Le microbiote urogénital masculin sous l’influence des rapports sexuels vaginaux

L'urètre masculin – territoire peu décrit jusqu’alors – abriterait lui aussi un microbiote. Les rapports sexuels vaginaux pourraient remodeler sa composition, et faire de lui un réservoir de bactéries responsables des vaginoses chez les femmes.

Photo: Le microbiote urogénital masculin sous l’influence des rapports sexuels vaginaux

Le microbiote de l’urètre pénien reste mal connu, son prélèvement – douloureux – étant souvent réservé aux hommes atteints d'infections sexuellement transmissibles (IST). Pourtant, de plus en plus de preuves laissent à penser que des micro-organismes colonisent cette muqueuse, même chez les individus sains. Une étude américaine portant sur 110 hommes sans symptômes urétraux, infections ou inflammations, révèle enfin leur identité.

Un « core » microbien…

La majorité des individus étaient hétérosexuels. Chaque homme a été écouvillonné dans les 2 premiers cm de l'urètre afin d’analyser le microbiote (technique shotgun). Au total, 117 espèces de bactéries différentes ont été détectées. La plupart des échantillons contenaient des bactéries lactiques (par exemple Streptococcus mitis) et corynébactéries, qui pourraient représenter un noyau dur (le « core » microbiote) garant de la santé de l’urètre. Mais pas seulement. Les scientifiques identifient également chez certains hommes des bactéries associées à la vaginose bactérienne chez la femme, notamment Gardnerella vaginalis. Ainsi, le tractus génital masculin pourrait être colonisé par des bactéries potentiellement pathogènes pour la femme, même si dans l’ensemble, son microbiote diffère largement de celui du vagin.

10% du microbiote présent dans l'urètre masculin est influencé par les rapports sexuels, en particulier par les pénétrations vaginales.

Et deux urétrotypes

Ainsi, deux types de microbiote urétral (ou urétrotypes, UT) semblaient se distinguer : un microbiote de type 1 (UT1), de faible richesse et diversité, principalement dominé par S. mitis, et un microbiote UT2, plus riche et diversifié, dominé par G. vaginalis et composé de 9  bactéries associées à des pathologies vaginales (vaginoses bactériennes, vaginites…) et capables de former des biofilms avec G. vaginalis. Au regard du degré d’affinité des bactéries pour l’oxygène, les chercheurs estiment que ces 2 microbiotes se situent dans niches différentes : UT1 se situe à proximité du méat urinaire et UT2 légèrement plus profondément.

Par ailleurs, UT2 est associé à des relations sexuelles vaginales et certaines bactéries associées à la vaginose bactérienne sont encore détectables dans les 60 jours suivant le rapport sexuel, et dans une moindre mesure de l'année écoulée voire de la vie. Le sexe vaginal des 2 derniers mois explique à lui seul 4,26 %, de la variance de la composition du microbiote urétral masculin. Et les pratiques sexuelles dans leur ensemble (oral, vaginal, anal) de l’ordre de 10 % de cette variance.

Enfin, aucune autre variable, que ce soit le sexe anal ou oral, l'âge, l’ethnie ou les antécédents d'IST, n'était liée à l’urétrotype.

La vaginose bactérienne, une IST ?

Le microbiote urogénital masculin serait donc lié au comportement sexuel et l'urètre masculin pourrait, chez certains hommes, abriter un large éventail d'agents potentiellement pathogènes pour la flore vaginale féminine. Au point de représenter un réservoir à micro-organismes sexuellement transmissibles et de risquer de contaminer les femmes lors de rapports non protégés ? Dès lors, la vaginose bactérienne ne devrait-elle pas être considérée comme une IST ? Actuellement non considérée comme tel, cette hypothèse (qui n’est pas nouvelle) et qui sera approfondie lors de prochains travaux portant cette fois sur des couples.

Recommandé par notre communauté

"Oui. Les experts qui participent au groupe de soutien aux malades souffrant d'infections urinaires incrustées ou chroniques sur Facebook disent exactement la même chose sur ce que l'on appelait autrefois la cystite "interstitielle"." - Commentaire traduit de Hazel Bowden (Repris de Biocodex Microbiota Institute sur X)

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Actualités Urologie

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le microbiote du sexe des hommes (sans jamais oser le demander)

Peu étudié, le microbiote de l’urètre masculin pourrait pourtant venir perturber l'écosystème bactérien vaginal des femmes. Comment ? Vous le saurez en lisant cet article.

Le microbiote urinaire Vaginose bactérienne - déséquilibre du microbiote vaginal Le microbiote vaginal
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le microbiote du sexe des hommes (sans jamais oser le demander)

Il en est de l’urètre des hommes – ce canal qui traverse le pénis et transporte l’urine et le sperme –. comme de nombreuses autres parties du corps : tout un monde microscopique y vit. Un microbiote qui ne fait en général parler de lui que lorsqu’il est envahi par des bactéries pathogènes qui induisent une douloureuse inflammation, comme la « chaude-pisse » en cas d’infection à gonocoques. Mal compris, peu étudié (on comprend que les volontaires pour un prélèvement par écouvillon soient peu nombreux !), le microbiote de l’urètre masculin vient pourtant de dévoiler quelques-uns de ses secrets grâce au courage de 110 Américains, en bonne santé, qui ont accepté de se prêter « au jeu » d’un prélèvement.

Définition

L’urètre, petit canal qui relie la vessie à l’extrémité du pénis, mesure 15 cm environ chez l’homme, contre 3,5 cm chez la femme.

Sources.

Des pathogènes de femmes chez certains hommes

Les prélèvements montrent que la plupart de ces hommes abritent une communauté de (sidenote: Micro-organismes Organismes vivants qui sont trop petits pour être vus à l'œil nu. Ils incluent les bactéries, les virus, les champignons, les archées, les protozoaires, etc… et sont communément appelés "microbes". What is microbiology? Microbiology Society.   ) relativement simple, comptant dans ses rangs des bactéries amatrices d’oxygène, qui vivent donc probablement à l'extrémité du pénis, proches de l’air libre. Leur présence relativement constante laisse à penser qu’elles constituent une sorte de noyau dur communautaire, garant de la santé de l'urètre du pénis.

