Retour sur la 51e réunion annuelle espghan

Retour de congrès

Par le Dr. Solange Heller Rouassant
Gastroentérologie et nutrition pédiatriques, Mexico City, Mexique Conseiller mexicain de la NASPGHAN

Microbiote gastrique et Helicobacter pylori

Les Proteobacteria, les Firmicutes, les Actinobacteria, les Bacteroidetes et les Fusobacteria sont les phyla les plus abondants chez les patients positifs et négatifs pour H. pylori, et ce microbiote gastrique pourrait jouer un rôle dans la cancérogénicité associée à H. pylori [1]. Alarcón [2] a caractérisé le microbiote gastrique chez des enfants positifs et négatifs pour H. pylori ; lorsqu’elle était présente, H. pylori dominait la communauté microbienne, mais en son absence, la richesse et la diversité bactériennes étaient plus importantes.

Microbiote intestinal en début de vie

Le développement du microbiote intestinal en début de vie est influencé par le mode d’accouchement, l’alimentation (lait maternel ou lait infantile), le recours aux antibiotiques, le moment de l’introduction des aliments solides et l’arrêt de l’alimentation lactée. Le microbiote intestinal d’un nouveau-né est dominé de manière transitoire par les entérobactéries et les staphylocoques et très rapidement par les Bifidobacterium et les bactéries lactiques. Les Bifidobacterium sont majoritaires jusqu’à l’introduction d’une alimentation complémentaire [3].

  • Dukanovic [4] a montré qu’on retrouvait peu de Bacteroides dans les selles des nourrissons nés par césarienne et exclusivement allaités. Les espèces de Bacteroides ont été détectées dans respectivement 73 % et 16 % des échantillons obtenus lors d’un accouchement par voie basse et par césarienne.
  • Collado [4] a démontré que le microbiote du couple mère-enfant et le microbiote du lait maternel présentaient des caractéristiques communes, ce qui suggère une transmission microbienne pendant l’allaitement.

Certaines souches des genres Bacteroides, Bifidobacterium, Staphylococcus et Enterococcus ont été isolées de l’intestin des mères et des nourrissons, et certaines souches de Staphylococcus, Lactobacillus, Enterobacter et Acinetobacter ont été isolées du lait maternel apparié à l’âge de 2 mois.

Supplémentation en probiotiques et en symbiotiques en début de vie

  • Il a été prouvé qu’un lien entre la composition du microbiote intestinal en début de vie et le développement de maladies existait [5]. Des études menées sur le microbiote intestinal de nourrissons en tout début de vie ont montré que le transfert de gènes de résistance aux antibiotiques est acquis précocement et peut laisser des séquelles à long terme.

  • Des nourrissons exclusivement allaités ont reçu une supplémentation avec Bifidobacterium longum subsp. infantis (Casaburi [4]), un probiotique ciblé capable de remodeler le microbiote intestinal avec une réduction potentielle des réservoirs de gènes de résistance aux antibiotiques. Il a été conclu que la colonisation par des taux élevés de cette souche est une méthode sûre et non invasive pour réduire un réservoir de gènes qui confèrent une résistance aux antibiotiques.

  • Les taux élevés de Bifidobacterium longum subsp. infantis chez les nourrissons allaités, quel que soit le mode d’accouchement, restaient stables au cours de la première année de vie si l’allaitement était poursuivi [4].

Supplémentation du lait maternisé en prébiotiques et en probiotiques

Les oligosaccharides contenus dans le lait maternel (OLM) sont des composés du lait maternel non conjugués, solides et abondants. Le spectre des OLM contenus dans le lait maternel, principalement lié au statut sécréteur de la mère, module la composition bifidobactérienne de l’intestin des nourrissons.

On retrouve moins de bifidobactéries dans l’intestin de nouveau-nés nourris au lait maternisé mais une plus grande diversité microbienne. L’utilisation de prébiotiques dans le lait maternisé augmente la fraction bifidobactérienne dans l’intestin des nourrissons. Actuellement, les prébiotiques disponibles (les galacto- (GOS) et les fructo-oligosacharides (FOS)) sont métabolisés par les bifidobactéries, mais pas par l’hôte humain [5].

  • Puccio [6] a supplémenté du lait maternisé avec du 2’-O-fucosyllactose et du lacto-N-néotétraose, qui sont généralement contenus dans le lait maternel, et a obtenu de bons résultats. Le lait maternisé supplémenté en GOS, FOS et en Bifidobacterium breve compense le retard de colonisation par Bifidobacterium chez les nourrissons nés par césarienne, module le microbiote intestinal et reproduit les conditions observées chez les nourrissons nés par voie basse [6].

  • La comparaison de deux laits maternisés différents supplémentés en prébiotiques seuls ou en prébiotiques et probiotiques a montré des profils du microbiote intestinal similaires à ceux de nourrissons allaités (Tims & Phavichir [4]).

Prévention et traitement des allergies au lait de vache (alv)

  • Les probiotiques sont recommandés pour prévenir les ALV, mais davantage de données seraient bienvenues. Lactobacillus rhamnosus ou Bifidobacterium lactis ont été administrés à des mères tous les jours entre la 35e semaine de grossesse et 6 mois après l’accouchement et à des nourrissons de la naissance à l’âge de 2 ans. Les enfants ayant reçu Lactobacillus rhamnosus ont présenté une réduction significative de la prévalence de l’eczéma dans l’enfance (Wickens [4]).

  • Des laits infantiles fortement hydrolysés ont été supplémentés en L. rhamnosus our traiter les ALV à médiation de type IgE et favoriser le développement de la tolérance immunitaire. Les études cliniques menées chez des nourrissons en bonne santé et des nourrissons présentant une ALV ont montré que les laits infantiles à base d’acides aminés (LMAA) supplémentés en symbiotiques sont hypoallergéniques, bien tolérés, et garantissent une croissance normale.

  • Les résultats d’un essai multicentrique, en double aveugle, randomisé et contrôlé mené chez des nourrissons présentant des ALV à médiation de type non IgE ont été présentés (Candy [7]). Les nourrissons ont reçu du LMAA hypoallergénique contenant un mélange prébiotique d’oligofructose neutre dérivé de la chicorée et de Bifidobacterium breve à chaîne longue. À la 8e semaine, des différences importantes au niveau de la composition du microbiote intestinal étaient présentes entre les groupes, les pourcentages de bifidobactéries étant plus élevés dans le groupe ayant reçu du LMAA supplémenté en symbiotiques. La modulation du microbiote intestinal en utilisant ces symbiotiques spécifiques pourrait améliorer les symptômes chez les nourrissons présentant une ALV.

Coliques infantiles

Des données suggèrent qu’une altération du microbiote intestinal affecte la motilité intestinale et induit une production de gaz chez les nourrissons, ce qui entraîne des douleurs abdominales/coliques. La modulation du microbiote intestinal pourrait jouer un rôle dans la gestion et la prévention des coliques infantiles.

  • Une revue systématique Cochrane [4] des probiotiques prophylactiques dans les coliques infantiles a inclus des études portant sur Lactobacillus reuteri, des probiotiques issus de plusieurs souches Lactobacillus rhamnosusLactobacillus paracasei et Bifidobacterium animalis. Cette méta-analyse n’a montré aucune différence liée à l’utilisation de plusieurs probiotiques. Cependant, une analyse plus large a suggéré que les probiotiques étaient efficaces pour traiter les coliques infantiles (Ong [4]).

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Traitement de la maladie de crohn active par un régime alimentaire ordinaire reproduisant une nutrition entérale exclusive

Article commenté - Rubrique enfant

Par le Pr. Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Photo : Treatment of active crohn’s disease with an ordinary foodbased diet that replicates exclusive enteral nutrition

Commentaire de l’article original de Svolos et al. (Gastroenterology 2019 [1])

La nutrition entérale exclusive (NEE) est le seul traitement diététique établi pour la maladie de Crohn (MC), mais son acceptabilité est limitée. La MC requiert de nouveaux traitements diététiques.

Les effets d’un régime alimentaire individualisé (CD-TREAT), dont la composition était similaire à celle de la NEE, ont été évalués en analysant la composition du microbiote intestinal, l’inflammation et la réponse clinique chez un rat, chez des adultes en bonne santé et des enfants en rechute de MC.

