Microbiote intestinal # 16

Par le Pr. Satu Pekkala
Chercheur à l’Académie de Finlande, Faculté des sciences du sport et de la santé, Université de Jyväskylä, Finlande

Microbiota 16 Gut microbiota

ASSOCIATIONS INTER-COHORTES ENTRE LE MICROBIOME INTESTINAL ET LA RÉPONSE AUX INHIBITEURS DE POINT DE CONTRÔLE IMMUNITAIRE DANS LE MÉLANOME AVANCÉ

Lee KA, Thomas AM, Bolte LA, et al. Cross-cohort gut microbiome associations with immune checkpoint inhibitor response in advanced melanoma. Nat Med 2022; 28: 535-44.

Les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI) ont considérablement amélioré le traitement du mélanome avancé. Toutefois, les patients ne répondent pas tous au traitement, ce qui pourrait être lié au microbiote intestinal. Lee et al. ont réalisé un séquençage métagénomique shotgun d’échantillons fécaux provenant de cinq cohortes européennes naïves d’ICI, comprenant au total 165 patients atteints de mélanome cutané avancé. En raison des différences cliniques et mutationnelles entre les cohortes, celles-ci ont été analysées séparément et n’ont pas été regroupées. Les auteurs ont trouvé une différence significative dans la composition du microbiote intestinal entre les répondeurs et les non-répondeurs dans la cohorte PRIMM-UK, mais pas dans la cohorte PRIMM-Netherland (NL). De plus, en analysant les bases de données accessibles au public (n = 147 échantillons métagénomiques), il est clairement apparu que la reproductibilité des prédictions de réponse entre les cohortes était limitée. Aucune bactérie unique n’était un biomarqueur parfaitement constant de la réponse aux ICI dans tous les ensembles de données. Toutefois, un panel d’espèces microbiennes, incluant Bifidobacterium pseudocatenulatum, Roseburia spp. et Akkermansia muciniphila, a été identifié dans l’étude comme étant associé aux répondeurs. En ce qui concerne les gènes fonctionnels du microbiote, par exemple l’ADN adénine méthylase, ils étaient augmentés chez les répondeurs. En conclusion, bien qu’un panel potentiel de biomarqueurs microbiens montrant la réactivité au traitement par ICI ait été identifié, des études futures sur des cohortes plus vastes sont nécessaires. En outre, plusieurs facteurs cliniques doivent être considérés comme étant des facteurs de confusion lors de l’évaluation des biomarqueurs qui pourraient être utiles pour le diagnostic.

AKKERMANSIA MUCINIPHILA INTESTINAL PRÉDIT LA RÉPONSE CLINIQUE AUX ANTI-PD-1 CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D’UN CANCER DU POUMON NON À PETITES CELLULES AVANCÉ

Derosa L, Routy B, Thomas Am et al. Intestinal Akkermansia muciniphila predicts clinical response to PD-1 blockade in patients with advanced non-small-cell lung cancer. Nat Med 2022; 28: 315-24.

De nombreux patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) ne répondent pas au traitement par inhibiteurs de checkpoint (ICI), tels que les anti-PD-1. Des preuves récentes montrent que certains membres du microbiote intestinal, en particulier Akkermansia muciniphila, peuvent influencer l’efficacité des ICI chez les patients atteints de CPNPC. De plus, la résistance au traitement a été associée à un microenvironnement tumoral moins inflammatoire. L’étude prospective multicentrique de Derosa et al. a inclus 338 patients atteints de CPNPC avancé traités par ICI afin de déterminer si les profils métagénomiques du microbiote intestinal pouvaient expliquer la réponse au traitement. Ils ont montré qu’une plus grande abondance d’Akkermansia dans les échantillons fécaux initiaux était associée à un taux de réponse plus élevé au traitement par ICI, lui-même étant associé à un bénéfice clinique (augmentation de la survie). De plus, la présence d’Akkermansia était associée à d’autres modifications du microbiote intestinal potentiellement pertinentes pour le pronostic. Plusieurs gènes tumoraux exprimés de manière différentielle étaient liés à la réponse aux anti-PD-1, ce qui suggère qu’Akkermansia pourrait favoriser la migration des lymphocytes T auxiliaires vers le microenvironnement tumoral. Afin de démontrer avec certitude qu’Akkermansia pourrait surmonter la résistance aux ICI, les auteurs ont inoculé deux souches différentes d’A. muciniphila à des souris qui avaient préalablement bénéficié d’une transplantation de microbiote fécal issu d’un patient résistant aux anti-PD-1. Par rapport aux souris témoins, les deux souches ont permis de restaurer la réponse au traitement. Cette étude est de loin la plus vaste analyse métagénomique prospective ayant validé Akkermansia comme facteur pronostique potentiel pour les patients atteints de CPNPC traités par ICI et démontré le potentiel mécaniste d’Akkermansia.

TRANSPLANTATION DE MICROBIOTE FÉCAL POUR LES TROUBLES BIPOLAIRES : UNE ÉTUDE DE CAS DÉTAILLÉE

Parker G, Spoelma MJ, Rhodes N. Faecal microbiota transplantation for bipolar disorder: A detailed case study. Bipolar Disord 2022 (ahead of print).

La seule indication approuvée de la TMF est l’infection récurrente à Clostridioides difficile. Toutefois, l’implication du microbiote intestinal dans de nombreuses autres maladies (la maladie de Parkinson, par exemple) suggère que les indications de la TMF pourraient bientôt être élargies. Le microbiote intestinal peut également modifier de nombreux processus associés à la dépression, comme l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Aucun essai publié n’avait jusqu’à présent utilisé la TMF pour traiter des patients souffrant de troubles bipolaires. L’étude longitudinale de Parker et al. présente le cas d’un homme de 28 ans souffrant de troubles bipolaires. À l’âge de 10 ans, il a développé des épisodes dépressifs. Les symptômes comprenaient une humeur sévèrement dépressive, des pensées suicidaires, une anergie, des troubles de la concentration, un retard psychomoteur et une insomnie. Ces symptômes étaient fréquemment associés à de l’irritabilité et de l’anxiété. À l’âge de 15 ans, il a développé son premier épisode hypomaniaque. Pendant des années, il a été traité avec succès par des médicaments, mais les troubles thymiques sont réapparus. Il a volontairement commencé à prendre des probiotiques (souches de Lactobacillus Saccharomyces). Après la prise des probiotiques, il a lui-même signalé un énorme soulagement de ses symptômes. Encouragé par ces améliorations, le patient a lu des articles sur les recherches relatives au microbiome et décidé d’essayer la TMF. Cette procédure a été pratiquée par coloscopie par un gastro-entérologue. Après la TMF, le patient a noté ses états d’humeur pendant 470 jours consécutifs. Il a lui-même signalé que les épisodes thymiques avaient diminué en fréquence et en sévérité au fil des mois. Il a également pu réduire considérablement son traitement médicamenteux. Douze mois après la TMF, il a déclaré avoir des épisodes maniaques distincts, pratiquement aucun symptôme bipolaire et une amélioration des symptômes du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité. Bien qu’il ne s’agisse que d’une étude de cas, la TMF a permis de réduire les symptômes bipolaires, ce qui justifie la nécessité de mener des études sur la TMF dans des cohortes bipolaires plus importantes.

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Revue de presse

Temps forts du 54e congrès de l'ESPGHAN

RETOUR DE CONGRES

Par le Pr Koen Huysentruyt
Gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques, Centre pédiatrique de Bruxelles pour la réhabilitation intestinale (Brussels Centre for Intestinal Rehabilitation in Children, B-CIRC), Belgique

Microbiota 16 congress review

Le 54e congrès annuel de l’ESPGHAN s’est tenu du 22 au 25 juin 2022 dans la belle ville de Copenhague. C’était la première fois que le congrès avait lieu de nouveau en présentiel après deux années de restrictions dues à la pandémie de Covid. Ce fut une excellente occasion de rencontrer des experts en gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques du monde entier pour partager les connaissances, les recherches et de nouvelles idées intéressantes. Le but de cet article est de mettre en lumière quelques-uns des thèmes abordés concernant le microbiome.