Mais certains hommes présentent un ensemble de microorganismes plus complexe, comprenant des bactéries connues pour perturber l'écosystème bactérien vaginal des femmes et créer toutes sortes de troubles (vaginoses, etc.). Ces bactéries pourraient vivre un peu plus profondément dans l'urètre du pénis, loin de toute source d’oxygène. Mais surtout, seuls les hommes ayant déclaré des rapports sexuels vaginaux sont porteurs de ces bactéries pathogènes. De là à imaginer qu’ils les ont rapportées lors d’une « excursion » vaginale, il n’y a donc qu’un pas…

L’urètre des hommes, réservoir à bactéries délétères pour les femmes ?

Au regard des résultats des chercheurs qui ont épluché les pratiques sexuelles déclarées des 110 participants, les comportements sexuels (à savoir les rapports sexuels vaginaux, oraux, rectaux ainsi que leurs combinaisons) au cours des 2 derniers mois expliquaient de l’ordre de 10 % de la variation totale de la composition du microbiote de l'urètre pénien. Dont 4,26 % expliqués par les seuls rapports sexuels vaginaux. Ainsi, des hommes en bonne santé semblent pouvoir être colonisés durablement par des bactéries qu’ils pourraient transmettre à leurs partenaires féminines suivantes. Avec à la clé un risque de vaginose bactérienne pour ces dames. Une question de santé publique sur laquelle l’équipe continue de se pencher, en envisageant d’étudier des couples pour en savoir davantage sur les potentielles transmissions.

Vaginose bactérienne

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Actualités

Édulcorants artificiels, microbiote intestinal et santé métabolique : une interaction à examiner à la loupe

Par Pr. Karine Clément
Sorbonne université, Inserm, Unité de recherche nutrition et obésités ; approches systémiques, Paris, France ; Service de Nutrition, Assistance-Publique - Hôpitaux de Paris, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France

Sweeteners replacing sugar

Les édulcorants sont considérés comme une alternative intéressante à l’utilisation excessive de sucres simples, considérés comme nocifs sur la santé cardiométabolique [1]. Ils peuvent être consommés directement ou dans des produits transformés [2]. Suez et al. rapportent, dans la revue Cell, les résultats d’un essai contrôlé randomisé, montrant que, paradoxalement, les édulcorants induisent des perturbations de la tolérance au glucose et que certains effets sont relayés par des changements du microbiote intestinal [3].

Comment expliquez-vous que seuls deux édulcorants aient un effet sur la glycémie (saccharine et sucralose) alors que les quatre édulcorants testés impactent la composition et les fonctions du microbiote intestinal ?

L’utilisation d’édulcorants peut être proposée chez des personnes souffrant de maladies métaboliques, les aidant en principe à réduire l’apport calorique, leurs poids et donc leur risque métabolique [4]. Or au fil du temps, des préoccupations ont émergé sur le fait que les édulcorants ne seraient pas neutres [5, 6]. Des auteurs de cette publication avaient déjà montré, en 2014, que des souris consommant de l’aspartame, de la saccharine et du sucralose (à forte dose) développaient une intolérance au glucose en raison de perturbations du microbiote intestinal [7]. Dans ce nouveau travail, ils enfoncent le clou, cette fois chez l’homme, dans une étude clinique très bien conduite ! Chez 120 participants en bonne santé, les chercheurs ont évalué les effets du sucralose, de la saccharine, du stévia et de l’aspartame administrés durant 14 jours sur la tolérance au glucose (cinq bras d’étude, 20 participants par groupe et un groupe témoin). Ils étaient utilisés à des doses inférieures à la dose journalière recommandée. L’ingestion de saccharose et de sucralose a entraîné une aggravation de la tolérance au glucose, alors que l’aspartame et le stévia sont restés neutres. Ces édulcorants ont eu des effets distincts sur la composition du microbiote oral et fécal et sur des fonctions clés (telles que le métabolisme des purines ou des pyrimidines, la glycolyse, le métabolisme des acides aminés). L’effet le plus important observé était avec le sucralose. Des études de transfert de microbiote (homme à souris) ont permis de montrer la causalité des effets. Les animaux, colonisés avec des échantillons provenant des sujets supplémentés en édulcorants ont présenté une altération de la tolérance au glucose d’intensité variable. La composition chimique des édulcorants semble influencer le microbiote, mais le mécanisme précis par lequel ils peuvent exercer ces effets variables sur l’hôte par le biais de modifications du microbiote fécal mérite d’être étudié dans le détail ; en particulier, sucralose, saccharine et stévia sont partiellement métabolisés dans le tractus digestif supérieur et seule une infime proportion d’entre eux atteint le côlon.

Cela signifie-t-il que vous recommanderiez à vos patients de ne pas utiliser d’édulcorants non nutritifs car ils pourraient ne pas être physiologiquement inertes ?

Dans ma pratique clinique, l’utilisation des édulcorants n’est pas systématiquement proposée, notamment parce que rien ne démontre une efficacité sur la perte de poids. Toutefois, pour les patients n’arrivant pas à se déshabituer du gout sucré, on préfèrera peut-être les édulcorants naturels comme le glucoside de steviol qui peuvent être utilisés de manière transitoire et raisonnée par exemple. Toutefois, les résultats discutés ci-dessus soulignent la nécessité d’une évaluation solide de l’impact à court et à long terme des édulcorants disponibles sur la santé humaine avant de conclure sur l’opportunité ou non de conseiller la poursuite de leur l’utilisation comme une aide à la réduction des risques métaboliques.

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Parole d’expert Gastroentérologie

Microbiote urinaire et urétral #18

Par Pr. Satu Pekkala
Chercheur à l’Académie de Finlande, Faculté des sciences du sport et de la santé, Université de Jyväskylä, Finlande

Microbiota 18_bandeau revue press URINARY

Urétrites idiopathiques masculines : de nouvelles étiologies infectieuses identifiées ?

Plummer EL, Ratten LK, Vodstrcil LA, et al. The urethral microbiota of men with and without idiopathic urethritis. mBio 2022; 13: e0221322.

