines de type A (IgA) sécrétoires et les peptides de l’immunité innée exercent une fonction capitale dans la régulation de la composition du MI. Une déficience de l’immunité innée et adaptative (en particulier un faible taux d’IgA) a été observée chez des enfants présentant de multiples AA [7]. Un MI sain, renforçant la production d’IgA sécrétoires, facilite la survie des souches bactériennes protectrices dans la lumière intestinale [8].

Microbiote intestinal et allergies

L’expression d’un phénotype allergique dépend de l’interaction entre deux facteurs principaux : la prédisposition génétique et les interactions gènes-environnement. Un nombre croissant d’études révèlent une corrélation entre les facteurs qui perturbent le MI pendant l’enfance et le développement d’allergies plus tard dans la vie. De plus en plus de travaux montrent qu’une dysbiose du MI en début de vie représente un facteur critique qui sous-tend le développement des allergies.

Les principaux facteurs responsables de la dysbiose sont : la naissance par césarienne, l’absence d’allaitement maternel, l’usage de médicaments (principalement antibiotiques et inhibiteurs de la pompe à protons) ainsi que d’agents antiseptiques, le moment de la diversification alimentaire, et les régimes alimentaires à base de malbouffe et/ou à faible teneur en fibres/ riches en graisses [3, 9]. L’utilisation d’antibiotiques par la mère avant et pendant la grossesse mais aussi de traitements antibiotiques au cours des premiers mois de la vie est également reliée à un risque accru d’allergies au lait de vache (ALV) chez l’enfant [10]. Les données pouvant être utilisées pour caractériser le microbiote des patients présentant des AA sont encore préliminaires. Nous avons récemment décrit la dysbiose du MI chez des enfants souffrant d’une ALV médiée par les IgE. Les nourrissons avec ALV avaient des taux fortement réduits de Bifidobacteriaceae, Streptococcaceae, Enterobacteriaceae et Enterococcaceae ainsi que des taux beaucoup plus élevés de souches sélectionnées à partir des familles de Ruminococcaceae et de Lachnospiraceae. Le MI des sujets avec ALV comprenait 73 % de taxons de Firmicutes et Bacteroidetes qui sont également connus pour dominer l’intestin adulte [11].

Bien que des preuves convaincantes d’une association entre la dysbiose du MI et les AA apparaissent, l’hétérogénéité des plans d’étude (impliquant les temps de prélèvement, les méthodes utilisées pour caractériser le microbiote et les phénotypes allergiques étudiés) rend difficile l’établissement d’une relation causale entre des taxons bactériens spécifiques et le développement d’allergies. Aucun d’entre eux n’a été associé de manière systématique aux AA, or un large éventail de microbes isolés de l’intestin humain pourrait être impliqué dans des mécanismes tolérogènes. Les principaux travaux étayant une association entre le MI et les allergies sont résumés dans le tableau I.

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MI : une mission centrale dans la pathogenèse des allergies

Des données suggèrent que l’axe MI-épigénétique, modulé par un ensemble de facteurs alimentaires et environnementaux, joue un rôle décisif dans la survenue des allergies. Cet axe régule une pluralité de mécanismes tolérogènes immunitaires mais aussi non immunitaires et pourrait être la cible idéale de stratégies innovantes, préventives et thérapeutiques pour lutter contre les allergies.

Les AGCC sont les principaux métabolites du MI impliqués dans les interactions avec les cellules humaines. Parmi ceux-ci, le butyrate exerce un rôle central dans l’induction de la tolérance immunitaire, et un déficit en butyrate a été remarqué chez des patients allergiques [4]. On peut supposer que les différents types de dysbiose entraînent des effets similaires en termes d’AGCC et/ou que la production d’autres métabolites dérivés du microbiote peut faciliter la survenue d’allergies. Les espèces du genre Clostridium, qui appartiennent aux groupes IV et XIVa, sont la principale source d’AGCC dans le côlon. Les AGCC produits par les bactéries ont été impliqués dans la régulation de la proportion et de la capacité fonctionnelle des Treg qui, dans certaines études, ont été spécifiquement attribués à la production de butyrate par les Clostridiales sporogènes. Un enrichissement des taxons de la classe des Clostridia et du phylum des Firmicutes a été observé chez des sujets humains présentant une résolution de l’ALV [9]. Les données issues de notre laboratoire ont mis en évidence qu’un traitement oral par butyrate entraîne une inhibition importante de la réponse allergique aiguë, de la peau et des scores, des symptômes anaphylactiques ainsi qu’une réduction de la température corporelle, une augmentation de la perméabilité intestinale et la production de lactoglobuline anti-βLG (BLG), d’IgE, d’interleukine 4 (IL-4) et d’IL-10 dans un modèle murin d’ALV, ce qui suggère un rôle protecteur de cet AGCC contre les AA [9]. Le butyrate présente de multiples mécanismes d’action. Toutefois, beaucoup d’entre eux impliquent une régulation épigénétique de l’expression génique via l’inhibition de l’histone désacétylase (HDAC). L’inhibition des HDAC9 et 6 augmente l’expression du gène FoxP3 ainsi que la production et la fonction suppressive des Treg [12]. Nous avons évalué les effets directs du butyrate sur les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) d’enfants souffrant d’une ALV médiée par les IgE. Les PBMC ont été stimulées par la BLG en présence ou en l’absence de cet AGCC. Les résultats préliminaires révèlent que le butyrate active la production d’IL-10 ainsi que d’interféron γ et diminue le taux de méthylation de l’ADN de ces deux cytokines. La même dose efficace de cet AGCC induit une déméthylation de la région du promoteur de FoxP3 et réduit l’expression de l’HDAC6 et l’HDAC9 [2].