LE VIROME

Le Pr Dennis Sandris Nielsen nous a présenté le virome, un ensemble de virus que nous portons, qui est un domaine de recherche émergent qui semble jouer un rôle important dans la santé et les maladies humaines. L’analyse d’échantillons fécaux montre qu’environ 6 % de l’ADN retrouvé n’est pas d’origine bactérienne, mais d’origine virale. Pour chaque bactérie présente dans le corps humain, un virus lui correspond. Comme le microbiome, le virome est influencé par des facteurs pré-, péri- et post-natals (alimentation, environnement, fratrie, médicaments, etc.). Ces virus sont donc omniprésents dans l’intestin et jouent un rôle clé dans la régulation du microbiome intestinal. Les bactériophages sont un type de virus qui s’attaquent aux bactéries d’une manière spécifique à l’hôte. Deux types différents d’interactions sont décrits : la dynamique « kill the winner (tuer le vainqueur) » et la dynamique « piggyback the winner (sur les épaules du vainqueur) ». Selon la première dynamique, les bactériophages attaquent la bactérie, injectent leur ADN et utilisent la bactérie comme hôte pour créer de nouvelles particules phagiques après la lyse de la cellule. L’orateur fait une analogie avec les lions et les gazelles dans la savane, soit une dynamique de diversité constante, la destruction des concurrents de niche, le shunt ou court-circuit phagique et le renouvellement bactérien et la pression sur l’hôte pour la diversification des récepteurs de phages. Selon la seconde dynamique, le virus accompagne le vainqueur, en intégrant son ADN dans le génome de la bactérie, en modifiant la cellule hôte et en la rendant plus efficace, faisant ainsi du vainqueur un vainqueur. Une étude sur les échantillons fécaux d’une population de nourrissons en bonne santé au Danemark a identifié plus de 10 000 espèces virales appartenant à 248 familles virales. Fait notable, 232 de ces familles n’avaient pas été décrites auparavant, ce qui conforte l’hypothèse selon laquelle seule la partie émergée de l’iceberg a jusqu’à présent été découverte [1]. Les questions posées sont celles de l’implication sur la santé humaine et du rôle éventuel dans la maturation du système immunitaire. Le déséquilibre du virome intestinal pourrait jouer un rôle dans le développement de maladies (comme les MICI à début très précoce, l’ECN, etc.).

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CÉSARIENNE ET MICROBIOME

Le mode d’accouchement joue un rôle clé dans la formation précoce du microbiome intestinal. Les bébés nés par voie vaginale sont exposés à des souches bactériennes différentes de celles auxquelles sont exposés les bébés nés par césarienne, avec pour conséquence une colonisation différente. De plus, la réalisation d’une césarienne est le plus souvent due à une urgence foetale. Ces bébés sont plus susceptibles d’avoir un pH du sang ombilical faible, ce qui entraîne une réduction de la perméabilité des jonctions serrées et favorise la dysbiose.

L’allaitement maternel semble contrecarrer l’effet délétère de la césarienne sur le microbiote et reste la référence en matière de nutrition infantile. Toutefois, les femmes qui accouchent par césarienne sont moins susceptibles d’allaiter ou bien elles débutent l’allaitement plus tardivement et les nourrissons sont alors nourris au lait maternisé. C’est pourquoi les chercheurs sont constamment à la recherche du cocktail parfait de pré, pro, syn ou postbiotiques permettant de mimer le microbiome intestinal d’un nourrisson allaité.

Le Dr Eduardo López-Huertas a parlé d’une souche de Lactobacillus fermentum et montré des résultats prometteurs chez des nourrissons nés par césarienne. Dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé (ECR), les auteurs ont analysé les échantillons de selles de nourrissons nourris avec une formule symbiotique contenant L. fermentum et des GOS et ils ont trouvé des ressemblances majeures avec les échantillons fécaux de nourrissons allaités (plus de bifidobactéries, pH fécal plus faible) [2]. En outre, une méta- analyse récente (3 essais) a montré que L. fermentum réduisait l’incidence des infections gastro-intestinales de 73 % chez les nourrissons nés par césarienne. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étudier les avantages possibles dans la prévention de maladies potentielles, comme les infections du tractus gastro-intestinal ou des voies respiratoires, en particulier chez les bébés nés par césarienne, qui ont un microbiome intestinal défavorable [3].

LES HMO DANS LES PRÉPARATIONS POUR NOURRISSONS ET LE MICROBIOME

Le Dr Giles Major nous a fait part de son point de vue sur le lien entre les glycanes et le microbiome intestinal. Les glycanes ou oligosaccharides du lait maternel (human milk oligosaccharides, HMO) affectent la composition globale du microbiome intestinal. Le lait maternel est composé de nombreux HMO différents dont la concentration dans le lait maternel varie en fonction de l’origine ethnique de la mère ainsi qu’au cours de la croissance de l’enfant. En étudiant le microbiome intestinal à un âge précoce, nous constatons une prédominance des bifidobactéries chez les nourrissons allaités par rapport aux nourrissons nourris au lait maternisé. Ces bifidobactéries sont importantes car elles absorbent du carbone et produisent des acides gras à chaîne courte qui modulent la perméabilité de la barrière intestinale. Leur source de carbone sont les HMO et le microbiome joue un rôle dans la digestion de ces HMO au travers de la présence de CAZymes. Ainsi, les CAZymes que vous possédez détermineront les glycanes que vous pourrez digérer et le type de glycanes dont un enfant est nourri orientera la maturation du microbiome au début de la vie.

Un ECR est conduit, dans lequel un groupe témoin de nourrissons nourris au lait maternisé est comparé à un groupe test recevant un mélange 5-HMO. L’essai est toujours en cours, mais les résultats préliminaires montrent que la diversité microbienne intestinale globale était significativement différente dans le groupe témoin par rapport au groupe test, dans lequel la composition du microbiome se rapprochait de celle des nourrissons allaités. L’orateur suggère que cela pourrait être la conséquence de la promotion des bifidobactéries, mais il ne s’agit pour l’instant que d’une hypothèse.

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Retour congrès Pédiatrie Gastroentérologie

Interaction entre microbiote buccal et infection par le SARS-COV-2

Synthèse

Par le Dr Jay Patel
Institut Usher des sciences de la santé de la population et de l’informatique, Université d’Édimbourg, Royaume-Uni

Microbiota 16 Microbiota & Covid-19

La bouche héberge une charge bactérienne élevée et diverse intégrée dans des matrices extracellulaires. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut faciliter les changements dysbiotiques dans ces biofilms polymicrobiens, favorisant la colonisation et la prolifération d’espèces bactériennes de plus en plus pathogènes. Si l’on connaît le rôle du microbiote dans l’inflammation, des études récentes suggèrent que la dysbiose du microbiote buccal pourrait être associée à la sévérité et la durée des symptômes de la Covid-19. Chez les patients concernés, le maintien ou le renforcement des pratiques d’hygiène bucco-dentaire pourrait améliorer les résultats cliniques.

L’HISTOIRE D’UN PARTENARIAT MALÉFIQUE

On sait que les infections virales précipitent les co-infections bactériennes. La majorité des décès survenus lors de la pandémie de grippe de 1918 étaient directement attribuables à une pneumonie bactérienne secondaire [1]. Par ailleurs, les résultats cliniques sévères de la pandémie de grippe H1N1 de 2009 étaient associés à des co-infections bactériennes [2]. Le défi que représente la co-pathogenèse virale-bactérienne lors des épidémies de maladies infectieuses peut considérablement compliquer la réponse globale, retarder la récupération et accélérer la résistance aux antimicrobiens. Heureusement, les résultats d’une étude de cohorte multicentrique portant sur près de 50 000 patients ont révélé que peu d’infections bactériennes ont été signalées chez les patients hospitalisés pour Covid-19 [3]. Il convient toutefois de noter que le diagnostic des co-infections est complexe, car les organismes peuvent se présenter avant l’infection virale, dans le cadre d’une infection chronique sousjacente ou être contractés par voie nosocomiale [4].

