L’antibioprophylaxie intrapartum pour traiter une infection à SGB

Revue de presse

Par le Pr. Ener Cagri DINLEYICI
Service de pédiatrie, Faculté de médecine de l’Université Eskişehir Osmangazi, Eskisehir, Turquie

Photo : Intrapartum antibiotic prophylaxis for gbs infection

Un autre facteur de risque précoce important ayant un impact sur la composition du microbiote intestinal du nourrisson

Au cours de la petite enfance, la composition du microbiote a une influence importante sur la programmation immunologique et métabolique précoce qui peut prédisposer les enfants au risque de développer des maladies plus tard au cours de la vie. Les 1 000 premiers jours de vie représentent une période critique pour la vie entière et les événements précoces (mode d’accouchement, naissance prématurée, méthodes d’alimentation et consommation d’antibiotiques) peuvent avoir un impact sur le microbiote intestinal et nasopharyngé.

Des études ultérieures récentes et prévues visent à évaluer d’autres facteurs de risque éventuels pendant la grossesse et après la période de la petite enfance. L’administration intrapartum d’antibiotiques est largement employée dans le monde entier pour la prévention des infections maternelles associées aux accouchements par césarienne et la prévention/gestion des infections streptococciques du groupe B (SGB).

L’étude récente menée par Stearns et al., publiée dans Scientific Reports [1], est un exemple important des effets des antibiotiques sur la composition à long terme du microbiote intestinal des nourrissons allaités, nés à terme et en bonne santé. Dans cette étude, les auteurs ont décrit la composition du microbiote chez 53 nourrissons nés par voie basse n’ayant pas été exposés aux antibiotiques, 14 nourrissons ayant été exposés à une antibioprophylaxie intrapartum des infections à SGB et 7 nourrissons nés par césarienne, au Canada.

Dans l’ensemble, le microbiote intestinal des nourrissons nés par voie basse n’ayant pas été exposés à une antibioprophylaxie intrapartum différait significativement de celui des nourrissons nés par voie basse mais ayant été exposés à une antibioprophylaxie intrapartum des infections à SGB ou des nourrissons nés par césarienne (également exposés à une antibioprophylaxie intrapartum). En ce qui concerne les résultats de cette étude, le microbiote fécal des nourrissons exposés à une antibioprophylaxie intrapartum présentait une diversité alpha significativement moindre, et l’antibioprophylaxie intrapartum pour l’exposition au SGB pendant un accouchement par voie basse pourrait affecter les taux de Bifidobacterium (retard d’expansion) au cours des12 premières semaines de vie. Cette étude a également montré que la colonisation du microbiote intestinal des nourrissons différait en termes de distribution des bactéries comme dans la majorité des études publiées sur l’effet du mode d’accouchement sur la composition du microbiote intestinal.

Cette étude a révélé qu’une antibioprophylaxie intrapartum des infections à SGB avait une incidence sur tous les aspects de l’écologie microbienne de l’intestin y compris la richesse, la diversité, la structure communautaire des espèces et l’abondance des genres de bactéries colonisatrices. Les résultats de cette étude ont également montré qu’une antibioprophylaxie administrée pour quelque raison que ce soit pourrait affecter la composition du microbiote intestinal des nourrissons et ce résultat a souligné l’importance d’avoir recours aux antibiotiques de manière appropriée.

En 2016, Cassidy-Bushrow et ses collaborateurs ont publié les interactions entre une infection à SGB de la mère et le microbiote intestinal des nourrissons [2]. Dans cette étude menée dans le cadre d’une cohorte de naissances à risque général basée sur la population, des échantillons de selles ont été recueillis dans les couches des nourrissons âgés de 1 et 6 mois. Les auteurs ont montré que le statut SGB de la mère était statistiquement et significativement associé à la composition bactérienne intestinale au 6e mois et que les nourrissons nés de mères positives au SGB présentaient un enrichissement important en Clostridiaceae, Ruminococcoceae et Enterococcaceae au 6e mois. Mazzola et al. ont également démontré les conséquences à court terme d’une antibioprophylaxie intrapartum chez la mère administrée dans le but de prévenir une infection à SGB sur la population microbienne fécale des nourrissons, en particulier chez les nourrissons allaités [3].

Une altération de la composition du microbiote a été associée à l’obésité, aux allergies, aux maladies inflammatoires de l’intestin, au cancer du côlon ; d’autres études sont nécessaires pour la définition (le cas échéant) des effets de causalité. Ces résultats mettent également en évidence les besoins médicaux non satisfaits en termes d’immunisation maternelle avec des vaccins éventuels contre le SGB.

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Revue de presse

Focus sur la semaine asie-pacifique des maladies digestives

Retour de congrès

Par le Pr. Uday C Ghoshal
Département de gastro-entérologie, SGPGI, Lucknow, Inde

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La compréhension du système digestif et des troubles intestinaux s’est récemment améliorée grâce à l’acquisition de connaissances sur le microbiote intestinal (MI) et la dysbiose [1]. Lors de ce congrès, plusieurs aspects du MI ont été présentés et sont évoqués dans cet article.

Description du microbiote intestinal

Considéré comme un véritable organe, le MI comprend 10 fois plus de microorganismes (1014) que de cellules humaines dans notre corps (1013). Il exerce différentes fonctions parmi lesquelles : la digestion des aliments, le métabolisme des médicaments et des toxines, la synthèse de vitamines, un effet de barrière vis-à-vis des bactéries pathogènes, une modulation des fonctions immunitaires, neuro-hormonales et du système nerveux central [2]. Compte tenu de ses nombreuses fonctions, on peut en déduire que son altération est associée à plusieurs maladies et que sa modulation peut être bénéfique.

Rôle du microbiote intestinal dans le cancer colorectal

L’association entre microorganismes et cancer est connue (Figure 1) [3]. Des données récentes suggèrent que la dysbiose pourrait jouer un rôle dans le cancer colorectal. Le microbiote fécal des patients présentant une polypose colique ressemble à celui des patients présentant un cancer colorectal. Alors que Clostridium spp., Bacteroides et Bifidobacterium spp. sont associées au cancer colorectal, les bactéries productrices d’acide lactique (par ex. : Lactobacillus spp. ou Eubacterium aerofaciens) sont négativement associées au cancer colorectal. La production de méthane et de H2S (sulfure d’hydrogène) associée au microbiote intestinal, et la présence de Streptococcus bovis pourraient jouer un rôle dans le développement du cancer colorectal. Par ailleurs, il a récemment été suggéré que l’obésité pourrait être liée au MI, et celle-ci constitue un facteur de prédisposition au cancer colorectal.

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Microbiote intestinal et obésité

L’extraction des calories des aliments dépend non seulement de la fonction digestive de l’intestin grêle, mais également de l’extraction des calories mal absorbées par le microbiote colique. Alors que la présence de Firmicutes est associée à une extraction plus importante des calories, les Bacteroidetes ont un effet opposé [4]. Il a été démontré que le microbiote fécal des personnes obèses était différent de celui des personnes non obèses. Dans une étude de cohorte rétrospective menée au Royaume-Uni chez 21 714 nourrissons, 1 306 (6 %) sont devenus obèses à l’âge de 4 ans. Selon les analyses de régression logistique tenant compte du contexte familial, l’exposition aux antibiotiques avant l’âge de 2 ans a été associée au développement de l’obésité et le nombre de cycles d’antibiotique était corrélé avec le développement de l’obésité [5].

Autres syndromes métaboliques

La stéatose hépatique non alcoolique (SHNA) et le syndrome métabolique peuvent être associés à une dysbiose, comprenant une augmentation du nombre de bactéries présentes dans la région haute de l’intestin [6]. Une étude non contrôlée et trois études cas-témoins ont montré que la surprolifération bactérienne de l’intestin grêle était associée à une SHNA [6]. Deux études ont montré une plus faible abondance relative de Bacteroidetes, et une plus grande abondance de C. coccoides et de Prevotella chez les patients présentant une SHNA. Une extraction plus importante des calories des glucides complexes non absorbés, une résistance à l’insuline et une production endogène d’alcool peuvent contribuer à la pathogenèse de la SHNA due à la dysbiose. Le MI joue un rôle important dans le métabolisme du glucose, la résistance à l’insuline, le diabète, et a une incidence sur son traitement. Le microbiote fécal des patients atteints de diabète est différent de celui de la population-contrôle [4]. Il a été montré qu’il était un facteur de régulation important de la glycémie après l’ingestion de différents aliments, indépendamment de l’exercice physique, ou du mode de vie [7]. La metformine, un agent hypoglycémique oral, peut en partie agir en altérant le microbiote intestinal. Bien que les études sur le rôle du microbiote dans la coronaropathie soient rares et les résultats mitigés, de nouvelles données suggèrent qu’il pourrait jouer un rôle dans cette maladie.