In fine, il a été démontré que le régime CD-TREAT reproduisait les modifications de la NEE au niveau du microbiote digestif, diminuait l’inflammation intestinale, était bien toléré et était potentiellement efficace chez les patients atteints d’une MC active.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

La nutrition entérale exclusive (NEE) est un traitement efficace de la maladie de Crohn avec atteinte iléale. Elle permet d’obtenir de bons résultats (cicatrisation muqueuse dans 80 % des cas), meilleurs que ceux d’une corticothérapie. Cependant, la principale difficulté réside dans l’acceptation de recevoir, pendant au moins 8 semaines, une nutrition entérale exclusive. Cette alimentation peut être administrée par sonde nasogastrique ou, comme pour le ModulenIBD®, par voie orale. Le mécanisme d’action de la NEE n’est pas clairement établi. Plusieurs études suggèrent que ce type d’alimentation agit en modulant le microbiote intestinal.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Le but de cette étude était de savoir si un régime alimentaire ordinaire (CD-TREAT), c’est-à-dire avec des aliments habituels pris par voie orale, mais adapté pour que sa composition en nutriments soit proche de celle du Modulen IBD®, pouvait se révéler efficace dans la maladie de Crohn. La proportion de glucides était donc diminuée et celle des protéines augmentée ; un mélange multivitaminique permettait d’obtenir des apports en micronutriments similaires à ceux de la NEE. Une étude en cross-over a été réalisée chez 25 adultes volontaires sains. Pendant une semaine, ils ont reçu soit le régime CD-TREAT soit une NEE et réciproquement après une période de wash-out. Le régime CD-TREAT était plus facile à mettre en oeuvre et produisait un meilleur effet satiétogène. La richesse et la diversité alpha du microbiote n’étaient pas modifiées par ces régimes. Cependant, l’abondance relative de 58 (49,3 %) et 38 (32,3 %) genres bactériens était significativement modifiée par la NEE et le CD-TREAT respectivement, dont 28 dans la même direction. Il est à noter qu’il y avait des modifications de différents métabolites (certains acides gras à chaînes courtes – acétate, propionate et butyrate diminuaient significativement après la NEE ou le régime CD-TREAT) et une augmentation du pH des selles d’environ 1 unité.

POINTS CLÉS

  • Un régime adapté par voie orale pourrait être aussi efficace dans la maladie de Crohn qu’une nutrition entérale exclusive

  • Son effet sur le microbiote intestinal se rapproche de celui d’une nutrition entérale exclusive

  • Son utilisation offre une alternative à la nutrition entérale exclusive, mal accep

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Quelles conséquences en pratique ?

Cette étude montre d’une part que ce régime alimentaire est plus facilement réalisable par voie orale et qu’il pourrait avoir des effets similaires à ceux de la NEE par Modulen IBD® sur le microbiote intestinal. D’autre part, ce régime CDTREAT permet d’améliorer les signes cliniques et de diminuer l’inflammation intestinale.

Conclusion

Cette étude est une preuve de concept qu’une nouvelle prise en charge diététique mieux tolérée pourrait être efficace dans la maladie de Crohn. Il est nécessaire de confirmer ces résultats dans une étude randomisée contrôlée d’effectif suffisant.

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Profils du microbiote intestinal d’enfants non traités pour troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité

Article commenté - rubrique enfant

Par le Pr. Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Photo : Gut microbiota profiles in untreated children with attention deficit hyperactivity disorder

Commentaire de l’article original de Jiang et al. (Behavoural Brain Research 2018)

Bien qu’un nombre croissant de données suggère un rôle du microbiote intestinal dans le développement neurologique, la structure et la composition réelles du microbiote intestinal chez les enfants atteints de troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) restent obscures. Ainsi, cette étude visait à définir les caractéristiques du microbiote intestinal chez des enfants atteints de TDAH naïfs de traitement et à évaluer leur relation avec la gravité des symptômes de TDAH. Un pyroséquençage à haut débit a été utilisé pour étudier la composition du microbiote fécal de 51 enfants atteints de TDAH et de 32 contrôles sains (CS). Une analyse au niveau des unités taxonomiques opérationnelles (OTU) a révélé une diminution significative de la représentation fractionnelle de Faecalibacterium chez les enfants atteints de TDAH par rapport aux CS. Chez les personnes atteintes de TDAH, l’abondance de Faecalibacterium était négativement associée aux symptômes rapportés par les parents. Cependant, il n’y avait pas de différence significative en termes de diversité alpha (indices de Shannon, Simpson, ACE et Chao1) entre le groupe atteint de TDAH et le groupe contrôle. Ces observations étayent l’implication d’une altération du microbiote intestinal dans les maladies psychiatriques, et Faecalibacterium peut représenter un nouveau marqueur potentiel du microbiote intestinal dans les TDAH. D’autres études sont nécessaires pour valider ces observations et déterminer les relations causales et temporelles entre ces variables [1].

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Au cours de ces dernières années, l’intestin et le microbiote intestinal ont pris une place essentielle chez l’homme, devenant même pour certains un 2e et 3e cerveau. L’axe intestin-cerveau est étudié plus précisément, et des altérations de son fonctionnement recherchées dans diverses pathologies neurologiques et psychiatriques. Des altérations du microbiote intestinal ont été mises en évidence dans l’autisme et dans d’autres pathologies psychiatriques. Aucune étude n’a analysé précisément le microbiote intestinal dans le TDAH mais certaines suggèrent l’existence d’une dysbiose (amélioration des symptômes sous probiotiques et aggravation sous antibiotiques ; naissance par césarienne comme facteur de risque de la maladie).

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Points clés

  • L’axe intestin-cerveau joue un rôle important dans diverses pathologies neurologiques et psychiatriques.

  • Une perturbation du microbiote intestinal (diminution des Faecalibacterium notamment) est suggérée par cette étude pilote.

  • D’autres études sont nécessaires pour confirmer ce résultat et évaluer si la correction de cette dysbiose est susceptible d’améliorer les symptômes de TDAH.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Les auteurs ont inclus 51 enfants âgés de 6 à 10 ans avec TDAH et 32 témoins appariés dans un hôpital chinois de mai 2015 à décembre 2016. Le diagnostic de TDAH était basé sur le questionnaire Kiddie- SADS-PL qui figure dans le manuel diagnostique des troubles mentaux (DSM-IV). Les parents ont rempli un questionnaire pour évaluer la sévérité des symptômes du TDAH (Conners Parent Rating Scales). Ont été exclus les enfants ayant des régimes spécifiques, traités par probiotiques ou antibiotiques dans les 2 mois précédents, ayant des troubles digestifs, des symptômes dépressifs ou anxieux, une obésité, un terrain atopique et/ou traités par des médicaments pour leur TDAH. On ne retrouvait pas de différence entre les deux groupes pour l’âge, le sexe, l’IMC, le mode de naissance et d’alimentation (allaitement). L’analyse du microbiote intestinal, réalisée par pyroséquençage de l’ARN 16S et analyse des OTU (operational taxonomic units), n’a pas montré de différence en termes de diversité bactérienne (alpha et béta). Les quatre principaux phyla dans tous les échantillons étaient Firmicutes, Bacteroidetes, Proteobacteria et Actinetobacteria, mais sans différence entre enfants ayant un TDAH et témoins. Au niveau des genres en revanche, les taux de Faecalibacterium, Lachnoclostridium et Dialister étaient diminués chez les enfants ayant un TDAH (Figure 1). L’abondance de Faecalibacterium était corrélée négativement à la sévérité du TDAH, de même qu’à l’index d’hyperactivité (Figure 2).

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Quelles sont les conséquences en pratique ?

Si une perturbation du microbiote intestinal est impliquée dans le TDAH (comme dans d’autres pathologies), il faut tout d’abord être prudent et avoir une prescription réfléchie d’antibiotiques chez l’enfant, a fortiori chez le nourrisson, pour prévenir le développement ultérieur de ces maladies. Dans le cadre du TDAH, il pourrait être utile de cibler Faecalibacterium en assurant une augmentation au niveau intestinal. Au niveau diététique, ceci est favorisé par une alimentation de type méditerranéen et probablement réduit par une alimentation de type occidental. Outre cette approche diététique ciblée sur Faecalibacterium, il s’agit aussi de réduire l’inflammation intestinale à laquelle contribue une diminution de Faecalibacterium.

Conclusion

Cette étude pilote a montré qu’il existait une perturbation du microbiote intestinal dans les TDAH. Cette dysbiose concernait plus particulièrement Faecalibacterium, genre qui était corrélé négativement à la sévérité des symptômes de TDAH.