LE MICROBIOTE BUCCAL : DE L’EUBIOSE À LA DYSBIOSE

La cavité buccale et les voies respiratoires supérieures hébergent une charge bactérienne élevée et richement diversifiée. À l’état sain, le microbiome buccal maintient une relation finement équilibrée et harmonieuse, mais de petits changements dans les comportements habituels peuvent entraîner des modifications écologiques substantielles de cette symbiose. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut rendre l’environnement pathogène, faisant passer le microbiome dans un état de dysbiose, où les conditions de processus pathologiques se trouvent renforcées [5, 6].

La maladie parodontale, c’est-à-dire l’inflammation chronique des gencives, est principalement due aux composants inflammatoires du biofilm et elle modifie l’architecture des tissus gingivaux en créant des micro-ulcères. Ceux-ci forment une communication entre la cavité buccale et le sang, ce qui conduit à ce que des activités courantes, comme la mastication, l’utilisation de fil dentaire et le brossage des dents, induisent une bactériémie. Les bactéries buccales et les médiateurs inflammatoires sont ensuite largement disséminés dans le sang et atteignent les organes vitaux. Les preuves disponibles montrent que l’exposition à la bactériémie peut être extrêmement préjudiciable et contribue à une inflammation systémique de bas grade qui précipite les états inflammatoires [5]. Par ailleurs, la parodontite est un facteur aggravant de l’incidence du diabète de type II et la dysbiose du microbiote buccal est impliquée dans les affections parodontales et métaboliques (maladies cardiovasculaires, dyslipidémies…) [7].

DYSBIOSE BUCCALE ET SÉVÉRITÉ DE LA COVID-19, Y A-T-IL UN LIEN ?

Les recherches sur cette association sont limitées, mais les quelques études existantes indiquent des liens intéressants. Une étude transversale en double aveugle portant sur 303 patients atteints de Covid- 19 confirmée par PCR en Egypte a examiné l’interaction entre trois facteurs : 1)l’hygiène bucco-dentaire ; 2) la sévérité de la Covid-19 ; et 3) les valeurs de la protéine C réactive (CRP). La CRP est un marqueur de l’hyperinflammation, l’hypothèse a donc été émise que les patients présentant des taux élevés de CRP auraient un pronostic plus défavorable en cas de Covid-19 [8]. Les chercheurs ont constaté qu’une mauvaise santé bucco-dentaire était corrélée à des valeurs de CRP plus élevées et une période de récupération plus longue.

Une étude cas-témoins (non appariée) portant sur 568 patients au Qatar a révélé que la parodontite était associée à des complications sévères de la Covid-19, notamment une augmentation de 3,5 fois du besoin d’un respirateur, de 4,5 fois du risque d’admission en soins intensifs et de 8,8 fois du risque de décès [9]. Même si ces résultats ne suggèrent pas de lien de causalité et que d’autres facteurs peuvent être impliqués, les associations sont frappantes et justifient de se poser des questions supplémentaires sur le rôle véritable de la dysbiose buccale sur les résultats de la Covid-19.

Cette relation largement hypothétique repose sur un certain nombre de facteurs qui ont une pertinence commune dans la physiopathologie de l’infection par le SARS-CoV-2 et de la parodontite. Par exemple, les preuves radiologiques pulmonaires de processus pathologiques vasculaires primaires suggèrent un axe oral-vasculaire- pulmonaire formant une voie d’infection directe, en plus de la délivrance vasculaire directe aux vaisseaux pulmonaires (Figure 1) [10]. Deuxièmement, les analyses métagénomiques ont déterminé que les voies respiratoires supérieures – un site anatomique initial clé de l’infection – sont riches en espèces bactériennes impliquées dans les maladies buccales et souligné le rôle de la cavité buccale comme réservoir viral naturel. Troisième facteur, la survie adéquate du virus dans le biofilm sous-gingival et la capacité de translocation du virus de la salive vers la poche parodontale, qui contribuent toutes deux à l’échappement à la réponse immunitaire de l’hôte. Quatrièmement, l’abondance des récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 sur les composants clés de l’axe oral-vasculaire-pulmonaire.

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Microbiota 16 FR Microbiota & Covid-19 Fig1

UNE BONNE HYGIÈNE BUCCO-DENTAIRE

Quelle que soit la nature précise des micro- organismes buccaux impliqués dans la physiopathologie de la Covid-19, une bonne hygiène bucco-dentaire doit être encouragée compte tenu de ses effets bénéfiques connus sur la santé buccale et la santé générale. Un brossage soigneux des dents deux fois par jour, un nettoyage interdentaire et l’utilisation d’un bain de bouche complémentaire sont des mesures relativement simples qui vont perturber le biofilm, maintenir une flore symbiotique et diminuer la concentration du virus dans la salive.

Conclusion

En résumé, le rôle d’une mauvaise hygiène bucco-dentaire sur la sévérité des résultats de la Covid-19 est peu étudié et peu clair. Toutefois, le rôle potentiel d’une interaction cliniquement pertinente est une déduction logique. Le maintien ou l’amélioration des pratiques d’hygiène bucco-dentaire présente des avantages évidents pour la santé bucco-dentaire et la santé générale et pourrait également, au cours des infections par le SARS-CoV-2, améliorer le pronostic de la maladie.

Sources

1. Morens DM, Taubenberger JK, Fauci AS. Predominant role of bacterial pneumonia as a cause of death in pandemic influenza: implications for pandemic influenza preparedness. J Infect Dis 2008; 198: 962-70.

2. MacIntyre CR, Chughtai AA, Barnes M, et al. The role of pneumonia and secondary bacterial infection in fatal and serious outcomes of pandemic influenza a(H1N1). BMC Infect Dis 2018; 18: 637.

3. Russell CD, Fairfield CJ, Drake TM, et al. Co-infections, secondary infections, and antimicrobial use in patients hospitalised with COVID-19 during the first pandemic wave from the ISARIC WHO CCP-UK study: a multicentre, prospective cohort study. Lancet Microbe 2021; 2: e354-e365.

4. Cox MJ, Loman N, Bogaert D, O’Grady J. Co-infections: potentially lethal and unexplored in COVID-19. Lancet Microbe 2020; 1: e11.

5. Patel J, Sampson V. The role of oral bacteria in COVID-19. Lancet Microbe 2020; 1: e105.

6. Patel J, Woolley J. Necrotizing periodontal disease: Oral manifestation of COVID-19. Oral Dis 2021; 27 (Suppl 3): 768-9.

7. Minty M, Canceil T, Serino M, et al. Oral microbiota-induced periodontitis: a new risk factor of metabolic diseases. Rev Endocr Metab Disord 2019; 20: 449-59.

8. Kamel A, Basuoni A, Salem Z, et al. The impact of oral health status on Covid-19 severity, recovery period and C-reactive protein values. Br Dent J 2021 (online).

9. Marouf N, Cai W, Said KN, et al. Association between periodontitis and severity of COVID-19 infection: A case-control study. J Clin Periodontol 2021; 48: 483-91.

10. Lloyd-Jones G, Molayem S, Pontes C, Chapple I. The COVID-19 pathway: A proposed oral-vascular-pulmonary route of SARS-CoV-2 infection and the importance of oral healthcare measures. J Oral Med and Dent Res 2021; 2: S1.