Modulation du microbiote intestinal associé aux allergies

Les enfants exposés à des environnements agricoles ont un risque plus faible de développer des allergies. Même si cela n’a pas été prouvé de manière concluante, l’une des explications plausibles de cet effet protecteur lié à une exposition tôt dans la vie est le rôle du MI car les personnes exposées à cet environnement possèdent une composition microbienne différente de celles exposées à d’autres modes de vie [3]. D’autres facteurs épidémiologiques protègent contre les AA : une fratrie plus âgée et une exposition aux animaux domestiques dès le début de la vie. Le fait d’avoir des animaux de compagnie est relié à une forte diversité microbienne dans l’environnement domestique. Une étude récente évaluant l’incidence des habitudes alimentaires sur le développement des AA à l’âge de 2 ans suggère que celles-ci peuvent influer sur le développement des AA en modifiant la composition du MI. En particulier, un régime alimentaire ayant une forte teneur en fruits, légumes et aliments préparés à la maison a été associé à moins d’AA chez le nourrisson [9] (Figure 1).

Les probiotiques (microbes ingérés apportant des bienfaits sur la santé de l’hôte) peuvent être bénéfiques car ils modulent le MI [13]. Les données étayant l’usage des probiotiques pour lutter contre les allergies respiratoires sont encore préliminaires (Tableau 2). Néanmoins, des métaanalyses ont révélé que l’utilisation, de la grossesse jusqu’aux 6 premiers mois de la vie, de probiotiques sélectionnés pourrait réduire l’incidence de l’eczéma atopique chez les enfants ayant des antécédents familiaux de maladie allergique [14].

Comment moduler le microbiote intestinal ?

De nouveaux travaux étayent l’usage de stratégies alimentaires et de souches probiotiques sélectionnées pour la prévention et le traitement des allergies (Tableau 2).

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Nous avons précédemment démontré que l’ajout d’un probiotique, L. rhamnosus, à une formule hypo-allergénique accélère l’acquisition de la tolérance immunitaire et protège contre l’apparition d’autres manifestations atopiques chez les enfants qui présentent une ALV [15-17]. Lors d’une comparaison du microbiote fécal des nourrissons recevant ce traitement probiotique qui induit une tolérance, nous avons trouvé des corrélations positives significatives entre l’abondance des genres qui ont un potentiel à produire du butyrate et la concentration fécale de cet AGCC [11]. Des démarcations au niveau des souches pour les genres produisant du butyrate (y compris Roseburia, Coprococcus et Blautia), identifiées chez des nourrissons ayant acquis une tolérance au lait de vache, suggèrent que le traitement par L. rhamnosus contribue à l’acquisition d’une tolérance en altérant la structure de la communauté au niveau des souches des taxons qui présentent un potentiel à produire du l’AGCC [11]. Il a ainsi été montré que l’immunothérapie orale complétée par une autre souche de L. rhamnosus était efficace pour induire une non-réactivité aux arachides chez 82 % des enfants allergiques [18].

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Conclusion

Les trillions de bactéries qui peuplent nos intestins régulent de manière critique les fonctions physiologiques clés qui permettent de lutter contre les allergies. Les modifications de la composition et de la fonction du MI induites par l’environnement (diminution de la production de butyrate, par ex.) créent une dysbiose, liée à un risque accru d’allergie. Comprendre comment ces communautés bactériennes interagissent avec le système immunitaire ouvrira la voie à de nouvelles stratégies préventives.

Sources

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Paparo L, Di Costanzo M, Di Scala C, et al. The influence of early life nutrition on epigenetic regulatory mechanism of the immune system. Nutrients 2014; 6: 4706-19.

Berni Canani R, Gilbert JA, Nagler CR. The role of the commensal microbiota in the regulation of tolerance to dietary antigens. Curr Opin Allergy Clin Immunol 2015; 15: 243-9.

Smith PM, Howitt MR, Panikov N, et al. The microbial metabolites, short-chain fatty acids, regulate colonic Treg cell homeostasis. Science 2013; 341: 569-73.

Inoue Y, Shimojo N. Microbiome/microbiota and allergies. Semin Immunopathol 2015; 37: 57e64.

Kim KS, Hong SW, Han D, et al. Dietary antigens limit mucosal immunity by inducing regulatory T cells in the small intestine. Science 2016; 351: 858-63.

Sampath V, Sindher SB, Zhang W, et al. New treatment directions in food allergy. Ann Allergy Asthma Immunol 2018; 120: 254-62.

Bieber T, Cork M, Reitamo S. Atopic dermatitis: a candidate for disease-modifying strategy. Allergy 2012; 67: 969-75.

Aitoro R, Paparo L, Amoroso A, et al. Gut microbiota as a target for preventive and therapeutic intervention against food allergy. Nutrients 2017; 9: E672.

