Syndrome de l'intestin irritable et microbiote : existe-t-il un lien ?

Afin de mieux sensibiliser au syndrome de l'intestin irritable (SII), le Microbiota Institute donne la parole à un expert dans ce domaine, le Pr Premysl Bercik, clinicien et chercheur à l'Université McMaster, au Canada.
Quels sont les symptômes ? Pourquoi développe-t-on le SII ? Est-ce lié au microbiote ? Existe-t-il un axe microbiote-intestin-cerveau ? Voici les réponses à toutes vos questions.

Le microbiote intestinal Le syndrome de l’intestin irritable (SII) TFI Adulte / Enfant Troubles anxieux Troubles de l'humeur Gastroentérite infectieuse Maladies du foie Les probiotiques La transplantation fécale
SII
IBS and microbiota

52% Seule 1 personne sur 2 ayant souffert d’une pathologie digestive impliquant le microbiote fait le lien

Qu'est-ce que le syndrome de l'intestin irritable (SII) ?

Le SII est un trouble de l'interaction intestin-cerveau, caractérisé par des douleurs abdominales chroniques et un transit perturbé (modification de la fréquence ou de la consistance des selles) en l'absence de lésions tissulaires. Mais les symptômes gastro-intestinaux ne surviennent pas seuls ; en effet, le SII est souvent accompagné d'une détresse psychologique (anxiété, stress ou dépression). 1

Pr. Premysl Bercik

"Ces dix dernières années, une attention particulière a été accordée au microbiote intestinal, suspecté de jouer un rôle essentiel dans le SII"

Pr. Premysl Bercik

Combien de personnes sont touchées par le SII ?

Prof. Premysl Bercik: Les données diffèrent selon les pays, mais on estime que le SII concerne entre 5 et 10 % de la population mondiale. 2 Les femmes ont près de deux fois plus de risques que les hommes d'être atteintes du SII. Elles se plaignent également davantage de fatigue et de détresse psychologique. Hommes et femmes peuvent développer le SII à tout âge, mais ce syndrome se manifeste généralement entre 20 et 30 ans. 

5 à 10% on estime que le SII concerne entre 5 et 10 % de la population mondiale

2 patients sur 3 sont des femmes

La qualité de vie des patients souffrant du SII est profondément affectée, car cette maladie s'immisce dans leur quotidien et entraîne fréquemment des absences au travail ou à l'école. 3

Qu'est-ce qui déclenche les symptômes du SII ? Pourquoi développe-t-on le SII ?

P.-B.: Le SII est un trouble complexe, dont la genèse est probablement plurifactorielle et encore insuffisamment comprise.  En général, il découle d'une mauvaise interaction intestin-cerveau, c'est-à-dire d'un problème de communication bidirectionnelle entre l'appareil digestif et le système nerveux central. Plusieurs mécanismes périphériques ont été identifiés s'agissant du SII, notamment l'hypersensibilité intestinale, l'altération de la motilité intestinale, l'augmentation de la perméabilité intestinale et l'inflammation de bas grade. Dans le cerveau, les signaux en provenance de l'intestin peuvent être mal interprétés, puis amplifiés. Le cerveau envoie alors des signaux erronés à l'intestin.  Ces dix dernières années, une attention particulière a été accordée au microbiote intestinal, suspecté de jouer un rôle essentiel dans le SII 4,5.

Quelles sont les preuves scientifiques de l'implication du microbiote intestinal dans le SII ? 

P.-B.: Plusieurs éléments prouvent que le microbiote est impliqué dans le SII : 

  • Premièrement, l'infection intestinale (gastroentérite) est le facteur de risque le plus important du SII, avec 11 à 14 % des patients développant des symptômes chroniques après une infection aiguë par une bactérie pathogène (Salmonella, E. coli ou Campylobacter). 6
  • Deuxièmement, différentes études cliniques ont prouvé que les traitements visant le microbiote avaient un effet sur les symptômes du SII. En effet, certains antibiotiques améliorent les symptômes chez de nombreux patients atteints du SII, tandis que chez les personnes asymptomatiques, ils peuvent déclencher les symptômes du SII. Quelques probiotiques spécifiques ont démontré qu'ils amélioraient les symptômes du SII, comme les douleurs abdominales, la diarrhée ou les ballonnements, bien qu'à l'heure actuelle il n'existe aucun consensus quant aux probiotiques à recommander d'un point de vue clinique. 2
  • Troisièmement, la composition du microbiote intestinal et l'activité métabolique diffèrent chez les patients atteints du SII et chez les personnes en bonne santé, et sont associées non seulement aux symptômes intestinaux, mais également à l'anxiété et à la dépression. Toutefois, les résultats issus d'études individuelles varient, et il semble n'y avoir aucun profil microbien unique pouvant être attribué au SII. 7
  • Enfin et surtout, plusieurs études ont démontré que le dysfonctionnement des intestins et l'anxiété associée pouvaient se transmettre par le biais d'une transplantation de microbiote entre des patients atteints du SII et des souris sans microbiote (germ-free). 8,9,10

Syndrome de l'intestin irritable (SII) : rôle du microbiote

En savoir plus

Vous avez parlé d'interaction intestin-cerveau. Existe-t-il un axe microbiote-intestin-cerveau ? 

P.-B.: L'axe intestin-cerveau implique des signaux immunitaires, neuronaux et hormonaux, et des preuves toujours plus nombreuses laissent à penser que le microbiote intestinal joue un rôle essentiel dans cette communication. Bien que la plupart des données aient été obtenues à partir d'études animales, de nombreuses études cliniques soutiennent ce concept. 11 Pour n'en citer que quelques-unes, des changements soudains de comportement ont été décrits chez des patients sous antibiotiques. Une récente étude menée au sein de la population a démontré que l'utilisation d'antibiotiques durant la petite enfance était associée à un risque accru de développer plus tard des troubles mentaux. Le cas le plus parlant concerne des patients atteints d'une maladie du foie en phase terminale (cirrhose), pour lesquels on a diagnostiqué une (sidenote: Hepatic encephalopathy (HE) Hepatic encephalopathy (HE) refers to changes in the brain that occur in patients with advanced, acute (sudden) or chronic (long-term) liver disease. It is one of the major complications of cirrhosis. https://britishlivertrust.org.uk/information-and-support/living-with-a-liver-condition/liver-conditions/hepatic-encephalopathy/ ) . Ces patients manifestent des troubles du comportement et cognitifs qui s'amplifient rapidement et radicalement après l'administration d'antibiotiques ou de laxatifs, ou bien de transplantation de microbiote fécal 12. En outre, plusieurs études ont démontré que les profils microbiens différaient chez les patients souffrant de troubles psychiatriques et chez les personnes en bonne santé. 13

5 points à retenir concernant le syndrome de l'intestin irritable (SII) :

  1. Le SII se caractérise par des douleurs abdominales et un transit perturbé. 
     
  2. Sa prévalence tourne autour de 5 à 10 %, il affecte majoritairement les femmes et il a un fort impact socio-économique.
     