Usage abusif d’antibiotiques en asie

L’usage d’antibiotiques est important en Asie et la mise en place de politiques encourageant un usage approprié laisse à désirer, avec un risque d’apparition de microorganismes super-résistants aux antibiotiques. Cet usage abusif s’explique par une disponibilité illimitée et des indications non appropriées comme le rhume ou la gastro-entérite aiguë. Les probiotiques, lorsqu’ils sont indiqués, peuvent aider à limiter l’usage abusif d’antibiotiques.

Manipulation du microbiote intestinal par des agents autres que les antibiotiques

Alors que la modulation du microbiote par la rifaximine est bien connue, les probiotiques et la transplantation fécale sont potentiellement intéressants pour prendre en charge les pathologies associées à la dysbiose. Les probiotiques peuvent être prescrits de façon concomitante en cas de traitement d’éradication d’Helicobacter pylori. Des méta-analyses ont montré que l’administration concomitante de probiotiques pouvait restaurer l’eubiose et augmentait [2] les taux d’éradication en raison de la diminution des effets indésirables et d’une meilleure observance [9].

À partir de 23 essais contrôlés randomisés, l’American College of Gastroenterology a recommandé le recours aux probiotiques pour améliorer les ballonnements et flatulences dans le syndrome de l’intestin irritable [8]. Une revue Cochrane a montré l’utilité des probiotiques dans la prévention de la diarrhée associée à Clostridium difficile [9]. Une méta-analyse a montré que les probiotiques à base de plusieurs espèces induisaient et maintenaient une rémission dans la rectocolite hémorragique, alors que les données sur la maladie de Crohn sont limitées [10].

Orientations futures

Dans le but de former un consortium Asie- Pacifique sur le MI, similaire aux groupes européens et nord-américains, et afin d’examiner les données actuelles dans la région Asie-Pacifique, un consensus a été récemment élaboré et publié [9]. Les principales conclusions de ce consensus sont les suivantes : un nombre croissant de données étaye le potentiel thérapeutique des probiotiques dans la modulation des fonctions gastro-intestinales et le soulagement des symptômes de ces troubles, mais d’autres recherches sont nécessaires [9].

Sources

1 Ghoshal UC, Ghoshal U. Small Intestinal Bacterial Overgrowth and Other Intestinal Disorders. Gastroenterol Clin North Am. 2017;46(1):103-120.

2 Ghoshal UC, Shukla R, Ghoshal U, et al. The gut microbiota and irritable bowel syndrome: friend or foe?. Int J Inflam. 2012;2012:151085.

3 Wroblewski LE, Peek RM Jr, Coburn LA. The Role of the Microbiome in Gastrointestinal Cancer. Gastroenterol Clin North Am. 2016;45(3):543-556.

4 Sohail MU, Althani A, Anwar H, et al. Role of the Gastrointestinal Tract Microbiome in the Pathophysiology of Diabetes Mellitus. J Diabetes Res. 2017;2017:9631435.

5 Scott FI, Horton DB, Mamtani R, et al. Administration of Antibiotics to Children Before Age 2 Years Increases Risk for Childhood Obesity. Gastroenterology. 2016;151(1):120-129.e5. 

6 Ghoshal UC, Baba CS, Ghoshal U, et al. Low-grade small intestinal bacterial overgrowth is common in patients with non-alcoholic steatohepatitis on quantitative jejunal aspirate culture. Indian J Gastroenterol. 2017;36(5):390-399.

7 Zeevi D, Korem T, Zmora N, et al. Personalized Nutrition by Prediction of Glycemic Responses. Cell. 2015;163(5):1079-1094.

Chey WD. SYMPOSIUM REPORT: An Evidence-Based Approach to IBS and CIC: Applying New Advances to Daily Practice: A Review of an Adjunct Clinical Symposium of the American College of Gastroenterology Meeting October 16, 2016 • Las Vegas, Nevada. Gastroenterol Hepatol (N Y). 2017;13(2 Suppl 1):1-16.

9 Derwa Y, Gracie DJ, Hamlin PJ, Ford AC. Systematic review with meta-analysis: the efficacy of probiotics in inflammatory bowel disease. Aliment Pharmacol Ther. 2017;46(4):389-400.

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Rapport du 30e congrès européen sur helicobacter

Retour de congrès

Par le Pr. Francis Mégraud
Laboratoire de Bactériologie, CHU Pellegrin, Bordeaux, France

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Le 30e congrès du groupe d’étude européen sur Helicobacter et le microbiote (European Helicobacter & Microbiota Study Group) s’est tenu du 7 au 9 septembre 2017 à Bordeaux, où la première rencontre de ce groupe avait eu lieu en 1988. L’addition du thème du microbiote intestinal a constitué une évolution importante, avec notamment un cours post-universitaire sur « Antibiothérapie et intestin - Nouveaux concepts », un cours magistral sur le microbiote et plusieurs sessions et ateliers sur le sujet.

L’apport determinant de la culturomique

La première présentation du cours post-universitaire a été faite par D. Raoult (Marseille), qui a revisité le concept du microbiote intestinal à l’aide de la culturomique. En effet, les études utilisant le séquençage de l’ADNr 16S et la métagénomique ont ouvert la voie mais présentent des limites telles que des discordances survenant au niveau de l’extraction de l’ADN, de l’analyse du séquençage bio-informatique, ainsi que des partenaires minoritaires non détectés. C’est pour ces raisons que le concept de culturomique a émergé, permettant la découverte d’un nombre important de nouvelles espèces bactériennes, d’Archea et également de grands virus, qui ne pouvaient pas être détectés par le biais d’analyses métagénomiques. Cette approche qui était extrêmement lourde au début (200 milieux de culture différents utilisés) est maintenant plus pratique dans son laboratoire en utilisant seulement 17 milieux de culture tout en permettant la découverte de nouveaux micro-organismes chaque semaine.

Microbiote et antibiotiques

La seconde présentation était également fascinante. M. Blaser (New York, États- Unis) a présenté le lien suspecté entre les perturbations du microbiote intestinal et plusieurs maladies chroniques dont l’étiologie est encore incertaine telles que l’asthme, l’obésité, le diabète, les maladies inflammatoires de l’intestin… La prévalence de ces maladies est en augmentation dans le monde entier et reflète le recours accru aux antibiotiques. Des données sont maintenant disponibles montrant que les bactéries qui ont coévolué avec l’homme sont essentielles à son bon état de santé. Il existe une tranche d’âge pendant laquelle le microbiote se met en place (0 à 3 ans) et la consommation d’antibiotiques à cet âge peut entraîner la disparition d’une partie du microbiote et donc de la diversité bactérienne qui est un critère de santé important. Des expériences menées chez la souris ont montré que les antibiotiques peuvent modifier la composition du microbiote intestinal, ce qui entraîne une augmentation de l’adiposité, une modification de la réponse immunitaire et favorise le développement de plusieurs maladies.

Après la description de l’état actuel de la dysbiose intestinale associée à plusieurs maladies, une approche intéressante a consisté à envisager comment limiter l’impact des antibiotiques sur le microbiote intestinal. Une première approche consiste à ajouter des probiotiques aux traitements antibiotiques mais tous les probiotiques ne sont pas égaux. Saccharomyces boulardii est le chef de file dans ce domaine. Toutes les études ont montré un effet bénéfique de cette levure sur la diarrhée associée aux antibiotiques. Parmi les lactobacilles, il existe une espèce émergente à cet égard : Lactobacillus rhamnosus GG telle que développée par H. Sokol.

De nouvelles approches

Il existe actuellement des approches autres que les probiotiques pour prévenir la dysbiose intestinale qui ont été présentées par A. Andremont. En effet, les antibiotiques sont absorbés dans l’intestin grêle et leurs effets négatifs sur le microbiote intestinal se produisent essentiellement dans le côlon. Ainsi, des premières tentatives ont été faites pour apporter la β-lactamase dans le côlon pour éviter l’effet des antibiotiques β-lactamines, puis d’autres alternatives utilisant spécifiquement un charbon actif absorbant. Des expériences menées chez la souris et le chien ont été couronnées de succès, en particulier pour les antibiotiques du groupe des fluoroquinolones. Une fois qu’une dysbiose est établie, une restauration est possible à l’aide de la transplantation de microbiote fécal (TMF). La TMF allogénique est capable de guérir une infection à Clostridium difficile. La transplantation autologue pourrait être une option en cas de traitement antibiotique planifié et serait plus acceptable étant donné que le risque d’être exposé à un agent pathogène inconnu pourrait être évité. La TMF nécessite une législation commune en Europe et une normalisation du processus.

