DDW congress

Revue de congrès
Par le Dr Ericka Montijo Barrios
Clinique des maladies inflammatoires intestinales, Service de gastro-entérologie, Instituto Nacional de Ciencias Médicas y Nutrición, Mexico, Mexique

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La semaine des maladies digestives s’est déroulée en ligne cette année, du 21 au 23 mai 2021. Il s’agit de la principale rencontre des médecins et des chercheurs dans les domaines de la gastro-entérologie, de l’hépatologie, de l’endoscopie et de la chirurgie. La DDW compte plus de 300 conférences originales et posters passionnants [1-7].

Microbiote et troubles fonctionnels intestinaux

Le microbiome intestinal peut être considéré comme un organe dynamique capable de jouer le rôle de médiateur dans une large variété de transformations biochimiques ayant un impact direct sur la physiologie de l’hôte et les maladies. Une perturbation de cet équilibre peut conduire à une modification de la physiologie de l’hôte, ayant pour conséquence des maladies telles que les troubles fonctionnels intestinaux (TFI).

Les facteurs de modification du microbiote adulte incluent le stress psychologique, la gastro-entérite infectieuse, l’activité physique, le tabagisme, la consommation d’alcool, l’exposition aux antibiotiques et l’alimentation (y compris l’alimentation à faible teneur en oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles). On sait que la dysbiose induite par les antibiotiques peut conduire à une hyperalgésie. Jones et al. ont expliqué que la sur-prescription d’antibiotiques est plus fréquente chez les patients atteints de TFI que chez les patients sans TFI et que plus de 25 % indiquaient un traitement par antibiotiques avant leur premier diagnostic de TFI [4].

Les médiateurs microbiens de la motilité gastro-intestinale sont : les acides gras à chaîne courte (AGCC), qui augmentent la biosynthèse de sérotonine, augmentent l’hypersensibilité du colon et diminuent la sensibilité viscérale ; les acides biliaires, qui favorisent les contractions du côlon de type propagé et non propagé, stimulent la sécrétion ; le méthane, qui augmente la contractilité de l’intestin grêle et ralentit le transit intestinal et le gaz hydrogène qui réduit le transit.

Troubles gastro-intestinaux dont la douleur est le principal symptôme

La douleur de certains TFI a été attribuée à l’hypersensibilité viscérale aux stimuli mécaniques et chimiques. La plupart des données concernant un rôle du microbiome intestinal dans la régulation des sensations GI sont issues d’études gnotobiotiques, montrant que le phénotype d’hypersensibilité viscérale peut être transféré après la transplantation du microbiote intestinal de patients présentant un TFI dans des souris exemptes de germes.

Les TFI représentent les maladies les plus fréquemment associées à une douleur viscérale. La douleur inflammatoire résulte de la modification de l’activité des canaux ioniques au sein des fibres sensorielles nociceptives périphériques par des médiateurs inflammatoires, conduisant à une excitabilité et une douleur accrues. La liste des médiateurs pro-inflammatoires inclut le TNF-α, l’IL-1β, le CCL2, les chimiokines, le ligand 1 et la prostaglandine E2. Il a été montré que la douleur inflammatoire induite par ces médiateurs est plus faible chez les souris exemptes de germes et présentant des taux accrus de la cytokine anti-inflammatoire IL-10.

La dysbiose microbienne peut déclencher une réponse immunitaire localisée associée à la production d’anticorps IgE spécifiques des antigènes alimentaires, conduisant à une hyperalgésie médiée par les mastocytes. Des histamines bactériennes peuvent induire une hyperalgésie par des voies médiées par H4R. Il est prouvé que l’injection d’antigènes alimentaires (gluten, blé, soja et lait) dans la muqueuse rectosigmoïdienne de patients présentant un syndrome de l’intestin irritable induit des oedèmes locaux et une activation des mastocytes.

Conclusion

Les antibiotiques précèdent souvent le premier diagnostic de troubles fonctionnels intestinaux. Il existe des données émergeantes montrant qu’une dysbiose de l’intestin grêle joue un rôle important dans la physiopathologie des TFI. Des données de plus en plus nombreuses suggèrent que le microbiote intestinal pourrait jouer un rôle dans la modulation de la douleur abdominale. La dysbiose microbienne peut déclencher une hyperalgésie, induisant une inflammation de bas grade.

Sources

Shin A, Preidis GA, Shulman R, Kashyap, P. The gut microbiome in adult and pediatric functional gastrointestinal disorders. Clin Gastroenterol Hepatol 2019; 17: 256-74.

Santoni M, Miccini F, Battelli N. Gut microbiota, immunity and pain. Immunol Lett 2021; 229: 44-7.

3 Gurusamy S, Shah A, Talley N, et al. Small Intestinal Bacterial Overgrowth in functional Dyspepsia: A systematic review and meta-analysis. DDW ePoster Library 2021; 320192; Sa389.

4 Jones M, Walker M, Holtmann G, et al. Antibiotics frequently precede first diagnosis of functional gastrointestinal disorders. DDW ePoster Library 2021; 319221; Fr071.

5 Bercik P. Host-microbe interactions as a means of understanding visceral hypersensivity. Conference. DDW2021 virtual. May 21-23.

6 Kashyap P. Small Intestinal Bacterial Overgrowth Hype: Role of dietary fiber. Conference. DDW2021 virtual. May 21-23.

7 Microbes and functional GI disease: The science behind the hype. Lecture. DDW2021 virtual. May 21-23.

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Une alimentation riche en fibres atténue le dysfonctionnement cognitif et social induit par l'obesité maternelle chez la descendance via l'axe intestin-cerveau

Article commenté - Rubrique enfant

Par le Pr Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des enfants, Toulouse, France

Commentaire de l'article original de Liu et al. (Cell Metabolism 2021) [1]

Les troubles du développement de l’enfant semblent avoir un lien avec l’obésité maternelle. Cependant, les mécanismes sous-jacents et les mesures à mettre en oeuvre ne sont toujours pas clairement identifiés. Cette étude transversale portant sur 778 enfants chinois âgés de 7 à 14 ans indique que l’obésit é maternelle est fortement corrélée à une cognition et une socialisation moindres chez les enfants. En outre, il a été démontré chez la souris que l’obésité maternelle perturbait à la fois le comportement et le microbiote intestinal de la descendance. Ces deux phénomènes qui sont rétablis par un régime riche en fibres chez la mère ou l’enfant, atténuent les altérations synaptiques et les défauts de maturation microgliale. Des expériences de transplantation de microbiote fécal (FMT) ont révélé une relation causale entre le microbiote et les changements comportementaux. De plus, le traitement avec des acides gras à chaîne courte dérivés du microbiote a également atténué les déficits comportementaux dans la descendance de souris obèses. Cette étude indique que l’axe microbiote-métabolites-cerveau peut sous-tendre les dysfonctionnements cognitifs et sociaux induits par l’obésité maternelle et qu’un apport élevé en fibres alimentaires pourrait constituer une intervention prometteuse.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