  3. Sa pathophysiologie n'est pas parfaitement comprise ; on le considère comme un trouble de l'interaction intestin-cerveau.
     
  4. Une multitude de données cliniques et animales sous-entendent que les bactéries intestinales sont impliquées dans les troubles cognitifs, du comportement et de l'humeur (dépression, anxiété, etc.).
     
  5. Plusieurs éléments prouvent que le microbiote intestinal est impliqué dans le SII :
  • la gastroentérite bactérienne est le facteur de risque le plus important du SII ;
  • les traitements visant le microbiote (antibiotiques, probiotiques) peuvent améliorer les symptômes du SII ; 
  • le métabolisme et les profils de microbiote diffèrent chez les patients atteints du SII et chez les personnes en bonne santé ;
  • la transplantation de microbiote issu de patients atteints du SII provoque un dysfonctionnement au niveau des intestins et des troubles du comportement chez des souris sans microbiote (germ-free).

Est-il possible de réguler le microbiote intestinal en vue d'améliorer la santé mentale ? 

P.-B.: Chez les animaux, certains probiotiques ont démontré des effets bénéfiques sur le comportement et la neurochimie, laissant entendre qu'ils pourraient être utilisés à des fins thérapeutiques dans certains troubles mentaux. Les résultats des quelques études cliniques réalisées jusque-là suggèrent que les probiotiques, utilisés dans le cadre d'un traitement adjuvant, améliorent les symptômes chez les patients souffrant de dépression majeure. 13 Quant à notre récente étude pilote, elle a démontré que le traitement par probiotiques améliorait les scores de dépression et les symptômes intestinaux chez les patients atteints du SII, et qu'il modifiait leurs schémas d'activation cérébrale. 14 Au total, cela indique que certains probiotiques pourraient être utiles non seulement pour les patients souffrant de troubles fonctionnels intestinaux, mais également pour ceux atteints de troubles mentaux. Toutefois, cela devra encore être confirmé par des études cliniques rigoureuses à grande échelle. 

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BMI-23.14

À savoir

L'objectif du Biocodex Microbiota Institute est de sensibiliser le grand public et les professionnels de santé au microbiote humain. Il n'a pas pour vocation de fournir des avis médicaux. Pour toute question ou demande, veuillez consulter un professionnel de santé.

Sources

1. Lacy BE, Pimentel M, Brenner DM, et al. ACG Clinical Guideline: Management of Irritable Bowel Syndrome. Am J Gastroenterol. 2021;116(1):17-44.

2. Ford AC, Sperber AD, Corsetti M, et al. Irritable bowel syndrome. Lancet. 2020 Nov 21;396(10263):1675-1688.

3. Black CJ, Ford AC. Global burden of irritable bowel syndrome: trends, predictions and risk factors. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2020; 17: 473-86.

4. Simrén, M., Tack, J. New treatments and therapeutic targets for IBS and other functional bowel disorders. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 15, 589–605 (2018).

5. Moayyedi P, Mearin F, Azpiroz F, et al. Irritable bowel syndrome diagnosis and management: A simplified algorithm for clinical practice. United European Gastroenterol J. 2017;5(6):773-788.

6. Barbara G, Grover M, Bercik P, et al. Rome Foundation Working Team Report on Post-Infection Irritable Bowel Syndrome. Gastroenterology. 2019;156(1):46-58.e7.

7. Pittayanon R, Lau JT, Yuan Y. Gut Microbiota in Patients With Irritable Bowel Syndrome-A Systematic Review. Gastroenterology. 2019;157(1):97-108.

8. De Palma G, Lynch MD, Lu J, et al. Transplantation of fecal microbiota from patients with irritable bowel syndrome alters gut function and behavior in recipient mice. Sci Transl Med 2017;9(379):eaaf6397.

9. Constante M, De Palma G, Lu J, . Saccharomyces boulardii CNCM I-745 modulates the microbiota-gut-brain axis in a humanized mouse model of Irritable Bowel Syndrome. Neurogastroenterol Motil 2021;33(3):e13985.

10. De Palma G, Shimbori C, Reed DE, et al. Histamine production by the gut microbiota induces visceral hyperalgesia through histamine 4 receptor signaling in mice. Sci Transl Med. 2022;14(655):eabj1895.

11. Morais LH, Schreiber HL 4th, Mazmanian SK. The gut microbiota-brain axis in behaviour and brain disorders. Nat Rev Microbiol. 2021;19(4):241-255.

12. Acharya C, Bajaj JS. Chronic Liver Diseases and the Microbiome-Translating Our Knowledge of Gut Microbiota to Management of Chronic Liver Disease. Gastroenterology 2021;160(2):556-572.

13. Nikolova VL, Cleare AJ, Young AH, et al. Updated Review and Meta-Analysis of Probiotics for the Treatment of Clinical Depression: Adjunctive vs. Stand-Alone Treatment. J Clin Med 2021;10(4):647.

14. Pinto-Sanchez MI, et al. Probiotic Bifidobacterium longum NCC3001 Reduces Depression Scores and Alters Brain Activity: A Pilot Study in Patients With Irritable Bowel Syndrome. Gastroenterology 2017;153(2):448-459.

 

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Actualités

Des liens avérés entre microbiote intestinal et migraine

Les migraineux présentent une dysbiose intestinale, variable selon le type de migraine (épisodique ou chronique). Et certaines bactéries semblent liées à la fréquence et l’intensité des céphalées. 1

Des liens avérés entre microbiote intestinal et migraine

Une modification de la composition du microbiote intestinal a déjà été rapportée dans les troubles métaboliques, cardiovasculaires, oncologiques, neurologiques et psychiatriques. Une longue liste à laquelle il va falloir ajouter la migraine, au regard des résultats publiés début 2023 par une équipe sud-coréenne. En pratique, les chercheurs ont étudié les selles de 42 migraineux épisodiques, 45 (sidenote: Migraine chronique Plus de 15 jours de céphalée par mois, dont plus de 8 jours avec des caractéristiques de migraine, et ce depuis plus de 3 mois.  Weatherall MW. The diagnosis and treatment of chronic migraine. Ther Adv Chronic Dis. 2015 May;6(3):115-23. ) et 43 témoins sains, âgés de 19 à 65 ans. Ont été exclus les patients sous traitement médical ou psychiatrique autres que pour l'anxiété, la dépression et la fibromyalgie ; ceux ayant modifié en profondeur leurs habitudes alimentaires dans les 6 mois précédents ; et ceux ayant consommé des probiotiques ou antibiotiques l'année précédente.

Néanmoins, tous les patients inclus prenaient des traitements en cas de crise et 60% des traitements de fond (antiépileptiques, bêtabloquants…), ce qui peut représenter un biais (impact sur le microbiote) et a été pris en compte dans l’analyse des résultats.