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Article

L'intégration de Bacteroidota et Lachnospiraceae au microbiote intestinal à des moments clés du début de la vie est lié au développement neurologique du nourrisson

ARTICLE COMMENTÉ - RUBRIQUE ENFANT

Par le Pr Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Commentaire de l’article original d’Oliphant K et al. [1]

Le microbiote intestinal joue un rôle essentiel dès les premiers mois de vie dans le développement de l’hôte et influence le fonctionnement du cerveau. Cette étude a examiné l’association entre la progression du microbiote intestinal dès la première semaine de vie et la croissance du périmètre crânien (HCG). Des échantillons fécaux ont été prélevés chaque semaine sur une cohorte de prématurés pour évaluer la composition du microbiote intestinal, en lien avec des données cliniques et des mesures du périmètre crânien. Les prématurés présentant des trajectoires HCG sous-optimales avaient une diminution de l’abondance/prévalence de Bacteroidota et Lachnospiraceae, indépendamment de la morbidité et de la restriction calorique. Cet article montre que leur intégration dans le microbiote intestinal doit se produire tôt pour un neurodéveloppement optimal.

QUE SAIT-ON DÉJÀ À CE SUJET ?

Les troubles du développement neurologique sont fréquents chez les jeunes enfants, touchant jusqu’à 8,4 % des moins de 5 ans dans le monde. La croissance du périmètre crânien (HCG) est un marqueur corrélé au développement neurologique précoce.

Il est important de rechercher des facteurs environnementaux qui pourraient être modifiés pour réduire les troubles du développement neurologique. Les études interventionnelles en nutrition n’ont pas montré de résultats significatifs sur le neurodéveloppement (ex : bénéfice de l’allaitement maternel). Les auteurs se sont intéressés au microbiote intestinal (MI) car sa mise en place au cours des premiers mois de vie ainsi que l’utilisation des antibiotiques durant la première année sont associées à différentes pathologies dont les troubles du neurodéveloppement plus tard dans l’enfance, notamment les troubles de l’attention avec hyperactivité et du spectre autistique.
L’objectif de l’étude était de rechercher si les caractéristiques du MI précoce étaient associées à une trajectoire suboptimale de HGT (SHCGT).

QUELS SONT LES PRINCIPAUX RÉSULTATS APPORTÉS PAR CETTE ÉTUDE ?

Des nouveau-nés nés < 37 semaines d’âge gestationnel (service de néonatologie de Chicago) ont été inclus entre janvier 2010 et décembre 2018. La trajectoire HCG était la différence en z-score du périmètre crânien mesuré à 36 semaines d’aménorrhée (SA) et à la naissance ; les intervalles de 0,5 z-score définissaient les groupes ayant une trajectoire HCG appropriée (AHCGT) ou altérées (SHCGT, minime, modérée et sévère).

La diversité β du MI différait significativement entre les nourrissons SHCGT et AHCGT, de même que le changement d’abondance des taxas dans les selles, à 30 SA. La baisse > 0,5 z-score de HCG survenait entre 31 et 36 SA dans les groupes SHCGT. Cela suggère qu’un MI « immature » précède la SHCGT.

Les nourrissons SHCGT avaient une abondance significativement diminuée de Bacteroidota (p = 0,0009) (Figure 1) et Lachnospiraceae (p = 0,009), entre 31 et 36 SA, ce qui pourrait entraîner une diminution de la capacité d’utilisation des hydrates de carbone par ces taxas. La prévalence de la famille des Ruminococcaceae (p = 0,007) était attribuée à l’espèce Faecalibacterium prausnitzii (p = 0,004), 48 % chez AHCGT vs 8 % chez SHCGT. À noter une augmentation des Firmicutes dans les SHCGT de 24 à 30 SA (p = 0,009) mais sans différence des sous-taxas.

L’analyse des paramètres cliniques a montré que les changements de HCG n’étaient pas dus à des restrictions caloriques. Les enfants des groupes SHCGT avaient plus de morbidités que les AHCGT : entérocolite ulcéro-nécrosante (p = 0,0006), lésions neurologiques sévères (p = 0,01), sepsis (p = 0,03). Toutefois, les méthodes d’analyse statistique utilisées, comme la forêt d’arbre décisionnels, avec permutations, a montré que les facteurs les plus importants associés aux trajectoires HCG étaient les caractéristiques du MI plutôt que les morbidités associées, que ce soit de 24 à 30 SA ou de 31 à 36 SA (Figure 2). Chez les nourrissons n’ayant pas de morbidités sévères, les différences de Bacteroidota et Lachnospiraceae étaient toujours présentes, mais l’abondance d’Actinobacteriota était significativement plus importante chez les AHCGT et minime SHCGT que chez les SHCGT modéré et sévère.

Le mode d’accouchement a plus d’effet sur les trajectoires HCG que les facteurs influençant le MI comme la nutrition entérale et les traitements antibiotiques. Cela est lié à la transmission du MI au moment de l’accouchement puisque l’abondance de Bacteroidota est plus grande chez les nourrissons nés par voie basse que chez ceux nés par césarienne. Par ailleurs, parmi les nourrissons nés par voie basse, ceux qui avaient une SHCGT avaient une diminution de l’abondance des taxas précédemment décrits comme liés aux trajectoires HCG, par rapport aux AHCGT. En outre, le terme de la naissance est un facteur important puisque tous les nourrissons SHCGT nés par voie basse étaient nés < 27 semaines d’âge gestationnel, alors que seulement 17 % des AHCGT nés par voie basse étaient nés < 27 semaines d’âge gestationnel.

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POINT CLÉ

  • La colonisation de l’intestin, précocement chez le prématuré, par Bacteroidota et Lachnospiraceae améliorerait le développement neurologique, via certaines voies métaboliques (hydrates de carbone, acides aminés)

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES EN PRATIQUE ?

La SHCGT débuterait donc par une réduction de l’abondance de Bacteroidota et Lachnospiraceae, puis s’aggraverait avec la réduction d’Actinobacteriota.

La naissance par voie basse permet de transmettre par voie verticale Bacteroidota.

Il faudra toutefois être vigilant chez les nouveau- nés nés avant 27 semaines d’âge gestationnel car même ceux nés par voie basse semblent plus à risque de SHCGT. Des études visant à optimiser le MI dès les premiers jours de vie chez les grands prématurés pourraient permettre de confirmer et de préciser ces résultats.

Conclusion

Le microbiote intestinal est un facteur important influençant la trajectoire de croissance du périmètre crânien. La mise en place très précocement de certaines bactéries (Bacteroidota et Lachnospiraceae), favorisée par un accouchement par voie basse, pourrait permettre de réduire les troubles du neurodéveloppement.

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Article commenté Microbiote intestinal

Effet immuno-régulateur souche-dépendant des champignons dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin

ARTICLE COMMENTÉ - RUBRIQUE ADULTE

Par le Pr Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Microbiota 16 articles commentés

Commentaire de l’article de Li XV et al. Nature 2022 [1]

Le microbiote fongique (mycobiote) fait partie intégrante de la communauté microbienne complexe qui colonise le tractus gastro-intestinal des mammifères et joue un rôle important dans la régulation immunitaire. Bien que des altérations du mycobiote aient été liées à plusieurs maladies, y compris les maladies inflammatoires chronique de l’intestin (MICI), on ignore actuellement si les espèces fongiques identifiées par séquençage représentent des organismes vivants et si des champignons spécifiques ont des effets sur le développement des MICI. Les auteurs ont développé une plateforme translationnelle pour l’analyse fonctionnelle du mycobiote. En combinant le séquençage à haute résolution du mycobiote, la culturomique et la génomique fongiques, un système d’édition de souches fongiques basé sur CRISPR-Cas9, des tests d’immunoréactivité fonctionnelle in vitro et des modèles in vivo, cette plateforme permet d’examiner les interactions hôte-champignon dans l’intestin humain. Ils ont découvert une riche diversité génétique de souches opportunistes de Candida albicans qui dominent la muqueuse colique des patients atteints de MICI. Parmi ces isolats, les souches ayant une forte capacité à endommager les cellules immunitaires (souches HD) reflètent les caractéristiques de la maladie des pa tients atteints de rectocolite hémorragique et aggravent l’inflammation intestinale in vivo par des mécanismes dépendants de l’IL-1β. La réponse inflammatoire et antifongique des cellules T helper produisant de l’interleukine-17A (cellules T H17) induite par les souches HD dans l’intestin dépendaient de la candidalysine, une toxine peptidique sécrétée par C. albicans, pendant la transition d’un état commensal bénin à un état pathobiont. Ces résultats révèlent la spécificité de souche des interaction s hôte-champignon dans l’intestin humain et mettent en évidence d e nouvelles cibles diagnostiques et thérapeutiques pour les MICI.