L’obésité augmente chez les femmes en âge de procréer, ce qui entraîne un risque plus élevé de développer, chez la descendance, un diabète, une hypertension et des modifications comportementales. Des études nationales ont montré que ces enfants avaient un risque accru d’avoir des capacités intellectuelles inférieures et des troubles du spectre autistique. Ce déficit intellectuel a été reproduit chez des souris lorsque les mères étaient alimentées avec un régime riche en graisses (maternal highfat diet - mHFD). Le microbiote intestinal est influencé par le régime alimentaire et par l’obésité maternelle. En outre, il existe des données qui ont identifié un lien entre le microbiote intestinal et les fonctions cérébrales. Une alimentation riche en fibres favorise la production d’acides gras à chaînes courtes (AGCC) qui pourraient être des métabolites de cet axe intestin-cerveau.

 

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Les auteurs ont tout d’abord inclus 778 enfants âgés de 7-14 ans dont 79 mères étaient obèses ou en surpoids. Les enfants de ces mères obèses ou en surpoids avaient des capacités sociales et d’apprentissage plus faibles (p < 0,05), plus marquées chez les garçons que chez les filles.

Chez la souris, lorsque les mères avaient un régime mHFD pendant 12 semaines, la descendance avait une altération de la mémoire et des interactions sociales, en comparaison à une alimentation contrôle (mCD) (p < 0,01). L’utilisation de 4 types de régime chez la mère, mCD, mHFD, mFFD (riche en graisses et riche en fibres) et mFD (riche en fibres), pendant 12 semaines, a permis de montrer qu’une alimentation maternelle riche en fibres (mFFD et mFD) corrigeait ces altérations de la mémoire et des interactions sociales de la descendance (p < 0,01). Cela est associé au niveau de l’hippocampe à une densité post-synaptique plus importante dans la descendance mFFD que mHFD (p < 0,05), et à des différences d’expression géniques de la microglie dans l’hippocampe et le cortex préfrontal.

Cet effet d’une alimentation riche en fibres est associé à une modification de la composition du microbiote intestinal en analyse par séquençage 16S. L’analyse des OTUs (operational taxonomic units) a identifié 21 taxa bactériens qui différaient entre mHFD et mFFD dont 9 appartenaient à la famille S24-7, avec augmentation sous régime mFFD (Figure 1) ; l’abondance de 5 d’entre eux était corrélée positivement au déficit comportemental cognitif et social (p < 0,05). Le régime riche en fibres a corrigé la baisse dans les selles de la descendance en propionate et acétate, mais pas en butyrate (p < 0,01).

Grâce à une analyse de transplantation fécale (FMT), les auteurs ont montré que cet effet du régime riche en fibres était transmis par le microbiote intestinal maternel. D’une part, la transplantation de selles de mères mHFD altérait le comportement cognitif et social à la descendance, ce qui était corrigé par un régime riche en fibres ; d’autre part, le croisement de la descendance entre mHFDFMT et mFFDFMT induisait une altération comportementale dans la descendance de mères mFFDFMT élevée par des mères mHFDFMT, et une amélioration comportementale dans la descendance de mères mHFDFMT élevée par des mères mFFDFMT (Figure 2), effet lié au transfert de microbiote par coprophagie.

L’ajout de fibres dans l’alimentation de la descendance de souris mHFD a corrigé les altérations comportementales et sociales. Ces nouveau-nés mHFD-oFD (o = offspring, descendance, recevant une alimentation riche en fibres – FD) avaient aussi une augmentation des taux de S24-7. Les échantillons de selles de mHFD-oCD étaient riches en Bacteroides et pauvres en Ruminococcus, et inversement chez ceux de mHF-oFD (Figure 3). Cela était également associé à des différences de comportement cognitif et social. Comme chez les mères, l’enrichissement en fibres chez la descendance a montré une augmentation des taux d’AGCC. La supplémentation en un mélange d’acétate et de propionate dans l’eau de boisson a amélioré les capacités cognitives et sociales, de même que la composition de l’hippocampe et du cortex préfrontal.

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Points clés

  • L’axe intestin-cerveau est impliqué dans le déficit cognitif et social des enfants nés de mères obèses
  • Une alimentation riche en fibres corrige cet effet via le microbiote intestinal

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Une modification de l’alimentation des mères obèses ou de leurs enfants avec un enrichissement en fibres, voire une correction de leur microbiote dysbiotique, ouvre de nouvelles perspectives afin d’améliorer les capacités cognitives et sociales de ces enfants.

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Conclusion

Le déficit des capacités cognitives et sociales d’enfants nés de mères obèses est induit par des altérations du microbiote intestinal transmis de la mère à l’enfant. Ces anomalies sont corrigées par un enrichissement en fibres de l’alimentation, chez la mère ou l’enfant. Cet effet est médié par les acides gras à chaînes courtes, acétate et propionate.

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Article commenté

Prédire l’évolution du cancer de la prostate grâce au microbiote intestinal ?

Existe-t-il un lien entre le microbiote (les millions de bactéries) de votre intestin et le cancer de la prostate ? Plus que probable, indique une récente étude publiée dans Cancer Science.

2min Le microbiote intestinal

Une ambition : examiner l'association entre le cancer de la prostate et le microbiote intestinal chez un groupe d’hommes japonais. Une méthodologie : les profils du microbiote intestinal d'hommes atteints ou non d'un cancer de la prostate de haut grade ont été comparés. Un objectif : Déterminer si la composition du microbiote intestinal peut être utilisée comme nouveau marqueur non invasif du cancer de la prostate de grade élevé.