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Le contenu de selles de nourrissons ayant des coliques induit une hypersensibilité viscérale chez la souris

Article commenté - rubrique enfant

Par le Pr. Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Photo : Stool contents of colicky infants induce visceral hypersensitivity in mice

Commentaire de l’article original d'Eutamène et al. (Neurogastroenterol Motil 2017)

La physiopathologie des coliques infantiles est mal comprise, bien que plusieurs études rapportent une dysbiose du microbiote intestinal chez les nourrissons souffrant de coliques. Nous avions pour objectif de tester l’hypothèse selon laquelle la dysbiose liée aux coliques est associée à une hypersensibilité viscérale déclenchée par une altération du contenu intraluminal.

Des échantillons de matières fécales issus de 7 nourrissons souffrant de coliques et 7 nourrissons n’en souffrant pas ont été étudiés. Les surnageants fécaux ont été perfusés dans le côlon de souris C57/Bl6 (n = 10/échantillon). La sensibilité viscérale des animaux a ensuite été évaluée en enregistrant la réponse de leurs muscles abdominaux à une distension colorectale par électromyographie (EMG). Les activités des protéases à sérine et à cystéine ont été évaluées dans les surnageants fécaux à l’aide de substrats spécifiques. La composition du microbiote fécal des nourrissons a été analysée par extraction de l’ADN et pyroséquençage du gène codant l’ARNr 16S.

Les surnageants fécaux des nourrissons souffrant de coliques ont déclenché une activité EMG plus importante que ceux des nourrissons ne souffrant pas de coliques en réponse à de plus grands volumes de distension colorectale et globalement, selon une évaluation basée sur l’aire sous la courbe de l’EMG pour tous les volumes de distension colorectale. La durée des pleurs des nourrissons corrélait fortement avec l’activité EMG chez les souris. La richesse et la diversité phylogénétique du microbiote étaient augmentées dans le groupe souffrant de coliques, sans présenter d’altérations importantes de la composition microbienne. Seules Bacteroides vulgatus et Bilophila wadsworthia étaient augmentées dans le groupe souffrant de coliques. L’abondance de Bacteroides vulgatus corrélait positivement avec la sensibilité viscérale. Aucune différence n’a été observée au niveau des activités des protéases.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Les coliques du nourrisson font partie des troubles fonctionnels gastro-intestinaux et sont définies par les critères de Rome. La physiopathologie est encore mal connue même si un mécanisme douloureux intestinal est suspecté. Des études suggèrent qu’une perturbation du microbiote intestinal, une augmentation de la perméabilité intestinale et une inflammation intestinale de bas grade seraient impliquées dans l’hypersensibilité viscérale. Ces facteurs interviennent dans la physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable. Dans ce syndrome, une anomalie de la balance protéases/ antiprotéases participe à l’hypersensibilité viscérale et à l’inflammation de bas grade

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Cette étude avait pour objectif de rechercher si une perturbation du microbiote intestinal, associée à une augmentation des protéases intestinales, était capable d’induire une hypersensibilité viscérale. Des nourrissons en allaitement maternel âgés de 1 à 4 mois ont été inclus. Il n’y avait pas de différence concernant la durée de la grossesse, le poids de naissance et les antécédents familiaux d’allergie, entre le groupe colique (n = 7) et le groupe contrôle (n = 7). Par définition (critères de Rome III), seule la durée de pleurs différait, en moyenne de 240 ± 95,95 minutes (colique) versus 24,04 ± 19,65 minutes (contrôle).

Les lavements rectaux de selles de nourrissons avec coliques ont induit une hypersensibilité viscérale significative lors de la distension rectale avec des volumes plus importants (+ 55 %, p < 0,001 à 0,06 mL ; + 27 %, p < 0,001 à 0,08 mL et + 19 %, p < 0,001 à 0,1 mL) (Figure 1), mais également en réponse globale (augmentation de l’aire sous la courbe de + 33 %, p < 0,001). En outre, il existait une corrélation positive avec la durée des pleurs à ces volumes de distension (Figure 2).

En revanche, il n’y avait pas de différence au niveau des quantités de protéases (sérine, trypsine-like et élastase-like) entre les deux groupes.

Enfin, l’analyse du microbiote a montré une augmentation de diversité et une abondance augmentée de Bacteroides vulgatus et de Bilophila wadsworthia chez les enfants ayant des coliques du nourrisson. L’abondance relative de B. vulgatus était associée positivement à l’hypersensibilité des souris (p = 0,021) et non significativement à la durée des pleurs (p = 0,067).

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Points clés

  • Les selles de nourrissons ayant des coliques déclenchent une hypersensibilité viscérale, comme dans le cadre du syndrome de l’intestin irritable.

  • Des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer les composés impliqués, leur mécanisme d’action et leur lien avec une perturbation du microbiote intestinal.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Cette étude montre qu’un composant contenu dans les selles de nourrisson ayant des coliques est capable de déclencher une hypersensibilité viscérale chez la souris. Il pourrait s’agir d’une augmentation d’un composé nociceptif ou d’une diminution d’un composé antinociceptif. Il ne s’agit pas d’une perturbation de la balance protéolytique, mais il est possible que ce composé soit induit par un microbiote intestinal différent. Toutefois, il est nécessaire de réaliser des études complémentaires afin d’identifier quel pourrait être ce composé et quel serait le mécanisme d’action.

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Conclusion

Le transfert de selles de nourrissons ayant des coliques par lavement à des souris est capable d’induire une hypersensibilité viscérale. Ceci est en faveur d’un mécanisme douloureux abdominal et de l’implication, directe ou indirecte, du microbiote intestinal dans la physiopathologie des coliques du nourrisson. Ce modèle pourrait être utilisé afin de déterminer quelles sont les voies métaboliques modifiées par une perturbation du microbiote intestinal et impliquées dans les coliques du nourrisson.

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L’amélioration de la sensibilité à l’insuline après transplantation de microbiote fécal dépend de la composition initiale du microbiote des receveurs

Article commenté - rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Service de gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Commentaire de l’article original de Kootte et al. ( Cell Metab 2017)

Le microbiote intestinal est impliqué dans l’insulinorésistance bien que les preuves concernant le lien de causalité soient limitées. Nous avons comparé l’effet d’une transplantation de microbiote fécal (TMF) provenant d’un donneur mince (allogénique) à celui d’une autotransplantation (autologue) chez des patients de sexe masculin avec syndrome métabolique. Alors qu’aucun changement métabolique n’a été observé à 18 semaines après TMF, la sensibilité à l’insuline était significativement améliorée à 6 semaines dans le groupe TMF allogénique et cela était associé à une modification de la composition du microbiote. Nous avons aussi rapporté des changements dans les concentrations de métabolites plasmatiques comme l’acide γ-aminobutyrique et montré que la réponse métabolique après TMF (définie comme l’amélioration de la sensibilité à l’insuline 6 semaines après TMF) s’observe chez les patients ayant une diversité microbienne réduite à l’état basal. En conclusion, les effets bénéfiques de la TMF de donneurs minces sur le métabolisme glucidique sont associés à des changements du microbiote intestinal et des métabolites plasmatiques et peuvent être prédits par la composition basale du microbiote du receveur. [4]

Que sait-on déjà à ce sujet ?

L’obésité et les pathologies qui y sont reliées comme le diabète nécessitent de nouvelles approches thérapeutiques car les traitements actuels comme les modifications du mode de vie et les traitements antidiabétiques sont insuffisamment efficaces pour réduire la morbidité et la mortalité. Pendant la dernière décennie, les changements dans la composition du microbiote intestinal ont émergé comme une nouvelle stratégie thérapeutique potentielle pour améliorer la sensibilité à l’insuline [1]. Plusieurs études ont montré que la composition du microbiote intestinal est différente entre animaux minces et obèses, mais aussi que la composition microbienne pourrait être le reflet de fonctions métaboliques altérées avec notamment une perturbation des aliments ingérés [2]. Finalement, ces études chez l’animal ont suggéré un lien causal entre les anomalies du microbiote et le syndrome métabolique puisque le phénotype est transférable par TMF [2]. Bien que de nombreuses études observationnelles aient suggéré des corrélations entre une composition altérée du microbiote et le métabolisme chez l’homme, la causalité a été difficile à prouver. Les auteurs de la présente étude ont montré précédemment dans une petite étude pilote que la TMF de donneur mince à des hommes avec syndrome métabolique induisait une amélioration du métabolisme glucidique, parallèlement à des changements du microbiote fécal et duodénal [3]. Ces résultats ont poussé les auteurs à étudier les effets à court et long termes de la TMF de donneur mince sur la composition du microbiote intestinal dans un groupe plus grand d’hommes avec syndrome métabolique et à explorer la physiopathologie de l’insulinorésistance en corrélant les changements du microbiote intestinal à plusieurs marqueurs du métabolisme. De plus, les auteurs ont tenté d’identifier les caractéristiques basales du microbiote des receveurs permettant d’expliquer l’amélioration de l’insulinosensibilité chez certains patients (appelés répondeurs métaboliques) et pas chez d’autres (non répondeurs).