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Article commenté

Le tréhalose alimentaire augmente la virulence du Clostridium difficile épidémique

Article commenté - rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Photo : The food additive trehalose increases the virulence of epidemic clostridium difficile

Commentaire de l’article original de Collins et al. (Nature 2018)

L’incidence de l’infection à Clostridium difficile a récemment augmenté. Cette bactérie est devenue un pathogène nosocomial dominant en Amérique du Nord et en Europe, bien que l’on sache peu de choses sur ce qui a conduit à cette émergence. Ici, les auteurs montrent que deux ribotypes épidémiques (RT027 et RT078) ont acquis des mécanismes uniques pour métaboliser de faibles concentrations du disaccharide tréhalose qui est utilisé comme additif alimentaire. Le ribotype 027 (RT027) contient une seule mutation ponctuelle dans le répresseur transcriptionnel* du tréhalose qui augmente sa sensibilité à la substance de plus de 500 fois. En outre, le tréhalose alimentaire augmente la virulence des souches RT027 dans un modèle murin d’infection à Clostridium difficile. Le ribotype 078 (RT078) a acquis un groupe de 4 gènes impliqués dans le métabolisme du tréhalose. Parmi eux, une perméase de type PTS (phosphotransférase) est à la fois nécessaire et suffisante pour la croissance des souches, même à de faibles concentrations de tréhalose. Les auteurs proposent que la mise en oeuvre du tréhalose comme additif alimentaire dans l’alimentation humaine, peu de temps avant l’émergence de ces deux ribotypes épidémiques, a participé à leur émergence et contribue à leur hypervirulence  [1].

Que sait-on déjà à ce sujet ?

L’analyse par séquençage du génome entier de souches de C. difficile ribotype 027 (RT027) a démontré que deux lignées indépendantes ont émergé en Amérique du Nord entre 2000 et 2003 [2]. La comparaison avec des souches RT027 historiques pré-épidémiques a montré que les lignées épidémiques ont acquis une mutation dans le gène gyrA, qui a conduit à une résistance accrue aux antibiotiques du groupe des fluoroquinolones. Alors que le développement de cette résistance a certainement joué un rôle dans la propagation des souches RT027, elle a également été observée dans des ribotypes de C. difficile non épidémiques et identifiées dans des souches datant du milieu des années 1980. Ainsi, d’autres facteurs ont probablement contribué à l’émergence de souches épidémiques RT027. La prévalence d’un deuxième ribotype de C. difficile, RT078, a été décuplée dans les hôpitaux et les cliniques entre 1995 et 2007 et a été associée à une sévérité accrue [3]. Cependant, les mécanismes impliqués dans l’augmentation de la virulence restent inconnus. Les lignées RT027 et RT078 étant phylogénétiquement éloignées l’une de l’autre, il est possible que les changements qui ont conduit de manière simultanée à une augmentation de la prévalence et de la gravité de l’infection puissent provenir de mécanismes indépendants.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Il a été montré que les souches du ribotype RT027 ont un avantage compétitif comparé aux autres souches in vitro et dans des modèles murins d’infection à C. difficile. Pour investiguer les mécanismes impliqués, les auteurs ont examiné l’utilisation de différentes sources de carbones par les différentes souches et ont mis en évidence une capacité accrue à utiliser le disaccharide tréhalose par les souches du ribotype RT027. En comparant les génomes de nombreuses souches de C. difficile, les auteurs ont identifié une potentielle enzyme phosphotrehalase (TreA) qui métabolise le trehalose-6-phosphate en glucose et glucose-6-phosphate. Les auteurs ont ensuite observé que les souches du ribotype RT027 activaient ce gène à une concentration 500 fois plus faible de tréhalose que les autres souches de C. difficile. Des analyses plus fines ont permis d’identifier un polymorphisme dans le répresseur transcriptionnel (TreR) de TreA dans toutes les souches du ribotype RT027 et dans d’autres souches proches à l’origine d’épidémies en Europe et en Australie. Pour évaluer si la capacité de métaboliser le tréhalose avait un impact sur la virulence, les auteurs en ont administré oralement à des souris transplantées avec un microbiote humain et infectées soit par une souche du ribotype RT027 (R20291), soit par la même souche mais délétée pour le gène TreA (R20291Δ TreA), donc incapable de métaboliser le tréhalose. La mortalité était bien moindre avec cette dernière souche R20291Δ TreA (Figure 1).

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Point clés

  • Les foyers d’infection à C. difficile par des souches épidémiques hypervirulentes (ribotypes RT027 et RT078) sont apparus au début des années 2000.

  • Le tréhalose est un disaccharide très résistant utilisé dans l’industrie agroalimentaire depuis 2000.

  • Les souches RT027 et RT078 ont acquis un avantage compétitif leur permettant d’utiliser le tréhalose, même à de faibles concentrations, ce qui augmente leur virulence.

Dans une seconde expérience, les auteurs ont infecté des souris ayant un microbiote humain avec la souche du ribotype RT027 (R20291) en présence ou en absence de tréhalose dans l’eau de boisson (donné à une dose équivalente à celle reçue dans un repas humain). La mortalité était bien supérieure en présence de tréhalose. Les deux expériences cumulées confirment l’hypothèse selon laquelle le tréhalose alimentaire contribue à la sévérité des souches du ribotype RT027. L’analyse génétique des souches du ribotype RT078 a montré l’insertion de 4 gènes encodant une 2e copie de la phosphotrehalase (TreA2) et de son répresseur (TreR2) et 2 autres gènes reliés. Une approche par mutation et surexpression a permis de confirmer que cette insertion était responsable de la capacité des souches du ribotype RT078 à pousser en présence de tréhalose.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Le tréhalose est un sucre extrêmement stable, résistant à la fois aux hautes températures et à l’hydrolyse. Considéré comme idéal pour une utilisation dans l’industrie agro-alimentaire, son usage ne s’est repandu qu’à partir de 2000, date à laquelle un nouveau procédé de production à bas coût a été découvert [3]. Son utilisation a été autorisée dans l’alimentation par la Food and Drug Administration (FDA) américaine en 2000 et par les institutions européennes en 2001. L’adoption large du tréhalose coïncide avec l’émergence des foyers d’infections par les souches RT027 et RT078. L’ensemble de ces résultats suggère un rôle causal du tréhalose alimentaire dans l’émergence de ces souches épidémiques hypervirulentes de C. difficile.

Conclusion

L’adoption large du tréhalose dans l’industrie agro-alimentaire coïncide avec l’émergence des foyers d’infections par les souches RT027 et RT078 de C. difficile. Ces souches ont acquis la capacité d’utiliser le tréhalose à faible concentration, leur donnant un avantage sélectif par rapport aux autres souches dans un écosystème dans lequel le tréhalose a été introduit. Cette capacité à métaboliser le tréhalose augmente leur virulence. L’ensemble de ces résultats suggère un rôle causal du tréhalose alimentaire dans l’émergence de ces souches épidémiques hypervirulentes de C. difficile.

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Microbiome intestinal et neurodégénérescence

Synthèse

Par le Pr. John F. Cryan
Département d’anatomie et de Neurosciences, University College Cork, Cork, Irlande

Photo : The gut microbiome and neurodegeneration

Au cours des dix dernières années, la recherche portant sur le rôle du microbiote intestinal dans la modulation de l’état de santé et des maladies du cerveau a connu un grand engouement. Bien que la plupart des travaux aient porté sur les troubles liés au stress tels que l’anxiété, la dépression et le syndrome de l’intestin irritable, de plus en plus d’études, en grande partie précliniques, impliquent également le microbiote en tant que modérateur dans les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. En parallèle, les recherches ont montré que le microbiome joue un rôle essentiel dans les principaux processus cérébraux impliqués dans le développement neurologique, la neuro-inflammation et le vieillissement. Actuellement, elles sont fortement orientées vers une meilleure compréhension des mécanismes précis qui permettent à l’intestin de communiquer avec le cerveau et d’entraîner une augmentation de la susceptibilité aux troubles neurologiques.

En médecine, la neurologie et la microbiologie ont largement évolué en suivant des trajectoires parallèles distinctes, ne se croisant que dans des situations pathologiques, lors d’infections directes du système nerveux central. Cependant, au cours de la dernière décennie, la découverte du fait que le microbiote intestinal (les trillions de bactéries présentes dans l’intestin) joue un rôle clé dans le maintien de l’homéostasie et dans la programmation des principaux systèmes corporels, y compris le cerveau, a constitué une révolution en biomédecine.