Des chercheurs australiens ont souhaité déterminer quels agents infectieux, hormis ceux déjà connus, pouvaient contribuer aux urétrites non gonococciques chez l’homme et ce, en tenant compte de leurs pratiques sexuelles et du genre de leur partenaire. Pour cela, ils ont réalisé une étude de cas incluant 199 hommes ; parmi eux, 96 présentaient des symptômes d’urétrite idiopathique et les 103 qui n’en présentaient pas servaient de sujets contrôles. D’âge médian de 31 ans, 73 ont eu une relation avec un homme dans le mois précédant l’inclusion (classés HSH), les autres étant classés HSF. Pour tous, les chercheurs disposaient d’échantillons de microbiote urinaire et urétral utilisables pour une analyse par séquençage. Leurs résultats ont montré qu’Haemophilus influenzae, qui colonise naturellement le microbiote du nasopharynx, était plus abondante chez les HSH avec urétrite idiopathique. De plus, H. influenzae était bien associée à des caractéristiques cliniques telles que sensations de brûlure urétrale, dysurie et écoulement purulent. Selon les chercheurs, le sexe oral sans préservatif pourrait être le principal mode de contamination par cette bactérie. Le genre Corynebacterium était quant à lui augmenté chez les HSF atteints, ce qui est surprenant car il est considéré commensal dans le microbiote génital masculin. Certaines espèces spécifiques de Corynebacterium pourraient devenir pathogènes lorsque leur charge est élevée, d’après les scientifiques. Ureaplasma, Staphylococcus haemolyticus, Streptococcus pyogenes, Escherichia et Streptococcus pneumoniae étaient également augmentés dans le microbiote urinaire et urétral des sujets symptomatiques et pourraient donc tous favoriser l’urétrite. De possibles causes infectieuses d’urétrites non gonococciques jusque-là qualifiées d’idiopathiques ont ainsi été découvertes. Si ces résultats sont confirmés par d’autres études, les médecins pourraient à terme proposer des traitements plus ciblés à leurs patients.

Académie du Microbiote Urogénital

Biocodex Microbiota Institute est un partenaire institutionnel de l'Académie du microbiote urogénital (AMUR). L'AMUR a été fondée pour enrichir les connaissances sur le microbiote et développer des approches novatrices visant à prévenir et traiter les troubles de la sphère urogénitale.

Pour en savoir plus sur le microbiote urogénital visitez AMUR 

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Revue de presse Urologie

Microbiote vaginal #18

Par Pr. Satu Pekkala
Chercheur à l’Académie de Finlande, Faculté des sciences du sport et de la santé, Université de Jyväskylä, Finlande

Microbiota 18_bandeau revue press VAGINAL

Grossesse et Covid-19 : la dysbiose vaginale est-elle une source de complications ?

Deng H, He L, Wang C, et al. Altered gut microbiota and its metabolites correlate with plasma cytokines in schizophrenia inpatients with aggression. BMC Psychiatry 2022; 22: 629.

Et si les effets délétères de la Covid-19 chez la femme enceinte passaient par le truchement du microbiote vaginal ? Afin de vérifier cette hypothèse, des chercheurs ont mené une étude cas-témoins prospective incluant 28 femmes enceintes non infectées et 19 femmes enceintes atteintes de la Covid-19. Le microbiote vaginal a été prélevé par écouvillon lors de la phase active de la maladie et dans le mois qui a suivi la guérison et évalué par séquençage du gène de l’ARNr 16S. Le groupe Covid-19 présentait une diversité significativement plus élevée que dans le groupe témoin. En outre, les Bacteroidetes avaient pris l’avantage sur les Firmicutes et, à l’échelle du genre bactérien, les Lactobacillus sp. étaient significativement moins abondants que dans le groupe témoin. Or, de précédentes études ont montré qu’il existait un risque accru de fausses couches ou de naissance prématurée chez les femmes enceintes ayant un microbiote vaginal appauvri en lactobacilles. Ce que les présentes données corroborent, puisque 3 femmes ont accouché prématurément dans le groupe Covid-19 (versus 0 dans le groupe témoin). En dépit de la petite taille de l’échantillon, les chercheurs ont constaté d’autres différences de composition du microbiote vaginal au sein du groupe Covid-19. En particulier, les femmes souffrant de formes de Covid-19 modérées à sévères présentaient des taux bien plus élevés d’Ureaplasma spp. : 2,05 % vs 0,1 % en cas de formes asymptomatiques à légères. Le genre Ureaplasma est impliqué dans différentes infections gynécologiques (salpingite, urétrite et cervicite), sa surreprésentation en cas de Covid-19 sévère plaide également en faveur d’une dysbiose vaginale associée à la fois à l’infection par le SARS-Cov-2 et aux risques de complications de la grossesse. D’autant que, sur les 3 naissances prématurées intervenues dans cette étude, 2 ont eu lieu dans le sous-groupe Covid-19 modéré à sévère (n = 6). Ainsi, bien que la présente étude ne permette pas de conclure à une relation de causalité, ces résultats suggèrent que la Covid-19 provoquerait chez la femme enceinte une perturbation défavorable du microenvironnement vaginal. Celle-ci serait d’autant plus marquée que l’infection est sévère, pouvant engendrer un risque accru de complications, telles que des accouchements prématurés.

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Revue de presse

Microbiote intestinal #18

Par Pr. Satu Pekkala
Chercheur à l’Académie de Finlande, Faculté des sciences du sport et de la santé, Université de Jyväskylä, Finlande

SII
Microbiota 18_bandeau revue press GUT

Les modifications du microbiote humain induites par le régime alimentaire refaçonnent l’homéostasie colique dans le syndrome de l’intestin irritable

Bootz-Maoz H, Pearl A, Melzer E, et al. Diet-induced modifications to human microbiome reshape colonic homeostasis in irritable bowel syndrome. Cell Rep 2022; 41: 111657.