Points clés

  • La TMF provenant de donneur mince améliore l’insulinosensibilité de patients obèses avec syndrome métabolique

  • Il existe une variabilité interindividuelle dans la réponse et celle-ci est transitoire

  • L’amélioration de l’insulinosensibilité est reliée à des changements de métabolites plasmatiques

  • La réponse à la TMF est dépendante de la composition initiale du microbiote des patients

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Trente-huit hommes obèses avec syndrome métabolique ont été inclus et randomisés dans le groupe TMF allogénique (n = 26) ou autologue (n = 12). La TMF était réalisée par sonde nasoduodénale et répétée 6 semaines plus tard. Dix-huit semaines après la TMF, aucun effet n’était observé, ni sur le microbiote ni sur les paramètres du syndrome métabolique. En revanche, 6 semaines après la TMF, le microbiote du groupe TMF allogénique était modifié et les paramètres métaboliques et particulièrement l’insulinosensibilité étaient améliorés alors qu’aucun changement n’était observé dans le groupe TMF autologue (Figure 1). Contrairement à leur étude précédente, aucun changement dans la concentration de butyrate fécale n’a été observé [3]. En revanche, la TMF allogénique était associée à une augmentation de la concentration d’acétate fécal ainsi qu’à des modifications du taux d’une trentaine de métabolites sanguins dont plusieurs impliqués dans le métabolisme du tryptophane. Dans le sous-groupe des patients ayant répondu favorablement à la TMF allogénique, des changements ont été observés dans le microbiote fécal comme, par exemple, une augmentation de la bactérie Akkermansia muciniphila dont les effets favorables sur le syndrome métabolique ont été démontrés chez la souris. Les auteurs ont également mis en évidence que la composition basale du microbiote ainsi qu’une diversité faible étaient prédictives de la bonne réponse à la TMF.

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Quelles conséquences en pratique ?

Les interventions sur le microbiote intestinal, et particulièrement la TMF, sont une piste thérapeutique valable dans le syndrome métabolique. Néanmoins, il existe une forte variabilité interindividuelle dans la réponse, pouvant être liée à des facteurs de l’hôte mais aussi du donneur. Par ailleurs, les effets sont relativement modestes avec une TMF unique et, au mieux, ils sont transitoires. Des stratégies plus ciblées, comme l’utilisation de probiotiques de nouvelle génération (bactéries issues du microbiote), et avec une administration prolongée sont donc plus attractives et sont actuellement à l’étude.

Conclusion

Cette étude interventionnelle démontre que le microbiote intestinal est bien un acteur du syndrome métabolique et pas seulement un témoin passif. Les mécanismes impliqués pourraient passer par la production de métabolites par le microbiote intestinal modulant les voies de signalisation de l’hôte. Néanmoins, les effets sont relativement modestes et transitoires. Des stratégies plus ciblées, comme l’utilisation de probiotiques de nouvelle génération, et avec une administration prolongée, sont donc plus attractives et sont actuellement à l’étude.

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Article commenté

Traitement antibiotique chez le nourrisson : conséquences à court et à long termes sur le microbiome

Synthèse

Par le Pr. Yvan Vandenplas
Chef du service de Pédiatrie, KidZ Health Castle, Bruxelles, Belgique

Photo : Antibiotic treatment in infants: short and long-term consequences of the microbiome

Le microbiote intestinal humain fait référence à des micro-organismes vivant dans l’intestin dont le nombre a été estimé comme étant égal au nombre total de cellules humaines présentes dans l’organisme [1]. La colonisation microbienne de l’intestin humain commence in utero car des bactéries ont été trouvées dans le cordon ombilical, le placenta, le liquide amniotique et le méconium [2]. Après la naissance, le tractus gastro-intestinal est colonisé par un microbiote qui se diversifie rapidement, et c’est au cours des premières années de la vie qu’un microbiome intestinal stable se met en place. La colonisation microbienne est déterminée par de nombreux facteurs tels que le microbiote maternel, le mode d’accouchement, l’alimentation et les médicaments tels que les antibiotiques et les inhibiteurs de la pompe à protons [1]. Les antibiotiques détruisent non seulement les bactéries pathogènes, mais perturbent également profondément l’équilibre du microbiome gastro-intestinal. L’usage des antibiotiques a globalement augmenté de 36 % en une décennie, et ils représentent une cause connue de dysbiose [3]. Si les conséquences à court terme d’une dysbiose induite par les antibiotiques sont relativement bien connues, des données récentes apparaissent concernant les conséquences à long terme et font l’objet de cette revue.

Diarrhée associée aux antibiotiques

La conséquence la plus fréquente et la mieux étudiée de la dysbiose intestinale due à la prise d’antibiotiques est la diarrhée associée aux antibiotiques (DAA). La DAA se produit dans ± 20 % des cas sous antibiotiques et dépend de la classe d’antibiotique, de la présence de facteurs de risque chez les patients (facteurs de susceptibilité individuelle, statut de l’hospitalisation, infections nosocomiales) et de la définition de la DAA. La DAA est définie comme un changement de la fréquence des selles avec au moins 3 selles liquides par jour pendant 2 jours consécutifs, survenant au cours de (début précoce) ou 2 à 6 semaines après un traitement antibiotique (début tardif), et si aucune autre cause ne peut être identifiée (infection bactérienne ou virale intercurrente, usage d’un laxatif, autre cause). La classe d’antibiotique (à large spectre), la durée de l’administration et l’âge du patient sont des facteurs de risque de développer une DAA. L’administration de certaines souches de probiotiques telles que Lactobacillus rhamnosus et Saccharomyces boulardii réduit l’incidence et la sévérité de la DAA [4].

Antibiotiques en début de vie

Les antibiotiques peuvent avoir un impact beaucoup plus large, en particulier s’ils sont administrés au cours de la période périnatale ou à des nourrissons. Les antibiotiques administrés intrapartum au cours d’un accouchement par césarienne ou par voie basse sont associés à une dysbiose du microbiote intestinal chez le nourrisson [5]. Une dysbiose acquise au cours de la période périnatale ou tôt en début de vie induira des conséquences à long terme. Un traitement antibiotique administré chez la mère pendant sa grossesse et l’allaitement entraîne de profondes altérations de la composition du microbiote chez les mères et les nourrissons [6]. L’administration d’antibiotiques en période prénatale est associée à un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé à 2 ans [7].

Antibiotiques et poids

Des doses sous-thérapeutiques d’antibiotiques ont été utilisées comme stimulateurs de croissance dans l’élevage depuis les années 1950 [8]. L’effet est plus prononcé pour les antibiotiques à large spectre, et il est atténué lorsque les animaux sont élevés dans des conditions sanitaires. Des preuves empiriques croissantes suggèrent que les antibiotiques affectent également la croissance chez l’homme. Dès 1955, un essai contrôlé randomisé mené chez des recrues de la Marine a montré qu’un traitement antibiotique de 7 semaines entraînait une prise de poids significativement plus importante dans le groupe traité par rapport au placebo [8].

Il existe une relation linéaire positive entre le poids à la naissance et l’IMC chez les enfants âgés de 6 à 7 ans, qui est présente dans les pays à revenu élevé et à faible revenu [9]. Le microbiote intestinal des nourrissons permet de prédire l’IMC ultérieur et peut servir d’indicateur précoce du risque d’obésité. Les bifidobactéries et les streptocoques, qui sont des indicateurs de la maturation du microbiote chez les nourrissons, sont des candidats potentiels à la programmation métabolique des nourrissons, et leur influence sur l’IMC semble dépendre de l’usage des antibiotiques [10]. L’exposition aux antibiotiques avant l’âge de 6 mois, ou à plusieurs reprises au cours de la petite enfance, a été associée à une augmentation de la masse corporelle chez les enfants en bonne santé [11].

L’exposition répétée aux antibiotiques en début de vie, en particulier aux β-lactamines, est associée à une augmentation du poids et de la taille [12]. De tels effets peuvent jouer un rôle dans l’épidémie mondiale de l’obésité et souligner l’importance de l’usage judicieux des antibiotiques dans la petite enfance, en préférant les antibiotiques à spectre étroit [11]. Si la causalité de l’obésité peut être établie dans les études à venir, cela mettra davantage en évidence la nécessité d’employer de façon restrictive les antibiotiques [12].

L’administration de trois cycles d’antibiotiques ou plus avant que les enfants n’atteignent l’âge de 2 ans est associée à un risque accru d’obésité dans la petite enfance [13]. Dans une étude de cohorte, 6,4 % des enfants étaient obèses à l’âge de 4 ans [13]. Dans cette cohorte, l’exposition aux antibiotiques a été associée à un risque accru d’obésité à 4 ans ; plus le nombre de cycles d’antibiotiques était élevé, plus le risque était important [13]. Les enfants recevant des antibiotiques au cours de la première année de vie sont plus susceptibles d’être en surpoids plus tard dans l’enfance que ceux n’ayant pas été exposés (32,4 vs 18,2 % à l’âge de 12 ans, p = 0,002) [14]. Une exposition répétée à des antibiotiques à large spectre entre 0 et 23 mois est associée à une obésité infantile précoce [15].