QUE SAIT-ON DÉJÀ À CE SUJET ?

Des études basées sur le séquençage profond du mycobiote intestinal dans plusieurs cohortes de maladies fournissent des preuves cohérentes que la « dysbiose fongique » est une caractéristique des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) [2], dont les formes les plus répandues sont la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH), et qui touchent des millions de personnes dans le monde. Les anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae (ASCA), qui sont dirigés contre le mannane de la paroi des champignons, définissent les sous-types de MICI, puisque leur présence dans le sérum est associée à la MC mais pas à la RCH, ce qui établit un lien supplémentaire entre les champignons et les MICI. Candida est le genre fongique le plus répandu, et sa présence est systématiquement augmentée dans plusieurs cohortes de patients atteints de MICI analysées par séquençage du microbiote fécal [2]. Notamment, C. albicans dans l’intestin induit un ensemble d’anticorps antifongiques et agit comme un immunogène pour l’ASCA. Les espèces de Candida associées à la muqueuse intestinale sont détectées par les macrophages résidant dans l’intestin et ont donc le potentiel d’induire une immunité protectrice ou de déclencher une inflammation en fonction du contexte, de manière expérimentale [3]. Malgré ces preuves, on ignore actuellement si les champignons détectés par les technologies de séquençage dans la muqueuse intestinale humaine jouent un rôle essentiel dans l’orientation de l’immunité muqueuse ou dans l’évolution de la maladie inflammatoire de chaque patient. Il a été observé de manière répétée une absence d’association entre les changements dans la composition du mycobiote et la gravité de la maladie dans des cohortes de patients atteints de MICI, malgré une augmentation constante des espèces de Candida. Les auteurs ont donc émis l’hypothèse que la diversité fonctionnelle des souches de Candida détermine la relation hôte-champignons dans la muqueuse intestinale humaine avec un effet sur l’inflammation intestinale.

POINTS CLES

  • Le mycobiote est altéré chez les patients atteints de MICI et Candida albicans a des effets pro-inflammatoires
  • Les effets pro-inflammatoires de C. albicans sont variables d’une souche à l’autre et sont associés à la capacité d’induire des lésions cellulaires aux macrophages et à filamenter
  • Les effets pro-inflammatoires de ces souches de C. albicans sont médiés par la production de candidalysine et l’induction de la production d’IL-1β
  • C. albicans, la candidalysine et l’IL-1β sont des cibles thérapeutiques potentielles dans la RCH

QUELS SONT LES PRINCIPAUX RÉSULTATS APPORTÉS PAR CETTE ÉTUDE ?

En accord avec de nombreuse études, les auteurs ont tout d’abord observé que le mycobiote des patients atteints de RCH était enrichi en Candida albicans et, au contraire, appauvri en Saccharomyces. En situation d’altération de la réponse immune induite par une corticothérapie, C. albicans aggrave la sévérité de la colite chez la souris. Les auteurs ont ensuite isolé plusieurs souches de C. albicans à partir du mycobiote de sujets sains et de patients avec RCH et ont observé une grande hétérogénéité en termes de capacité pro-inflammatoire. Notamment, la capacité d’infliger des dommages cellulaires aux macrophages, qui sont une ligne de défense clé contre les champignons est variable d’une souche à l’autre. Les souches capables d’infliger des dommages cellulaires aux macrophages ont plus tendance à filamenter et ont des effets pro-inflammatoire in vivo en induisant une reponse Th17 (Figure 1). Les auteurs ont ensuite démontré qu’une grande part de ces effets pro-inflammatoires était médiée par la sécrétion d’une toxine, la candidalysine, et l’induction de la production d’IL-1β. Les analyses suivantes ont révélé une forte corrélation entre la capacité pro-inflammatoire des souches isolées chez les patients atteints de RCH et l’activité inflammatoire de la maladie. En revanche, il n’y avait pas de corrélation entre le niveau d’inflammation intestinale et l’abondance globale de Candida albicans chez les patients. Ces résultats expliquent pourquoi la composition du mycobiote est mal corrélée aux caractéristiques des pathologies humaines et suggèrent que les capacités fonctionnelles (ici pro-inflammatoires) pourraient mieux expliquer la contribution du mycobiote à ces pathologies.

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Microbiota 16 FR articles commentés adultes Fig1

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES EN PRATIQUE ?

Cette étude montre que, à côté des analyses de composition du mycobiote, notamment par séquençage, une analyse au niveau fonctionnel est nécessaire pour comprendre sa contribution dans la pathologie et notamment dans les MICI. Si le rôle des souches pro-inflammatoires de C. albicans, de la candidalysine et de l’IL-1β est confirmé dans la RCH, on peut imaginer cibler l’un de ces acteurs d’un point de vue thérapeutique, d’autant que plusieurs molécules sont déjà disponibles pour antagoniser la voie de l’IL-1β.

Conclusion

Cette étude suggère que la candidalysine est un déterminant clé de l’effet proinflammatoire de C. albicans dans l’intestin, et que les souches à forte capacité proinflammatoires agissent par des mécanismes dépendant de l’IL-1β. Les patients porteurs de souches à forte capacité pro-inflammatoire pourraient représenter une population cible pour un traitement bloquant l’IL-1β et/ou C. albicans.

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Article commenté

Microbiote intestinal et troubles liés au stress

Synthèse

Par le Pr Sian M. J. Hemmings
Département de psychiatrie, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Stellenbosch, Tygerberg, Afrique du Sud

Troubles de l'humeur
Microbiota 16 synthèse

Les troubles liés au stress, notamment le trouble de stress post-traumatique (TSPT), les troubles anxieux et le trouble dépressif majeur (TDM), sont des troubles psychiatriques fréquents dont le mécanisme pathogénique clé est une réponse dysfonctionnelle au stress. Ces troubles sont très complexes et invalidants, ils sont associés à une mortalité et une morbidité accrues. De nombreuses preuves incriminent le rôle du microbiote intestinal dans les troubles psychiatriques, y compris les troubles liés au stress. La définition d’un profil microbien intestinal spécifique associé au développement des troubles psychiatriques pourrait faciliter l’identification de biomarqueurs fiables du risque associé à la maladie et permettre de prédire la prédisposition à développer de tels troubles. En outre, le microbiote intestinal peut facilement être manipulé et pourrait donc offrir une option thérapeutique simple et durable pour soulager les symptômes des troubles liés au stress. Cet article passe en revue la littérature actuelle sur l’axe microbiome-intestin-cerveau et la manière dont ce système de communication bidirectionnel pourrait jouer un rôle dans l’étiologie du TSPT, du TDM et des troubles anxieux.

TROUBLES LIÉS AU STRESS

Les troubles psychiatriques sont des troubles chroniques invalidants qui entravent considérablement le fonctionnement quotidien et figurent parmi les dix principales causes de la charge de morbidité dans le monde [1]. L’exposition à des facteurs de stress environnementaux et à des traumatismes est associée à une incidence accrue du trouble de stress post-traumatique (TSPT), du trouble dépressif majeur (TDM) et des troubles anxieux [2, 3]. Ces troubles liés au stress sont associés à une mortalité accrue, une espérance de vie réduite, une forte comorbidité et une réponse variable à la pharmacothérapie de première intention. Il n’existe pas de biomarqueurs cliniquement exploitables pour ces troubles, ce qui complique encore leur diagnostic et leur traitement. Pour faciliter le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques et d’éventuelles interventions, il est impératif de mieux comprendre les mécanismes biologiques qui sous-tendent ces troubles.