10 Metsälä J, Lundqvist A, Virta LJ, et al. Mother’s and offspring’s use of antibiotics and infant allergy to cow’s milk. Epidemiology 2013; 24: 303-9.

11 Berni Canani R, Sangwan N, Stefka AT, et alLactobacillus rhamnosus GG supplemented formula expands butyrate producing bacterial strains in food allergic infants. ISME J 2016; 10: 742-50.

12  Berni Canani R, Paparo L, et al. Differences in DNA methylation profile of Th1 and Th2 cytokine genes are associated with tolerance acquisition in children with IgE-mediated cow’s milk allergy. Clin Epigenetics 2015; 31: 7-38.

13 Hill C, Guarner F, Reid G, et al. The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics consensus statement on the scope and appropriate use of the term probiotics. Nat Rev Gastro Hepat 2014; 11: 506-14.

14 Cuello-Garcia CA, Brożek JL, Fiocchi A, et al. Probiotics for the prevention of allergy: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. J Allergy Clin Immunol 2015; 136: 952-61.

15 Berni Canani R, Nocerino R, Terrin G, et al. Effect of Lactobacillus GG on tolerance acquisition in infants with cow’s milk allergy a randomized trial. J Allergy Clin Immunol 2012; 129: 580-2; 582.e 1-5.

16 Berni Canani R, Nocerino R, Terrin G, et al. Formula selection for management of children with cow’s milk allergy influences the rate of acquisition of tolerance: a prospective multicenter study. J Pediatr 2013; 163:771-7.e1.

17 Berni Canani R, Di Costanzo M, Bedogni G, et al. Extensively hydrolyzed casein formula containing Lactobacillus rhamnosus GG reduces the occurrence of other allergic manifestations in children with cow’s milk allergy: 3-year randomized controlled trial. J Allergy Clin Immunol 2017; 139: 1906-1913.e4.

18 Tang ML, Ponsonby AL, Orsini F, et al. Administration of a probiotic with peanut oral immunotherapy: A randomized trial. J Allergy Clin Immunol 2015; 135: 737-44.e8

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Focus sur le gut summit 2019

Retour de congrès 

Par le Pr. Francisco Guarner
Unité de recherche sur le système digestif, Hôpital université Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne

Lors de sa 8e édition en mars dernier, le Gut Microbiota for Health World Summit 2019 a accordé une place prépondérante à l’alimentation et à la façon dont elle interagit avec le microbiome intestinal, en prévenant ou en favorisant les maladies.

Alimentation et microbiome intestinal

L’alimentation est un élément essentiel des interactions symbiotiques entre les microbes intestinaux et l’hôte. Elle est considérée comme l’un des principaux facteurs qui façonnent le microbiote intestinal tout au long de la vie, selon la revue réalisée par Jack A. Gilbert (UC, San Diego), Susan Devkota (Cedars-Sinai, Los Angeles) et Lipping Zhao (Rutgers, New Jersey). Les aliments apportent de nombreux substrats pour le métabolisme microbien et le microbiote digestif est une usine chimique qui synthétise les métabolites importants pour la santé humaine. Les macro- et micronutriments influencent la structure et les fonctions de l’écosystème microbien intestinal. De fait, l’alimentation se trouve être le facteur d’impact le plus important dans la construction d’une composition microbienne partagée chez l’homme [1].

Les données déclaratives des participants au projet American Gut en matière d’alimentation [2] suggèrent que le nombre d’espèces végétales uniques consommées est en rapport avec la diversité microbienne plutôt qu’avec les données déclaratives des participants telles que « végétarien » ou « omnivore ». Une diversité microbienne plus élevée et une abondance plus grande d’espèces productrices d’acides gras à chaîne courte (AGCC) ont été relevées chez les sujets consommant plus de 30 types de plantes par semaine comparativement aux sujets consommant moins de 10 types de plantes par semaine. Le métabolome fécal était également différent entre les deux groupes. De plus, les sujets consommant plus de 30 types de plantes présentaient une abondance de gènes de résistance aux antibiotiques significativement moindre par rapport aux sujets consommant au maximum 10 plantes.

La dysbiose intestinale est un état définissable ayant des implications mécaniques. Elle ne correspond pas à un simple changement de la diversité microbienne mais à une rupture de l’équilibre réciproque entre le microbiote et l’hôte, dans laquelle une alimentation inadéquate joue un rôle délétère. En cas d’homéostasie, le métabolisme des colonocytes est orienté vers une phosphorylation oxydative, entraînant une consommation épithéliale d’oxygène élevée. L’hypoxie épithéliale qui en résulte contribue à maintenir une communauté microbienne dominée par les anaérobies obligatoires, lesquels se révèlent bénéfiques par la conversion des fibres en produits de fermentation (AGCC) absorbés par l’hôte. Les facteurs modifiant le métabolisme de l’épithélium, telles qu’une alimentation pauvre en fibres, augmentent l’oxygénation épithéliale, entraînant ainsi un accroissement des anaérobies facultatifs, un élément caractéristique de la dysbiose colique [3]. Ce changement de composition, commun à de nombreuses maladies chroniques chez l’homme, pourrait être associé au dysfonctionnement des colonocytes. Comme l’a souligné Susan Devkota, en cas de choix d’un régime alimentaire strict ou extrême, la consommation de fibres mixtes peut soutenir le microbiote et prévenir les carences en nutriments.