De plus en plus de recherches se concentrent sur la compréhension des voies de communication bidirectionnelle entre les bactéries intestinales et le système nerveux central, l’axe microbiote-intestin-cerveau ; cependant, ce domaine n’en est qu’à ses balbutiements [1]. Des modifications du microbiome, de ses métabolites et de son interaction avec l’axe intestin-cerveau sont associées à un large éventail de maladies, y compris à des troubles neurologiques. L’étude du microbiome nécessite des efforts de collaboration étroite entre cliniciens, chercheurs fondamentaux et bio-informaticiens et fonctionne mieux lorsque les barrières des disciplines traditionnelles entre la neurologie, la gastro-entérologie et la microbiologie sont levées.

Dans la recherche préclinique, un certain nombre de modèles expérimentaux se sont révélés essentiels pour évaluer l’effet du microbiome sur le cerveau et le comportement, et ces modèles incluaient l’usage de prébiotiques et probiotiques, l’administration d’antibiotiques, la transplantation fécale et l’utilisation d’animaux dépourvus de germes et gnotobiotiques [1]. Dans la recherche clinique, la plupart des données, en particulier dans le domaine de la neurologie, reposent sur des études transversales du microbiome chez des patients par rapport à des individus sains du même âge.

L’axe microbiote intestin- cerveau : mécanismes de communication

D’importants efforts expérimentaux sont déployés pour essayer de comprendre finement les voies de communication entre l’intestin et le cerveau. Les bactéries intestinales influencent les processus centraux via divers mécanismes (Figure 1). Premièrement, la capacité du microbiote à synthétiser des neurotransmetteurs (i.e.l’acide γ-aminobutyrique [GABA], la noradrénaline et la dopamine) est une voie de communication importante. Deuxièmement, les microbes ont une importance capitale dans l’activation du système immunitaire qui peut jouer un rôle fondamental dans le vieillissement, les troubles neurologiques et la neurodégénérescence. Enfin, les microbes produisent des métabolites, notamment des acides gras à chaîne courte (AGCC), qui sont essentiels à l’intestin, au système immunitaire et, potentiellement, à l’état de santé du cerveau. De plus, le microbiote intestinal et le cerveau sont liés par le nerf vague et par la modulation des principaux acides aminés alimentaires tels que le tryptophane.

Étant donné l’étroite association entre le microbiote intestinal et le cerveau, il n’est pas étonnant que les bactéries intestinales aient un rôle essentiel dans les maladies neurologiques et psychiatriques. Les données les plus probantes confirmant un rôle du microbiome dans la fonction cérébrale proviennent de souris dépourvues de germes. Les études menées par un certain nombre de groupes de recherche au Canada, en Suède et en Irlande ont montré que, chez les animaux dépourvus de germes, le cerveau ne se développe pas normalement en l’absence de microbiome intestinal [2]. En outre, il a également été montré que des processus cérébraux fondamentaux tels que la myélinisation, la neurogenèse chez l’adulte et l’activation de la microglie dépendent fortement de la composition du microbiote.

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Microbiote et vieillissement

La relation entre le microbiome et le vieillissement du cerveau suscite également beaucoup d’attention, ce qui présente un intérêt particulier dans le domaine de la neurologie car de nombreux troubles neurologiques et neurodégénératifs surviennent à un âge avancé. Une fois de plus, l’idée de relier le microbiome au vieillissement sain n’est pas nouvelle ; elle a été soutenue il y a plus de 100 ans par un immunologiste ayant reçu un prix Nobel, Elie Metchnikoff. Celui-ci a observé que les villageois vivant dans une région de la Bulgarie avaient une vie exceptionnellement longue, un fait qu’il a attribué à la présence de bactéries produisant de l’acide lactique dans leur alimentation. Nous avons récemment revisité l’étude initiale menée par Metchnikoff [3] et montré que les déficits comportementaux chez les animaux âgés coïncident avec des modifications du microbiome. De plus, l’étude ELDERMET a montré que la composition des bactéries intestinales chez les personnes âgées était corrélée avec leur état de santé général, leur fragilité et avec leur système immunitaire [4]. Un microbiome riche est le signe d’une meilleure santé. Ces investigateurs sont allés encore plus loin pour étudier ce qui induit un tel microbiome et ils ont montré qu’il s’agissait d’une alimentation variée. Lorsque les gens mangent des aliments fades transformés (souvent dans des maisons de retraite), la diversité de leurs microbiomes est réduite, tandis que ceux ayant une alimentation riche en fruits et en légumes ont de meilleurs résultats [4].

Une diminution de la diversité microbienne est associée à une augmentation concomitante de l’activation microgliale qui est corrélée avec des différences de masse cérébrale chez la souris. Cela contribue à une réponse inflammatoire associée à l’âge appelée “inflammaging”, qui à son tour a été associée à des maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer (MA) et la maladie de Parkinson (MP). Par ailleurs, il a été montré que le microbiome régule l’activation de la microglie ; mais également que des cerveaux de souris dépourvues de germes exprimaient une microglie défectueuse, partiellement rétablie après restauration de la communauté microbienne à des taux contrôles [5].

Maladie de parkinson (MP)

On est en train de se rendre compte que la MP pourrait en fait provenir de l’intestin [6]. En effet, l’α-synucléine, l’agrégat de protéines caractéristique de la MP dans le cerveau, a également été identifiée dans les fibres nerveuses de la sous-muqueuse et de la muqueuse et dans les ganglions de patients parkinsoniens. Des données précliniques suggèrent même que l’α-synucléine présente dans l’intestin peut être transportée au cerveau par le nerf vague. En outre, des symptômes intestinaux fonctionnels tels que la constipation sont souvent des symptômes prodromiques se produisant des années avant l’apparition des symptômes moteurs.

Depuis que Scheperjans et al. ont montré pour la première fois qu’il existait des altérations spécifiques de la composition du microbiome dans la MP [7], bien d’autres études ont été menées [8]. Cependant, à ce jour, il n’y a pas de consensus concernant l’existence d’une signature microbienne spécifique. Lorsque des souris ont été colonisées par le microbiote de patients atteints de la MP via une transplantation de microbiote fécal, elles ont développé des déficits moteurs et une neuro-inflammation, deux symptômes caractéristiques de la MP [9]. De plus, les symptômes se sont améliorés lorsque les souris ont été traitées par des antibiotiques. Ces études ont impliqué des acides gras à chaîne courte pour activer les processus neuro-inflammatoires dans la MP [9].

Le nerf vague est particulièrement bien placé pour conduire des signaux provenant de l’intestin vers le cerveau, soit d’origine bactérienne, soit via une translocation, similaire à celle du prion, de l’α-synucléine. En effet, des études épidémiologiques basées sur des registres de patients danois et suédois ont montré qu’une vagotomie tronculaire protège de la MP. Malgré un fort enthousiasme dans ce domaine, la prudence reste de mise lors de l’examen des données disponibles car elles sont en grande partie issues de petites cohortes et elles n’ont pas de perspective longitudinale. De nombreuses autres études mécanistiques sont nécessaires pour comprendre comment les modifications du microbiote peuvent modérer les symptômes moteurs et non moteurs de la MP et de ses comorbidités [10].

Maladie d’alzheimer (MA)

Le concept selon lequel les microbes peuvent jouer un rôle dans la physiopathologie de la MA n’est pas nouveau et l’idée que l’amyloïde, dont l’agrégation est une des principales caractéristiques de la MA, pourrait agir comme peptide antimicrobien dans le cerveau est un concept fascinant [11]. Cependant, selon le postulat de Koch, il est éthiquement difficile de prouver s’il existe une cause infectieuse de neuro-inflammation et de neurodégénérescence. Comme dans la MP, la relation entre les protéines intestinales et l’état de santé du cerveau fait l’objet d’une attention particulière. Il a été découvert que des protéines de type amyloïde produites par des bactéries pourraient augmenter les maladies associées à l’α-synucléine [12]. D’autres travaux sont nécessaires pour valider ces stratégies chez l’homme.

Récemment, des études transversales ont identifié que les taxons bactériens d’Escherichia/Shigella, qui sont associés à la médiation de l’inflammation, étaient augmentés dans les échantillons de selles de patients atteints de la MA par rapport aux sujets contrôles. En outre, les modifications du microbiote étaient corrélées avec les taux de cytokines pro-inflammatoires dans le sang [13]. Ces résultats suggèrent une relation causale entre la dysbiose du microbiote intestinal et l’inflammation systémique, qui peut initier ou exacerber la neurodégénérescence cérébrale dans la MA. Cependant, ces études sont encore relativement modestes et beaucoup d’autres recherches sont nécessaires sur de grandes cohortes pour évaluer la relation causale entre le microbiome intestinal et la MA.