L’AXE MICROBIOMEINTESTIN- CERVEAU (MIC)

Le terme « microbiote » désigne les milliards de micro-organismes qui vivent en nous et sur nous. Le catalogue complet de ces microbes et de leurs gènes constitue le microbiome humain. Le microbiome intestinal, crucial pour le maintien de nombreux aspects de notre fonctionnement physiologique, est un système dynamique dont la composition est affectée par de nombreux facteurs, notamment la génétique de l’hôte, son âge, son régime alimentaire et son origine ethnique [4-6]. L’axe microbiome-intestin- cerveau (MIC) est un système de communication bidirectionnel complexe entre le microbiome intestinal, l’intestin et le système nerveux central (SNC), facilité par des voies de communication directes et indirectes (Figure 1).

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Le nerf vague, principal nerf parasympathique du système nerveux autonome, établit un lien direct entre l’intestin et le cerveau, les afférences et efférences vagales facilitant l’interaction réciproque entre le système nerveux entérique et le cerveau. La communication indirecte au sein de l’axe MIC prend de nombreuses formes. Le microbiote produit plusieurs molécules d’origine microbienne, notamment des neurotransmetteurs et des métabolites, qui agissent en plusieurs endroits de l’organisme. Il a été constaté que nombre de ces molécules, dont la sérotonine (5-HT), régulent le comportement, les fonctions cérébrales et la santé. Près de 95 % de la 5-HT de l’organisme sont produits dans les cellules entérochromaffines qui tapissent l’intestin et les taux de 5-HT dans l’intestin sont influencés par des métabolites microbiens, notamment l’indole, les acides biliaires et les acides gras à chaîne courte (AGCC). La 5-HT produite dans l’intestin ne peut pas contourner la barrière hémato- encéphalique (BHE) et ne peut donc pas affecter les taux de 5-HT dans le cerveau. Toutefois, des études chez l’animal suggèrent que les taux du précurseur de la 5-HT, le tryptophane, modulés par certaines bactéries intestinales, sont associés à la régulation de la neurotransmission de la 5-HT dans le cerveau [7].

Les études chez l’animal ont montré que les modifications des AGCC, un produit de la fermentation bactérienne des polysaccharides non digestibles par l’hôte, sont associées à l’exposition au stress chronique et à un comportement de type dépressif. Les AGCC sont impliqués dans un certain nombre de fonctions régulatrices, notamment la modulation de l’activité intestinale et de l’intégrité intestinale et l’activation de la microglie (cellules immunitaires innées du cerveau, qui jouent un rôle important dans la régulation de la survie et des réponses neuronales). Les AGCC sont capables de traverser la BHE et peuvent par conséquent affecter les fonctions cérébrales.

Il est bien établi que le microbiome intestinal joue un rôle important dans le développement des systèmes immunitaires périphérique et central et des preuves toujours plus nombreuses suggèrent qu’une inflammation accrue est associée aux troubles liés au stress. Un déséquilibre dans la composition microbienne intestinale peut compromettre l’intégrité de l’épithélium intestinal [8], augmentant la perméabilité intestinale et facilitant la translocation de bactéries, ou de composants bactériens, au travers de la barrière épithéliale vers la circulation systémique. Cela favorise une inflammation de bas grade, qui stimule l’expression accrue de cytokines pro-inflammatoires. Les cytokines pro-inflammatoires peuvent stimuler l’axe hypothalamo-hypophyso- surrénalien (HHS) pour qu’il sécrète du cortisol, ce qui peut encore augmenter la perméabilité intestinale. En effet, des preuves de dysfonctionnement des barrières intestinales et cérébrales ont été rapportées dans les troubles liés au stress.

On a constaté que l’administration systémique de lipopolysaccharides (LPS), un composant majeur de la membrane externe des bactéries à Gram négatif, entraîne une anxiété aiguë et une augmentation des symptômes de type dépressif, ainsi que des déficits cognitifs, et on a constaté que l’augmentation des taux de cytokines pro-inflammatoires induite par le LPS modifie l’activité neuronale dans les zones limbiques du cerveau. On a également constaté que le LPS induit une production accrue de cytokines dans le SNC, ce qui compromet l’intégrité de la BHE et entraîne une « fuite du cerveau ».

ÉTUDE DU MICROBIOME INTESTINAL DANS LES TROUBLES LIÉS AU STRESS : RÉSULTATS PRÉCLINIQUES ET CLINIQUES

Plusieurs études précliniques soutiennent l’idée que la composition du microbiome intestinal est associée aux troubles liés au stress. Les études utilisant des animaux sans germes (GF, microbiologiquement stériles) ont joué un rôle crucial dans notre compréhension de l’axe MIC. Dans leur étude fondamentale, Sudo et ses collègues [9] ont observé une réponse exagérée au stress, mise en évidence par des taux accrus de corticostérone, chez les souris GF par rapport aux témoins, après un stress de contrainte aigu. Cette réponse exagérée de l’axe HHS au stress a été normalisée par la mono-colonisation des souris GF avec Bifidobacterium infantum. Des études ont également montré qu’il est possible de transférer des phénotypes comportementaux de type anxieux entre deux souches de souris, au moyen d’une transplantation de microbiote fécal (TMF) [10]. De même, plusieurs études ont fait état du développement de comportements de type dépressif et anxieux, ainsi que de l’altération des voies neuroendocriniennes et immunitaires, chez des rongeurs dépourvus de microbiote à la suite d’une TMF provenant d’humains souffrant de TDM, ce qui suggère un rôle causal du microbiote intestinal dans les comportements de type dépressif [11-13]. Les études chez l’animal ont également montré que l’exposition au stress peut provoquer des altérations durables du microbiome intestinal – deux études récentes ont fait état d’une diminution de l’abondance relative d’Akkermansia muciniphila au fil du temps dans le microbiome intestinal d’animaux stressés comparativement aux animaux témoins [14, 15]. On a constaté qu’A. muciniphila et la membrane externe de la bactérie (Amuc_1100) améliorent les comportements de type dépressif et augmentent les taux circulants de 5-HT.

Comparativement, peu d’études cliniques ont été conduites pour déterminer l’association entre le microbiome intestinal et les troubles liés au stress. Jusqu’à présent, les seules données publiées sur le microbiome intestinal dans le TSPT émanent de notre groupe de recherche [16], qui a montré qu’un consortium de quatre genres bactériens permettait de prédire le statut de TSPT avec une précision de 66,4 %. On a également montré que le diagnostic de TDM dans l’échantillon était associé à une augmentation de l’abondance relative du phylum Bacteroidetes. D’autres études indiquent que les taxons bactériens associés aux troubles à la fois dépressifs et anxieux sont caractérisés par une abondance relative plus élevée de taxons induisant un environnement pro-inflammatoire et par une abondance réduite de bactéries productrices d’AGCC [17].

Ce domaine de recherche n’en est toutefois qu’à ses débuts, actuellement limité par le manque de standardisation de l’analyse du microbiome intestinal, depuis la collecte des échantillons jusqu’au pipeline analytique. Dans de nombreux cas, les facteurs susceptibles de fausser les résultats, notamment le régime alimentaire, la prise de médicaments, l’origine ethnique et la génétique de l’hôte, n’ont pas été pris en compte dans les études examinées ci-dessus. En outre, la plupart des études réalisées étaient de type transversal, limitant notre capacité à démêler les causes des conséquences, et très peu d’entre elles ont examiné les mécanismes potentiels qui sous-tendent les associations.

A. muciniphila est une bactérie anaérobie à Gram négatif, présente principalement dans la muqueuse intestinale, qui joue un rôle dans le maintien de l’intégrité de la barrière intestinale ainsi que dans la régulation immunitaire et métabolique.