Prévalence

  • La migraine touche 15% de la population mondiale. 2

  • La migraine concerne 20% des femmes. 3

  • La migraine concerne 10% des hommes.

  • La migraine est 2 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes en raison des influences hormonales. 4

Un microbiote variable selon les groupes

Aucune différence significative n’était observée entre les trois groupes en termes de diversité (sidenote: Diversité α Une mesure indiquant la diversité d'un échantillon unique, soit le nombre d’espèces différentes présentes chez un individu. Hamady M, Lozupone C, Knight R. Fast UniFrac: facilitating high-throughput phylogenetic analyses of microbial communities including analysis of pyrosequencing and PhyloChip data. ISME J. 2010;4:17-27. https://www.nature.com/articles/ismej200997 ) et (sidenote: Diversité β Une mesure indiquant la diversité des espèces entre les échantillons, elle permet d’évaluer la variabilité de la diversité du microbiote entre les sujets. Hamady M, Lozupone C, Knight R. Fast UniFrac: facilitating high-throughput phylogenetic analyses of microbial communities including analysis of pyrosequencing and PhyloChip data. ISME J. 2010;4:17-27. https://www.nature.com/articles/ismej20099 ) du microbiote intestinal. En revanche, la composition du microbiote intestinal différait significativement :

  • entre les 87 migraineux et les 43 témoins : la classe des Tissierellia et l’ordre des Tissierellales étaient surreprésentés chez les migraineux. Au niveau du genre, Roseburia, Eubacterium_g4, Agathobacter, PAC000195_g et Catenibacterium étaient plus abondants.
  • et entre les types de migraineux : la classe des bacilles et l'ordre des Selenomonadales et Lactobacillales étaient moins abondants chez les migraineux chroniques, de même que la classe des Selenomonadaceae et Prevotellaceae. Au niveau du genre, la bactérie PAC001212_g prédominait chez les migraineux chroniques, alors que Prevotella, Holdemanella, Olsenella, Adlercreutzia et Coprococcus caractérisaient les migraineux épisodiques.

Environ 2,5% des individus souffrant de migraines épisodiques développeront une migraine chronique.

1% à 2% La migraine chronique affecte 1% à 2% de la population mondiale.

Des bactéries liées à la fréquence ou l’intensité des céphalées

Des analyses supplémentaires montrent un lien entre certains genres bactériens et les caractéristiques cliniques de la migraine : plus le microbiote intestinal était riche en PAC000195_g, plus la fréquence des céphalées diminuait ; et plus le microbiote intestinal était riche en Agathobacter, moins les céphalées sévères étaient intenses.
Si ces résultats fournissent des preuves d'une dysbiose intestinale chez les migraineux, seules des études longitudinales permettront de mieux comprendre la relation entre microbiote intestinal et migraine (quelle est la cause et la conséquence) et, à terme, d’envisager un possible traitement prophylactique de la migraine via le microbiote intestinal.

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Actualités Gastroentérologie Médecine générale

Quand la migraine prend aux tripes

La migraine ne touche pas que la tête : elle prend aussi aux intestins, le microbiote intestinal des migraineux différant de ceux de témoins sains. Certaines bactéries semblent même prédire l’intensité et la fréquence des céphalées. Plongée au cœur de l’axe intestin-cerveau. 1

Le microbiote intestinal
Quand la migraine prend aux tripes

On savait les individus migraineux davantage sujets à des troubles gastro-intestinaux, notamment la diarrhée, la constipation et le reflux gastro-œsophagien. Une étude sud-coréenne publiée début 2023 montre que ces patients présentent en outre une altération de leur microbiote intestinal.

Qu’est-ce que la migraine ?

La migraine est une céphalée ou mal de tête d’intensité variable, mais souvent forte (on parle alors de crises migraineuses) qui se déclenche à la puberté. Les crises peuvent durer de quelques heures à 2 ou 3 jours, et en fréquence se déclencher entre une fois par semaine à une fois par an. Cette maladie s’accompagne parfois de nausées ou d’une intolérance au bruit, à la lumière. C’est une maladie qui peut devenir chronique et qui altère la qualité de vie des patients. 2

Prévalence
  • La migraine touche 15% de la population mondiale. 3

  • La migraine concerne 20% des femmes. 4

  • La migraine concerne 10% des hommes.

  • La migraine est 2 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes en raison des influences hormonales. 5

Une flore intestinale modifiée chez les migraineux

En analysant les bactéries présentes dans les selles de 87 patients migraineux (42 migraineux épisodiques et 45 (sidenote: Migraine chronique Plus de 15 jours de céphalée par mois, dont plus de 8 jours avec des caractéristiques de migraine, et ce depuis plus de 3 mois.  Weatherall MW. The diagnosis and treatment of chronic migraine. Ther Adv Chronic Dis. 2015 May;6(3):115-23. ) ) et de 43 témoins sains, les chercheurs ont en effet observé des différences dans la composition du microbiote intestinal : chez les migraineux, les bactéries des genres Roseburia, Eubacterium, Agathobacter, PAC000195 (une bactérie non décrite jusque-là) et Catenibacterium étaient plus abondantes que chez les personnes non sujettes à cette maladie. Certaines bactéries de la flore intestinale différaient également selon le type de migraine (épisodique ou chronique) : les bactéries PAC001212 étaient caractéristiques des migraineux chroniques, alors que Prevotella, Holdemanella, Olsenella, Adlercreutzia et Coprococcus allaient de pair avec la migraine épisodique.

Environ 2,5% des individus souffrant de migraines épisodiques développeront une migraine chronique.

1% à 2% La migraine chronique affecte 1% à 2% de la population mondiale.

Quand la bactérie signe la sévérité de la céphalée

Mais ce n’est pas tout : la présence de certaines bactéries semble prédire des paramètres clés de la migraine. Ainsi plus le microbiote intestinal était riche en PAC000195, plus la fréquence des céphalées, diminuait ; et plus le microbiote intestinal regorgeait d’Agathobacter, moins les céphalées sévères étaient intenses.

Le microbiote intestinal

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Microbiote et migraine : qui de la poule ou de l’œuf…

Mais attention : on ne peut en conclure que ces bactéries protègent des migraines et de leurs récidives, ou que d’autres les exacerbent. Les résultats de cette étude ne démontrent que l’existence d’une dysbiose intestinale chez les migraineux. Et on ne saurait dire si le déséquilibre observé est la cause ou la conséquence de la migraine. Seul moyen de trancher : réaliser des études longitudinales, qui suivent ces patients dans le temps et recherchent si des variations du microbiote précèdent ou suivent les crises de migraine, afin de savoir quel facteur déclenche l’autre. Ce qui pourrait laisser espérer, dans la foulée, des traitements pour venir à bout de ce mal.