En parallèle, il a été montré qu’un certain nombre de modèles de MA chez des souris transgéniques présentaient un microbiome altéré [14]. Des études pionnières menées chez des souris dépourvues de germes ont mis en évidence une absence marquée d’accumulation de plaques amyloïdes et de neuro-inflammation [14]. De même, le traitement chronique des souris transgéniques APP/PS1 par un cocktail d’antibiotiques réduisait l’accumulation de microglie et d’astrocytes entourant les plaques amyloïdes dans l’hippocampe et entraînait une diminution des plaques amyloïdes insolubles [15]. Toutes ces études montrent clairement que le microbiome régule les composants moléculaires clés de la MA.

Perspectives d’avenir

Il est clair que le microbiome est d’une importance cruciale pour le développement et le maintien appropriés de la fonction cérébrale. Par ailleurs, comme indiqué ci-dessus, de nombreuses données issues d’études précliniques et cliniques impliquent le microbiome dans un spectre de maladies neurologiques et neurodégénératives. Compte tenu des effets marqués du microbiote dans la régulation de la fonction cérébrale, il est plausible que sa composition affecte la progression, la susceptibilité et le traitement de presque tous les troubles neurologiques. Néanmoins, nos connaissances concernant le rôle du microbiome dans d’autres maladies neurodégénératives telles que la sclérose latérale amyotrophique ou la maladie de Huntington présentent des lacunes importantes, et il faut rester prudent afin de ne pas surinterpréter ces études. Le domaine doit s’éloigner des études corrélatives pour adopter des approches causales mécanistiques. De plus, davantage d’études interventionnelles utilisant des souches probiotiques et des prébiotiques sont nécessaires ; les transplantations de microbiote fécal pourraient même être importantes dans ce domaine. Il est possible que des approches similaires puissent cibler des troubles différents ; par exemple, la modulation de la signalisation des lymphocytes T dans le cerveau peut être utile pour atténuer l’état neuro- inflammatoire chez les patients après un accident vasculaire cérébral, de même que chez les patients atteints de la MA et au cours du vieillissement.

En ce qui concerne la neurologie clinique, de nombreux patients sont polymédicamentés et la relation entre le microbiome et l’action des médicaments est de mieux en mieux comprise. Ainsi, toutes les études devraient viser à faire la différence entre l’impact des médicaments et celui de la maladie sur le microbiome. En outre, des études temporelles menées chez des individus présymptomatiques seront importantes pour déterminer le rôle potentiel du microbiome en tant que biomarqueur de la maladie.

Conclusion

L’alimentation est peut-être l’un des plus importants facteurs influençant le microbiome. Comme de nombreux troubles neurologiques affectent l’appétit, la déglutition et l’alimentation en général, il est essentiel d’avoir des données nutritionnelles de bonne qualité pour toutes les études menées chez l’homme à l’avenir. Par ailleurs, cela permettra de mieux comprendre la relation entre l’alimentation, le microbiome et le cerveau, qui est essentielle dès le début de la vie et à mesure que nous vieillissons.

Sources

1 Cryan JF, Dinan TG. Mind-altering microorganisms: the impact of the gut microbiota on brain and behaviour. Nat Rev Neurosci 2012 ; 13 : 701-12.

2 Luczynski P, McVey Neufeld KA, Oriach CS, et al. Growing up in a Bubble: Using Germ-Free Animals to Assess the Influence of the Gut Microbiota on Brain and Behavior. Int J Neuropsychopharmacol 2016 ; 19.

3 Scott KA, Ida M, Peterson VL, et al. Revisiting Metchnikoff: Age-related alterations in microbiota-gut-brain axis in the mouse. Brain Behav Immun 2017 ; 65 : 20-32.

4 Claesson MJ, Jeffery IB, Conde S, et al. Gut microbiota composition correlates with diet and health in the elderly. Nature 2012 ; 488 : 178-84.

5 Erny D, Hrabe de Angelis AL, Jaitin D, et al. Host microbiota constantly control maturation and function of microglia in the CNS. Nature Neurosci 2015 ; 18 : 965-77.

6 Braak H, de Vos RA, Bohl J, et al. Gastric alpha-synuclein immunoreactive inclusions in Meissner’s and Auerbach’s plexuses in cases staged for Parkinson’s disease-related brain pathology. Neurosci Lett 2006 ; 396 : 67-72.

7 Scheperjans F, Aho V, Pereira PA, et al. Gut microbiota are related to Parkinson’s disease and clinical phenotype. Mov Disord 2015 ; 30 : 350-8.

8 Keshavarzian A, Green SJ, Engen PA, et al. Colonic bacterial composition in Parkinson’s disease. Mov Disord 2015 ; 30 : 1351-60.

9 Sampson TR, Debelius JW, Thron T, et al. Gut Microbiota Regulate Motor Deficits and Neuroinflammation in a Model of Parkinson’s Disease. Cell 2016 ; 167 : 1469-80 e12.

10 Lionnet A, Leclair-Visonneau L, Neunlist M, et al. Does Parkinson’s disease start in the gut? Acta Neuropathol 2018 ; 135 : 1-12.

11 Itzhaki RF, Lathe R, Balin BJ, et al. Microbes and Alzheimer’s Disease. J Alzheimers Dis 2016 ; 51 : 979-84.

12 Friedland RP. Mechanisms of molecular mimicry involving the microbiota in neurodegeneration. J Alzheimers Dis 2015 ; 45 : 349-62.

13 Cattaneo A, Cattane N, Galluzzi S, et al. Association of brain amyloidosis with pro-inflammatory gut bacterial taxa and peripheral inflammation markers in cognitively impaired elderly. Neurobiol Aging 2017 ; 49 : 60-8.

14 Harach T, Marungruang N, Duthilleul N, et al. Reduction of Abeta amyloid pathology in APPPS1 transgenic mice in the absence of gut microbiota. Sci Rep 2017 ; 7 : 41802.

15 Minter MR, Zhang C, Leone V, et al. Antibiotic-induced perturbations in gut microbial diversity influences neuro-inflammation and amyloidosis in a murine model of Alzheimer’s disease. Sci Rep 2016 ; 6 : 30028.

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Article

Reconstitution du microbiote intestinal par transplantation de microbiote fécal autologue chez des patients traités par antibiotiques

Article commenté - Rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Faecal transplant preparation. A technician storing a prepared sample of human faecal matter in cold storage.

Commentaire de l’article original de Taur et al. (Science Translational Medicine 2018 [1])

Un traitement antibiotique peut appauvrir en bactéries commensales le microbiote intestinal (MI) du patient et, paradoxalement, augmenter le risque d’infections ultérieures. Dans l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (allo-CSH), l’administration d’antibiotiques est essentielle pour des résultats cliniques optimaux mais perturbe considérablement la diversité du MI, entraînant la perte de nombreux micro-organismes bénéfiques. Bien que la perte de diversité du microbiote au cours de l’allo-CSH soit associée à une mortalité accrue, les approches visant à rétablir les bactéries commensales décimées n’ont pas encore été développées. Un essai clinique contrôlé et randomisé a été initié, pour comparer la transplantation de microbiote fécal autologue (auto-TMF) à l’absence d’intervention ; les profils de microbiote de 25 patients ayant été traités par allo-CSH (14 qui ont reçu une auto-TMF et 11 patients contrôles qui n’ont pas reçu ce traitement) ont été analysés. Les changements dans la diversité et la composition du MI ont révélé que l’auto- TMF avait stimulé la diversité microbienne et rétabli la composition de microbiote que le patient avait avant le traitement antibiotique et l’allo-CSH. Dans le contexte d’une allo-CSH, ces résultats montrent l’utilité potentielle du stockage d’échantillons de selles en vue d’une auto-TMF visant à rétablir le MI chez des patients ayant subi un traitement antibiotique lourd.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Les traitements antibiotiques endommagent le microbiote intestinal et augmentent le risque d’infections gastro-intestinales. Bien que cet effet soit reconnu depuis plus de 60 ans, la correction des altérations du microbiote intestinal induites par les antibiotiques n’est toujours pas une pratique clinique standard. Chez les patients subissant une greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques (allo- CSH), des antibiotiques sont systématiquement administrés pour traiter ou réduire le risque d’infection grave. Des études prospectives sur des patients recevant une allo-CSH ont démontré que le microbiote intestinal est nettement altéré pendant le traitement, avec de profondes pertes de bactéries anaérobies obligatoires, y compris des espèces immunomodulatrices telles que celles appartenant à la classe des Clostridia et au phylum des Bacteroidetes [2]. Les conséquences cliniques de ces altérations sont également apparentes dans une allo-CSH : les perturbations des anaérobies obligatoires bénéfiques sont corrélées aux complications incluant les infections systémiques à Entérocoque Résistant à la Vancomycine (ERV), les infections à Clostridium difficile, et la maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) [2, 3]. Dans l’ensemble, les patients qui perdent la diversité de leur microbiote intestinal au moment de la prise de greffe des cellules souches hématopoïétiques ont des taux plus élevés de décès liés à la greffe [4].