La « guilde des fondateurs »

Lipping Zhao a souligné que nos ancêtres consommaient beaucoup plus de fibres alimentaires que nous. La réduction des apports en fibres et la diminution de la prévalence des bactéries productrices d’AGCC pourraient expliquer de nombreuses maladies chroniques telles que le diabète de type 2. Dans un essai interventionnel, contrôlé et randomisé, conduit chez des patients chinois atteints de diabète de type 2 [4], des apports élevés en diverses fibres alimentaires (régime WTP) ont favorisé de manière sélective l’abondance d’un groupe de souches productrices d’acide acétique et d’acide butyrique dans l’intestin. Le régime WTP repose sur la consommation de céréales complètes, d’aliments médicinaux traditionnels chinois et de prébiotiques. Le régime WTP a amélioré l’homéostasie du glucose en réduisant l’hémoglobine glyquée, la glycémie à jeun et l’hyperglycémie provoquée par voie orale.

L’abondance des producteurs d’AGCC dans les selles correspondait aux résultats métaboliques et aux taux sanguins de glucagon-like peptide-1 et de peptide YY, qui induisent la sécrétion d’insuline. En outre, la réduction du pH fécal par la production d’AGCC a été associée à l’inhibition des bactéries délétères qui favorisent l’inflammation et suppriment la production de glucagon-like peptide-1. En plus de fournir des AGCC qui sont directement bénéfiques pour l’hôte, ce groupe de producteurs d’AGCC a exercé des fonctions écologiques importantes dans le microbiote intestinal. Lipping Zhao a suggéré qu’il agit comme une « guilde des fondateurs » pour structurer le microbiote intestinal sain. Pour aider les patients à récupérer un microbiote intestinal sain, « cette guilde des fondateurs doit être réinoculée et rétablie », a-t-il précisé.

FODMAPs et SII

Selon la revue réalisée par Magnus Simren (Université de Göteborg), le régime pauvre en oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles (fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides and polyols, FODMAPs) est désormais recommandé par près de 85 % des médecins dans le traitement des troubles fonctionnels intestinaux. Les essais cliniques suggèrent que certains patients ont une réponse favorable à court terme à un régime pauvre en FODMAPs, mais il n’est pas certain que ce conseil diététique soit nettement meilleur que le traitement diététique de première intention du SII. En particulier, l’utilisation à court terme du régime pauvre en FODMAPs a été associé à des changements potentiellement défavorables de la composition du microbiote intestinal, notamment une réduction des espèces participant à la fermentation (Bifidobacterium, Faecalibacterium et Clostridium cluster XIVa) et une augmentation des scores à l’indice de dysbiose [5].

Un essai contrôlé randomisé a comparé les effets du régime pauvre en FODMAPs et des galacto-oligosaccharides (GOS) prébiotiques sur la composition du microbiote intestinal [6]. Les évolutions du microbiote fécal ont été différentes entre les deux groupes après une période de 4 semaines de traitement, notamment au niveau des bifidobactéries (augmentation dans le groupe prébiotique et diminution dans le groupe pauvre en FODMAPs) et Bilophila wadsworthia (profil opposé). Malgré ces effets différents sur le microbiote, les réductions des symptômes ont été très similaires dans les deux groupes. Il est intéressant de noter que la diminution des symptômes a persisté pendant le suivi de 2 semaines après l’arrêt de la consommation de prébiotiques, alors que les symptômes sont réapparus immédiatement après l’arrêt du régime pauvre en FODMAPs. La modulation du microbiote intestinal comme stratégie thérapeutique dans le SII semble prometteuse, mais son innocuité à long terme est un paramètre à prendre en compte. Les régimes qui réduisent les symptômes mais détériorent la santé intestinale (et la santé en général sur le long terme) ne doivent pas être le premier choix.

Prévention de la septicémie du nouveau-né : les symbiotiques à l’essai

La septicémie dans la petite enfance est responsable d’un million de décès par an dans le monde, la majorité d’entre eux se produisant dans les pays en voie de développement. Pinaki Panigrahi a présenté une étude interventionnelle pour prévenir la septicémie chez le nourrisson dans l’Inde rurale [7]. Une préparation symbiotique orale (Lactobacillus plantarum plus fructo-oligosaccharides) a réduit les septicémies et les décès de manière significative chez les nouveau-nés (rapport de risque : 0,60 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,48–0,74).

Conclusion

Ce résultat suggère qu’une grande partie des septicémies néonatales dans les pays en développement pourraient être évitées grâce à un traitement probiotique-prébiotique.

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Retour congrès

Retour sur les principales contributions autour du microbiote intestinal

Retour de congrès

Par le Dr Dragos Ciocan
Hépato-gastroentérologie et nutrition, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France

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Les Journées francophones d’hépatogastroentérologie et d’oncologie digestive ont eu lieu à Paris entre le 21 et le 24 mars 2019 et ont réuni plus de 5 000 médecins et chercheurs francophones. Plusieurs études originales sur le microbiote intestinal (MI) ont été présentées lors de ce congrès.