Cependant, certaines études ont rapporté des résultats contradictoires. Une exposition aux antibiotiques dans les 6 premiers mois de vie par rapport à une absence d’exposition n’était pas associée à une différence statistiquement significative en termes de prise de poids à l’âge de 7 ans [16].

Microbiome intestinal, immunité et allergie alimentaire

Les interactions symbiotiques entre l’hôte et les microbes sont essentielles au développement immunitaire et métabolique de l’hôte. La colonisation précoce du microbiote peut influencer l’apparition de troubles métaboliques et immunitaires [1].

Une association claire a été trouvée entre l’utilisation précoce des antibiotiques (3 cycles ou plus) et l’allergie au lait, l’allergie aux aliments autres que laitiers et d’autres allergies dans une analyse longitudinale des données de 30 060 enfants [17]. Les associations sont devenues plus fortes pour les âges plus jeunes et différaient selon la classe d’antibiotiques [17].

L’usage d’antibiotiques par la mère avant et pendant la grossesse a été associé à un risque accru d’allergie au lait de vache chez les enfants et persistait après ajustement sur des facteurs confondants potentiels [17]. Le risque d’allergie au lait de vache augmentait avec l’augmentation du nombre d’antibiotiques utilisés par les enfants de la naissance au diagnostic (test de tendance p < 0,001) [18]. Une prophylaxie antibiotique intrapartum de la mère avait un impact significatif sur la population microbienne fécale des nourrissons, en particulier chez les nourrissons allaités [19]. L’administration intrapartum d’antibiotiques entraîne une réduction significative des souches de Bifidobacterium spp. [20]. La diminution de l’abondance de ces micro- organismes bénéfiques, associée à l’augmentation de la quantité de bactéries potentiellement pathogènes, peut suggérer que ces nourrissons sont plus exposés à des troubles gastro-intestinaux ou à des problèmes de santé lorsqu’ils sont plus âgés [20].

Antibiotiques et voies respiratoires

Les antibiotiques administrés pendant la première semaine de vie constituent un facteur de risque de rhinite allergique et de respiration sifflante, tandis que l’introduction précoce d’aliments solides tels que le poisson et le fait de vivre à la ferme sont des facteurs protecteurs vis-à-vis du développement d’une maladie allergique ultérieure. Les antibiotiques pris par le nourrisson au cours de la première année de vie sont associés à un risque accru d’asthme pendant l’enfance [21]. La force de l’association varie avec la classe de l’antibiotique, en corrélation avec leur effet sur le microbiome gastro-intestinal [21].

L’exposition aux antibiotiques a été associée à un risque accru d’asthme à l’âge de 3 et 6 ans en présence ou en l’absence d’une infection des voies respiratoires inférieures au cours de la première année de vie [22]. L’effet indésirable des antibiotiques était particulièrement fort chez les enfants ne présentant pas d’antécédents familiaux d’asthme (P(interaction) = 0,03) [22]. La prise d’antibiotiques était également un facteur de risque d’un résultat positif au dépistage cutané ou sanguin des allergies.

L’utilisation d’antibiotiques au cours de la première année de vie a été associée au développement d’une respiration sifflante transitoire et d’un asthme persistant [23]. Un effet dose-réponse a été observé : lorsque 5 cycles d’antibiotiques ou plus étaient administrés, le risque de développer de l’asthme augmentait de manière significative (p < 0,001). Il n’y a aucune association entre l’utilisation des antibiotiques et l’asthme d’apparition tardive [23]. L’utilisation des antibiotiques au cours de la première année de vie est associée à un risque accru d’asthme d’apparition précoce dans l’enfance débutant avant l’âge de 3 ans. Une causalité inverse et un biais protopathique peuvent être des facteurs confondants pour cette relation [23].

Antibiotiques et MICI

L’exposition aux antibiotiques tout au long de l’enfance est associée au développement de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), et cette relation diminue avec l’augmentation de l’âge lors de l’exposition aux antibiotiques. Une exposition avant l’âge de 1 an a été associée à un risque plus élevé, diminuant à 5 et 15 ans, même s’il est toujours indiqué que les antibiotiques à l’âge de 15 ans constituent un facteur de risque important de développer des MICI [24]. Chaque cycle d’antibiotiques augmentait le risque de MICI de 6 % (4 à 8 %) [24]. Comme pour toute étude observationnelle, la causalité ne peut être déduite à l’heure actuelle et il faut également envisager des facteurs confondants selon l’indication comme la prescription d’antibiotiques aux enfants présentant des symptômes intestinaux de maladie de Crohn non encore diagnostiquée [25]. L’utilisation des antibiotiques est fréquente dans l’enfance et constitue un facteur de risque potentiel de MICI justifiant un examen minutieux [25]. L’exposition aux antibiotiques a été fortement associée à la maladie de Crohn, de façon plus marquée chez les enfants, mais n’a pas été associée de manière significative à la rectocolite hémorragique [26].

Antibiotiques et diabète

L’exposition à une seule prescription d’antibiotiques n’a pas été associée à un risque accru de diabète [27], alors que le traitement par 2 à 5 cycles d’antibiotiques a été associé à un risque accru de diabète pour la pénicilline, les céphalosporines, les macrolides et les quinolones. Le risque augmentait avec le nombre de cycles d’antibiotiques. Il n’y avait aucune association entre l’exposition à des agents antiviraux et antifongiques et le risque de diabète [27]. L’exposition aux antibiotiques est susceptible d’augmenter le risque de diabète de type 2 [28]. Cependant, ces observations peuvent également correspondre à une augmentation de la demande d’antibiotiques due à un risque accru d’infections chez les patients présentant un diabète n’étant pas encore diagnostiqué [28]. L’exposition aux antibiotiques dans l’enfance n’est généralement pas associée au risque de développer un diabète de type 1 [29]. Les études futures devront évaluer les effets d’expositions multiples à des antibiotiques à large spectre au cours de la deuxième année de vie.

Antibiotiques et tumeurs malignes

Pour les tumeurs malignes gastro-intestinales, l’utilisation de la pénicilline a été associée à un risque élevé de cancers de l’oesophage, de l’estomac et du pancréas [30]. L’association a augmenté avec le nombre de cycles d’antibiotiques. Le risque de cancer du poumon a augmenté avec l’usage de la pénicilline, des céphalosporines ou des macrolides. Le risque de cancer de la prostate a légèrement augmenté avec l’usage de la pénicilline, des quinolones, des sulfamides et des tétracyclines. Le risque de cancer du sein a été modérément associé à une exposition aux sulfamides. Il n’y avait aucune association entre l’usage d’agents antiviraux et antifongiques et le risque de cancer [30].

 

Conclusion

Les antibiotiques sont souvent inévitables et parfois vitaux. Cependant, ils causent également une dysbiose intestinale, qui est à son tour associée à des effets indésirables tels que la DAA. Il est donc primordial d’employer avec prudence les antibiotiques non seulement pour réduire la propagation des organismes résistants aux antibiotiques, mais aussi pour réduire au minimum les conséquences métaboliques à long terme, potentiellement néfastes d’une exposition précoce. L’administration de certaines souches de probiotiques telles que S. boulardii réduit le risque de développer une DAA. Il n’a pas été clairement déterminé dans la littérature si les probiotiques peuvent également réduire le risque de développer d’autres effets indésirables de la dysbiose intestinale.

Sources

1 Slykerman RF, Thompson J, Waldie KE, et al. Antibiotics in the first year of life and subsequent neurocognitive outcomes. Acta Paediatr 2017 ; 106 : 87-94.

2 Collado MC, Cernada M, Bauerl C, et al. Microbial ecology and host-microbiota interactions during early life stages. Gut Microbes 2012 ; 3 : 352-65.

Yasmin F, Tun HM, Konya TB, et al. Cesarean Section, Formula Feeding, and Infant Antibiotic Exposure: Separate and Combined Impacts on Gut Microbial Changes in Later Infancy. Front Pediatr. 2017;5:200. 

4 Szajewska H, Canani RB, Guarino A, et al. Probiotics for the Prevention of Antibiotic-Associated Diarrhea in Children. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2016;62(3):495-506.

5 Azad MB, Konya T, Persaud RR, et al. ; CHILD Study Investigators. Impact of maternal intrapartum antibiotics, method of birth and breastfeeding on gut microbiota during the first year of life: a prospective cohort study. BJOG 2016 ; 123 : 983-93.

6 Gonzalez-Perez G, Hicks AL, Tekieli TM, et al. Maternal Antibiotic Treatment Impacts Development of the Neonatal Intestinal Microbiome and Antiviral Immunity. J Immunol. 2016;196(9):3768-3779.