A la recherche d’un nouveau marqueur…

Le diagnostic du cancer se fait par le toucher rectal mais également plusieurs examens cliniques qui vont permettre d’évaluer la gravité du cancer, le risque de progression et de déterminer (sidenote: Mohler JL, Antonarakis ES, Armstrong AJ, et al. Prostate Cancer, Version 2.2019, NCCN Clinical Practice Guidelines in Oncology. J Natl Compr Canc Netw. 2019;17(5):479-505. ) L’examen essentiel pour le dépistage et le suivi du cancer de la prostate, est le dosage du PSA (antigène prostatique spécifique) or il ne permet pas de distinguer avec précision le grade du cancer. On l’évalue à l’aide de paliers qui vont du grade 1 au grade 5, suite à un examen d’échantillons de tissu prélevés dans la prostate. Au grade 1, le pronostic des patients étant généralement favorable, il est recommandé de ne pas les traiter afin d’éviter un surtraitement souvent délétère.  A contrario, les patients atteints de cancer de la prostate de grade 2 et supérieur nécessitent un traitement rapide et approprié. Afin de compléter l’analyse sérologique du PSA, et éviter un examen invasif Il est essentiel de développer une nouvelle méthode pour déterminer le grade des cancers de la prostate. 

… Dans le microbiote intestinal


Dans une précédente étude, les auteurs ont montré chez des souris que l’obésité, un régime riche en graisses ou encore certaines molécules produites par le microbiote intestinal, favoriseraient la prolifération des cellules cancéreuses de la prostate.  Ces résultats semblent indiquer que le microbiote intestinal un pourrait être utilisé comme biomarqueur pour déterminer la progression de ce cancer. En analysant, le microbiote intestinal de patients ayant subi une biopsie de la prostate, les chercheurs ont observé que trois groupes bactériens étaient plus abondants chez les patients présentant un cancer de la prostate de haut grade. Afin d’augmenter la précision du diagnostic, les auteurs ont utilisé un modèle mathématique et identifié 18 types de bactéries supplémentaires pour créer un indice microbien fécal de la prostate appelé « FMPI » pour Fecal Microbiome Prostate Index. Cet indice FMPI permet de discriminer les patients avec un cancer de la prostate de haut grade avec une précision plus important que le dosage traditionnel de la PSA. 
Bien que très encourageante, cette étude demeure parcellaire avec un périmètre de recherche limité. En effet, seuls des hommes japonais citadins sont inclus dans l’étude. Elle doit désormais être réalisée auprès d’autres patients avec des profils différents. Et ainsi confirmer des résultats porteurs d’espoir. 
 

Source:

Matsushita M, Fujita K, Motooka D, et al. The gut microbiota associated with high-Gleason prostate cancer. Cancer Sci. 2021.

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Actualités

La transplantation de microbiote fécal surmonte la résistance au traitement par anti-PD-1 chez les patients atteints de mélanome

Article commenté - Rubrique adulte

Par le Pr Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

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Commentaires de l'article de Davar et al. Science 2021 [1]

L’immunothérapie anti-PD-1 (programmed cell death protein 1) offre des avantages cliniques à long terme aux patients atteints de mélanome avancé même si un certain nombre de patients sont résistant à ces traitements. La composition du microbiote intestinal est en corrélation avec l’efficacité de cette thérapie dans les modèles précliniques et chez les patients cancéreux. Pour déterminer si la résistance à l’anti-PD-1 peut être surmontée en modifiant le microbiote intestinal, cet essai clinique a évalué l’innocuité et l’efficacité de la transplantation de microbiote fécal (TMF) issue de répondeurs a ux anti-PD-1 chez des patients atteints de mélanome réfractaire aux anti-PD-1. Cette combinaison a été bien tolérée, a apporté un bénéfice clinique chez 6 des 15 patients évalués et a induit une modification rapide et durable du microbiote. Les répondeurs présentaient une abondance accrue de taxons précédemment associés à une réponse aux anti-PD-1, comme Faecalibacterium prausnitzii et Akkermansia muciniphila, une augmentation de l’activation des lymphocytes T CD8+ et une diminution de la fréquence des cellules myéloïdes exprimant l’i nterleukine-8. Les répondeurs avaient des signatures protéomiques et métabolomiques distinctes, et des analyses bioinformatiques ont confirmé que le microbiome intestinal régulait ces changements. Collectivement, ces résultats montrent que la TMF associé aux anti-PD-1 ont modifié le microbiome intestinal e t reprogrammé le microenvironnement tumoral.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Le blocage des points de contrôle immunitaire avec des anticorps monoclonaux ciblant la protéine de mort cellulaire programmée 1 (programmed cell death protein 1, PD-1) offre des avantages cliniques à long terme à près de 40 % des patients atteints de mélanome avancé [2]. En plus des mécanismes intrinsèques à la tumeur soutenant la résistance aux anti-PD-1, le microbiome intestinal est un régulateur tumoral extrinsèque majeur des réponses aux anti-PD-1 [3]. Chez la souris, la composition du microbiome intestinal module l’activité thérapeutique des anti-PD-1 et des anticorps dirigés contre son ligand (PD-L1). De plus, l’administration de certaines bactéries commensales intestinales ou la transplantation de microbiote fécal (TMF) favorise l’efficacité de l’anti-PD-1 chez des souris porteuses de mélanome [4]. Bien que plusieurs études aient rapporté qu’un microbiome intestinal favorable était associé à une réponse aux anti-PD-1 chez les patients cancéreux, sa composition précise n’est pas encore entièrement comprise. Spécifiquement dans le mélanome, des espèces bactériennes clés appartenant à divers phylums, notamment les Actinobactéries (Bifidobacteriaceae spp. et Coriobacteriaceae spp.) et les Firmicutes (F. prausnitzii), sont associées à une réponse favorable aux anti-PD-1avec une concordance limitée entre les espèces identifiées dans différentes études. La question de savoir si la thérapie basée sur le microbiote peut surmonter la résistance à l’anti-PD-1 chez les patients atteints de mélanome avancé n’a pas été évaluée. Pour répondre à cette question, les auteurs ont conçu un essai clinique mono-bras, non contrôlé, pour évaluer l’innocuité et l’efficacité de la TMF obtenue de patients atteints d’un mélanome répondant à long terme aux anti-PD-1 (R), chez des patients atteints d’un mélanome métastatique réfractaire aux anti-PD-1.

 

Points clés

  • Le microbiote intestinal est impliqué dans la réponse aux anti-PD-1 en cancérologie
  • La TMF pourrait permettre de surmonter la résistance aux anti-PD-1 dans une sous-population de patients atteints de mélanome réfractaire 
  • Certaines bactéries intestinales, comme F. prausnitzii et A. muciniphila, pourraient être impliquées dans ces effets
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Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Seize patients atteints de mélanome primo- réfractaires au traitement anti-PD-1 ont été inclus entre juin 2018 et janvier 2020. Sept donneurs, dont quatre avec réponse complète (RC) et trois avec réponse partielle (RP), avec une médiane de survie sans progression (SSP) de 56 mois (intervalle : 45 à 70 mois) ont été utilisés pour traiter les 16 patients. Une seule TMF dérivée d’un seul donneur a été administrée à chaque patient avec du pembrolizumab, suivie d’un traitement supplémentaire par pembrolizumab toutes les 3 semaines jusqu’à progression de la maladie ou toxicité intolérable. Des évaluations radiographiques étaient effectuées toutes les 12 semaines et la réponse a été classée à l’aide de RECIST v1.1 (Figure 1). Le microbiote intestinal des receveurs (prélevés avant TMF puis chaque semaine pendant 12 semaines, puis toutes les 3 semaines) et des donneurs a été analysée via un séquençage shotgun. L’évolution des patients a été suivie pendant 12 mois en moyenne. Un des patients n’était pas évaluable et les résultats portent donc sur 15 patients.