"C'est tellement vrai. Je pense que je l'ai toujours su. Merci pour cet article." Theresa LaSalle (De My health, my microbiota)

 "Très bonne information." David Shepherdson (De My health, my microbiota)

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Binge drinking : une dysbiose intestinale liée à l’alcool favoriserait l’addiction

Le microbiote intestinal des jeunes adeptes du « binge drinking », ou  « beuverie express » présente des altérations qui accéléreraient le passage à une future addiction alcoolique, suggère une étude publiée dans The Lancet eBioMedicine. Alors que son rôle dans le développement des troubles de l’usage d’alcool se précise, pourrait-on le moduler pour réduire le risque de dépendance ?

Binge drinking : une dysbiose intestinale liée à l’alcool favoriserait l’addiction

Des perturbations de l’axe intestin-cerveau font-elles le lit de l’alcoolisme ?

Des dysbioses intestinales et une augmentation des marqueurs inflammatoires ont déjà été retrouvées chez les alcooliques chroniques, notamment en cas de TUA sévères et de besoins compulsifs à boire. Elles entraîneraient une neuroinflammation engendrant des troubles cognitifs et comportementaux, notamment sociaux.
Or des déficits de cognition sociale ont été rapportés chez des jeunes « binge drinkers ». Ces dysbioses et ces perturbations de l’axe intestin-cerveau pourraient ainsi être impliquées dans le passage vers une addiction à l’alcool.

Le « binge drinking »

Mode de consommation d’alcool fréquemment adopté par les adolescents, le « binge drinking » ou beuverie express, se définit par des intoxications répétées de grandes quantités d’alcool sur une courte période de temps menant à une alcoolémie d’au moins 0,8g/L. Alors qu’il concerne 1 jeune sur 3 dans les pays occidentaux, il a été associé à des altérations cérébrales anatomiques et cognitives ainsi qu’à un risque augmenté de survenue de psychopathologies et de troubles de l’usage d’alcool (TUA) plus tard dans la vie.

Une équipe irlandaise a mené une étude auprès de 71 jeunes de 18 à 25 ans (37 femmes, 34 hommes) non dépendants à l’alcool afin d’identifier chez ceux pratiquant le « binge drinking » des signes précoces de TUA. Ses chercheurs ont exploré les liens entre dysbiose intestinale, inflammation, besoins de boire, déficits de sociabilité et impulsivité, trait cognitif reconnu pour accélérer le passage à l’addiction alcoolique. Pour cela, ils ont procédé à l’évaluation neuropsychologique des participants, à la mesure des marqueurs inflammatoires dans des échantillons biologiques (sang, salive..) et enfin, au séquençage métagénomique d’échantillons fécaux. Pendant les 3 mois de suivi, les participants ont consigné leur consommation d’alcool et leurs besoins compulsifs d’alcools (cravings).

Des dysbioses associées au binge-drinking et à des troubles cognitifs

Les chercheurs ont observé que le « binge drinking » s’accompagnait de déséquilibres taxonomiques et fonctionnels particuliers du microbiote intestinal, eux-mêmes associés à des troubles de la gestion émotionnelle. Les analyses statistiques ont montré que l’altération de la reconnaissance des émotions était liée à une diminution d’espèces de Clostridium, de Flavonifractor plautii et de Eggerthella lenta et à une augmentation des Coprococcus. L’impulsivité était associée à une baisse des Collinsella et à une hausse des Roseburia et des Parabacteroides. Les besoins compulsifs d’alcools étaient également corrélés à une réduction de Ruthenibacterium lactiformans et à une libération accrue d’interleukines, signe de surstimulation immunitaire. Enfin, un plus grand nombre d’épisodes de « binge drinking » était associé à une baisse de production de l’acide gras à chaîne courte isovalérate et à une plus grande impulsivité.

Moduler le microbiote intestinal dans la période vulnérable de l’adolescence

Non seulement cette étude souligne le rôle du microbiote intestinal dans la régulation de la cognition sociale et l’impulsion, mais elle démontre également que le « binge drinking »  s’associe à des altérations du microbiote intestinal présentes avant même l’apparition d’une dépendance alcoolique. Elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles interventions diététiques ou pré/probiotiques destinées à améliorer la dysbiose liée à la consommation d’alcool durant la période développementale critique de l'adolescence.

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Actualités Gastroentérologie Psychiatrie

Avec le « binge drinking », le microbiote intestinal des jeunes trinque

Boire une grande quantité d’alcool pour s’enivrer en un minimum de temps : c’est le « binge drinking », mode de consommation d’alcool préférée des ados. Le microbiote intestinal de ses adeptes n’est hélas pas à la fête : son déséquilibre participerait même au passage à l’addiction alcoolique plus tard dans la vie, révèle une étude 1.

Le microbiote intestinal
Avec le « binge drinking », le microbiote intestinal des jeunes trinque

Le « binge drinking », traduit par « alcoolisation ponctuelle importante » (API) en France ou plus communément « beuverie express » correspond à un état d’ivresse aiguë. Il concerne principalement les jeunes, entre 15 et 25 ans. Cette pratique a des conséquences néfastes sur la santé à l’adolescence, car l’organisme est encore en pleine construction. Pratiqué de façon répétée, le « binge drinking » altère la structure et le fonctionnement du cerveau tout en augmentant le risque d’un futur trouble de l’usage d’alcool, plus couramment appelé « alcoolisme ».

Qu’est-ce que le « binge-drinking » ?

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un épisode de binge drinking se définit par une prise d’au moins 60g d’alcool pur (environ 6 « demis ») menant à une alcoolémie d’au moins 0,8g d’alcool par litre de sang 2.

Or des déséquilibres du microbiote intestinal, ou dysbioses, sont retrouvés chez les alcooliques chroniques, d’autant plus prononcés que les besoins compulsifs à consommer de l’alcool sont fortes. Ils entraîneraient une inflammation atteignant le cerveau, engendrant ainsi des problèmes de gestion des émotions et de (sidenote: Cognition sociale Capacité à comprendre et gérer les interactions sociales. Beaudoin C, Beauchamp MH. Social cognition. Handb Clin Neurol. 2020;173:255-264. ) . Mais des études suggèrent aujourd’hui qu’une dysbiose et des perturbations de l’axe intestin-cerveau pourraient également être impliquées dans le développement de la dépendance à l’alcool.

Identifier des signes d’une vulnérabilité à l’alcoolisme chez des jeunes « binge drinkers » ?

Des chercheurs irlandais ont décidé d’explorer les liens entre dysbiose, inflammation, pulsions à boire et troubles du contrôle des émotions chez des jeunes pratiquant le « binge drinking ». Pour cela, ils ont rassemblé 71 hommes et femmes de 18 à 25 ans, non dépendants à l’alcool. Ils ont procédé à l’évaluation neuropsychologique des participants et recueilli des échantillons de leurs fluides biologiques pour détecter des marqueurs d’inflammation et de leurs selles, permettant d’analyser leur microbiote intestinal. Pendant 3 mois, les participants ont consigné leur consommation d’alcool et leurs pulsions à boire.