7 Cassidy-Bushrow AE, Burmeister C, Havstad S, et al. Prenatal antimicrobial use and early-childhood body mass index. Int J Obes (Lond). 2018;42(1):1-7.

8 Forrest CB, Block JP, Bailey LC. Antibiotics, infections, and childhood obesity. Lancet Diabetes Endocrinol 2017 ; 5: 2-3.

9 Mitchell EA, Stewart AW, Braithwaite I, et al. ; ISAAC Phase Three Study Group. Birth weight and subsequent body mass index in children: an international cross-sectional study. Pediatr Obes 2017 ;12 : 280-5.

10 Korpela K, Zijlmans MA, Kuitunen M, et al. Childhood BMI in relation to microbiota in infancy and lifetime antibiotic use. Microbiome 2017 ; 5: 26.

11 Saari A, Virta LJ, Sankilampi U, et al. Antibiotic exposure in infancy and risk of being overweight in the first 24 months of life. Pediatrics 2015 ; 135 : 617-26.

12 Mbakwa CA, Scheres L, Penders J, et al. Early life antibiotic exposure and weight development in children. J Pediatr 2016 ; 176 : 105-13.e2.

13 Scott F, Horton DB, Mamtani R, et al. Administration of antibiotics to children before age 2 years increases risk for childhood obesity. Gastroenterology 2016 ; 151 : 120-9.e5.

14 Azad MB, Bridgman SL, Becker AB, et al. Infant antibiotic exposure and the development of childhood overweight and central adiposity. Int J Obes (Lond) 2014 ; 38 : 1290-8.

15 Bailey LC, Forrest CB, Zhang P, et al. Association of antibiotics in infancy with early childhood obesity. JAMA Pediatr 2014 ; 168 : 1063-9.

16 Gerber JS, Bryan M, Ross RK, et al. Antibiotic exposure during the first 6 months of life and weight gain during childhood. JAMA 2016 ; 315 : 1258-65.

17 Hirsch AG, Pollak J, Glass TA, et al. Early-life antibiotic use and subsequent diagnosis of food allergy and allergic diseases. Clin Exp Allergy 2017 ; 47 : 236-44.

18 Metsälä J, Lundqvist A, Virta LJ, et al. Mother’s and offspring’s use of antibiotics and infant allergy to cow’s milk. Epidemiology 2013 ; 24 : 303-9.

19 Mazzola G, Murphy K, Ross RP, et al. Early gut microbiota perturbations following intrapartum antibiotic prophylaxis to prevent Group B Streptococcal disease. PLoS One 2016 ; 11 : e0157527.

20 Aloisio I, Quagliariello A, De Fanti S, et al. Evaluation of the effects of intrapartum antibiotic prophylaxis on newborn intestinal microbiota using a sequencing approach targeted to multi hypervariable 16S rDNA regions. Appl Microbiol Biotechnol 2016 ; 100 : 5537-46.

21 Metsälä J, Lundqvist A, Virta LJ, et al. Prenatal and post-natal exposure to antibiotics and risk of asthma in childhood. Clin Exp Allergy 2015 ; 45 : 137-45.

22 Risnes KR, Belanger K, Murk W, et al. Antibiotic exposure by 6 months and asthma and allergy at 6 years: Findings in a cohort of 1,401 US children. Am J Epidemiol 2011 ; 173 : 310-8.

23 Ong MS, Umetsu DT, Mandl KD. Consequences of antibiotics and infections in infancy: bugs, drugs, and wheezing. Ann Allergy Asthma Immunol 2014 ; 112 : 441-5.e1.

24 Kronman MP, Zaoutis TE, Haynes K, et al. Antibiotic exposure and IBD development among children: a population-based cohort study. Pediatrics 2012 ; 130 : e794-803.

25 Hviid A, Svanström H, Frisch M. Antibiotic use and inflammatory bowel diseases in childhood. Gut 2011 ; 60 : 49-54.

26 Ungaro R, Bernstein CN, Gearry R, et al. Antibiotics associated with increased risk of new-onset Crohn’s disease but not ulcerative colitis: a meta-analysis. Am J Gastroenterol 2014 ; 109 : 1728-38.

27 Boursi B, Mamtani R, Haynes K, et al. The effect of past antibiotic exposure on diabetes risk. Eur J Endocrinol 2015 ; 172 : 639-48.

28 Mikkelsen KH, Knop FK, Frost M, et al. Use of antibiotics and risk of type 2 diabetes: a population-based case-control study. J Clin Endocrinol Metab 2015 ; 100 : 3633-40.

29 Mikkelsen KH, Knop FK, Vilsbøll T, et al. Use of antibiotics in childhood and risk of Type 1 diabetes: a population-based case-control study. Diabet Med 2017 ; 34 : 272-7.

30 Boursi B, Mamtani R, Haynes K, et al. Recurrent antibiotic exposure may promote cancer formation--Another step in understanding the role of the human microbiota? Eur J Cancer 2015 ; 51 : 2655-64

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Type d’accouchement et obésité maternelle pendant la grossesse

Revue de presse

Par le Pr. Ener Cagri Dinleyici
Pédiatrie, Faculté de médecine de l’Université Eskişehir Osmangazi, Eskisehir, Turquie

Photo : Intestinal microbiota modulates tumour response in cancer patients

Ils façonnent la composition du microbiote infantile et le statut pondéral à l’âge de 1 et 3 ans

L’obésité est un problème de santé mondial chez l’enfant et chez l’adulte, or la composition et les altérations du microbiote ont été évaluées chez des personnes atteintes d’obésité. Il y a une tendance croissante à l’accouchement par césarienne dans le monde entier. Un poids maternel excessif ou une obésité pendant la grossesse sont associés à des taux plus élevés d’accouchement par césarienne, et les enfants nés par césarienne sont plus susceptibles de développer une obésité que ceux nés par voie basse.

Microbiome et statut pondéral à l’étude chez 935 couples mère-nourrisson

La composition et les altérations du microbiote chez des sujets obèses et des nouveau-nés venus au monde par césarienne ont été évaluées précédemment [1]. L’étude Canadian Healthy Infant Longitudinal Development (CHILD) est une étude longitudinale prospective de cohorte de naissance conçue pour recueillir des informations à des moments considérés comme particulièrement critiques pour la santé et le développement des enfants en termes de définition de l’influence de la génétique, de l’épigénétique et du microbiome au début de la vie [2]. Hein Tun et al. [1] ont inclus 935 couples mère-nourrisson dans l’étude et ont évalué le statut pondéral maternel durant la grossesse, la composition du MI des nourrissons (y compris le séquençage de l’ARN ribosomique 16S) après une durée médiane d’1 mois, et les scores Z de l’indice de masse corporelle ajustés en fonction de l’âge et du sexe à l’âge de 1 et 3 ans. Leurs résultats ont révélé que 7,5 % des nourrissons étaient en surpoids à l’âge de 1 an, et que 10,4 % étaient en surpoids à l’âge de 3 ans. Les nourrissons nés par voie basse de mères en surpoids ou obèses étaient 3 fois plus susceptibles d’être en surpoids à l’âge de 1 an, tandis que les nourrissons nés par césarienne de mères en surpoids avaient un risque 5 fois plus élevé d’être en surpoids au même âge. Un risque similaire était observé à l’âge de 3 ans. Une abondance des espèces de Firmicutes dans le MI des nourrissons, en particulier les Lachnospiraceae, est associée à un poids maternel excessif avant la grossesse et à un poids excessif dans l’enfance aux âges de 1 et 3 ans. Les genres de Lachnospiraceae impliqués différaient entre les nourrissons nés par voie basse et ceux nés par césarienne.

Une transmission intergénérationnelle du surpoids et de l’obésité en cas d’accouchement par césarienne ?

Cette étude de 935 couples mère-nourrisson a révélé une nouvelle voie médiatrice séquentielle impliquant le type d’accouchement et une plus grande abondance des Lachnospiraceae en ce qui concerne la transmission inter-générationnelle du surpoids et de l’obésité, en particulier en cas d’accouchement par césarienne. La prévention de l’obésité chez les femmes en âge de procréer est largement reconnue comme importante à la fois pour leur propre santé et pour celle de leur progéniture. Hanson et al. [3] ont souligné que les interventions visant à réduire ou à prévenir l’obésité avant la conception et pendant la grossesse pourraient contribuer de manière substantielle à l’atteinte des objectifs mondiaux de développement durable, en termes de santé, de bien-être, de productivité et d’équité dans les générations actuelles et futures. À ce titre, la compréhension du microbiome jouera, quant à elle, un rôle important.