Aucun effet secondaire grave n’a été attribué à la TMF. Des réponses objectives ont été notées chez 3 patients et une stabilisation d’une durée > 12 mois était observée chez 3 patients de plus.

Chez les receveurs, la composition du microbiote intestinal était modifiée par la TMF. La composition du microbiote intestinal se rapprochait significativement de celle du donneur chez les répondeurs (Rs) mais pas chez les non répondeurs (NRs). La plupart des taxons significativement enrichis chez les Rs appartenaient aux phylums Firmicutes (familles des Lachnospiraceae et Ruminococcaceae) et Actinobacteria (familles Bifidobacteriaceae et Coriobacteriaceae), alors que la plupart des bactéries diminuées dans Rs appartenaient au phylum Bacteroidetes.

Dans l’ensemble, bien qu’une colonisation réussie après TMF n’ait pas toujours resensibilisé les patients atteints de mélanome réfractaire aux anti-PD-1, la réponse clinique était associée à l’implantation de la TMF. Plusieurs espèces bactériennes associées à une réponse clinique ont déjà été rapportées (B. longum, Colinsella aerofaciens et F. prausnitzii).

L’analyse immunologique montrait que la réponse à la TMF était associée à l’activation des lymphocyte T CD8+. Plusieurs cytokines et chimiokines circulantes diminuaient après TMF chez les Rs, y compris MCP1, IL-8 et IL-18 (associés à une résistance aux anti-PD-1), et IL-12p70 et IFN-γ (associé à une réponse T antitumorale).

Finalement, une analyse bioinformatique montrait que l’abondance des commensaux qui augmentent chez les Rs (F. prausnitzii et A. muciniphila) était corrélée aux paramètres biologiques favorables, comme par exemple la diminution de l’IL-8.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Cette étude suggère que la TMF pourrait permettre de surmonter la résistance aux anti-PD-1 dans une sous-population de patients atteints de mélanome réfractaire. Bien que ces résultats restent préliminaires, ils confirment les résultats d’une étude précédente, publiée récemment [5] et encouragent la réalisation d’études contrôlées de plus grande ampleur.

Conclusion

Cette étude mono-bras, non contrôlée, suggère que la TMF peut permettre de surmonter la résistance aux anti-PD-1 dans une souspopulation de patients atteints de mélanome réfractaire. Si les résultats sont confirmés dans des études plus larges et contrôlées, la combinaison de la modulation du microbiote à l’immunothérapie pourrait révolutionner la thérapeutique en cancérologie.

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Quel est l'impact de la Covid-19 sur le microbiote humain ?

Synthèse
Par le Pr. Gerard D. Wright
Institut de recherche sur les maladies infectieuses M.G. De Groote, université McMaster, Hamilton, Canada

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La pandémie de Covid-19 a un fort impact sur la santé humaine. Finlay et al. ont cherché à déterminer dans quelle mesure la Covid-19 et notre réponse à cette maladie affectent le microbiote humain et en quoi cette pandémie pourrait avoir des répercussions sur notre santé au-delà de l’infection virale aiguë [1]. Qu’on soit infecté ou non par le SARS-CoV-2, nous sommes tous susceptibles de voir notre microbiote significativement altéré par la pandémie, avec les conséquences qui s’ensuivent sur notre santé. Il apparaît de plus en plus clairement que la diversité du microbiote humain diminue partout dans le monde, ce phénomène s’étant accéléré au cours des dernières décennies parallèlement à une augmentation des maladies chroniques non transmissibles. La pandémie de Covid-19 peut accentuer cette tendance à la diminution de la diversité microbienne par différents mécanismes (renforcement des mesures d’hygiène, modification de l’accès à l’alimentation, réduction générale des interactions sociales et communautaires, etc.). Il est moins évident à ce stade de savoir quels seront les effets à long terme de la pandémie sur le microbiote et, par conséquent, sur la santé humaine. La situation actuelle offre des conditions uniques pour étudier en temps réel l’impact d’une pandémie sur la santé humaine à court et à long terme et évaluer ces effets sur les individus, les communautés et les sociétés.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

La diversité du microbiote humain varie selon l’endroit du monde où l’on se trouve. Elle est influencée par l’alimentation, la géographie, les revenus et la richesse, ainsi que par les structures sociétales [2]. La tendance générale à la réduction de la diversité microbienne, en particulier dans les pays riches, est corrélée à des modifications du régime alimentaire (consommation accrue d’aliments transformés), l’accès à l’eau potable, l’utilisation (et l’abus) des antibiotiques et l’amélioration générale de l’hygiène. L’« hypothèse hygiéniste » originale et ses développements plus récents suggèrent que cette réduction de la diversité microbienne est directement liée à un « entraînement » insuffisant des fonctions immunitaires, en particulier aux premiers stades de la vie, se manifestant par une sensibilité à différentes maladies chroniques (obésité, asthme, maladies cardiovasculaires) [3]. Or, on sait que ces maladies majorent la sensibilité aux infections. De même, le vieillissement est souvent associé à une diminution de la diversité génétique du microbiote humain et à une sensibilité accrue aux infections [4]. Grâce à l’expérience de l’année passée, nous savons maintenant que les personnes atteintes de maladies chroniques sous-jacentes et âgées – et donc plus susceptibles de présenter une diversité microbienne moindre – sont affectées de manière disproportionnée par l’infection au SARS-CoV-2 et ses conséquences. Il pourrait ne pas s’agir d’une coïncidence. En outre, l’infection au SARS-CoV-2 est fréquemment associée à des troubles gastro- intestinaux [5] corrélés à la présence des récepteurs ACE-2 [6], et associée à une dysbiose intestinale.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