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude? 

Les patients recevant une allo-CSH restent immunodéprimés pendant de nombreux mois après la greffe, et bien que des patients immunodéprimés, y compris ceux traités par allo-CSH, aient été traités sans effets secondaires par TMF hétérologue [5], les auteurs ont considéré qu’une TMF autologue serait plus sûre, car de nature à minimiser, notamment, le risque d’exposition du patient à des micro-organismes potentiellement pathogènes non encore détectés. Les auteurs ont initié un essai clinique contrôlé randomisé pour déterminer la faisabilité de l’auto-TMF pour restaurer le microbiote intestinal et pour diminuer les complications liées à l’allo-CSH. Ici, ils présentent une analyse des modifications de la composition du microbiote intestinal chez 25 patients randomisés dans cette étude et pour lesquels des échantillons de selles ont été collectés longitudinalement.

Les auteurs ont tout d’abord confirmé sur leur cohorte de 753 patients (3 237 échantillons fécaux collectés longitudinalement) que l’allo-CSH et les différents traitements antibiotiques associés induisaient une diminution nette de la diversité du microbiote intestinal avec un nadir 5 jours après l’allo- CSH, une persistance des altérations pendant au moins 6 semaines et une absence de récupération pour la plupart des patients à 100 jours post-allo-CSH.

POINTS CLÉS

  • Le microbiote intestinal est fortement perturbé au cours du traitement par allo-CSH et ces perturbations pourraient jouer un rôle dans les complications associées

  • L’auto-TMF est une stratégie faisable et efficace sur la reconstitution du microbiote après les perturbations induites par l’allo-CSH

  • Les conséquences de la reconstitution du microbiote en termes de pronostic hématologique restent à évaluer

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Dans le cadre de l’étude randomisée, les selles des patients, prélevées avant l’allo- CSH étaient congelées à -80°C et conservées. Une à cinq semaines (13 jours en moyenne) après l’allo-CSH, au moment de la prise de greffe (définie par la remontée des polynucléaires neutrophiles au-delà de 500/mm3), les patients étaient réévalués, et un autre échantillon de selles était prélevé. Si une diminution des bactéries appartenant au phylum des Bacteroidetes était mise en évidence, les patients étaient randomisés. Le résultat des analyses de microbiote des 25 premiers patients évaluables (14 du groupe auto-TMF et 11 du groupe contrôle) est présenté. L’auto-TMF était réalisée par un lavement unique, après une préparation colique par polyéthylène glycol, similaire à la préparation réalisée avant une coloscopie. Les auteurs montrent que l’auto-TMF permet de restaurer non seulement la diversité du microbiote intestinal mais aussi sa composition pré-allo-CSH.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Plusieurs études montrent que le microbiote intestinal et ses perturbations pourraient jouer un rôle dans la survenue des complications infectieuses et non infectieuses habituelles au cours de l’allo-CSH. Cette première étude montre que la collection de selles du patient avant une allo-CSH et leur conservation afin de les réadministrer une fois la prise de greffe effectuée est une stratégie faisable et efficace sur la reconstitution du microbiote. Il reste maintenant à savoir si les patients ayant bénéficié d’une telle auto-TMF ont un meilleur pronostic vis-à-vis de ces complications et une meilleure survie globale. Si l’efficacité de cette stratégie se confirme, elle pourrait être également envisagée dans d’autres situations où des perturbations importantes du microbiote sont attendues, comme un traitement antibiotique large et prolongé ou d’autres chimiothérapies anticancéreuses

Conclusion

Bien qu’il faille encore en estimer les bénéfices en termes de pronostic hématologique et de survie globale, l’auto-TMF est une option stratégique prometteuse pour reconstituer le microbiote intestinal après les perturbations induites par le traitement antibiotique associé à l’allo-CSH.

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Article commenté

Le microbiote intestinal impliqué dans la pathogenèse de la stéatose hépatique non alcoolique

Revue de presse

Par le Pr. Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

La stéatose hépatique non alcoolique (non-alcoholic fatty liver disease, NAFLD) est la maladie hépatique la plus fréquente dans les pays occidentaux et touche 25 à 30 % de la population générale. La NAFLD est une simple stéatose hépatique sans inflammation ou avec une inflammation minime. Elle peut s’aggraver en stéato-hépa- tite (NASH), laquelle est caractérisée par une stéatose, une inflammation et une fibrose. La NASH peut conduire à une cirrhose, qui est un facteur de risque de carcinome hépatocellulaire (CHC). La NAFLD associe obésité et insulinorésistance, deux symptômes qui caractérisent le syndrome métabolique.

Puri et Sanyal ont examiné le rôle du microbiome intestinal dans la NAFLD [5]. Une masse accrue de tissu adipeux associée à une activation du système immunitaire inné provoque une insulinorésistance. L’altération du microbiote et l’augmentation de la perméabilité intestinale sont à l’origine de l’activation de la réponse immunitaire. Le microbiome peut également affecter les organes extra-intestinaux par translocation, signalisation neuro-humorale au niveau de l’intestin et altération des métabolites et des substances nutritionnelles absorbées dans l’intestin.

Chen et ses collaborateurs ont examiné le rôle du microbiote intestinal dans le métabolisme des acides biliaires [6]. Le microbiote produit des enzymes qui, dans les intestins, transforment les acides biliaires primaires (synthétisés et conjugués dans le foie) en acides biliaires secondaires. Une dysbiose peut entraîner une diminution de la synthèse des acides biliaires secondaires qui réduit à son tour l’activation de récepteurs nucléaires tels que le FXR (farnesoid X receptor), le PXR (pregnane X receptor), le TGR5 (Takeda G-protein-coupled bile acid protein 5) et le récepteur de la vitamine D. Ces récepteurs jouent des rôles importants dans la régulation de l’énergie et leur dys- fonctionnement pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse de la NAFLD.

La dysbiose conduit à l’augmentation de l’activité des hydrolases biliaires, entraîne une augmentation de la déconjugaison des acides biliaires primaires et est associée à une perturbation du métabolisme des lipides et du cholestérol, à une prise de poids et à une perturbation de la signalisation [6].

Le microbiote intestinal est modifié dans la NAFLD, mais il n’existe pas de profil uniforme [6]. Des bactéries (C. leptum par exemple) transformant les acides biliaires primaires sont diminuées dans les selles des patients atteints de NAFLD. Une diminution du FXR augmente la synthèse des acides biliaires primaires, la néoglucogenèse, et la synthèse des triglycérides et des lipoprotéines de très basse densité. Par conséquent, la diminution du FXR et celle de la TGR5 pourraient être impliquées dans la pathogenèse de la NAFLD.

La modulation du microbiote intestinal pourrait constituer une option thérapeutique pour la NAFLD. Les probiotiques pourraient ajuster l’ensemble du pool d’acides biliaires plutôt que des récepteurs nucléaires individuels [6].

Une variété de définitions, d’évaluations histologiques, de méthodes et différentes approches bioinformatiques ont été utilisées dans les études sur le microbiome intestinal dans la NAFLD. Il est donc difficile de tirer des conclusions généralisables des modifications du microbiote dans la pathogenèse de la NAFLD [5]. Les mécanismes qui relient les modifications du microbiote à la pathogenèse de la NAFLD sont l’extraction accrue d’énergie dans l’intestin et l’augmentation de l’absorption hépatique des acides gras libres, l’altération de la fonction de la barrière intestinale et l’endotoxémie accompagnée d’une inflammation, l’altération du métabolisme des acides biliaires et de la choline.

Loman et al. ont analysé l’impact du traitement par pré- et probiotiques sur la NAFLD [7]. Ils ont identifié 25 études répondant aux critères PICOS*: 9 ont évalué des traitements prébiotiques, 11 des traitements probiotiques et 7 des traitements symbiotiques. Ces traitements ont significativement réduit l’indice de masse corporelle (IMC), les transaminases hépatiques et la ν-glutamyl-transférase, et les taux de cholestérol et de triglycérides. L’effet des pro- et prébiotiques était similaire sur l’IMC, les enzymes hépatiques et le cholestérol de haute densité. Les principales faiblesses de ces études étaient le manque d’analyse sur le microbiote intestinal, l’hétérogénéité des traitements et leur courte durée. La présente méta-analyse était cependant la première à rapporter des modifications simultanées induites par un traitement modulateur du microbiote sur le poids, le métabolisme des lipides et l’inflammation dans la NAFLD.