Un jeune sur trois Également appelé en français « alcoolisation ponctuelle importante » (API), ou beuverie express le « binge drinking » est le plus fréquent trouble de l’usage d’alcool dans les pays occidentaux : un jeune Européen et nord-Américain sur 3.

(sidenote: Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictive : Le binge drinking.  https://www.drogues.gouv.fr/le-binge-drinking  )

Des troubles cognitifs et un passage à l’addiction alcoolique

A la fin de l’étude, les chercheurs ont constaté que chez les jeunes pratiquant le « binge drinking » apparaissaient des dysbioses spécifiquement liées à des troubles de la cognition. L’altération de la (sidenote: Reconnaissance des émotions Capacité à identifier et décrire ses propres états émotionnels et ceux d’autrui. Cabé N, Laniepce A, Boudehent C et al : Repérage des troubles cognitifs liés à l’alcool, La Revue du Praticien, 20/10/2019, 69(8);904-8 ) , et l’impulsivité étaient chacune associée à une modification de la présence de certains groupes bactériens spécifiques. Les envies irrésistibles de consommer de l’alcool étaient également liées à une réduction d’une autre espèce bactérienne et à une augmentation de marqueurs d’inflammation. Comme les chercheurs s’y attendaient, des épisodes de « binge drinking » plus nombreux augmentaient l’impulsivité, reconnue pour accélérer le passage à l’addiction alcoolique.

Conclusion, le « binge drinking » s’accompagne d’altérations du microbiote intestinal présentes avant même l’apparition d’une dépendance alcoolique. Voyant le verre à moitié plein, les chercheurs estiment que leurs découvertes pourraient contribuer au développement de nouvelles interventions diététiques ou pré/probiotiques destinées à améliorer la dysbiose liée à l'alcool chez les adolescents.

Le microbiote intestinal

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Attention

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

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Actualités

L’axe intestin-cerveau dans le stress lié à la discrimination

Une équipe américaine propose un modèle mettant en évidence l'influence de la discrimination sur la signalisation bidirectionnelle entre le cerveau et le microbiote intestinal. L’inflammation serait le médiateur.

L’axe intestin-cerveau dans le stress lié à la discrimination

S’il est relativement acquis que la discrimination représente un facteur de risque de troubles mentaux et physiques, les mécanismes en jeu restent flous. L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien a souvent été impliqué. Néanmoins, certains experts se tournent aujourd’hui vers le microbiote intestinal, du fait de sa sensibilité au stress, de son rôle dans l’inflammation et la santé à long terme, et de résultats récents sur l’axe intestin-cerveau. Un travail publié fin 2022 a ainsi étudié les effets de la discrimination dans la dérégulation de l’axe intestin-cerveau.

Altérations de certaines connexions cérébrales

Sur les 154 participants de l’étude, 80 ressentaient une discrimination forte et 74 une faible discrimination, liée à leur couleur de la peau (participants afro-américains, hispaniques et asiatiques) ou au sexe et à l’âge (caucasiens). Une discrimination élevée allait de pair avec des niveaux plus élevés d'anxiété, de dépression, de sensibilité viscérale... Avec des différences néanmoins selon les origines : les personnes afro-américaines ne montraient par exemple aucun lien entre discrimination et santé mentale.

Physiologiquement, les IRM des participants montrent que la discrimination est associée à des altérations des voies cérébrales du stress variables selon les origines : par exemple, on observe une stimulation accrue d’une zone cérébrale associée au traitement intéroceptif autonome, sensoriel, moteur et de récompense chez les asiatiques, une connectivité "chaotique" de nombreux réseaux nerveux chez les personnes caucasiennes ; etc.

Dysbiose du microbiote intestinal

Outre ces altérations des réseaux cérébraux, la discrimination apparait aussi liée à une dysbiose intestinale et à des niveaux accrus de la bactérie pro-inflammatoire Prevotella copri chez les afro-américains et Hispaniques comparativement aux personnes caucasiennes. Les métabolites bactériens sont également impactés, avec des variations selon les populations : concentration moindre d’un sous-produit de la synthèse de la carnitine (anti-inflammatoire) chez les afro-américains ; augmentation des métabolites impliqués dans le métabolisme des lipides chez les asiatiques ; etc.

Une discrimination aux conséquences variables selon l’origine ?

Selon les auteurs, la discrimination altèrerait l’axe intestin-cerveau, avec des conséquences variables d’une communauté à l’autre.

  • Chez les afro-américains, elle rime avec davantage de biomarqueurs inflammatoires mais cette population semble moins sujette à l’anxiété et affiche des scores de résilience les plus élevés.
  • Chez les hispaniques, discrimination rime aussi avec inflammation mais de meilleures stratégies d'adaptation.
  • Dans la population asiatique, les résultats suggèrent une compensation du stress via des aliments gras.
  • Chez les personnes caucasiennes, les perturbations cérébrales observées pourraient refléter une difficulté à faire face.

"Un article sur la discrimination ethnique/raciale qui mérite d'être lu…" Syeda Safia Hashmi (De Biocodex Microbiota Institute sur X)

"Cet article est intéressant. La discrimination n'affecte donc pas seulement le cerveau, mais aussi l'équilibre des bactéries intestinales d'une personne. Les résultats varient selon les groupes ethniques. La prochaine étude devrait utiliser un échantillon plus important pour vérifier si ces résultats sont cohérents." -Greenleaf (De Biocodex Microbiota Institute sur X)

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Actualités Gastroentérologie Psychiatrie Médecine générale

La discrimination difficile à digérer

Traiter défavorablement une personne en raison de ses caractéristiques personnelles (sexe, origine, religion…). Fléau de nos sociétés, la discrimination semble avoir des effets variables selon les origines des individus. Ces effets pourraient s’expliquer par des altérations de l’axe intestin cerveau. Explications.

Le microbiote intestinal Troubles anxieux Troubles de l'humeur
La discrimination difficile à digérer

Couleur de peau, âge, sexe, … : la discrimination peut prendre de nombreuses formes mais nourrit le même dessein : le rejet, la mise à l’écart d’une personne ou d’un groupe de personnes. Selon une étude menée sur différentes populations américaines, la discrimination altèrerait à la fois le système digestif (le microbiote intestinal précisément) et le système cérébral, et l’axe de communication qui les relie (on parle d’axe intestin-cerveau). Plus surprenant, les effets et mécanismes en jeu dépendraient de l’origine des personnes.

Effet de la discrimination : un microbiote intestinal chamboulé chez les afro-américains

Chez les afro-américains, une forte discrimination, généralement en lien avec leur couleur de peau, va jusqu’à modifier les bactéries présentes dans le microbiote intestinal : c’est ce qu’on appelle la dysbiose.