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble gastro-intestinal fonctionnel pouvant être classé en différents sous-types : SSI avec diarrhée prédominante ou avec constipation prédominante (respectivement SII-D et SII-C), SII mixte et SII indéterminé. De nombreux patients souffrant de SII tirent bénéfice d’un régime pauvre en FODMAP (oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles). Cependant, seuls 60 à 70 % des patients obtiennent une réponse clinique à ce régime. Cette étude a évalué les effets d’un régime pauvre en FODMAP pendant six semaines sur le microbiote intestinal de patients souffrant de SII-D et naïfs de traitement. Ce régime a entraîné une augmentation de l’abondance des espèces Acutalibacter timonensis et Oscillibacter sp900066435, ainsi qu’une diminution des espèces Bifidobacterium adolescentis, Eubacterium ventriosum et Clostridium disporicum. Une amélioration des manifestations de la maladie a été observée chez 70 % des patients. Les auteurs ont ensuite étudié, à l’aide de cultures de tube digestif ex vivo, l’effet des échantillons fécaux sur l’expression génique. Le microbiote post-régime a induit l’expression de gènes impliqués dans les fonctions entériques neuronales et musculaires et a inhibé l’expression de nombreux gènes codant pour des protéines pro-inflammatoires. L’analyse par Gene Ontology a montré que le microbiote post-régime augmentait l’expression des voies liées à l’organisation de la matrice extracellulaire, à l’adhésion cellulaire et à l’assemblage des jonctions. Comme beaucoup de voies et de gènes étaient associés à une abondance de B. adolescentis, les auteurs ont mis en culture des cellules épithéliales coliques avec B. adolescentis et ont administré la bactérie à des souris afin de mettre en évidence un lien mécanistique entre la bactérie et la santé intestinale. Que ce soit in vitro ou in vivo, B. adolescentis a perturbé l’intégrité des jonctions étanches épithéliales ainsi que la fonction de la barrière intestinale. Pour finir, à l’aide de cultures in vitro, les auteurs ont montré que l’évitement du fructose dans le cadre du régime pauvre en FODMAP expliquait la réduction des taux de B. adolescentis observée dans le microbiote post-régime des patients. Cette étude met en évidence un lien mécanistique entre le régime alimentaire, le microbiote et les fonctions intestinales, qui permettra à l’avenir de mettre au point des thérapies personnalisées basées sur le microbiote destinées aux maladies humaines.

Associations entre l’altération de la force de connectivité fonctionnelle dans l’insomnie chronique, la composition du microbiote intestinal et l’efficacité du sommeil

Chen Z, Feng Y, Li S, et al. Altered functional connectivity strength in chronic insomnia associated with gut microbiota composition and sleep efficiency. Front Psychiatry 2022; 13: 1050403.

On sait peu de choses sur le lien entre le microbiote intestinal et l’activité cérébrale au repos chez les patients souffrant d’insomnie chronique (IC). L’IC se manifeste par exemple par des difficultés pour s’endormir ou resté endormi, des difficultés pour obtenir un sommeil réparateur et par un état d’hyperéveil. De plus, l’IC peut avoir un impact négatif sur le fonctionnement social, cognitif et comportemental des patients. Cette étude a exploré les associations entre les fonctions cérébrales, la composition du microbiote intestinal et les performances neuropsychologiques des patients souffrant d’IC. La composition du microbiote intestinal était fortement associée aux performances neuropsychologiques chez les patients souffrant d’IC. Plus spécifiquement, l’abondance d’Intestinibacter, Lachnospiraceae UCG-003 et Faecalicoccus était corrélée à la force de connectivité fonctionnelle (functional connectivity strength, FCS) au niveau du gyrus pariétal supérieur gauche. Cette partie du cerveau est impliquée dans les aspects de l’attention et de la perception visuo-spatiale, notamment la représentation et la manipulation des objets. Comme on pouvait s’y attendre, la FCS était plus faible chez les patients souffrant d’IC que chez les témoins sains. Au niveau des genres, Alloprevotella, des membres de la famille Lachnospiraceae et Faecalicoccus étaient associés aux scores d’évaluation de l’humeur et du sommeil. Comme Alloprevotella et les membres de la famille Lachnospiraceae sont des producteurs d’acides gras à chaîne courte (AGCC), les auteurs ont supposé que ces genres pouvaient affecter les fonctions cérébrales en modulant le métabolisme des AGCC chez les patients souffrant d’IC. Cependant, aucun lien mécanistique n’a été établi dans cette étude. Les résultats de cette étude étaient intéressants, mais des études longitudinales sont nécessaires pour déterminer si des interventions pourraient affecter le microbiote intestinal des patients souffrant d’IC et si le microbiote intestinal pourrait être ciblé, par exemple au moyen de probiotiques en vue d’améliorer les fonctions cérébrales des patients insomniaques.

Le mode d’accouchement module le microbiote intestinal et impacte la réponse à la vaccination

de Koff EM, van Baarle D, van Houten MA, et al. Mode of delivery modulates the intestinal microbiota and impacts the response to vaccination. Nat Commun 2022; 13: 6638.

Différents facteurs influent sur la réponse des nourrissons aux vaccins, notamment la génétique, le poids de naissance, les anticorps maternels et le type d’alimentation. On connaît moins le rôle du microbiote intestinal dans les réponses immunitaires à la vaccination, mais les micro-organismes affectent fortement le développement du système immunitaire au début de la vie. Cette étude a cherché à déterminer si les différences observées au début de la vie en termes de profils de colonisation microbienne intestinale, induites par le mode d’accouchement, étaient associées aux réponses IgG au vaccin antipneumococcique conjugué décavalent (VPC-10) et au vaccin conjugué contre les méningocoques du groupe C (MenC). Parmi les nombreuses variables étudiées, le mode d’accouchement et le type d’alimentation étaient les seuls facteurs du début de la vie significativement associés aux réponses IgG à un ou plusieurs sérotypes. La diversité du microbiote intestinal n’était pas associée aux réponses IgG aux vaccins VPC et MenC. Les nourrissons dont le microbiote intestinal était caractérisé par une faible abondance de Bifidobacterium et d’Eschericchia coli présentaient les concentrations les plus faibles d’IgG dirigées contre les deux vaccins. À l’inverse, les concentrations d’IgG anti-MenC étaient environ 2 fois plus élevées chez les nourrissons présentant une abondance importante d’E. coli, ce phénomène étant également associé à la naissance par voie basse. Cependant, à l’âge de 1 an, le microbiote intestinal n’était pas associé aux réponses vaccinales, confirmant le fait que le microbiote au début de la vie est davantage lié aux réponses vaccinales que le microbiote proche du moment de la vaccination. Concernant le microbiote intestinal au début de la vie, une abondance plus élevée d’E. coli et de Bifidobacterium était associée à des réponses antipneumococciques fortes, alors que Clostridium, Prevotella et Streptococcus pyogenes étaient associés à des réponses faibles. Chez les enfants présentant une forte réponse anti-MenC, on a observé une abondance plus importante de nombreuses OTU faiblement abondantes appartenant à la famille Lachnospiraceae. Cette étude prouve qu’il est essentiel de comprendre les facteurs microbiens en jeu dans la maturation immunitaire et l’immunogénicité vaccinale pour améliorer les performances des vaccins chez les enfants.