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Les inhibiteurs de la pompe à protons modifient le microbiome intestinal

Revue de presse

Par le Pr. Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), médicaments parmi les plus utilisés malgré une absence d’indication fondée sur les preuves pour près de la moitié des prescriptions, jouent un rôle central dans le traitement de l’ulcère gastroduodénal et du reflux gastro-œsophagien. Ils inhibent la sécrétion acide des cellules pariétales gastriques. Une hypochlorhydrie induite par IPP peut augmenter le risque d’infections.

Mishiro et al. ont étudié l’impact de l’administration quotidienne de 20 mg d’ésoméprazole pendant 1 mois sur le microbiote salivaire, parodontal et fécal chez 10 volontaires sains [1]. Le microbiote du côlon contenait le plus grand nombre d’espèces. FirmicutesBacteroidetesActinobacteria et Proteobacteria étaient les phyla les plus abondants dans les selles, alors que FirmicutesProteobacteriaBacteroidetes et Fusobacteria étaient les plus abondants dans la salive et le liquide de poche parodontale. L’IPP a entraîné une réduction significative de la diversité du microbiote salivaire. Il y avait davantage de Streptococci, que l’on retrouvait principalement dans la partie supérieure du tractus gastrointestinal, dans les selles ainsi que dans la salive et le liquide de poche parodontale après traitement [1].

Stark et al. ont réalisé une étude rétrospective chez 333 353 enfants américains [2]. Les prescriptions d’IPP étaient associées à l’obésité. Chaque classe d’antibiotiques supplémentaire majorait le risque d’obésité, et chaque prescription supplémentaire de 30 jours d’antiacides renforçait le lien avec l’obésité.

Mailhe et al. ont examiné la composition du microbiote intestinal de 6 patients ayant subi une gastroscopie et une coloscopie [3]. Les échantillons ont été prélevés au niveau de l’estomac, du duodénum, de l’iléon et du côlon. Des analyses par culturomics utilisant la spectrométrie de masse MALDI-TOF (matrix assisted laser desorption ionisation-time of flight) et le séquençage de la région V3-V4 de l’ARNr 16S ont été réalisées. En tout, 368 espèces bactériennes (dont 37 nouvelles) ont été observées : 110 dans l’estomac, 106 dans le duodénum et 235 dans le côlon descendant. La partie supérieure de l’intestin contenait moins d’espèces anaérobies et un microbiote moins riche que la partie inférieure. Trois patients étaient sous traitement de fond par IPP ; leur pH gastrique et leur diversité bactérienne étaient plus élevés que chez les patients n’utilisant pas d’IPP. Des investigateurs de Cleveland ont étudié l’impact des IPP sur le microbiote intestinal [4]. La principale conséquence du traitement par IPP est l’augmentation du pH gastrique. Ce traitement peut conduire à une colonisation gastrique excessive par Streptococcus, pouvant entraîner des symptômes dyspeptiques. Le risque de prolifération bactérienne de l’intestin grêle (PBIG) n’est que modérément majoré pendant ce traitement [4]. Les IPP et les antibiotiques augmentent le risque d’infection à Clostridium difficile. Le traitement par IPP peut également majorer le risque de péritonite bactérienne spontanée dans la cirrhose hépatique. Une association statistique a été rapportée entre l’utilisation d’IPP et l’incidence d’infections à Salmonella et Campylobacter.

Les IPP provoquent une dysbiose. Les études observationnelles montrant des associations entre IPP et effets indésirables ne prouvent pas forcément de lien de causalité. Les utilisateurs d’IPP sont souvent plus malades que les non-utilisateurs, ce qui pourrait en partie expliquer la majoration d’effets indésirables. Quoi qu’il en soit, les IPP ne doivent être utilisés que pour des indications fondées sur des preuves avec les doses minimales efficaces et doivent être arrêtés une fois la réponse thérapeutique obtenue.

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La transplantation fécale est-elle au point ?

Retour de congrès

Par le Pr Danny De Looze
Gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Gand, Belgique

Photo : Fecal transplantation - ready for prime time?

Même si nous n’avons pas encore percé tous les secrets et mystères du microbiote intestinal, le traitement des maladies gastro-intestinales par la modulation du microbiote suscite beaucoup d’espoir. La transplantation de microbiote fécal apparaît comme le Saint Graal. Mais l’est-elle vraiment ? Lors du congrès UEGW 2018 de Vienne, de nombreuses conférences étaient dédiées à ce sujet.

Le donneur idéal

Même si, jusqu’à présent, personne ne sait vraiment comment définir avec précision un microbiote intestinal « normal » (« eubiose »), nous savons qu’une grande diversité microbienne et une richesse génétique sont d’une importance capitale dans l’équilibre hôte-microbiote. Le donneur idéal doit donc être sélectionné d’après sa richesse bactérienne. Un marqueur pour cette propriété a été proposé par Marie Joossen (Louvain, Belgique), qui a souligné que la présence de Blastocystis hominis était corrélée avec une plus grande richesse microbienne [1]. Cette observation – si elle est confirmée par d’autres – pourrait changer notre pratique, qui consiste actuellement à écarter les porteurs de cette espèce commensale des donneurs potentiels. L’enrichisse- ment du microbiote du donneur avec des prébiotiques ou l’utilisation de multiples donneurs pourraient aussi (en théorie) garantir une plus grande diversité initiale des selles à transplanter. Ce phénomène a également été observé par Karakan et al. (Ankara, Turquie), qui ont réalisé un essai ouvert dans la rectocolite hémorragique avec un taux global de réponse complète de 32 %, particulièrement influencé par une importante diversité bactérienne dans la matière fécale donnée.

Le nouvel or brun

Le respect strict des recommandations actuelles en matière de sélection des donneurs de matière fécale impose de rejeter la plupart des donneurs. Terveer et al. (Leyde, Pays-Bas) rapportent que seuls 3,5 % des donneurs potentiels conviennent in fine [2]. Les principales raisons de refus sont les suivantes : âge supérieur à 50 ans, IMC élevé et statut du porteur vis- à-vis des germes non pathogènes (Blastocystis hominis, Dientamoeba fragilis) et des organismes multirésistants (OMR) [2].

Clostridium Difficile 

La principale indication de la transplantation de microbiote fécal reste l’infection récidivante à Clostridium difficile. Dans une série rétrospective de 282 patients atteints d’une infection à C. difficile, Ianiro et al. (Rome, Italie) ont comparé traitement antibiotique et transplantation fécale ; ils ont montré que la greffe entraînait un raccourcissement significatif de la durée d’hospitalisation, une diminution significative de la mortalité, en particulier par sepsis.

Antonio Gasbarrini (Rome, Italie) estime que l’heure est venue de promouvoir la transplantation de microbiote fécal en traitement de première ligne dans l’infection à C. difficile.

Élargir la portée de la TMF

A. Gasbarrini a proposé une revue intéressante des indications prometteuses de la transplantation de microbiote fécal. Il a été démontré que les greffes fécales res- taurent davantage le microbiote humain que les probiotiques après une dysbiose induite par antibiotiques chez l’homme. La même observation a été faite après une dysbiose induite par chimiothérapie et antibiotiques dans le cadre d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques et chez des patients atteints de cirrhose hépatique. Des modèles murins démontrent même une restauration de la fonction immunitaire et de l’intégrité intestinale après une atteinte intestinale induite par chimiothérapie. A. Gasbarrini plaide donc en faveur d’une conservation préventive des selles en vue d’une transplantation autologue ultérieure de microbiote fécal, par exemple après une antibiothérapie ou une greffe de moelle osseuse. Il faut attendre d’obtenir des preuves in vivo dans le cadre d’essais cliniques avant de pouvoir mettre en œuvre cette stratégie, qui pourrait bien voir le jour à l’avenir. Quoi qu’il en soit, il semble assez logique que la collecte des propres selles du patient en vue d’une transplantation autologue ultérieure soit la voie à suivre.