MODULATION DE L’AXE MIC : LES PROBIOTIQUES

Le microbiome intestinal est traçable et peut être modulé, ce qui rend particulièrement intéressante la recherche de marqueurs du microbiome intestinal associés aux troubles liés au stress. Les probiotiques sont définis comme des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, confèrent un bénéfice pour la santé de l’hôte ; les psychobiotiques font référence aux probiotiques qui confèrent un bénéfice sur la santé mentale, la cognition et le comportement. Des publications récentes ont indiqué des effets bénéfiques modérés des psychobiotiques dans le soulagement des symptômes dépressifs et anxieux dans des cohortes à la fois saines et cliniquement définies [18]. Il est toutefois important de rester prudent lors de l’interprétation des résultats des études actuelles, car celles-ci sont variables en ce qui concerne la formulation et la posologie des probiotiques, les caractéristiques de l’échantillon (phénotype clinique et sévérité de la dépression/anxiété) et la durée du suivi. De plus, les avantages des psychobiotiques par rapport aux antidépresseurs et leurs interactions avec ces derniers n’ont pas encore été étudiés de manière approfondie, même si certains résultats intéressants d’études précliniques suggèrent que certains probiotiques, lorsqu’ils sont administrés sous forme de préparations à souches multiples, ont des effets antidépresseurs similaires, voire parfois plus importants, que les antidépresseurs actuels administrés en première intention [19]. Ces psychobiotiques, s’ils sont utilisés conjointement avec des antidépresseurs, pourraient avoir une utilité particulière chez les personnes souffrant de dépression résistante au traitement.

Conclusion

Les preuves suggérant que le microbiome intestinal est modifié dans les troubles liés au stress ne cessent de s’accumuler et même si beaucoup de travail reste à faire dans ce domaine, la détermination d’un profil microbien intestinal spécifique associé au développement des troubles liés au stress pourrait faciliter l’identification de biomarqueurs fiables du risque associé à la maladie et permettre de prédire la prédisposition à développer ces troubles. Le microbiome intestinal peut facilement être manipulé et pourrait donc offrir une option thérapeutique simple et durable pour soulager les symptômes du TSPT, du TDM et des troubles anxieux.

Sources

• 1. GBD 2019 Mental Disorders Collaborators. Global, regional, and national burden of 12 mental disorders in 204 countries and territories, 1990–2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019. Lancet Psychiatry 2022; 9: 137-50.
• 2. van Praag HM. Can stress cause depression? Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry 2004; 28: 891-907.
• 3. Shin LM, Liberzon I. The neurocircuitry of fear, stress, and anxiety disorders. Neuropsychopharmacol 2010; 35: 169-91.
• 4. De Filippo C, Cavalieri D, Di Paola M, Ramazzotti M, Poullet JB, Massart S, et al. Impact of diet in shaping gut microbiota revealed by a comparative study in children from Europe and rural Africa. Proc Natl Acad Sci USA 2010; 107: 14691-6.
• 5. Schnorr SL, Candela M, Rampelli S, Centanni M, Consolandi C, Basaglia G. Gut microbiome of the Hadza hunter-gatherers. Nat Commun 2014; 5: 3564.
• 6. Ayeni FA, Biagi E, Rampelli S, et al. Infant and Adult Gut Microbiome and Metabolome in Rural Bassa and Urban Settlers from Nigeria. Cell Rep 2018; 23: 3056-67.
• 7. Clarke G, Grenham S, Scully P, et al. The microbiome-gut-brain axis during early life regulates the hippocampal serotonergic system in a sex-dependent manner. Molecular Psychiatry 2013; 18: 666-73.
• 8. Desbonnet L, Garrett L, Clarke G, Kiely B, Cryan JF, Dinan TG. Effects of the probiotic Bifidobacterium infantis in the maternal separation model of depression. Neuroscience 2010; 170: 1179-88.
• 9. Sudo N, Chida Y, Aiba Y, Sonoda J, Oyama N, Yu XN. Postnatal microbial colonization programs the hypothalamic-pituitary-adrenal system for stress response in mice. J Physiol 2004; 558: 263-75.
• 10. Bercik P, Denou E, Collins J, et al. The intestinal microbiota affect central levels of brain-derived neurotropic factor and behavior in mice. Gastroenterology 2011; 141: 599-609.
• 11. Kelly JR, Borre Y, O’ Brien C, Patterson E, El Aidy S, Deane J, et al. Transferring the blues: Depression-associated gut microbiota induces neurobehavioural changes in the rat. J Psychiatr Res 2016; 82: 109-18.
• 12. Liu S, Guo R, Liu F, Yuan Q, Yu Y, Ren F. Gut microbiota regulates depression-like behavior in rats through the neuroendocrine-immune-mitochondrial pathway. Neuropsychiatr Dis Treat 2020; 16: 859-69.
• 13. Zheng P, Zeng B, Zhou C, et al. Gut microbiome remodeling induces depressive-like behaviors through a pathway mediated by the host’s metabolism. Mol Psychiatry 2016; 21: 786-96.
• 14. Hoke A, Chakraborty N, Gautam A, Hammamieh R, Jett M. Acute and delayed effects of stress eliciting post-traumatic stress-like disorder differentially alters fecal microbiota composition in a male mouse model. Front Cell Infect Microbiol 2022; 12: 810815.
• 15. Pascual Cuadrado D, Todorov H, Lerner R, et al. Long-term molecular differences between resilient and susceptible mice after a single traumatic exposure. Br J Pharmacol 2022; 179: 4161-80.
• 16. Malan-Muller S, Valles-Colomer M, Foxx CL, et al. Exploring the relationship between the gut microbiome and mental health outcomes in a posttraumatic stress disorder cohort relative to trauma-exposed controls. Eur Neuropsychopharmacol 2022; 56: 24-38.
• 17. Simpson CA, Diaz-Arteche C, Eliby D, Schwartz OS, Simmons JG, Cowan CSM. The gut microbiota in anxiety and depression - A systematic review. Clin Psychol Rev 2021;83: 101943.
• 18. Alli SR, Gorbovskaya I, Liu JCW, Kolla NJ, Brown L, Müller DJ. The gut microbiome in depression and potential benefit of prebiotics, probiotics and synbiotics: a systematic review of clinical trials and observational studies. Int J Mol Sciences 2022; 23: 4494.
• 19. Ra Y, Eu P, Ev V, Mv O, Mv M, Gi K, et al. A Multi-strain potential probiotic formulation of GABA-producing Lactobacillus plantarum 90sk and Bifidobacterium adolescentis 150 with antidepressant effects. Probiotics and Antimicrobial Proteins 2020; 12: 973-9.

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Article Gastroentérologie

Notre grand frère (ou grande sœur) aide notre bébé microbiote à devenir grand !

De nombreux facteurs sont connus pour jouer un rôle sur le développement de notre microbiote et par conséquence sur notre santé : naissance par voie basse ou césarienne, alimentation, prise d’antibiotiques…  Moins connu – et moins étudié- la fratrie jouerait également un rôle de premier plan. Des chercheurs danois1 viennent d’en apporter une preuve tangible.

Le microbiote ORL Le microbiote intestinal Asthme et microbiote Rhinite allergique

Dès notre naissance, le petit monde qui nous entoure va contribuer à façonner la composition unique de notre microbiote. Les microorganismes auxquels il nous expose vont différer  selon que notre maman a accouché par césarienne, qu’elle nous nourri(e) au sein, qu’on grandi à la ferme,  qu’on a un chien… Ou que l’on a des frères et des sœurs ! Pour évaluer l’impact de la fratrie dans le développement du microbiote, les chercheurs ont analysé la composition de la flore intestinale (de l’âge d’1 semaine jusqu’à 6 ans) et du microbiote des voies respiratoire au niveau du pharynx (d’1 semaine à 3 mois) de près de 700 enfants. En renouvelant régulièrement les prélèvements, près de 4500 échantillons ont été séquencés ! A chaque étape, ils ont pris en compte la place des petits participants dans la fratrie - enfant unique, frère(s) ou sœur(s) plus ou moins âgé(s). De plus, ils ont noté une quinzaine de facteurs pouvant aussi influer sur le microbiote des enfants, du poids de naissance aux revenus du ménage. Enfin, ils ont confronté les données recueillies auprès des enfants avec la présence à l’âge de 6 ans d’asthme, de rhinite allergique et de sensibilisation à divers allergènes.