La généralisation de l’utilisation des solutions hydro-alcooliques, le nettoyage en profondeur des bâtiments et espaces publics, ou même l’application à grande échelle d’agents anti-infectieux dans les espaces extérieurs ouverts pourraient avoir des effets sur la diversité microbienne que l’on ignore encore. On prédit également des modifications de la consommation alimentaire avec le succès de la cuisine maison, une augmentation de la consommation d’alcool et des problèmes potentiels de sécurité alimentaire dans certaines parties du monde dus à la réduction des déplacements et de l’accès aux produits. L’altération des interactions sociales pourrait également avoir des impacts majeurs sur la diversité du microbiote. Les confinements, le manque de contact humain sur le lieu de travail et l’isolement des établissements de soins de longue durée pourraient moduler les microbiotes humains et ainsi augmenter l’inflammation et le risque d’infection. Il est également important de reconnaître qu’il existe encore des inégalités en termes d’hygiène selon l’endroit du monde où l’on se trouve, et par conséquent des impacts différents sur les microbiotes humains. Ces inégalités peuvent avoir différentes relations avec la Covid-19 et par exemple, dans une étude, les scores de qualité de l’eau étaient inversement corrélés avec les décès liés à cette maladie [7]. Toutes ces questions doivent encore être davantage étudiées et méritent une attention particulière.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Pour Finlay et al., les effets de la pandémie de Covid-19 sur la diversité microbienne et la santé doivent être évalués en temps réel et à long terme sur toute la durée de vie (Figure 1). Cela permettra de mieux comprendre les impacts des maladies infectieuses passées et de guider la réponse et la résilience lors de futures pandémies. Des études longitudinales peuvent également être conduites afin de relever les défis à venir grâce aux informations acquises concernant l’impact du microbiote sur la santé humaine au-delà de l’infection aiguë. Il existe déjà des données sur les modifications du microbiote humain liées à la pandémie, notamment concernant l’influence des déplacements sur la diversité microbienne [8] qui, même six mois après une infection au SARS-CoV-2, n’est pas complètement rétablie [9]. La modification des pratiques vis-à-vis des nouveau-nés, au moins au début de la pandémie, comme la limitation du contact peau-à-peau et la réduction de l’allaitement, pourrait altérer le microbiote de l’enfant, avec des effets potentiels sur la santé à long terme. Par contre, l’augmentation des contacts avec les animaux de compagnie et les membres du foyer quand les parents peuvent télétravailler pourrait avoir un effet d’équilibrage. Pour finir, on ignore encore l’effet de la diminution des contacts normaux avec les autres sur les jeunes enfants et les adolescents qui n’ont souvent pas pu se rendre à l’école ou participer à des événements sportifs ou sociaux. Il faudra mesurer, dans les années à venir, l’influence du stress induit, notamment par l’isolement et la diminution des interactions sociales sur la santé à long terme des individus en raison des modifications microbiennes.

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Conclusion

La diversité du microbiote est essentielle à la santé humaine, et il existe une corrélation entre la diminution de la diversité microbienne et l’augmentation du risque de développer des maladies chroniques et de la sensibilité aux infections. La pandémie de Covid-19 est venue perturber notre microbiote, ligne de défense contre les infections, avec des conséquences sur la santé à long terme. Cette maladie atteint le monde entier, mais elle n’affecte pas les différentes nations et communautés de la même manière. On ignore encore comment les inégalités en matière d’âge, de santé, d’alimentation, d’accès aux mesures d’hygiène et de structures sociétales vont impacter, à court et à long terme, la santé en lien avec la perturbation du microbiote, mais il faut impérativement les prendre en compte et les étudier davantage.

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Article

L'axe microbiote-intestin-cerveau dans le Syndrome de l'Intestin Irritable

Synthèse
Par le Pr Premysl Bercik
Faculté des sciences de la santé, McMaster University, Institut de recherche sur la santé digestive, Hamilton, Canada

SII
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Le syndrome de l’intestin irritable (SII), caractérisé par une douleur abdominale et des troubles du transit, représente le trouble fonctionnel intestinal le plus fréquent ; il est aussi souvent accompagné de comorbidités psychiatriques. Ses mécanismes physiopathologiques ne sont pas totalement élucidés, mais une altération de la communication intestin-cerveau semble être à la base de sa genèse, le microbiote jouant un rôle important dans ce processus. La composition du microbiote et son activité métabolique diffèrent entre les patients présentant un SII et les témoins sains, mais il n’a pas été identifié de profils spécifiques. Toutefois, la transplantation du microbiote fécal de patients atteints de SII dans des souris exemptes de germes induit un dysfonctionnement intestinal, une activation du système immunitaire et une modification du comportement de l’hôte murin similaires à ceux observés chez les patients, ce qui suggère un lien de causalité. En outre, le traitement par antibiotiques ou probiotiques améliore les symptômes chez certains patients atteints de SII. Une meilleure compréhension des interactions microbe-hôte conduisant aux symptômes intestinaux et aux comorbidités psychiatriques, ainsi que la découverte de nouveaux biomarqueurs identifiant les individus qui pourraient tirer des bénéfices de traitements dirigés vers le microbiote, sont nécessaires pour optimiser la prise en charge des patients atteints d’un SII.

62% des répondants ont assimilé la consommation de probiotiques comme favorable au maintien d’un équilibre et du bon fonctionnement des microbiotes

Syndrome de l’intestin irritable

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble fonctionnel intestinal caractérisé par une douleur abdominale récurrente, associée à des modifications de la fréquence ou de la forme des selles, en l’absence de toute atteinte organique. En utilisant les critères ROME IV, le SII est classé en quatre sous-types : SII avec constipation prédominante (SII-C), SII avec diarrhée prédominante (SII-D), SII mixte avec une alternance de diarrhée et de constipation (SII-M) ou SII indéterminé (SII-I), qui ne répond pas aux critères de SII-C, D ou M [1]. Les comorbidités psychiatriques, comme l’anxiété, la dépression et la somatisation, sont fréquentes chez les patients atteints de SII (Figure 1).

Bien que les taux de prévalence du SII semblent varier d’un pays à un autre, on estime qu’il touche environ 1 personne sur 10 à travers le monde [2]. Le SII peut se développer à n’importe quel âge, mais il apparaît souvent entre 20 et 30 ans. La probabilité de présenter des symptômes de SII est près de deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes et elles font également état d’une plus grande fatigue et de comorbidités psychiatriques plus nombreuses. La qualité de vie des patients atteints de SII est sévèrement affectée, la pathologie interférant avec leur vie quotidienne et conduisant souvent à un absentéisme scolaire ou professionnel. Le fardeau économique du SII sur les systèmes de santé et la collectivité est significatif, avec à la fois des coûts directs et indirects. Le coût direct annuel moyen des patients atteints de SII a été estimé à 1 363 euros, qui s’ajoute à un absentéisme professionnel de 8 à 22 jours par an en moyenne.