La transplantation fécale

La transplantation de microbiote fécal (TMF) est une stratégie thérapeutique qui n’est actuellement utilisée en pratique clinique que pour les infections récidivantes à Clostridium difficile [1]. Le Dr Eymeric Chartrain a présenté l’expérience du centre référent du CHU de Clermont- Ferrand sur la TMF dans l’infection récidivante à Clostridium difficile entre 2014 et 2018. Le taux d’efficacité de la TMF était de 95 % et avec seulement 16 % d’effets secondaires mineurs. De plus, il y avait une amélioration significative de la qualité de vie à 6 mois post-TMF. Le coût total d’une TMF était d’environ 3 100 euros. Malgré ce coût élevé, la TMF permet de réduire les coûts de santé en diminuant la morbi-mortalité de ces patients et reste une option rationnelle et efficace.

Le rôle de la TMF est étudié dans de nombreuses pathologies impliquant le MI, dont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Le Pr Harry Sokol a présenté les résultats d’un petit essai pilote randomisé (17 patients), en simple aveugle, contre placebo, qui a évalué le rôle de la TMF chez des adultes ayant une maladie de Crohn colique ou iléo-colique au cours d’une poussée, et traités par corticothérapie orale. Le critère d’évaluation principal qui a été l’implantation du MI du donneur chez le receveur à la semaine 6, défini par le MI du receveur à la semaine 6 plus proche du donneur (indice Sorensen ≥ 0,6) que du patient avant TMF, n’a pas été atteint. Cependant, parmi les critères de jugement secondaires évalués, les auteurs ont observé une diminution de la gravité endoscopique de la maladie dans le groupe TMF et une augmentation de l’inflammation dans le groupe contrôle. La colonisation par le MI du donneur était associée au maintien de la rémission, et les patients n’ayant pas été colonisés par le MI du donneur rechutaient plus vite. De plus, la composition du MI était prédictive d’une rémission clinique sans stéroïde. Malgré le petit effectif, cette étude suggère que la TMF pourrait être efficace après induction de la rémission clinique par corticoïdes chez des patients souffrant d’une maladie de Crohn en poussée. Plusieurs essais plus amples, dont un mené par l’équipe du Pr Sokol, sont en cours.

Les entérobactéries modulent les effets des champignons dans la colite

Si le rôle du MI bactérien et fongique est connu dans les MICI, ceux des interactions entre bactéries et champignons dans l’inflammation le sont moins. Le Dr Bruno Sovran a présenté une étude qui s’est justement intéressée à ces interactions dans un modèle de colite chez la souris. Les auteurs ont observé que l’administration d'une souche de Saccharomyces améliorait la colite, alors que l’administration de Candida albicans avait un effet aggravant. Cependant, un traitement préalable par colistine, qui détruit les bactéries à gram négatif (dont les protéobacteries) induisait la perte des effets des champignons. L’administration d’une souche d’E. coli résistante à la colistine qui restaurait le niveau d’entérobactéries chez les souris traitées par colistine permettait également de rétablir les effets bénéfiques d'une souche de Saccharomyces et les effets délétères de C. albicans sur la sévérité de la colite. Ces résultats suggèrent que les entérobactéries sont nécessaires pour une meilleure colonisation intestinale des champignons et pourraient expliquer les effets de certains probiotiques dans la colite [2].

L’axe intestin-cerveau dans l’obésité

Le rôle du MI dans la physiopathologie de l’obésité est maintenant bien reconnu. Le MI peut également moduler les fonctions cognitives et psychiques à travers l’axe intestin- cerveau [3]. L’obésité est un facteur de risque de troubles cognitifs, indépendamment des comorbidités, mais les mécanismes sont peu connus. L’étude MEMOB présentée par le Dr Sophie Cambos s’est intéressée aux dysfonctions mnésiques chez des patients obèses, et à leur corrélation au MI. Cet essai prospectif, longitudinal, monocentrique, a inclus des sujets obèses et des sujets normopondéraux. Elle a montré que les sujets obèses avant chirurgie bariatrique présentaient des dysfonctions mnésiques en comparaison à une population témoin. L’analyse du profil microbien a mis en évidence un lien entre l’abondance d’Eggerthellales et les fonctions mnésiques : plus l’abondance d’Eggerthellales est importante, moins bons sont les résultats mnésiques. Ces résultats suggèrent que l’obésité – et donc les altérations du microbiote intestinal associées – pourraient accélérer le déclin cognitif via l’axe intestin-cerveau.

Microbiote et foie

Un atelier Biocodex intitulé « Microbiote et foie, du mécanisme au traitement » s’est déroulé durant le congrès. Le Pr Gabriel Perlemuter a passé en revue les dernières avancées en ce qui concerne le rôle du MI dans les maladies du foie. Parmi les études récentes les plus marquantes, on peut noter le rôle du MI dans la susceptibilité de développer une maladie alcoolique du foie ou une hépatopathie dysmétabolique lors de la consommation des inhibiteurs de la pompe à protons. Ces produits induisent une augmentation d’Enterococcus au niveau du MI et qui se traduit par une augmentation de la translocation de cette bactérie au niveau du foie, où elle induit une inflammation hépatique [4]. Plusieurs études-pilotes se sont également intéressées au rôle de la TMF dans les maladies hépatiques (hépatite B, encéphalopathie hépatique et hépatite alcoolique aiguë sévère cortico- résistante) et ont montré une certaine efficacité dans ces indications.