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Revue de presse Gastroentérologie

Temps fort du Gut Microbiota for Health–World Summit 2023

Par Dr. Nicolas Benech
Gastro-entérologie et hépatologie, Groupe d’étude du Microbiote des HCL, Hospices Civils de Lyon, Lyon, France

Microbiota 18_bandeau congrès

La science du microbiote évolue rapidement et englobe aujourd’hui un grand nombre de champs d’expertise scientifiques et médicaux. Structurer et porter au plus grand nombre ces découvertes et concepts émergents est nécessaire. Gut Microbiota for Health (GMFH) est une organisation issue de la Société européenne de neurogastroentérologie et motilité (European Society for Neurogastroenterology & Motility - ESNM), dont la mission est de promouvoir l’information et le débat scientifique autour du microbiote intestinal en particulier au sein de la communauté scientifique et médicale. Fondée en 2012, LE GMFH organise chaque année un symposium pour réunir des experts de la science du microbiote et promouvoir un temps d’interaction privilégié ouvert aux scientifiques comme aux cliniciens. Cette année, la 11e  édition du Gut Microbiota for Health –World Summit a eu lieu à Prague, en République tchèque, les 11 et 12 mars, avec un focus sur les dernières actualités concernant les nouveaux traitements et régimes alimentaires ciblant le microbiote. Voici une sélection des travaux et concepts forts présentés durant ces deux jours.

La recherche sur le microbiote intestinal est au stade du développement d’applications cliniques complexes comme la transplantation de microbiote fécal (TMF), les probiotiques de nouvelle génération issus du microbiote humain, les médicaments développés à partir des produits microbiens (post-biotiques) ou la construction de régimes alimentaires basés sur la connaissance des interactions hôte/microbiote. Les défis et enjeux soulevés par l’arrivée en pratique clinique de ces nouvelles formes de médicaments posent aujourd’hui un grand nombre de questions réglementaires, éthiques et scientifiques qui ont été développées tout au long du congrès. En ouverture du symposium, le Pr Eugène B. Chang (Chicago, États-Unis) a ainsi introduit les défis et nouveaux concepts portés par le développement de cette nouvelle médecine : l’impératif de définir un cadre réglementaire spécifique, de construire des standards industriels à même d’encadrer le développement des nouveaux probiotiques et la nécessité de comprendre les traitements ciblant le microbiote dans une perspective écologique et dynamique : c’est-àdire des produits évolutifs s’insérant dans une niche écologique qu’ils contribuent à modifier à leur tour.

De nouveaux pré- et pro- biotiques pour favoriser la réponse immunitaire antitumorale

L’importance du microbiote intestinal dans la modulation de la réponse immunitaire antitumorale est connue depuis près de 10 ans mais les mécanismes sous-tendant ces effets restent encore mal compris. Au cours de la première session du congrès, le Dr Michael Scharl (Zurich, Suisse) et le Pr Harry Sokol (Paris, France) ont présenté leurs derniers résultats permettant de préciser les candidats microbiologiques et métaboliques qui pourraient faire l’objet de thérapies combinées aux traitements conventionnels pour stimuler l’immunité antitumorale. Ainsi, l’étude des différences de développement tumoral dans des modèles murins issus d’animaleries différentes, a permis à l’équipe du Dr Scharl d’identifier quatre souches bactériennes qui, lorsqu’administrées seules, diminuent le développement tumoral chez la souris (Eubacterium hallii, Faecalibacterium prausnitzii, Roseburia intestinalis, Anaerostipes caccae) [1].

De manière intéressante, l’administration du surnageant de ces souches suffisait à obtenir un effet de stimulation de la réponse immunitaire antitumorale. Parmi les mécanismes potentiellement porteurs de cet effet, le métabolisme du 3-OH acide dodécanoïde a été identifié ouvrant la voie au développement de post-biotiques spécifiques.

En accord avec ces résultats et le consortium bactérien identifié, le Pr Sokol a présenté des travaux inédits confirmant l’impact bénéfique de Faecalibacterium prausnitzii dans la réponse à l’immunothérapie.

La réanalyse des données métagénomiques de plusieurs études comparant les patients traités par immunothérapie répondeurs et non répondeurs a permis de confirmer que la présence de F. prausnitzii était associée à une meilleure réponse tumorale et une meilleure survie des patients avec un effet dose. In vitro, cette souche était également associée à une activation amplifiée des lymphocytes T effecteurs cytotoxiques. Les mécanismes impliqués sont en cours d’exploration.

En dehors des plénières scientifiques, plusieurs workshops étaient organisés permettant des échanges riches avec les experts. Ainsi, la session « Micro-organismes modifiés comme nouveaux agents thérapeutiques » a permis d’explorer les avancées et perspectives actuelles dans le développement de nouveaux agents microbiologiques thérapeutiques génétiquement modifiés. Au cours de cette session, le Dr. Nicholas Arpaia (New York, ÉtatsUnis) a présenté le développement d’une souche d’Escherichia coli modifiée possédant un cycle de lyse coordonné entre les différentes bactéries via un mécanismes de quorum sensing permettant la libération d’un nano-anticorps (fragment d’anticorps anti-CD47) inhibant un signal de tolérance immune au niveau des phagocytes [2]. L’injection de ces bactéries au niveau du site d’une greffe tumorale chez la souris permettait l’élimination complète des tumeurs implantées par le système immunitaire via la stimulation de la phagocytose mais également le recrutement d’une immunité adaptative suggérant la génération d’une réponse immunitaire antitumorale durable. Le cadre éthique et réglementaire pour autoriser l’évaluation en clinique de ce type de traitement reste toutefois encore à définir, ce qui a fait l’objet d’un débat spécifique au cours de la suite du workshop.