Les processus physiopathologiques du SII ne sont pas totalement élucidés, mais il a en général pour origine un dysfonctionnement de l’axe intestin-cerveau, une communication bidirectionnelle entre le tractus digestif et le système nerveux central. De nombreux mécanismes sous-jacents interviennent probablement, avec des facteurs périphériques, comme une hypersensibilité viscérale, des troubles de la motilité, une augmentation de la perméabilité intestinale et une inflammation de bas grade. Parmi les facteurs centraux, une altération du traitement des signaux provenant de l’intestin, l’hypervigilance, le stress et des comorbidités psychiatriques, comme l’anxiété et la dépression, semblent jouer un rôle important. Au cours des dix dernières années, une attention croissante a été portée au microbiote intestinal en tant qu’acteur clé dans le SII.

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Faits essentiels

  • Le SII est caractérisé par une douleur abdominale et des troubles du transit.
  • Sa prévalence est d’environ 11 % ; il touche essentiellement les femmes et possède un impact socio-économique significatif.
  • Ses mécanismes physiopathologiques ne sont pas totalement élucidés, il est considéré comme étant un trouble de l’interaction intestin-cerveau.

Le microbiome dans le syndrome de l’intestin irritable

Il existe plusieurs sources de données, provenant à la fois des études cliniques et des modèles animaux, qui impliquent le microbiote intestinal dans le SII. Tout d’abord, la gastro-entérite bactérienne constitue le plus puissant facteur de risque de SII, avec 11 à 14 % des patients développant des symptômes chroniques après une infection aiguë à Campylobacter, Salmonella, Shigella, Escherichia coli ou Clostridioides difficile [3]. Les données cliniques tendent à indiquer que le sexe féminin, le jeune âge, la sévérité de l’infection et une précédente morbidité psychiatrique constituent des facteurs de risque de SII. En outre, des variants des gènes liés à la perméabilité intestinale, à la reconnaissance des bactéries et aux réponses immunitaires innées ont été identifiés.

D’autres éléments de données proviennent d’études cliniques ayant démontré que certains antibiotiques pourraient améliorer les symptômes chez un certain nombre de patients atteints de SII [4]. D’un autre côté, les données cliniques suggèrent également que l’utilisation d’antibiotiques, et la dysbiose intestinale probable qui en résulte, peut être à l’origine de symptômes. Enfin, de nombreux essais cliniques ont suggéré que des probiotiques spécifiques améliorent les symptômes de SII, comme la douleur abdominale, la diarrhée ou les ballonnements.

La population bactérienne prospérant dans l’intestin, collectivement désignée par microbiote intestinal, constitue l’un des principaux déterminants de l’homéostasie intestinale. Des données de plus en plus nombreuses montrent que la composition microbienne de l’intestin et son activité métabolique diffèrent entre les patients atteints de SII et les témoins sains, et qu’elles sont associées à des symptômes intestinaux, ainsi qu’à une anxiété et une dépression. Toutefois, les résultats des études individuelles sont très variables et il ne semble pas exister de profil microbien unique qui pourrait être attribué au SII . Malgré cela, une méta-analyse récente a identifié plusieurs caractéristiques microbiennes, notamment l’augmentation de la famille des Enterobacteriaceae, de la famille des Lactobacillaceae et du genre Bacteroides et la diminution de Clostridiales I non cultivées, du genre Faecalibacterium et du genre Bifidobacterium, chez les patients atteints de SII par rapport aux témoins sains (Figure 2) [5]. Il existe également de nombreux métabolites bactériens ou du microbiote de l’hôte qui sont altérés chez les patients atteints d’un SII , notamment des métabolites de la phosphatidylcholine, de la dopamine, de l’acide p-hydroxybenzoïque, des acides biliaires, de la tryptamine et de l’histamine. Toutefois, toutes ces observations suggèrent une association et non un lien de causalité.

Le modèle de microbiote humanisé chez la souris constitue un outil intéressant pour établir le rôle causal du microbiote intestinal dans le SII et pour étudier les mécanismes sous-jacents conduisant au dysfonctionnement intestinal. Nous avons utilisé le microbiote fécal de patients présentant un SII-D et de témoins sains du même âge et du même sexe pour coloniser des souris exemptes de germes et les avons étudiées 4 semaines plus tard. Les souris colonisées par le microbiote de SII-D ont développé un transit gastro-intestinal plus rapide, des modifications de la fonction barrière de l’intestin et une inflammation intestinale de bas grade, par rapport aux souris colonisées par le microbiote de témoins sains [6]. En outre, les souris colonisées par le microbiote de patients présentant une anxiété comorbide ont également développé un comportement de type anxieux, ce qui suggère que la transplantation du microbiome des patients atteints de SII dans l’hôte murin altère non seulement la fonction intestinale, mais aussi la communication intestin-cerveau. Ces anomalies fonctionnelles ont été associées à des modifications de nombreux réseaux neuro-immuns, ainsi qu’à des modifications de nombreux métabolites microbiens et de l’hôte. Il est intéressant de noter que le traitement par un probiotique a normalisé le transit gastro-intestinal et le comportement de type anxieux chez les souris avec microbiote de SII-D, ce qui a été associé à des modifications des profils du microbiote et à la production d’indole bactérien, réaffirmant le fait que le microbiome intestinal joue un rôle clé dans la communication intestin-cerveau [7].

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NL13_Synthèse figure 2 FR

Faits essentiels

  • La gastro-entérite bactérienne est le facteur de risque de SII le plus important.
  • Le traitement dirigé vers le microbiote (antibiotiques, probiotiques) peut améliorer les symptômes de SII.
  • Les profils et le métabolisme du microbiote diffèrent entre les patients avec SII et les témoins sains.
  • La transplantation du microbiote de patients atteints de SII dans des souris exemptes de germes peut induire un dysfonctionnement intestinal et cérébral.