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Le microbiote intestinal module la réponse tumorale chez les patients atteints de cancer

Revue de presse

Par le Pr. Ener Cagri Dinleyici
Pédiatrie, Faculté de médecine de l’Université Eskişehir Osmangazi, Eskisehir, Turquie

Photo : Intestinal microbiota modulates tumour response in cancer patients

Le 4 février 2018, à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré sur son site Internet que « pratiquement toutes les familles dans le monde sont touchées par le cancer, qui est maintenant responsable de près d’un décès sur 6 dans le monde. À l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer (4 février), l’OMS souligne que le cancer ne doit plus être considéré comme une condamnation à mort car il est possible de réduire son fardeau et d’améliorer la survie et la qualité de vie des personnes vivant avec la maladie » [1].

Au cours des dix dernières années, des progrès remarquables ont été réalisés pour les patients atteints de cancer grâce à de nouvelles stratégies de traitement, notamment les inhibiteurs des points de contrôle immunitaires ciblant les antigènes associés aux lymphocytes T cytotoxiques (CTLA-4 ) et la protéine PD-1. Toutefois, les réponses thérapeutiques à ces nouvelles modalités de traitement sont souvent hétérogènes, et il a été signalé que certains patients n’y répondaient pas. Il a été suggéré que le microbiome intestinal était un facteur important de l’hôte chez les patients non répondeurs, de même que la génomique tumorale. Les études antérieures sur le microbiote et le cancer ont principalement porté sur les modifications du microbiote intestinal (MI) des patients atteints de cancer (« oncobiome ») ou des précurseurs du microbiote afin de définir les cancers à un stade précoce, en particulier les cancers colorectaux. Cependant, de nouveaux résultats prometteurs concernant l’influence du MI sur les réponses immunitaires antitumorales ont émergé. Deux nouvelles études ont été publiées dans le premier numéro de la revue Science cette année.

  • Gopalakrishnan et al. [2] ont évalué les microbiomes oraux et intestinaux chez 112 sujets atteints de mélanome malin, recevant une immunothérapie anti-PD-1, et ont comparé la composition initiale du microbiote entre patients répondeurs et non répondeurs. Ils ont relevé des différences importantes en termes de diversité et de composition du MI entre ces deux catégories de patients. Une diversité alpha significativement plus élevée et une abondance relative des RuminococcaceaeFaecalibacterium ont été observées chez les répondeurs, et il a été proposé que cette composition favorable du MI renforçait l’immunité systémique et antitumorale chez les sujets atteints de mélanome. Les patients présentant une faible diversité et une abondance relativement élevée des Bacteroidales (microbiome intestinal défavorable) ont des réponses immunitaires antitumorales altérées.

  • Matson et al. [3] ont évalué la composition du MI initial chez des sujets atteints de mélanome métastatique avant de recevoir un traitement anti-PD-L1. Parmi les répondeurs au traitement, il a été montré que Bifidobacterium longumCollinsella aerofaciens et Enterococcus faecium étaient des membres prédominants du microbiote. Ces auteurs ont évoqué que le microbiome commensal pourrait avoir un impact mécanique sur l’immunité antitumorale chez les patients atteints de mélanome métastatique. Sur la base des résultats de ces deux études cliniques antérieures, on estime que le MI initial pourrait jouer un rôle essentiel dans la médiation de la réponse immunostimulante chez les personnes atteintes de mélanome recevant une immunothérapie telle qu’un traitement anti-PD-L1. D’autres études prospectives sont nécessaires pour identifier les interactions précises entre microbiome et cancer, non seulement chez les sujets atteints de mélanome, mais également en termes de pertinence potentielle pour tout type de cancer et les différentes stratégies de traitement.

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Focus sur le gut microbiota for health summit (GMFH) 2018

Retour de congrès

Par le Dr. Julien Scanzi
Hépato-gastro-entérologie, CHU Estaing de Clermont-Ferrand et CH de Thiers, UMR INSERM/UdA U1107 Neuro-Dol, Faculté de médecine de Clermont-Ferrand, France

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La 7e édition du GMFH Summit s’est déroulée à Rome du 9 au 11 mars 2018. Cette année encore, médecins et chercheurs de renommée internationale se sont réunis pour partager les dernières avancées scientifiques en matière de microbiote. « Un domaine de recherche de premier plan », rappelle Francisco Guarner, président du comité scientifique et porteur d’un programme ambitieux.

Antibiotiques et microbiote intestinal

Le congrès a débuté par un symposium Biocodex consacré à l’impact des antibiotiques sur le microbiote intestinal. Le Dr. L. Armand-Lefevre a rappelé que les antibiotiques entraînaient une altération majeure du microbiote, d’autant plus importante que le spectre de l’antibiotique est large et que la concentration intestinale en antibiotique est élevée. De plus, la résilience du microbiote après une antibiothérapie peut être lente et incomplète. Outre ses effets secondaires bien connus à court terme tels que la diarrhée, la prise d’antibiotiques dans la petite enfance est associée à une augmentation du risque d’obésité, d’allergies et même de pathologies auto-immunes, a précisé le Dr. A. Mosca.

Comment diminuer ces risques ?

Tout d’abord en essayant de moins (et mieux) prescrire d’antibiotiques, mais si cela s’avère nécessaire, en associant aux antibiotiques un probiotique. Saccharomyces boulardii est de loin celui qui a le plus fort niveau de preuve dans cette indication, en limitant la dysbiose et en facilitant la résilience du microbiote après l’arrêt des antibiotiques. Le Pr. C. Kelly a aussi montré que S. boulardii diminuait le taux d’acides biliaires primaires au profit des acides biliaires secondaires, diminuant ainsi le risque d’infection à Clostridium difficile.

Notre mucus a besoin de fibres pour nous défendre

Notre consommation de fibres diminue de décennie en décennie, du moins en Occident, passant de plus de 150 g par jour il y a quelques générations à une dizaine de grammes par jour actuellement, et cela impacte directement la composition de notre mucus intestinal. L’équipe luxembourgeoise du Pr. M. Desai a en effet montré sur modèle murin que lors d’un régime pauvre en fibres, le microbiote intestinal utilisait les glycoprotéines du mucus comme substrat énergétique. Il en résulte un mucus intestinal érodé qui ne joue plus son rôle de barrière vis-à-vis de bactéries pathogènes telle Citrobacter rodentium, entraînant chez ces souris des colites létales [1].

Nouveaux biomarqueurs dans le cancer colorectal

Nous connaissions le rôle potentiel du microbiote dans la carcinogenèse colorectale. Le Dr M. Arumugam a montré, dans une étude métagénomique menée en collaboration avec l’équipe chinoise du Pr J. Wang, l’existence d’une « signature microbienne » du cancer colorectal (CCR), avec 4 biomarqueurs identifiés et significativement retrouvés chez des patients atteints de CCR comparativement aux sujets sains, dans des populations géographiquement différentes (Chine, Danemark, France, Autriche). Parmi ces biomarqueurs, deux gènes bactériens de Fusobacterium nucleatum (Fn) et Parvimonas micra (Pm) sont nettement surexprimés en cas de CCR [2]. Une autre étude récente a d’ailleurs confirmé l’intérêt de Fn comme biomarqueur des CCR, augmentant nettement la sensibilité du dépistage par test immunologique (FIT) et permettant de déceler 75 % des CCR non dépistés par le test immunologique classique [3].Avec cette avancée dans la reconnaissance d’une « signature microbienne » des CCR, nous pouvons imaginer dans un futur proche un dépistage du CCR chez des sujets asymptomatiques associant une recherche immunologique de sang dans les selles couplée à une analyse du microbiote.

Impact du microbiote sur la réponse à l’immunothérapie

On sait depuis quelques années que le microbiote intestinal a un impact sur l’efficacité des chimiothérapies. Depuis peu, des études montrent également que le microbiote joue un rôle majeur dans la réponse à l’immunothérapie. L’équipe du Pr. F. Carbonnel a montré sur 26 patients atteints de mélanome métastatique que le type de microbiote était corrélé à la réponse à l’ipilimumab (anti-CTLA-4) : en effet, ceux avec un microbiote riche en Faecalibacterium et autres Firmicutes avaient un taux de réponse élevé à l’ipilimumab et une survie significativement augmentée. La survenue d’une colite induite par l’ipilimumab était également plus fréquente dans ce groupe [4]. De la même manière, une autre étude récente a montré sur 112 patients atteints de mélanome métastatique que la réponse aux anti-PD-1 variait selon le microbiote avec, comme principaux facteurs prédictifs de réponse, l’alphadiversité et l’abondance relative en Ruminococcaceae (famille dont le genre principal est Faecalibacterium) [5].