Les chercheurs relèvent par exemple des niveaux accrus de bactéries, et notamment de la bactérie pro-inflammatoire Prevotella copri, chez les personnes qui subissent une forte discrimination. Une imagerie de leur cerveau (Imagerie par Résonance Magnétique : IRM) montre l’activation de zones impliquées dans la régulation des émotions négatives. Sur le plan mental, l’anxiété et le stress augmentent en cas de forte discrimination (comme dans toutes les autres populations) mais aucun lien n’est trouvé entre discrimination et santé mentale (à la différence des autres communautés). Ainsi, selon les auteurs, chez les afro-américains, la discrimination créerait une forte inflammation mais cette population serait moins sujette à la dépression et plus résiliente.

Des mécanismes différents pour les autres communautés

Des analyses similaires du microbiote intestinal, des marqueurs sanguins, de l’activité cérébrale et de l’état mental montrent des réponses très différentes dans les autres populations.

  • Chez les hispaniques, discrimination rime aussi avec inflammation mais de meilleures stratégies d'adaptation et un contrôle cognitif pourraient contrebalancer.
  • Dans la population asiatique, les mécanismes semblent très différents : une discrimination accrue va de pair avec davantage de métabolites sanguins liés au cholestérol et une activité cérébrale qui suggère une compensation du stress via des aliments gras.
  • Enfin, chez les personnes d’origine caucasienne, la discrimination est généralement liée à l’âge et au sexe. Elle va de pair avec de l'anxiété mais sans inflammation. Au niveau intestinal on observe un taux de bactéries P. Copri réduit par rapport aux communautés hispaniques et afro-américaines. L’IRM de ces personnes montrent également des perturbations cérébrales qui pourraient refléter une difficulté à faire face.

Le microbiote intestinal

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Actualités

Le microbiote joue-t-il un rôle dans l’infertilité?

De récentes publications scientifiques apportent de nouvelles informations mettant en lumière le rôle clé du microbiote vaginal dans la santé des femmes. Le Biocodex Microbiota Institute lance une série d’interviews d’experts consacrées au microbiote, aux femmes et à la santé. Quel est l’état actuel des connaissances sur la santé des femmes et le microbiote? Que reste-t-il encore à découvrir?

Dans ce dernier épisode, le professeur Ina Schuppe explore le rôle du microbiote dans l’infertilité féminine.

Le microbiote vaginal
Doctor talking to patients

Environ 48 millions de couples et 186 millions de personnes vivent avec l’infertilité dans le monde.

Pour commencer, une question qui revient souvent. Qu’est-ce que l’infertilité ?

Prof. Ina Schuppe-Koistinen : Selon l’OMS, l'infertilité est une affection du système reproducteur masculin ou féminin définie par l’impossibilité d’aboutir à une grossesse après 12 mois ou plus de rapports sexuels non protégés réguliers 1. Les méthodes employées pour en estimer la fréquence varient entre les différentes études et cette variation peut rendre difficile la compréhension du problème et l’estimation de son ampleur. Il n’en reste pas moins que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que l’infertilité touche environ 15% des couples en âge de procréer dans le monde et que cela a un impact sur leur famille et leur entourage 1,2 . Derrière ce chiffre se cachent toutefois de grandes disparités entre les pays et entre les régions d’un même pays. L’infertilité peut être primaire ou secondaire. L’infertilité primaire est l’incapacité à concevoir, tandis que l’infertilité secondaire est l’incapacité à concevoir après avoir conçu au moins une fois.

Chez l’homme, les causes les plus fréquentes d’infertilité sont les problèmes d’éjaculation, l’absence ou la faible quantité de spermatozoïdes, ainsi que des anomalies dans la forme ou la motilité des spermatozoïdes.

Chez la femme, l’infertilité peut être due à différentes anomalies des ovaires, de l’utérus, des trompes de Fallope et du système endocrinien.

Après exclusion de ces problèmes, environ 15% des cas d’infertilité restent inexpliqués.

Estimation de l'infertilité

L’Organisation Mondiale de la Santé estime que l’infertilité touche environ 15% des couples en âge de procréer dans le monde 1,2 et 15% des cas d’infertilité restent inexpliqués.

Existe-t-il actuellement un traitement permettant d’aider les couples à concevoir ?

I.S.-K. : Le traitement de l’infertilité repose sur les techniques de (sidenote: Techniques de Procréation médicalement Assistées (PMA) La PMA inclut l’ensemble des traitements contre l’infertilité impliquant une manipulation soit des ovules soit des embryons. En général, les techniques de PMA consistent à prélever les ovules des ovaires d’une femme par chirurgie, à les combiner avec des spermatozoïdes en laboratoire, puis à les réimplanter dans le corps de la femme ou à en faire don à une autre. Elles N’INCLUENT PAS les traitements dans lesquels seuls les spermatozoïdes sont manipulés (c’est-à-dire l’insémination intra-utérine ou artificielle) ni les techniques dans lesquelles la femme prend un médicament dans le seul but de stimuler la production d’ovules sans qu’il y ait l’intention de les prélever. ) (PMA) comme la fécondation in vitro (FIV), qui existent depuis plus de 30 ans et ont permis la naissance de plus de 5 millions de bébés dans le monde. Toutefois, ces techniques restent encore largement indisponibles, inaccessibles et inabordables financièrement dans de nombreuses parties du monde, notamment dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire.

5 millions d'enfants nés par FIV dans le monde

Quel est le rôle du microbiote dans l’infertilité ?

I.S.-K. : Le succès de la grossesse repose non seulement sur la bonne santé des organes reproducteurs mais aussi sur une interaction fonctionnelle entre le système immunitaire et la production d’hormones permettant la fécondation et l’implantation de l’embryon reconnu comme partiellement étranger, tout en empêchant l’irruption et la colonisation de (sidenote: pathogènes Un pathogène est un microorganisme qui cause, ou peut causer, une maladie Pirofski LA, Casadevall A. Q and A: What is a pathogen? A question that begs the point. BMC Biol. 2012 Jan 31;10:6. ) . Un microbiote vaginal en bonne santé est dominé par les espèces de (sidenote: Lactobacilles Bactérie en forme de batônnet, dont la caractéristique principale est de produire de l’acide lactique. C’est pour cela que l’on parle de « bactéries lactiques ».  Ces bactéries sont présentes chez l’homme au niveau des microbiotes oral, vaginal, intestinal, mais aussi sur les plantes ou chez les animaux. On peut les consommer dans les produits fermentés : produits laitiers comme certains fromages et yaourts, mais aussi des d’autres types d’aliments fermentés : les cornichons, la choucroute etc.. Les lactobacillus sont aussi consommés dans les probiotiques, certaines espèces étant reconnues pour leurs propriétés bénéfiques.     W. H. Holzapfel et B. J. Wood, The Genera of Lactic Acid Bacteria, 2, Springer-Verlag, 1st ed. 1995 (2012), 411 p. « The genus Lactobacillus par W. P. Hammes, R. F. Vogel Tannock GW. A special fondness for lactobacilli. Appl Environ Microbiol. 2004 Jun;70(6):3189-94. Smith TJ, Rigassio-Radler D, Denmark R, et al. Effect of Lactobacillus rhamnosus LGG® and Bifidobacterium animalis ssp. lactis BB-12® on health-related quality of life in college students affected by upper respiratory infections. Br J Nutr. 2013 Jun;109(11):1999-2007. ) qui contribuent à la protection contre les pathogènes grâce à la production d’acide lactique et d’autres molécules capables de les détruire. D’où l’importance pour la fécondité d’un microbiote vaginal dominé par les lactobacilles.