Le Dr Anne-Marie Cassard a évoqué la modulation du MI en cas de maladies du foie. Elle a présenté les résultats de son équipe montrant que des niveaux bas de Bacteroides sont associés au développement des lésions hépatiques liées à l’alcool. Le fait de corriger cette perturbation du MI par l’administration de pectine, une fibre soluble, permet de prévenir et d’améliorer les lésions de MAF [5]. Cependant, toutes les fibres n’induisent pas les mêmes modifications du MI, même si l’effet bénéfique sur l’hôte reste le même. De plus, parmi les différentes stratégies étudiées qui ciblent le MI et qui ont montré une certaine efficacité au niveau des lésions hépatiques (antibiotiques, TMF, probiotiques et prébiotiques), seuls les antibiotiques et la TMF permettent de modifier durablement le MI.

Conclusion

De plus, parmi les différentes stratégies étudiées qui ciblent le MI et qui ont montré une certaine efficacité au niveau des lésions hépatiques (antibiotiques, TMF, probiotiques et prébiotiques), seuls les antibiotiques et la TMF permettent de modifier durablement le MI.

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Retour congrès

Microbiote et mucoviscidose

Revue de presse

Par le Pr. Ener Cagri Dinleyici
Pédiatrie, Faculté de médecine de l’Université Eskişehir Osmangazi, Eskisehir, Turquie

La mucoviscidose est une maladie génétique progressive entraînant des infections persistantes des voies respiratoires inférieures et qui est associée à différents signes et symptômes systémiques. Plus de 70 000 personnes en sont atteintes dans le monde [1].

Les types et la sévérité des symptômes peuvent varier considérablement d’un individu à l’autre. Ils sont principalement liés à l’âge du patient ainsi qu’à son âge au moment du diagnostic. Les enfants et les adolescents atteints de mucoviscidose présentent un large éventail de symptômes et de signes, y compris des manifestations gastro-intestinales. Des études récentes ont montré que la dysbiose est une caractéristique de la mucoviscidose, ce qui a donné lieu à des travaux portant sur la relation entre la composition du microbiote des voies aériennes, les caractéristiques cliniques et la fonction pulmonaire chez les malades [2].

La dysbiose du microbiote intestinal associée à la mucoviscidose peut être liée à l’évolution naturelle de la maladie (y compris une atteinte gastro-intestinale ou des altérations du microbiote respiratoire). Cependant, les patients ont besoin de plusieurs cycles de traitement antibiotique, lesquels peuvent modifier la composition du microbiote.

Des études ont montré que les patients atteints de mucoviscidose présentent généralement des taux moins élevés de Bifidobacterium spp., du groupe BacteroidesPrevotella, du cluster XIVa de Clostridium, de Faecalibacterium prausnitzii et d’Eubacterium rectale, tandis que les taux d’Enterobacteriaceae et de Clostridia sont augmentés. De Freitas et ses collaborateurs ont récemment publié, dans la revue Plos One, une étude visant à évaluer l’effet de la mucoviscidose et d’une antibiothérapie sur la composition du microbiote intestinal chez 19 enfants et adolescents malades par rapport à 17 contrôles du même âge et du même sexe [3]. Le taux de calprotectine fécale (un marqueur de l’inflammation intestinale) était plus élevé dans le groupe atteint de mucoviscidose (indépendamment du traitement antibiotique) par rapport aux contrôles sains. Les auteurs ont montré que les taux de Bacteroides, de Firmicutes, d’Eubacterium rectale et de Faecalibacterium prausnitzii étaient réduits de manière significative, tandis que les taux de Clostridium difficile, d’Escherichia coli et de Pseudomonas aeruginosa étaient significativement augmentés dans le groupe malade par rapport aux contrôles sains. Les principales différences de composition du microbiote entre les patients atteints de mucoviscidose et les contrôles, indépendamment du traitement antibiotique, ont été observées pour les Eubacterium rectaleBifidobacterium, Escherichia coli, FirmicutesPseudomonas aeruginosa et Clostridium difficile. Les résultats de cette étude montrent donc que la composition du microbiote intestinal chez les patients atteints de mucoviscidose est différente de celle des contrôles sains et que l’usage fréquent d’antibiotiques n’a pas d’effets supplémentaires sur ces altérations.

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Revue de presse

Interactions entre microbiote et médicaments (hors antibiotiques) : de quoi être amis ou ennemis ?

Revue de presse

Par le Pr. Ener Cagri Dinleyici
Pédiatrie, Faculté de médecine de l’Université Eskişehir Osmangazi, Eskisehir, Turquie

Photo : Microbiota and non-antibiotic drugs interactions: friends or foes?

La plupart des études récentes évaluant les effets des médicaments sur la composition du microbiote intestinal ont porté sur l’usage des antibiotiques dans différentes tranches d’âge.