Axe microbioteintestin- cerveau

L’axe intestin-cerveau est un système de communication bidirectionnelle entre l’intestin et le cerveau intégré via une signalisation neuronale, hormonale et immunologique. Des données de plus en plus nombreuses suggèrent que le microbiote intestinal joue un rôle clé dans la communication entre le tractus gastro-intestinal et le système nerveux central, la majorité des données provenant d’études animales [8]. Des souris exemptes de germes présentent un comportement anormal, associé à des modifications de l’expression de nombreux gènes et de la chimie du cerveau, une altération de la barrière hémato- encéphalique, des modifications de la morphologie de régions du cerveau impliquées dans le contrôle de l’humeur et de l’anxiété (amygdales et hippocampe), une altération du profil de myélinisation et de la plasticité, ainsi que des défauts généraux des microglies cérébrales. La plupart de ces anomalies sont normalisées après colonisation bactérienne. Le microbiote modifie également le comportement de souris conventionnelles, car l’administration d’antimicrobiens non absorbables peut accroître leur comportement exploratoire, conjointement à des modifications du facteur BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor) dans l’hippocampe et les amygdales. Des modifications comportementales induites par les antibiotiques ont également été décrites chez des patients traités pour des infections aiguës ou pendant l’éradication d’une infection chronique à Helicobacter pylori ; cette affection a été qualifiée de psychose induite par les antibiotiques. Il est intéressant de noter qu’une vaste étude récente basée sur la population a montré que l’utilisation d’antibiotiques chez le très jeune enfant était associée à un risque accru de développement de troubles mentaux ultérieurs.

Toutefois, le cas le plus probant concernant l’axe microbiote-intestin-cerveau vient de patients présentant une encéphalopathie hépatique associée à une cirrhose, qui présentent des modifications du comportement, de l’humeur et des facultés cognitives [9]. Ces patients montrent une amélioration considérable de la fonction cérébrale après l’administration d’antibiotiques ou de laxatifs et des études récentes ont suggéré qu’une amélioration similaire pouvait également être obtenue par une transplantation de microbiote fécal.

Au cours de ces dernières années, de nombreuses études se sont intéressées au microbiome intestinal chez des patients présentant des troubles psychiatriques, comme une dépression majeure et une anxiété généralisée, et ont montré que les profils microbiens différaient entre les patients et les témoins sains. En outre, le transfert du microbiote des patients dans des rongeurs exempts de germes ou traités par antibiotiques a induit des comportements de type anxiété et dépression. Se pose alors la question de savoir si ces probiotiques, qui ont montré des effets bénéfiques sur le comportement et la chimie du cerveau dans des modèles animaux, pourraient être utilisés pour traiter des patients présentant des maladies psychiatriques. Les résultats des quelques études terminées jusqu’à présent suggèrent que les probiotiques, s’ils sont utilisés en tant que traitement adjuvant, pourraient améliorer les symptômes chez certains patients présentant un trouble dépressif majeur [10].

Nous avons conduit une étude clinique randomisée pilote auprès de patients présentant un SII et une dépression comorbide, afin d’évaluer les effets d’un probiotique ayant montré des effets bénéfiques sur le comportement et la chimie du cerveau dans plusieurs modèles murins [11]. Nous avons découvert que, comparativement à un placebo, un traitement probiotique de 6 semaines avait amélioré les scores de dépression et les symptômes globaux de SII. Cette amélioration était associée à des modifications de l’activation neuronale dans les amygdales et d’autres régions du cerveau intervenant dans le contrôle de l’humeur, comme évalué par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Cela suggère que certains probiotiques peuvent produire des métabolites neuroactifs qui pourraient être exploités non seulement pour le traitement des patients ayant des troubles fonctionnels intestinaux, mais aussi pour ceux qui présentent des problèmes de santé mentale. Toutefois, des études cliniques plus rigoureuses sont nécessaires pour confirmer et valider ces observations.

Faits essentiels

  • Le microbiote intestinal modifie le comportement ainsi que la chimie et la structure du cerveau, dans des modèles animaux.
  • Les données cliniques suggèrent que le microbiome est impliqué dans les troubles cognitifs et de l’humeur, comme l’encéphalopathie hépatique, la dépression majeure et l’anxiété généralisée.
  • Des probiotiques spécifiques pourraient améliorer le comportement dépressif chez les patients, mais des données cliniques supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces observations.

Conclusion

Le syndrome de l’intestin irritable est un trouble fonctionnel intestinal répandu, associé à de fréquentes comorbidités psychiatriques, qui nuit à la qualité de vie des patients et engendre un impact socio-économique considérable. Ses mécanismes physiopathologiques ne sont pas totalement élucidés, mais il est probablement plurifactoriel et on considère qu’il s’agit d’un trouble de l’interaction entre intestin et cerveau. Le microbiote intestinal semble jouer un rôle essentiel dans le SII, peut-être à travers des interactions avec le système immunitaire ou neuronal, bien que les mécanismes sous-jacents exacts restent à clarifier. Les bactéries intestinales ont la capacité d’agir sur le comportement et la structure cérébrale, et certains probiotiques pourraient être bénéfiques pour le traitement du dysfonctionnement à la fois intestinal et cérébral.

Sources

Lacy BE, Mearin F, Chang L, et al. Bowel disorders. Gastroenterology 2016: 150: 1393-407.

Black CJ, Ford AC. Global burden of irritable bowel syndrome: trends, predictions and risk factors. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2020; 17: 473-86.

3 Barbara G, Grover M,Bercik P, et al. Rome Foundation Working Team Report on Post-Infection Irritable Bowel Syndrome. Gastroenterology 2019; 156: 46-58.

Ford AC, Harris LA, Lacey BE, et al. Systematic review with meta-analysis: the efficacy of prebiotics, probiotics, synbiotics and antibiotics in irritable bowel syndrome. Aliment Pharmacol Ther 2018; 48: 1044-60.

Pittayanon R, Lau JT, Yuan Y, et al. Gut microbiota in patients with irritable bowel syndrome - a systematic review. Gastroenterology 2019; 157: 97-108.

De Palma G, Lynch MD, Lu J, et al. Transplantation of fecal microbiota from patients with irritable bowel syndrome alters gut function and behavior in recipient mice. Sci Transl Med 2017; 9: eaaf6397.

Constante M, De Palma G, Lu J, et al. Saccharomyces boulardii CNCM I-745 modulates the microbiota-gut-brain axis in a humanized mouse model of irritable bowel syndrome. Neurogastroenterol Motil 2021; 33: e13985.

Morais LH, Schreiber HL, 4th, Mazmanian SK. The gut microbiota-brain axis in behaviour and brain disorders. Nat Rev Microbiol 2021; 19: 241-55.

9 Acharya C, Bajaj JS. Chronic liver diseases and the microbiome-translating our knowledge of gut microbiota to management of chronic liver disease. Gastroenterology 2021; 160: 556-72.

10 Nikolova VL, Cleare AJ, Young AH, Stone JM. Updated review and meta-analysis of probiotics for the treatment of clinical depression: adjunctive vs. stand-alone treatment. J Clin Med 2021; 10: 647.