35% 1 femme sur 3 affirme que son médecin lui a expliqué ce qu’était le microbiote vaginal et son rôle

Le microbiote vaginal

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De nombreuses études ont montré la présence de grandes quantités de cellules inflammatoires et une augmentation des marqueurs d’inflammation dans le vagin et l’utérus des femmes souffrant d’infertilité inexpliquée. Plusieurs études mettent en cause le microbiote vaginal en tant que facteur d’inflammation locale par le biais, d’une part, des substances produites par les microbes vaginaux et, d’autre part, des facteurs de réponse inflammatoire de l’hôte 3, 4. Autrement dit, un microbiote vaginal dysbiotique contribue à entretenir un état inflammatoire qui a un impact négatif sur la fécondité.
Enfin, plusieurs études ont mis en évidence une association entre le microbiote et certaines maladies et infections pouvant affecter la fécondité telles que la vaginose bactérienne, le cancer du col de l’utérus, le syndrome des ovaires polykystiques et l’endométriose. Il est donc vital de continuer à étudier l’influence du microbiote sur la fécondité 5.

Et la vaginose bactérienne ?

I.S.-K. : La vaginose bactérienne est une cause fréquente d’inflammation et de gêne vaginales chez les femmes en âge de procréer. En cas de vaginose bactérienne, le microbiote vaginal est envahi par des bactéries moins favorables. Même si les bactéries impliquées dans la vaginose bactérienne peuvent varier d’une personne à une autre, certaines espèces comme Gardnerella, Atopobium, Snethia, Megasphera et Dialister, entre autres, sont retrouvées plus fréquemment 6. La composition du microbiote des femmes souffrant de vaginose bactérienne a été associée à différentes issues de la grossesse, y compris l’accouchement prématuré, et peut également affecter le microbiote du sperme après le rapport sexuel, lequel à son tour peut avoir un impact négatif sur la qualité ou la motilité des spermatozoïdes. Si le lien avec la fécondité n’a pas été définitivement établi, les données disponibles laissent penser que la vaginose bactérienne provoque une diminution de la fécondité 7.

Pr. Ina Schuppe Koistinen

"La vaginose bactérienne est une cause fréquente d'inflammation du vagin et cette inflammation du vagin a été associée à une réduction de la fertilité".

Prof. Ina Schuppe Koistinen

La vaginose bactérienne

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Les perturbations de la flore vaginale ont-elles un impact sur les résultats des techniques de procréation médicalement assistée ?

I.S.-K. : Des études ont démontré qu’au cours des techniques de procréation médicalement assistée, la présence d’un microbiote vaginal en bonne santé contenant certaines espèces spécifiques de Lactobacillus pourrait avoir un impact positif sur le succès de l’intervention, tandis que les femmes souffrant de vaginose bactérienne obtiendraient de moins bons résultats.

Il convient toutefois de poursuivre les recherches afin de répondre à la question de l’association entre la présence ou l’absence de certaines bactéries vaginales et le succès ou l’échec de la FIV 8.

La santé intestinale peut-elle affecter la fécondité par le biais du microbiote ?

I.S.-K. : Le microbiote de l’appareil reproducteur féminin représente environ 10% de la population totale de microbes présents dans l’ensemble du corps. La plupart des microbes humains se trouvent dans l’intestin. Ils sont étroitement liés à notre état de santé et ont un impact non seulement sur le milieu intestinal mais aussi sur d’autres organes du corps. Si l’on sait que les microbes vaginaux proviennent principalement de l’intestin, les mécanismes mis en jeu n’ont pas encore été élucidés. Comme les microbes intestinaux métabolisent l'œstrogène – l’hormone sexuelle féminine –, ils affectent directement la physiologie et la santé reproductrice des femmes. C’est pourquoi un microbiote intestinal équilibré est important non seulement pour la santé en général, mais aussi pour la fécondité.

Le microbiote intestinal

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Et les hommes dans tout ça ? Le microbiote génital masculin jouerait-il un rôle dans la fécondité ?

I.S.-K.: Encore une fois, peu nombreuses sont les études qui se sont intéressées au microbiote de l’appareil reproducteur masculin 9. La muqueuse génitale masculine présente une composition bactérienne similaire à celle des structures anatomiques adjacentes, avec des espèces comme Prevotella, Staphylococcus, Corynebacterium et Anaerococcus, et elle est affectée par les rapports sexuels. La circoncision semble exercer une influence sur le microbiote du pénis. De nouvelles études et recherches sont nécessaires pour mieux comprendre le rôle du microbiote génital masculin dans l’infertilité.

Auriez-vous des conseils à donner pour améliorer la fécondité compte tenu du rôle joué par le microbiote ?

I.S.-K.: Le plus important c’est de mener une vie saine lorsque l’on essaie de tomber enceinte. Les facteurs environnementaux et liés au mode de vie tels que le tabagisme, la consommation excessive d’alcool et le stress, peuvent avoir un impact sur la fertilité, tout comme le surpoids ou l’insuffisance pondérale. Un mode de vie sain suppose également une alimentation capable de faire prospérer votre microbiote intestinal et vaginal. Je conseillerais un régime riche en fruits et légumes afin de nourrir votre microbiote en fibres. Les aliments fermentés comme le yogourt, le kéfir, le kimchi ou la choucroute vous apporteront des lactobacilles importants pour la fécondité.

Pr. Ina Schuppe Koistinen

"Le plus important est de mener une vie saine lorsque l'on essaie de tomber enceinte".

Pr. Ina Schuppe-Koistinen

Les femmes doivent éviter les pratiques d’hygiène pouvant affecter la peau particulièrement sensible de la vulve. N’utilisez pas de savon ou de produits parfumés ! Enfin, il n’est pas nécessaire de se laver le vagin car celui-ci se nettoie tout seul avec ses propres sécrétions. Le lavage ne ferait que détruire le microbiote vaginal.