La transplantation de microbiote fécal, vers une meilleure compréhension des mécanismes sous-tendant son efficacité

Parmi les thérapeutiques issues du microbiote, la TMF est aujourd’hui le traitement le plus évalué en pratique clinique dans de nombreuses indications. Malgré un grand nombre d’études, les déterminants de l’efficacité de la TMF et son mécanisme d’action restent imparfaitement compris. Les travaux présentés par le Dr Gianluca Ianiro portant sur l’analyse combinés de 226 TMF apportent de nouveaux concepts pour la compréhension de cette thérapeutique en montrant que l’effet bénéfique de la TMF était corrélé à la capacité d’ensemencement (engraftment) des souches issues du donneur chez le receveur et que celle-ci pouvait être favorisée par l’administration préalable d’antibiotiques pour ouvrir la niche écologique intestinale et la combinaison de plusieurs modalités dans l’administration de la TMF [3].

L’effet bénéfique de la TMF était corrélé à la capacité d’ensemencement (engraftment) des souches issues du donneur chez le receveur.

Des aliments pour préserver l’intégrité de la barrière intestinale

Plusieurs présentations ont également développé l’importance des facteurs alimentaires dans le maintien de l’intégrité de la barrière intestinale et ses conséquences sur la santé, en particulier par le maintien d’une couche étanche de mucine protégeant l’épithélium colique : un régime riche en fibre va protéger la dégradation de la mucine par Akkermansia muciniphila (présentation du Dr. Mahesh S. Desai, Luxembourg), alors que certains additifs alimentaires comme le carboxymethylcellulose peuvent favoriser la pénétration de bactéries au sein de la couche de mucus au contact de l’épithelium et prédisposer au développement de colite inflammatoire (présentation du Dr. Benoit Chassaing, Paris, France) [4].

Le GMFH – World Summit 2023 a ainsi permis de mettre en perspective d’importantes découvertes de ces dernières années dans le développement de thérapies issues de la science du microbiote avec des grandes lignes directrices qui se confirment et s’affinent.

Cette meilleure compréhension des mécanismes porteurs de l’efficacité des thérapies ciblant le microbiote et la complexité de leur mise en œuvre dans la pratique clinique illustrent la nécessité de l’émergence d’experts cliniciens capables de développer et de mettre en œuvre dans le soin des applications médicales autour du microbiote.

Comme lors de ce 11e congrès, les symposiums du GMFH en créant un espace d’échange riche et accessible entre cliniciens et chercheurs contribuent à l’émergence de ce type d’expertise que le Dr. Ianiro, expert mondial de la TMF, proposait de regrouper sous le concept de « clinicien du microbiome ». Vivement le GMFH – World Summit 2024.

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Retour congrès Gastroentérologie

L’environnement rural réduit l’inflammation allergique en modulant le microbiote intestinal

ARTICLE COMMENTÉ - RUBRIQUE ENFANT

Par le Pr Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Microbiota 18_bandeau Mas article commenté enfant

Commentaire de l’article original de Yang et al. (Gut Microbes) [1]

L’environnement rural et le microbiote sont liés à une réduction de la prévalence des allergies. Cependant, le mécanisme qui sous-tend cette réduction n’est pas clair. Les auteurs ont évalué la composition bactérienne et fongique intestinale chez des enfants vivant dans le sud de la Chine, à la campagne et en ville (cohorte EuroPrevall-INCO). La composition bactérienne et fongique des poussières en suspension dans l’air provenant des maisons de villes et de compagnes (comprenant la poussière des matelas) ainsi que la poussière des poulaillers (environnement rural) été analysées par séquençage de l’ARNr 16S. Des souris ont été exposées de façon répétée à la poussière par voie intranasale et l’effet sur l’inflammation allergique des voies respiratoires induite par l’ovalbumine (OVA) a été évalué. Les enfants des zones rurales présentaient moins d’allergies et un microbiote intestinal unique avec moins de Bacteroides et plus de Prevotella. Les poussières des environnements ruraux contenaient un niveau d’endotoxine plus élevé et une plus grande diversité de bactéries et de champignons, tandis que les poussières des maisons des zones urbaines étaient enrichies en Aspergillus et contenaient un nombre plus élevé de bactéries potentiellement pathogènes. L’administration intranasale de poussières rurales avant la sensibilisation à l’OVA a réduit les éosinophiles respiratoires et le niveau d’IgE dans le sang chez les souris et a également conduit à une récupération de la diversité bactérienne intestinale et de Ruminiclostridium dans le modèle de souris. Une transplantation de microbiote fécal a rétabli l’effet protecteur en réduisant les éosinophiles pulmonaires induits par l’OVA chez les souris receveuses. Ces résultats montrent que l’exposition à l’environnement rural a modulé le microbiote intestinal et a réduit l’allergie chez les enfants.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Il existe une nette augmentation de la prévalence des pathologies allergiques. Il a été montré que les enfants qui vivent à la campagne sont moins sujets à l’asthme que ceux qui vivent en ville. Dans la maison, la poussière est la principale source de bactéries et de champignons ; sa composition est le reflet de l’environnement intérieur, influencé par les activités extérieures (agriculture), les matériaux de construction et les animaux.

La mise en place du microbiote intestinal au cours des 1 000 premiers jours de vie a un impact sur le développement ultérieur de pathologies allergiques. Certains facteurs bien connus influencent la composition du microbiote intestinal du nourrisson : antibiotiques, mode d’accouchement et alimentation. La dysbiose qui en résulte favoriserait le développement ultérieur de pathologies allergiques. En revanche, l’allaitement et l’accouchement par voie vaginale protègent contre le développement ultérieur de pathologies allergiques ; le microbiote intestinal de ces nourrissons est caractérisé par une prédominance de bifidobactéries, notamment de Bifidobacterium breve. Les contacts diminués avec la nature favorisent une dysbiose intestinale avec une dysrégulation de la balance immunitaire Th1/Th2 en faveur de Th2, qui est la réponse immune adaptative impliquée dans les pathologies allergiques (Cukrowska Nutrients).