Des études antérieures ont montré que la metformine, les inhibiteurs de la pompe à protons, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les antipsychotiques atypiques ont un effet sur la composition du microbiote intestinal. Cependant, ces études ont présenté des résultats généraux pour des classes de médicaments et non pour des médicaments spécifiques. Lisa Maier et son équipe ont publié les résultats de leur nouvelle étude dans la revue Nature en 2018 [1]. Ils avaient pour but de répertorier plus de 1 000 médicaments agissant sur le microbiome (40 souches de bactéries intestinales représentatives). Le but ? Faciliter la réalisation d’études cliniques et mécanistiques plus approfondies afin d’améliorer le traitement et la conception des médicaments. Maier et al. ont montré que 24 % de ces 1 000 médicaments inhibaient la croissance d’au moins une souche in vitro. De récentes études ont suggéré que les effets des médicaments sur les bactéries intestinales se traduisent par des effets secondaires qui sont similaires à ceux des antibiotiques chez l’homme.

L’étude de Maier a montré que la sensibilité aux antibiotiques et aux médicaments ciblés est corrélée entre les espèces bactériennes, ce qui suggère des mécanismes de résistance communs. De plus, un risque potentiel que les médicaments autres que les antibiotiques favorisent une résistance aux antibiotiques a été mis en évidence. L’usage généralisé des médicaments dans le monde pourrait être lié à la dysbiose, en particulier dans les sociétés occidentales modernes. Cet essai récent a par ailleurs montré que la composition du microbiote intestinal peut également moduler l’efficacité et la toxicité des médicaments et pourrait constituer une nouvelle base pour le développement ultérieur de molécules. Cependant, d’autres essais cliniques in vivo sont nécessaires pour mieux comprendre le mécanisme d’action. Une identification globale des interactions entre agents thérapeutiques et microbiote intestinal aidera à comprendre avec précision les mécanismes sous-jacents à ces interactions et permettra de s’assurer de l’innocuité et de l’efficacité des traitements [2].

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Revue de presse

3e réunion de la FNM sur la motilité gastro-intestinale

Retour de congrès

Par le Dr. Jari Punkkinen
Département de médecine, Hôpital de Porvoo, Porvoo, Finlande

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Extraits choisis sur le syndrome de l’intestin irritable et le microbiote intestinal.

Dysbiose du microbiote intestinal et syndrome de l’intestin irritable

La dysbiose du microbiote et son lien avec le syndrome de l’intestin irritable (SII) ont été discutés au cours de différentes sessions de la conférence. En particulier, les Professeurs Magnus Simrén et Uday Ghoshal ont mis en évidence certaines caractéristiques liées à la composition du microbiote chez des patients atteints de SII. Plusieurs études ont montré que la richesse microbienne des patients atteints de SII était moindre que celle des sujets sains, que les Methanobacteriales pouvaient ne pas être détectées et que la production de méthane était faible chez ces patients [1]. De plus, un sous-groupe de patients atteints de SII présentait une dysbiose associée à une augmentation des entérotypes Firmicutes et Bacteroides par rapport aux sujets sains qui présentaient une augmentation des entérotypes Clostridiales et Prevotella.

Cependant, il apparaît important de déterminer quelles bactéries sont associée au SII, mais aussi la raison de leur présence dans l’intestin et comment elles interviennent dans les mécanismes d’hypersensibilité viscérale, de dysfonctionnement neuromoteur, d’augmentation de la perméabilité intestinale et d’inflammation de bas grade. Une prolifération bactérienne de l’intestin grêle (PBIG, en anglais, SIBO : Small Intestinal Bacterial Overgrowth) peut être à l’origine du SII chez certains patients. Le défi actuel consiste à améliorer le dépistage de ces PBIG car la culture bactérienne à partir d’un échantillon de liquide d’aspiration de l’intestin grêle obtenu par endoscopie est difficile à réaliser et n’est pas toujours possible [2]. Le test respiratoire à l’hydrogène (après ingestion de glucose) peut être utilisé pour identifier ces patients ; il semble être plus précis que le test respiratoire à l’hydrogène (après ingestion de lactulose).

Modulation du microbiote intestinal dans le syndrome de l’intestin irritable

Le microbiote intestinal peut-il être modifié à des fins thérapeutiques ? Cela pourrait- il soulager les symptômes du SII ? Le microbiote intestinal peut être modulé en utilisant des antibiotiques, des probiotiques, des symbiotiques, en modifiant la motilité intestinale, en agissant sur le régime alimentaire, et par le biais de la transplantation fécale ou des bactériophages. Ces possibilités ont été discutées lors des présentations des Professeurs Uday Ghoshal et Giovanni Barbara. L’impact des antibiotiques est meilleur chez les patients atteints de SII présentant une PBIG. En effet, la norfloxacine et la rifaximine sont significativement plus efficaces pour réduire les symptômes du SII chez les patients positifs pour une PBIG que chez ceux négatifs pour une PBIG. Chez les patients atteints de SII ne présentant pas de constipation, conformément aux études Target 1 et 2, la rifaximine soulage les symptômes globaux du SII et les ballonnements. L’étude Target 3 et d’autres études ont montré que la rifaximine pouvait être utilisée de manière répétée en cas de récidive du SII-D (SII à diarrhée prédominante) sans perte d’effet ni de survenue d’une résistance bactérienne [3, 4]. De plus, la rifaximine réduit de manière transitoire le nombre de bactéries dans les selles mais semble également avoir un effet eubiotique, en augmentant l’abondance des Lactobacillaceae. Un régime pauvre en FODMAP semble réduire les symptômes chez certains patients atteints de SII, mais il entraîne également une réduction du nombre de bifidobactéries dans les selles.