11 Pinto-Sanchez MI, Hall GB, Ghajar K, et al. Probiotic Bifidobacterium longum NCC3001 reduces depression scores and alters brain activity: a pilot study in patients with irritable bowel syndrome. Gastroenterology 2017; 153: 448-59.

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Arthrose : quand la dysbiose intestinale grippe les articulations

Chaque 17 septembre se tient la Journée mondiale de l’arthrose, une maladie qui s'attaque aux articulations et les déforme. Et si la solution se trouvait dans notre microbiote intestinal, comme le suggèrent de récents travaux menés chez la femme âgée ?

2min Le microbiote intestinal

Articulations qui se grippent puis se déforment : l’arthrose empoisonne la vie de plus de 3% de la population mondiale. Et particulièrement des seniors. 10% des hommes et 18% des femmes de plus de 60 ans sont victimes de cette maladie articulaire douloureuse et invalidante. Ses causes sont multiples : facteurs génétiques, sexe, âge, obésité, sédentarité… et peut-être le microbiote intestinal. Déjà impliquées dans de nombreuses maladies inflammatoires, les bactéries de nos entrailles joueraient un rôle dans l’inflammation qui accompagne l’arthrose.

Un microbiote intestinal en berne en cas d’arthrose

Pour en savoir plus sur la relation entre le microbiote intestinal et l'arthrose chez les femmes âgées, des chercheurs ont comparé la composition bactérienne des selles de 57 femmes de 65 ans en moyenne, atteintes d'arthrose, et de 57 autres du même âge en bonne santé (témoins). Chez les patientes, le microbiote intestinal s’avère globalement moins riche et moins diversifié. Certaines bactéries bénéfiques sont moins présentes, comme une bactérie régulatrice du système immunitaire Bifidobacterium longum, ou la bactérie anti-inflammatoire Faecalibacterium prausnitzii connues pour ses bénéfices chez l’homme. A l’inverse, certaines bactéries pathogènes comme Clostridium ramosum occupent davantage le terrain. Certaines fonctions du microbiote intestinal semblent également altérés en cas d'arthrose, laissant supposer une moins bonne capacité à tirer bénéfice de l’alimentation.

Quand la flore intestinale aide au diagnostic, voire au traitement ?

Puisque la flore intestinale des patientes souffrant d’arthrose diffère de celle des témoins - suggérant ainsi que le microbiote intestinal pourrait être un facteur de risque de la maladie-, l’équipe a tenté de créer un outil prédictif de la maladie basé sur la présence de 9 bactéries dans leurs selles. Leur modèle de prédiction s’est avéré fiable chez les femmes âgées étudiées, mais n'a pas été vérifié dans d'autres groupes de patientes. Ainsi, la présence de ces bactéries pourrait aider au diagnostic. Ces microorganismes pourraient aussi conduire à de nouveaux traitements, à base de prébiotiques ou probiotiques, pour lutter contre l'arthrose. Avec, à la clé, l’idée de parvenir à soulager la douleur et améliorer la qualité de vie de ces patientes.

Recommandé par notre communauté

"Un article très intéressant. Cela vaudrait peut-être la peine de faire des recherches supplémentaires. J'ai le syndrome de l'intestin irritable et de l'arthrose. Je me demande s'il y a un rapport entre les deux !" - Commentaire traduit de Patricia Benner

"Merci pour cette information !" - Commentaire traduit de Shirley Dorion

"Intéressant ! Je crois qu'il y a un lien entre l'intestin et de nombreux problèmes de santé." - Commentaire traduit de Anita Randmaa Clarke

(Repris de My health, my microbiota)

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Surpoids : identifier les patients a risque d’arthrose grace au microbiote intestinal ?

Le microbiote intestinal de patients en surpoids et souffrant d’arthrose s’avère moins riche et diversifié. Au point que 7 genres microbiens pourraient à eux seuls permettre de prédire avec précision le risque d'arthrose en cas d’excès pondéral.

Les personnes en surpoids, du fait de la surcharge imposée à leurs articulations, sont davantage exposées à l'arthrose. Mais comment identifier les patients les plus à risque ? Peut-être via leur microbiote intestinal, impliqué dans de nombreuses maladies inflammatoires, dont l’arthrose.

Plus faible diversité intestinale en cas d’arthrose chez les patients en surpoids

Une étude prospective a été menée en Chine sur une population en surpoids (25<IMC1<30) : 182 échantillons de selles issus de 86 patients atteints de surpoids et d'arthrose (25 hommes et 61 femmes de 50 à 72 ans) et 96 personnes avec surpoids et sans arthrose (40 hommes et 56 femmes de 50 à 76 ans) ont été séquencés (ARN ribosomal 16S) pour caractériser leur composition microbienne. Les résultats ? La diversité et la richesse des microbiotes intestinaux de ces patients en surpoids étaient diminuées en cas d’arthrose, ce qui pourrait refléter, selon les auteurs, une dysbiose associée à la maladie. La présence de 9 phyla était significativement modifiée (à la hausse ou à la baisse, selon le phylum) en cas d’arthrose : parmi eux, les Firmicutes et les Bacteroidetes, dont le ratio, utilisé comme indicateur de dysbiose, s’avère significativement plus élevé chez les patients atteints d’arthrose. En outre, 87 genres bactériens différaient entre les patients en surpoids avec arthrose et ceux sans. Autant de bactéries qui ont permis aux chercheurs de tester des biomarqueurs d’intérêt de la maladie.

Prédire le risque d’arthrose à l’aide de 7 biomarqueurs

Ainsi, sur la base des précédents résultats, les chercheurs ont identifié 7 biomarqueurs issus du microbiote intestinal qui pourraient permettre le développement d’un outil non invasif d’évaluation précoce du risque d'arthrose chez les personnes en surpoids : 3 genres bactériens sur-représentés chez les patients souffrant d’arthrose (Gemmiger, Klebsiella et Akkermansia) et 4 sous-représentés chez ces mêmes patients (Bacteroides, Prevotella, Alistipes et Parabacteroides). Pris ensemble, ces biomarqueurs permettent de prédire le risque d’arthrose avec précision (aire sous la courbe de 83,36 %). Parmi eux, le genre Bacteroides jouerait un rôle prépondérant, au point d’être également envisagé par les auteurs comme une possible cible pour le traitement de l'arthrose.

1IMC: Indice de Masse Corporelle 

Source

Wang Z, Zhu H, Jiang Q et al. The gut microbiome as non-invasive biomarkers for identifying overweight people at risk for osteoarthritis. Microb Pathog. 2021 Aug;157:104976.

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