Les mécanismes par lesquels la dysbiose intestinale au début de la vie est impliquée dans le développement d’allergies et d’asthme sont mal connus. La poussière des fermes et les lipopolysaccharides bactériens induisent une tolérance à des endotoxines, réduisant ainsi l’asthme allergique.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Les auteurs ont comparé les expositions environnementales urbaines et rurales en Chine dans une étude humaine et murine. La cohorte humaine EuroPrevall-INCO a inclus 5 139 enfants urbains et 5 542 ruraux d’âge scolaire. La prévalence d’allergies alimentaires et surtout d’asthme, de rhinite et d’eczéma était augmentée chez les enfants vivant en ville (p < 0,001).

Une étude cas-contrôle a inclus 225 enfants : 151 enfants vivant en ville et 74 en zones rurales. L’analyse du microbiote intestinal de tous les enfants a été réalisée par séquençage du gène de l’ARNr 16S et l’évaluation des voies métaboliques par shotgun. Les données cliniques et des tests allergiques ont été recueillis. Le ratio Prevotella/Bacteroides était significativement plus élevé chez les enfants ruraux (p < 0,001) ; cette différence résulte de Prevotella_9 qui représente environ 25 % des variants amplifiés chez les ruraux et < 5 % chez les urbains (figure 1). Toutefois, il n’y avait pas de différence de composition du microbiote intestinal entre cas et contrôles que ce soit chez les ruraux ou les urbains. L’analyse des voies métaboliques met en évidence14 voies différentes entre urbains/ruraux et 9 entre cas/ contrôles. Parmi elles, la voie produisant du L-lactate est fortement associée à l’allergie et la voie de dégradation des sucres et celle de synthèse de lipopolysaccharides étaient plus fortement présentes dans le microbiote des enfants contrôles.

Pour simuler l’exposition aux environnements microbiens, des prélèvements de poussières de matelas ont été réalisés chez 10 familles rurales et 10 familles urbaines, ainsi que dans 5 poulaillers de familles rurales (ceux-ci pourraient participer à l’environnement microbien des maisons des familles rurales). Enterobacteriaceae et Rhizobiaceae prédominent uniquement dans les poussières des maisons urbaines (figure 2). La diversité alpha et la quantité d’endotoxines sont plus élevées dans les poussières des maisons rurales que dans les maisons urbaines et dans les poulaillers. Enfin, la proportion de bactéries potentiellement pathogènes est significativement plus élevée dans les poussières des maisons de ville. En outre, Aspergillaceae prédomine dans les poussières des maisons urbaines tandis que Trichocomaceae (genre Penicillium) était plus abondant dans les poussières des maisons rurales (où la diversité est plus élevée) et les poulaillers (figure 2).

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POINTS CLES

  • Les enfants chinois vivant en zone rurale développent moins de pathologies allergiques que ceux vivant en zone urbaine
  • La composition du microbiote des poussières est différente
  • Dans des modèles murins, l’exposition aux poussières de maisons rurales réduit l’inflammation allergique au niveau respiratoire en modulant le microbiote intestinal

Afin de tester l’impact des poussières environnementales sur les allergies respiratoires via l’altération du microbiote intestinal, les chercheurs ont exposé des souris aux poussières par voie intranasale (modèle d’allergie induite par l’ovalbumine). L’exposition préalable aux poussières des maisons en zones rurales atténuent l’inflammation allergique (infiltration des éosinophiles dans les voies respiratoires et présents dans les lavages bronchoalvéolaires (LBA), IgE spécifiques sériques augmentés). L’augmentation des bactéries potentiellement pathogènes est la plus faible dans le groupe de souris exposées aux poussières rurales ; l’abondance intestinale des Bacteroidales augmente et celle des Clostroidales (incluant des espèces appartenant aux familles Lachnospiraceae et Ruminococcaceae) diminue chez des souris contrôles exposées au PBS ainsi que celles exposées aux poussières urbaines. Enfin, l’abondance relative dans le microbiote intestinal des Bacteroides et Ruminiclostridium est corrélée aux éosinophiles présents dans les LBA (r = 0,59 et p = 0,001 et r = – 0,45 et p = 0,05 respectivement).

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Une modulation précoce du microbiote intestinal, qui ciblerait l’effet bénéfique du microbiote des poussières des maisons rurales pourrait permettre de prévenir le développement de pathologies allergiques.

CONCLUSION

Cette étude retrouve des différences de composition du microbiote des poussières provenant de maisons de zones urbaines et rurales en Chine. Celles-ci moduleraient différemment le microbiote intestinal et sa réponse immunitaire dans les pathologies allergiques.

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Article commenté Gastroentérologie Pédiatrie

Une analyse du mycobiome à travers différents cancers révèle une implication des champignons dans les tumeurs gastro-intestinales et pulmonaires

ARTICLE COMMENTÉ - RUBRIQUE ADULTE

Par le Pr Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Microbiota 18_bandeau Sokol article commenté adulte

Commentaire de l’article de De Anders B. Dohlman et al. Cell 2022 [1]