Chez les patients atteints de SII répondant à un régime pauvre en FODMAP, la dysbiose augmente, et la sensibilité au régime alimentaire peut donc être prédite par les profils bactériens fécaux. L’efficacité de la transplantation fécale dans le SII reste controversée car elle n’a été démontrée que dans l’une des deux grandes études contrôlées randomisées [5, 6]. Comme indiqué par le Professeur Giovanni Barbara et sur la foi de 53 essais contrôlés randomisés, l’American College of Gastroenterology a conclu que les probiotiques réduisaient les symptômes globaux du SII ainsi que les ballonnements et les flatulences [7]. Pour être consolidée, cette recommandation mériterait d’être fondée sur de nouvelles données dont la qualité serait renforcée.

Cependant, tous les probiotiques ne sont pas équivalents. Le Professeur Eamonn Quigley a montré que Bifidobacterium infantis soulageait les douleurs abdominales, les ballonnements et les troubles du transit et qu’il améliorait la qualité de vie des patients atteints de tous les soustypes de SII. La souche semble également avoir des propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices, puisqu’elle réduit les taux de CRP et de TNFα dans le psoriasis, le syndrome de fatigue chronique et la rectocolite hémorragique. De plus, les résultats préliminaires suggèrent que, en association avec Bifidobacterium longumBifidobacterium infantis pourrait également soulager les symptômes dépressifs associés au SII.

Microbiote et axe intestin-cerveau

Les résultats d’études précliniques ont montré que certains métabolites bactériens étaient susceptibles de modifier la réponse cérébrale à certains stimuli. Cependant, le défi consiste à transposer ces études sur le plan clinique. Le Dr. Huiying Wang a montré dans sa récente étude que la souche Bifidobacterium longum modulait l’activité cérébrale au cours d’un stress social observé lors d’une partie de Cyberball chez des volontaires sains en se basant sur une évaluation réalisée à l’aide de la magnétoencéphalographie et de questionnaires sur la qualité de vie. En plus d’un effet sur les oscillations neuronales, la souche améliore également la sensation de vitalité et réduit la fatigue mentale par rapport au placebo sur une période de suivi de quatre semaines. Le Pr. Paul Enck a décrit la relation entre le stress ou l’anxiété et le SII comme étant à double sens car les symptômes peuvent être à la fois la cause et la conséquence du SII. Une étude menée chez des patients atteints de SII a montré que la présence de Bifidobacterium longum était corrélée à une réduction des scores de dépression et d’anxiété ; cependant, à l’entrée dans l’étude, ces scores n’étaient pas suffisamment élevés pour établir un diagnostic de dépression ou d’anxiété [8]. Ainsi, il semble plus approprié de dire que ce probiotique affecte l’humeur plutôt que la dépression ou l’anxiété. À l’instar de Bifidobacterium longum, la rifaximine modulerait l’activité cérébrale, augmenterait la relaxation et réduirait l’anxiété au cours d’un stress social. C’est ce qu’a montré un essai randomisé en double aveugle mené chez des volontaires sains évalués à l’aide de la magnétoencéphalographie [9].

Sources

1 Tap J, Derrien M, Törnblom H et al. Identification of an intestinal microbiota signature associated with severity of irritable bowel syndrome. Gastroenterology 2017; 152: 111-23.

2 Ghoshal UC, Sukla R, Ghoshal U. Small intestinal bacterial overgrowth and irritable bowel syndrome: a bridge between functional organic dichotomy. Gut Liver 2017; 11: 196-208.

3 Lembo A, Pimentel M, Rao SS et al. Repeat treatment with rifaximin is safe and effective in patients with diarrhea-predominant irritable bowel. Gastroenterology 2016;151;1113-21

4 Pimentel M, Cash BD, Lembo A et al. Repeat rifaximin for irritable bowel syndrome: no clinically significant changes in stool microbial antibiotic sensitivity. Dig Dis Sci 2017;62:2455-2463

5 Johnsen PH, Hilpüsch F, Cavanagh JP, et al. Faecal microbiota transplantation versus placebo for moderate-to-severe irritable bowel syndrome: a double-blind, randomised, placebo-controlled, parallel-group, single-centre trial. Lancet Gastroenterol Hepatol 2018; 3: 17-24.

6 Halkjær SI, Christensen AH, Lo BZS, et al. Faecal microbiota transplantation alters gut microbiota in patients with irritable bowel syndrome: results from a randomised, double-blind placebo-controlled study. Gut. 2018;67(12):2107-2115.

7 Ford AC, Moayyedi P, Chey WD, et al. American College of Gastroenterology Monograph on management of irritable bowel syndrome. Am J Gastroenterol 2018; 113: 1-18.

8 Pinto-Sanchez MI, Hall GB, Ghajar K, et al. Probiotic Bifidobacterium longum NCC3001 reduces depression scores and alters brain activity: a pilot study in patients with irritable bowel syndrome. Gastroenterology 2017; 153: 448-59.

9 Wang H, Braun C, Enck P. Effects of rifaximin on central responses to social stress – a pilot experiment. Neurotherapeutics 2018; 15; 807-8.

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