La transplantation de microbiote fécal à l’honneur

Comme l’an dernier, la transplantation de microbiote fécal (TMF) a fait l’objet d’un workshop et a été souvent mise en avant dans les différentes présentations. Le Dr. G. Ianiro et le Dr. Z. Kassam sont revenus sur les résultats très prometteurs de la TMF dans la rectocolite hémorragique (2 essais contrôlés randomisés positifs, 1 essai avec tendance en faveur de la TMF sans atteindre la significativité), le syndrome métabolique, l’encéphalopathie hépatique, le syndrome de l’intestin irritable, la GVH (réaction du greffon contre l’hôte) digestive post-allogreffe. En dehors de l’infection récidivante à Clostridium difficile, la répétition de la TMF semble être indispensable dans la « prise de greffe » et l’efficacité du traitement. L’administration par capsules semble être l’avenir de cette technique mais des questions persistent notamment sur la quantité et la fréquence de prise, ces paramètres étant d’ailleurs susceptibles de varier en fonction de l’indication. L’accès à la TMF est de plus en plus facilité par l’émergence de « banques de selles », notamment dans les pays ayant attribué au transplant de microbiote un statut d’organe/tissu et non de médicament. Par exemple, aux États-Unis, 98 % de la population est à moins de 2 heures de voiture d’un centre pratiquant la TMF. Cette pratique s’est donc largement répandue ces dernières années mais il reste à l’harmoniser et probablement à l’adapter au patient en fonction de sa pathologie et de son microbiote.

 

Akkermansia muciniphila : probiotique de nouvelle génération ?

Découverte en 2004, A. muciniphila est une bactérie dominante dans le mucus intestinal. Elle dégrade la mucine, stimule la production de butyrate et produit une protéine pili-like Amuc1100 qui semble jouer un rôle important dans la réponse immunitaire et la fonction barrière du mucus intestinal. Elle semble avoir des propriétés bénéfiques, sa présence étant inversement corrélée à l’obésité, au syndrome métabolique et à certaines maladies cardiovasculaires [6, 7]. Chez la souris, son administration a des effets bénéfiques sur le syndrome métabolique, et les premières données cliniques chez l’homme ne devraient plus tarder…

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Retour congrès

Retour sur l’UEG week 2017

Retour de congrès

Par le Dr. Aldo Maruy Saito
Gastro-entérologie pédiatrique, Hôpital Cayetano Heredia, Université péruvienne Cayetano Heredia, Lima, Pérou

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Barcelone a accueilli du 28 octobre au 1er novembre 2017 la 25ème édition de l’UEG week. Le programme scientifique a notamment montré l’intérêt croissant et l’importance du microbiote intestinal (MI) dans les troubles gastro-intestinaux, un thème qui a fait l’objet de nombreuses sessions et de multiples posters. Ce fut un succès compte tenu du grand nombre de participants aux sessions programmées.

Composition et fonctions du microbiote intestinal

Le Dr. Ralijic-Stojanovic a souligné que l’utilisation de l’analyse de la séquence de l’ARNr 16S a permis de déterminer que la position taxonomique de nombreux microorganismes intestinaux mis en culture était incorrecte. À titre d’exemple, on peut citer Clostridium difficile, qui n’appartient pas au genre Clostridium butyricum, et qui est en fait un parent éloigné de Clostridium perfringens, contrairement à ce que l’on a toujours pensé [1]. Elle a rappelé qu’entre l’âge de 7 et 12 ans, le MI est encore différent de celui observé à l’âge adulte et a conclu son intervention en soulignant que la composition du MI est individuelle, spécifique, stable et susceptible de varier en fonction de l’âge, du régime alimentaire et du mode de vie.

De son côté, le Dr. Bäckhed a mentionné que, si le rôle du MI dans le métabolisme est bien connu (optimisation de la disponibilité calorique, apport d’enzymes absentes chez l’homme et rôle dans la synthèse de la vitamine K et la production d’acides gras à chaîne courte), certaines publications plus récentes ont rapporté que les taux de bactéries productrices de butyrate sont réduits chez les patients atteints de diabète de type 2, qu’une augmentation des taux de Prevotella améliore le métabolisme du glucose et que les bactéries Christensenellaceae peuvent constituer un probiotique anti-obésogène [2]. Il a conclu que le MI doit être considéré comme un facteur environnemental qui contribue à la physiologie et au métabolisme de l’hôte.

Le MI est très complexe et, malgré les avancées de ces dernières années, il n’a pas encore révélé tous ses secrets.

Microbiote intestinal et maladies hépatiques

Le rôle du MI dans les maladies hépatiques est de mieux en mieux connu, et certains vont jusqu’à évoquer l’existence d’un « axe intestin-foie ». Le Dr. Gasbarrini a débattu du rôle du MI dans l’inflammation et la fibrose hépatique, en montrant que des altérations sévères du MI ont été observées chez des patients cirrhotiques, notamment une augmentation des taux d’Enterobacteriaceae, de Veillonellaceae et de Streptococcaceae et une diminution des taux de Clostridiaceae, de Lachnospiraceae et d’Eubacteriaceae. Il a émis l’hypothèse qu’une résilience insuffisante, entraînant une adaptation par le biais de l’acquisition d’un microbiote dysbiotique, peut contribuer à l’apparition de maladies chroniques associées au MI. Une rupture de la barrière intestinale constitue la pierre angulaire de la progression de la fibrose et de la sévérité des cirrhoses hépatiques.

Un autre point intéressant a été abordé : selon le mécanisme sous-jacent aux lésions hépatiques, le MI peut induire ou prévenir la fibrose hépatique. Les alternatives pour restaurer un MI sain sont la modulation (régime alimentaire, rifaximine, probiotiques ou prébiotiques) ou une « réinitialisation » grâce à une transplantation de microbiote fécal.

Pour sa part, le Dr. Kobyliak a présenté un poster [3] sur une étude menée chez des patients atteints de stéatose hépatique non alcoolique (NASH) ayant reçu un probiotique combiné à de l’huile de lin et des germes de blé ou un placebo pendant 8 semaines. Les résultats ont montré que l’administration concomitante de probiotiques et d’oméga 3 permet de réduire les graisses hépatiques, les lipides sériques, d’améliorer le profil métabolique et de réduire l’état inflammatoire chronique. Il a conclu que la modulation du MI à l’aide de probiotiques représente une nouvelle option dans la prise en charge de la NASH.

Cela confirme l’influence du MI sur les maladies hépatiques et l’existence de thérapeutiques complémentaires reposant sur l’utilisation de probiotiques.

Microbiote intestinal et MICI

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) représentent un groupe hétérogène de maladies inflammatoires chroniques affectant le tractus gastrointestinal. Les deux formes principales des MICI sont la rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC). La relation entre le microbiote intestinal (MI) et les MICI fait l’objet d’un nombre croissant de publications.

Le Pr. Sokol a évoqué la pathogenèse des MICI via l’activation du système immunitaire par le biais du MI chez des hôtes sensibles sous l’influence de l’environnement. On sait que les patients atteints de MICI ont un microbiote anormal, avec une perte de diversité, d’autant plus sévère en cas de maladie active. Il a souligné qu’il existe une augmentation des protéobactéries et une diminution des Firmicutes, qui pourraient ou non être corrélées avec l’apparition de la maladie. Ainsi, le taux d’Escherichia coli adhérentes/invasives (protéobactéries) est significativement augmenté chez les patients atteints de MC mais pas de RCH ou chez les sujets sains. Par ailleurs, le taux de Faecalibacterium prausnitzii (Firmicutes), qui a des effets anti-inflammatoires, est diminué chez les patients atteints de MICI.

L’impact environnemental sur le MI est bien connu (type d’accouchement, alimentation, antibiotiques, etc.) et pourrait également avoir une incidence sur les MICI. Ainsi, au Danemark, Hviid et al. [4] ont observé dans une cohorte une corrélation entre le nombre de cycles d’antibiotiques reçus par un enfant et le risque de développer une MICI, celui-ci étant plus important pour la MC que pour la RCH.

Pour en revenir à la pathogenèse, la controverse actuelle porte sur le fait de savoir si les modifications du MI entraînent l’inflammation ou inversement. Le Pr. Sokol considère qu’ils sont tous les deux sur le même plan dans la mesure où les manifestations cliniques des MICI se produisent en raison de l’installation d’un cercle vicieux entre le MI et l’inflammation, l’un comme l’autre pouvant en être à l’origine. Les données apportées confirment donc le rôle important des bactéries du MI dans la pathogenèse des MICI. Cependant, les connaissances sur le rôle du MI fongique dans la pathogenèse de ces maladies sont limitées. Pour y remédier, Qiu et al. ont analysé les 15 principaux genres de champignons présents chez des patients atteints de RCH et des sujets sains (contrôles), résultats présentés sur poster [5]. Pour les genres WickerhamomycesSterigmatomyces et Penicillium, une corrélation positive a été observée avec l’expression de cytokines pro-inflammatoires dans la muqueuse colique, tandis que la corrélation était négative dans le cas de Nigrospora. Ils ont conclu que le microbiote fongique du côlon des patients atteints de RCH est différent de celui des sujets contrôles et que ses altérations peuvent être associées à une inflammation de la muqueuse et à la pathogenèse de la RCH.

Les différences entre la pathogenèse de la MC et celle de la RCH pourraient s’expliquer, dans certains cas, par la présence d’une altération bactérienne ou fongique du MI.

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