Les micro-organismes fongiques (mycobiote) constituent une composante numériquement faible du microbiote humain bien qu’elle soit très immunoréactive. On sait peu de choses sur le rôle du mycobiote dans les cancers humains. L’analyse de cancers de différents organes et sites corporels a révélé la présence d’un mycobiote associé aux tumeurs, à raison d’une cellule fongique pour 10 000 cellules tumorales. Dans le cancer du poumon, Blastomyces était associé aux tissus tumoraux. Dans les cancers de l’estomac, des taux élevés de Candida étaient associés à l’expression de voies immunitaires pro-inflammatoires, tandis que dans les cancers du côlon, Candida était prédictif de maladie métastatique et d’une adhésion cellulaire atténuée. Dans plusieurs sites gastro-intestinaux, plusieurs espèces de Candida étaient enrichies dans les échantillons tumoraux et la présence d’ADN de Candida associé à la tumeur était prédictive d’une diminution de la survie. La présence de Candida dans les tumeurs gastro-intestinales humaines a été confirmée par le séquençage ITS des échantillons tumoraux et par une approche de culture dans une cohorte indépendante. Ces données impliquent le mycobiote dans la pathogenèse des cancers gastro-intestinaux et suggèrent que l’ADN fongique associé à la tumeur pourrait servir de biomarqueur diagnostique ou pronostique.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Le cancer est l’une des principales causes de décès dans le monde. Sa tumorigenèse, sa progression et la façon dont il répond aux traitements vont être influencés par différentes interactions entre le système immunitaire de l’hôte et les bactéries du microbiote. Néanmoins, le rôle des champignons (mycobiote) dans ces processus reste largement inexploré. Les champignons et les bactéries co-colonisent le tube digestif, l’épithélium de la peau, les voies respiratoires et les organes reproducteurs des mammifères, formant un écosystème complexe d’interactions microbe-microbe et hôte-microbe ayant des implications importantes pour la santé humaine. Alors que les infections fongiques sont responsables de plus de 1,5 million de décès par an dans le monde, elles ne représentent que 0,1 % de l’ADN microbien présent dans l’intestin, suggérant une influence disproportionnée des espèces de ce règne sur le microbiome global et l’immunité de l’hôte. Que l’on parle de virus, de bactéries ou de champignons, les preuves scientifiques s’accumulent sur l’existence d’un lien entre microbiome humain, cancer et ses conséquences. Plusieurs cas d’association entre espèces bactériennes et développement/ progression du cancer ont été observées ces dernières années. Helicobacter pylori est responsable d’environ 75 % du risque attribuable au cancer gastrique, tandis que Escherichia coli génotoxique, Bacteroides fragilis, Streptococcus bovis/gallolyticus et Fusobacterium nucleatum ont été impliqués dans la carcinogenèse colorectale [2]. Ces bactéries ont en commun leur capacité à provoquer une inflammation chronique, des caractéristiques qui contribueraient à leur capacité tumorigène. Des rapports récents ont également identifié des bactéries intracellulaires dans de nombreux types de tumeurs [3].

Le mycobiome joue un rôle clé dans l’activation de l’immunité innée dans l’intestin. Les toxines fongiques et les amines bioactives ont été associées à la cancérogenèse. Des études expérimentales récentes soutiennent l’implication fongique dans les cancers dans certains contextes [4]. Les données de séquençage provenant de banques de tumeurs montrent la présence de séquences microbiennes, mais la composante fongique reste inexplorée.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

En analysant plusieurs types de cancer à partir du « The Cancer Genome Atlas » (TCGA), les auteurs ont extrait les profils des mycobiomes associés aux tumeurs avec une résolution au niveau des espèces. Après avoir éliminé les contaminations et les signaux faussement positifs, les auteurs ont constaté que les compositions fongiques variaient selon le type de cancer, certains champignons étant spécifiques du type tumoral, que cela soit pour des localisations gastro-intestinales ou non (figure 1A). Dans l’ensemble, il a été trouvé jusqu’à une cellule fongique pour 10 000 cellules tumorales humaines, un taux cohérent avec le fait que les champignons représentent 0,1-1 % du microbiome, et qu’il est estimé que les bactéries représentent un peu moins de 1 % des cellules trouvées dans les tumeurs [2, 3]. Plusieurs espèces de Candida, Saccharomyces cerevisiae et Cyberlindnera jadinii étaient retrouvées comme très abondantes dans les tumeurs gastro-intestinales, tandis que les espèces de Blastomyces et Malassezia étaient abondantes dans les tumeurs pulmonaires et mammaires, respectivement. Les auteurs ont ensuite démontré que plusieurs espèces de Candida sont vivantes et actives sur le plan transcriptionnel au niveau de la tumeur. Enfin, l’abondance de certains champignons au sein de la tumeur pourrait prédire l’expression des gènes de la tumeur hôte, l’état de la maladie et la survie (figure 1B), même si cela doit être confirmés. Ensemble, ces résultats impliquent les champignons, et particulièrement Candida, dans la pathogenèse des cancers gastro-intestinaux, mais suggèrent également leurs potentiels en tant que cible thérapeutique et outil pronostique.

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POINTS CLES

  • Une analyse du mycobiome à travers différents cancers montre la présence de champignons au sein du tissus tumoral
  • Des tumeurs gastro-intestinales contiennent du Candida vivant et transcriptionnellement actif
  • De l’ADN de Candida est abondant dans certains tissus tumoraux, ce qui pourrait être de mauvais pronostic
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Quelles sont les conséquences en pratique ?

À côté des bactéries, cette étude démontre la présence de champignons au sein de nombreuses tumeurs digestives et extradigestives, avec une forme de spécificité d’un type tumoral à l’autre et un potentiel caractère prédictif de la sévérité. Ces résultats suggèrent un rôle des champignons dans le processus carcinologique et sa gravité. D’autre part, ils pourraient ouvrir la voie vers le développement de nouveaux biomarqueurs ou de nouveaux traitements du cancer ciblant la composante fongique.

CONCLUSION

Une analyse de multiples cancers digestifs et extra-digestifs identifie des champignons associés aux tumeurs, et notamment un enrichissement en Candida dans les cancers gastro-intestinaux. Les champignons pourraient jouer un rôle dans la carcinogenèse. L’ADN fongique associé aux tumeurs pourrait servir de marqueur pronostique dans ce contexte et les champignons pourraient être une nouvelle cible thérapeutique en cancérologie.

"Des développements intéressants. Merci de vous soucier de l'humanité." -sturehp (De Biocodex Microbiota Institute sur X)

"L'ADN fongique associé aux tumeurs pourrait servir de biomarqueurs diagnostiques ou pronostiques. Très intéressant. Je suis curieux de voir ce que cela va donner." -Just me. (De Biocodex Microbiota Institute sur X)

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Article commenté Microbiote intestinal