Découvrez l'interview du professeur Ina Schuppe Koistinen :

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BMI 23.09

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Sources

1. World Health Organization (WHO). Infertility. Sept 2020. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/infertility
2. Mascarenhas MN, Flaxman SR, Boerma T, et al. National, regional, and global trends in infertility prevalence since 1990: a systematic analysis of 277 health surveys. PLoS Med 2012;9(12):e1001356.
3. Vitale SG, Ferrari F, Ciebiera M, et al. The Role of Genital Tract Microbiome in Fertility: A Systematic Review. Int J Mol Sci. 2021 Dec 24;23(1):180
4. Bokulich NA, Łaniewski P, Adamov A, et al. Multi-omics data integration reveals metabolome as the top predictor of the cervicovaginal microenvironment. PLoS Comput Biol. 2022 Feb 23;18(2):e1009876. 
5. Elkafas H, Wall M, Al-Hendy A, et al. Gut and genital tract microbiomes: Dysbiosis and link to gynecological disorders. Front Cell Infect Microbiol. 2022 Dec 16;12:1059825.
6. Chen X, Lu Y, Chen T, et al. The Female Vaginal Microbiome in Health and Bacterial Vaginosis. Front Cell Infect Microbiol. 2021 Apr 7;11:631972. 
7. Ravel J, Moreno I, Simón C. Bacterial vaginosis and its association with infertility, endometritis, and pelvic inflammatory disease. Am J Obstet Gynecol. 2021 Mar;224(3):251-257
8. Koedooder R, Singer M, Schoenmakers S, et al. The vaginal microbiome as a predictor for outcome of in vitro fertilization with or without intracytoplasmic sperm injection: a prospective study. Hum Reprod. 2019 Jun 4;34(6):1042-1054. 
9. Gonçalves MFM, Fernandes  R, Rodrigues AG, et al. Microbiome in Male Genital Mucosa (Prepuce, Glans, and Coronal Sulcus): A Systematic Review. Microorganisms. 2022 Nov 22;10(12):2312

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Actualités

Syndrome de l’intestin irritable (SII) : le rôle des Bifidobactéries

Un régime pauvre en FODMAPs induirait une baisse des bifidobactéries intestinales chez les patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable (SII). L’espèce Bifidobacterium adolescentis pourrait être impliquée dans la perte de l’étanchéité de la paroi digestive.

Appartenant aux « troubles de l’interaction intestin-cerveau », (DGBI pour Disorder of Gut Brain interaction) aussi appelés « troubles fonctionnels intestinaux (TFI) » le syndrome de l’intestin irritable (SII) provoque des douleurs abdominales chroniques et des troubles du transit entraînant une dégradation significative de la qualité de vie. 1 Nombre de patients associent leurs troubles à leur alimentation, justifiant des approches diététiques, parfois empiriques, pour tenter de réduire les symptômes. Une revue systématique 2 s’est attachée à examiner l’effet d’une de ces approches, à savoir un régime pauvre en oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles (FODMAPs).

Un effet limité aux bifidobactéries

Cette métanalyse d’essais contrôlés randomisés a inclus 9 essais impliquant 403 patients. Hormis une nette réduction des bifidobactéries, l'approche diététique a entraîné des effets incohérents ou minimes sur la composition et le métabolisme du microbiote. Ainsi, elle ne montre pas d’impact clair sur la diversité du microbiote, ce que les auteurs jugent rassurant étant donné qu'une diversité plus élevée est considérée comme une marque de la santé gastro-intestinale et une diversité plus faible associée à des états pathologiques. 

Ce régime n’a pas non plus exercé d'effets clairs sur la charge bactérienne, alors qu’il repose sur une moindre mise à disposition de glucides fermentescibles dans le côlon, principales sources de substrats des bactéries. Les concentrations fécales en AGCCs ne sont pas non plus affectées ; néanmoins, nombre des AGCCs produits étant absorbés au niveau colique, la concentration fécale pourrait mal refléter la concentration luminale.

Seul véritable effet observé par plusieurs essais

Une baisse de l'abondance des bifidobactéries, suite à la suppression des glucides fermentescibles du régime. Ce résultat suggère que les FODMAPs représenteraient un substrat de choix pour les Bifidobactéries, que l’on sait capables de métaboliser les (sidenote: Fructanes Polymères constitués d'une molécule de glucose liée à plusieurs fructoses. )

Un effet antibifidogène réversible

L’effet antibifidogène du régime FODMAPs pose question. En effet, les bifidobactéries possèdent des propriétés immunomodulatrices et anticancéreuses (études animales) et leur moindre abondance a été associée à une plus grande sévérité des symptômes du SII chez l’homme. Cette inquiétude doit cependant être relativisée, selon les auteurs, a minima lors de régimes de courte durée (3 à 4 semaines) : un récent essai aurait montré une restauration de l'abondance des bifidobactéries à l’issue d’un tel régime et une supplémentation en bifidobactéries suffit à réduire l’effet antibifidogène.
Ainsi, 3 à 4 semaines de régime FODMAPs induit une dysbiose limitée aux seules bifidobactéries, sans implications sur la composition et le fonctionnement du microbiote intestinal. De quoi, selon les auteurs, apaiser les inquiétudes quant à la sécurité d'un régime à court terme pauvre en FODMAPs en ce qui concerne le microbiote colique. Les effets des interventions à long terme restent en revanche à élucider.
 

Votre aide mémoire pour diagnostiquer le SII

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La piste des jonctions étanches

Une seconde publication 3 apporte une autre pierre à ce dossier. Pour nourrir l'établissement de liens de causalité entre des taxons microbiens spécifiques et leur impact fonctionnel sur les tissus de l'hôte, une équipe israélienne a infusé des cultures de tube digestif de souris dans des solutions contenant des échantillons de microbiote recueillis auprès de patients souffrant de SII et soumis avec succès à un régime FODMAPs pendant 6 semaines. Chez les patients qui tirent bénéfice de ce régime (3 sur 10), les bifidobactéries, et plus spécifiquement l’espèce Bifidobacterium adolescentis, se font moins présentes dans le microbiote intestinal au fil du régime (à 3 semaines puis à 6 semaines). Mais surtout, les cultures ex vivo montrent que le microbiote post-régime (plus pauvre en bifidobactéries) module l'expression intestinale de gènes impliqués dans des processus inflammatoires, neuro-musculaires et dans les jonctions étanches entre les cellules de la paroi digestive. De plus, l’équipe identifie B. adolescentis comme un perturbateur puissant de l'intégrité des jonctions étanches de l’épithélium intestinal et de la fonction de la barrière intestinale. Dans le cas des régimes FODMAPs, la moindre présence de B. adolescentis pourrait résulter d'une disponibilité réduite en fructose. Ce résultat soulève la question de la situation inverse, à savoir les régimes occidentaux riches en fructose et associés à une détérioration de la barrière intestinale, une inflammation de bas grade et une endotoxémie : les conséquences pathologiques observées pourraient-elles être médiées, au moins en partie, par une croissance dysbiotique de B. adolescentis ?

Non seulement cette étude représente un premier pas dans l’identification des mécanismes à l’œuvre dans la médiation par le microbiote des effets bénéfiques d'un régime pauvre en FODMAPs, mais elle renforce la faisabilité potentielle de thérapies basées sur le microbiote pour ces patients, qu’il s’agisse de transplantation fécale ou de probiotiques.

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