Rectocolite hémographique

Dans 3 essais randomisés et contrôlés publiés sur 4, la transplantation de microbiote fécal était supérieure au placebo chez des patients atteints de rectocolite hémorragique (RCH) réfractaire [3]. Le taux moyen de rémission observé dans ces études n’était néanmoins que de 25 à 30 %, et Rainer et al. (Graz, Autriche) ont présenté une étude avec des taux similaires de rémission complète, montrant l’absence de valeur ajoutée de l’ad- ministration de selles fraîches chez ces patients. Cependant, il n’existait jusqu’à présent aucun protocole standardisé de transplantation fécale dans la RCH. Des taux de rémission de 30 % semblent faibles, mais il faut mettre les choses en perspective : c’est également le taux de rémission obtenu avec les biomédicaments, très coûteux et largement utilisés [...]. L’importance du microbiote colique dans la RCH a été mise en évidence par Herrera-de Guise et al. (Barcelone, Es- pagne), qui ont montré que les patients en rémission stable prolongée (depuis plus de 5 ans) présentent une abondance de Akkermansia muciniphila et Faecalibacterium prausnitzii similaire à celle observée chez les témoins sains. Ces auteurs suggèrent même que nous devrions réfléchir à un changement de paradigme dans le traitement de la RCH : notre objectif thérapeutique ne devrait peut-être plus être l’immunosuppression, mais plutôt la recherche d’un équilibre du microbiote.

Syndrome de l'intestin irritable

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est assurément la maladie pour laquelle les attentes de guérison par transplantation fécale sont très élevées, à la fois chez les patients et les professionnels de santé. Pourtant, les résultats contradictoires des essais randomisés et contrôlés [4, 5] ne vont actuellement pas dans le sens d’un usage généralisé de ce traitement dans le SII. La dysbiose intestinale est présente dans le SII mais il semble ne pas y avoir de lien de causalité clair entre ces modifications microbiennes et les symptômes. Halkjaer et al. (Copenhague, Danemark) ont réalisé un essai randomisé et contrôlé chez 52 patients adultes ; une augmentation de la biodiversité (comparable à celle des donneurs) a été observée chez les patients du groupe traitement actif [5]. Malheureusement, le groupe placebo a obtenu un résultat clinique significativement meilleur à 3 et 6 mois que celui recevant des capsules fécales [5]. Dans une petite cohorte de 16 patients at- teints du SII, Holster et al. (Orebro, Suède) n’ont pas pu démontrer l’efficacité de la transplantation fécale vs placebo. Ils ont également étudié la sensibilité rectale par barostat et n’ont montré aucune différence entre les groupes actif et témoin, concluant que la modification du microbiote ne contribue pas à l’hypersensibilité viscérale dans le SII.

Gélules de bactéries

Ianiro et al. ont réalisé avec succès un essai en ouvert dans l’infection à C. difficile avec une suspension de microbiote synthétique (10 patients seulement). Khanna et al. (Rochester, États-Unis) ont également démontré l’efficacité d’un produit restaurant le microbiote administré par voie orale, lyophilisé et non congelé (RBX7455) dans la prévention de l’infection récidivante à C. difficile dans un essai ouvert de phase I. Ces résultats sont prometteurs et doivent être confirmés dans des essais randomisés à grande échelle.

Conclusion

Le congrès UEGW 2018 a permis d’en savoir plus sur les critères de sélection des donneurs ainsi que sur les nouvelles indications prometteuses de la transplantation fécale qui pourraient apparaître dans les années à venir. À ce jour, l’infection récidivante à Clostridium difficile reste la seule indication validée de ce traitement, qui n’est pas encore au point dans d’autres affections.

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Pratiques alimentaires de la naissance à 12 mois : quel impact sur le microbiote intestinal et le risque de surpoids ?

Article commenté - Rubrique enfant

Par le Pr. Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Photo : Feeding practices from birth to 12 months: impact on the gut micro- biota and the risk of being overweight

Commentaire de l’article original de Forbes et al. (JAMA Pediatr 2018) [1]

L’objectif était de définir le lien entre modalités d’alimentation, microbiote et surpoids chez le nourrisson et le jeune enfant. L’étude a inclus 1 087 nourrissons ; le microbiote fécal a été caractérisé à M3-M4 et M12 par séquençage de l’ARNr 16S. À M3, les nourrissons exclusivement nourris au lait maternisé avaient un risque accru de surpoids. À M12, les profils étaient significativement différents selon les pratiques alimentaires à M6 : la supplémentation en lait maternisé chez les nourrissons partiellement allaités était associée à un profil similaire à celui des nourrissons non-allaités, contrairement à la diversification alimentaire sans supplémentation préalable. L’allaitement maternel pourrait protéger du surpoids en modulant le microbiote ; à noter que ce dernier différait faiblement après une brève exposition au lait maternisé à la maternité. L’alimentation et la supplémentation avec lait maternisé semblent être associées à un surpoids contrairement aux autres aliments complémentaires.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Dès la naissance, certains facteurs influencent la survenue ultérieure d’une obésité. L’allaitement maternel a un effet protecteur, en partie en raison d’une teneur plus faible en protéines. Le microbiote intestinal (MI) doit également être pris en considération car il influence l’absorption et le métabolisme énergétique. Le MI se met en place au cours des 2-3 premières années de vie, et le mode d’alimentation du nouveau-né (allaitement maternel vs laits pour nourrissons) est l’un des facteurs principaux de modulation du MI. Chez les adultes obèses, la diversité du MI est diminuée et le rapport Firmicutes/Bacteroidetes augmenté.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Cette étude est basée sur les données de la cohorte de naissance CHILD (Canadian Healthy Infant Longitudinal Development) ; 1 087 enfants de cette cohorte ont été inclus avec analyse du microbiote fécal à 3-4 mois (n = 996), à 12 mois (n = 821) et aux 2 temps (n = 730). Les mères ont rempli des questionnaires concernant les modalités d’alimentation à 3 et 6 mois, ce qui a permis de distinguer différents groupes en fonction de l’allaitement maternel (Tableau 1). Le taux d’accouchement par voie basse était de 74,2 % ; 39,8 % des mères étaient en surpoids ou obèses. Le taux d’allaitement exclusif était de 53,8 % à 3 mois et de 17,6 % à 6 mois.

À 3 mois, l’allaitement exclusif protégeait du risque de surpoids (défini par un rapport poids mesuré/poids attendu pour la taille > 85e p) à 12 mois par rapport à la prise exclusive de lait infantile : 19,2 % vs 33,3 %, sans effet significatif de l’ajuste- ment (Tableau 1). À 6 mois, la prise de lait infantile en complément de l’allaitement augmentait ce risque de surpoids à 12 mois, ce qui n’était pas le cas pour les aliments solides. Enfin, un allaitement prolongé avait un effet protecteur.

Comme attendu, on retrouve à 3-4 mois une richesse et une diversité du MI différentes en fonction de l’alimentation des nourrissons ; il existe une structure significativement différente du MI entre les nourrissons exclusivement allaités et les groupes de nourrissons non allaités (figure1). En augmentant l’allaitement exclusif, les auteurs retrouvaient une abondance relative augmentée des Bifidobacteriaceae et des Enterobacteriaceae et une diminution des LachnospiraceaeVeillonellaceae et Ruminococcaceae.

Le MI à 12 mois était plus homogène mais des différences persistaient en fonction du mode d’alimentation à 6 mois : richesse augmentée chez les nourrissons recevant, au moins en partie, des laits pour nourrissons ; abondance relative d’Actinobacteria et de Proteobacteria plus élevée dans le groupe allaitement exclusif et plus basse chez ceux non-allaités.

Le surpoids ou le risque de surpoids à 12 mois était augmenté quand le MI était plus riche à 3-4 mois, notamment en Lachnospiraceae avec une abondance relative médiane de 5,9 % (surpoids), 4,7 % (risque de surpoids) et 1,9 % (poids normal) (p = 0,01) (Figure 2).

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Points clés

  • L’allaitement maternel protège du surpoids à un an

  • Cet effet est médié par la constitution du microbiote intestinal

  • Des études sont nécessaires pour rechercher si cet effet persiste à plus long terme

Quelles conséquences en pratique ?

Cette étude montre d’une part le bénéfice de l’allaitement maternel sur le surpoids à un an et d’autre part que ce bénéfice est lié à une modulation du MI. En outre, il est important de promouvoir un allaitement maternel exclusif dès la naissance, en limitant la prise de complément de lait pour nourrissons à la maternité. Enfin, ce bénéfice est majoré par un allaitement maternel prolongé. L’introduction d’aliments solides n’a pas d’impact négatif alors que la prise de complément de lait pour nourrissons en a un.

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Conclusion

L’allaitement maternel, a fortiori prolongé, a un effet protecteur sur le surpoids à un an. Même utilisés en complément, les laits pour nourrissons entraînent une augmentation de la richesse et de la diversité du MI à 3-4 mois, notamment en Lachnospiraceae, et un risque de surpoids à 12 mois augmenté.

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