Les microorganismes du microbiote ont l’esprit de famille 


Les chercheurs ont découvert que pendant la petite enfance, avoir des frères et des sœurs représentait l’un des déterminants les plus importants de la composition du microbiote intestinal et du microbiote des voies aériennes. Cet effet s’est révélé plus net chez les enfants dans leur première année de vie avec un ou des frère(s) et/ou sœur(s) plus âgé(es). Leur microbiote intestinal était plus riche, plus diversifié et plus mature que celui des enfants uniques. Pas besoin d’une famille nombreuse : avoir un frère ou une sœur aîné(e) d’âge proche comptait davantage que d’en avoir plusieurs. Consolation pour les enfants uniques : la différence entre leur microbiote et celui des enfants ayant des frères ou sœurs s’estompait à l’âge de 4 ans.

L’influence de la fratrie détrône l’allaitement sur le microbiote respiratoire des nourrissons

Quid du microbiote des voies aériennes ? Pendant les 3 premiers mois de vie, il a également été modifié par la présence d’une fratrie, davantage que par d’autres facteurs pourtant considérés majeurs comme l’allaitement ou la prise d’antibiotiques. Celui des bébés ayant des frères et des sœurs était moins diversifié que ceux n’en ayant pas. Mais attention, contrairement au microbiote intestinal, une moindre diversité bactérienne dans les voies aériennes semble plus favorable à une bonne santé respiratoire2


Que retenir de cette étude ? Grandir avec des frères et sœurs pendant la petite enfance a un impact sur le développement du microbiote et la santé. Il y a forcément le revers de la médaille :  la fratrie facilite la contamination par des microbes de rhumes et autres « gastros ». Mais les chercheurs estiment qu‘une exposition précoce à des microbes relativement inoffensifs réduirait le risque de maladies allergiques3.

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Actualités

La fratrie, déterminant majeur du développement du microbiote

Mode de naissance, alimentation, prise d’antibiotiques… De nombreux facteurs sont reconnus pour influer sur le développement du microbiote et sur la santé pendant la petite enfance. La fratrie jouerait également un rôle de premier plan, révèle une étude danoise parue dans Microbiome1.

Dès la naissance, la constitution du microbiote dépend principalement des sources microbiennes de proximité : de la mère surtout, mais aussi du reste de l’entourage familial, notamment des frères et sœurs. Cependant, l’impact de la fratrie a été peu étudié. Pour combler ce manque, des chercheurs danois ont séquencé des échantillons fécaux (à 1 semaine, 1 mois, 3 mois, 1 an, 4 ans et 6 ans) et pharyngés (à 1 semaine, 1 mois et 3 mois) prélevés sur 686 enfants issus de la cohorte COPSAC2010 (Copenhagen Prospective Studies on Asthma in Childhood 2010). A chaque visite, leur place dans la fratrie a été prise en compte et mise à jour. Quinze covariables ont par ailleurs été enregistrés : poids de naissance, la prise d’antibiotiques, l’alimentation, la présence d’animaux domestiques, etc. Les chercheurs ont ensuite évalué le lien entre la signature de la fratrie dans le microbiote des enfants et la présence d’asthme, de rhinite allergique et de sensibilisation allergique à l’âge de 6 ans.

Des différences de diversité et d’abondance chez les jeunes enfants ayant des aînés 

Les chercheurs ont constaté que la fratrie représentait l’un des facteurs les plus importants du développement du microbiote intestinal et des voies aériennes de l’enfant. Des différences significatives de composition, tant en termes de diversité que de quantités de genres bactériens, ont été retrouvées. L’impact de la fratrie était particulièrement apparent dans la première année de vie et une plus faible différence d’âge avec le frère ou la sœur aîné(e) avait plus d’impact que le nombre de frères et/ou sœurs aîné(e)s.

Le microbiote pharyngé des enfants ayant un (ou des) frères ou une (des) sœur(s) plus âgé(s) présentait à 3 mois une diversité alpha diminuée par rapport à celui des enfants uniques. Les genres Moraxella et Neissera étaient plus abondants, alors que les staphylocoques l’étaient moins. Aucun autre facteur, même majeur comme l’allaitement ou la prise d’antibiotiques, avait un impact supérieur à la fratrie sur la composition du microbiote pharyngé.

Quant au microbiote intestinal des enfants ayant un (ou des) frères ou une (des) sœur(s) plus âgé(s), il présentait jusqu’à 4 ans une plus grande diversité alpha et une différence significative de diversité bêta. A 1 an, la fratrie était le plus important déterminant de la diversité bêta après le mode de naissance. La présence d’un (ou de) frères ou d’une (de) sœur(s) plus âgé(s) était associée à moins d’Escherichia/Shigella, d’autres Enterobacteriaceae et de Veillonella, mais à davantage de Prevotella. Pour ce dernier genre bactérien, l’abondance augmentée était même plus prononcée à 4 ans et a persisté jusqu’à 6 ans. Enfin, un microbiote intestinal montrant la signature d’une fratrie à 1 an était associé à une réduction du risque d’asthme à l’âge de 6 ans.

Mieux intégrer les fratries dans les études sur le développement du microbiote

Les chercheurs estiment donc que le développement du microbiote du petit enfant est notablement influencé par la fratrie, avec des conséquences sur sa santé. Ils suggèrent que les études sur le développement du microbiote chez l’enfant prennent en compte la présence de frères et de sœurs, en particulier plus âgés.

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Actualités Pédiatrie

Xpeer: Établissement précoce du microbiote intestinal

Formez-vous gratuitement sur l'établissement précoce du microbiote intestinal dans ce cours de FMC, guidé par le Dr Ericka Montijo. Dans cette formation, vous en apprendrez davantage sur l'évolution et l'importance du microbiote intestinal au cours de la vie. 

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Synopsis du cours

Ces dernières années, l'intérêt pour la recherche sur l'interaction complexe entre le microbiote intestinal humain et notre santé n'a pas cessé. De plus, les professionnels de santé ont commencé à se demander si l'établissement initial du microbiote intestinal joue un rôle dans notre vie d'adulte. Comment le microbiote se forme-t-il et se développe-t-il pendant la petite enfance? Quelle est son importance plus tard dans la vie? Dans ce cours, vous apprendrez quels sont les facteurs qui influencent notre microbiote avant même notre naissance, et quelles sont les conséquences d'un microbiote immature plus tard dans la vie adulte. De plus, ne manquez pas les recommandations pratiques sur la façon d'améliorer un microbiote sain et mature chez les enfants! Subvention sans restriction du Biocodex Microbiota Institute.

Qui est Ericka Montijo?

  • "Ericka Montijo, MD, est une gastro-entérologue travaillant à l'Institut national de pédiatrie à Mexico DF.
  • Elle est titulaire d'un MSc en nutrition pédiatrique et est spécialisée dans les endoscopies pédiatriques
  • Déclaration de conflits d'intérêts : Ericka Montijo déclare avoir reçu des honoraires de consultation de Biocodex México/Reckit Mead Johnson et avoir participé en tant que conférencière à un bureau sponsorisé par l'entreprise et organisé par Biocodex México et Reckit Mead Johnson. "

A propos d'Xpeer


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Les participants du module obtiennent 1 crédit FMF Européen (ECMEC) après chaque heure de formation (60 minutes effectives de e-learning, en excluant les introductions…). Ce crédit est acquis une fois le module complété et l’évaluation correspondante validée par les participants.

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Le microbiote intestinal, clé de la variabilité de la réponse aux statines

Les statines sont aujourd’hui prises par 25% à 30% des plus de 40-50 ans, en Europe comme aux Etats-Unis. La variabilité de la réponse au traitement entre les patients reste pourtant un défi pour les cliniciens. Et s’ils pouvaient être prédits et gérés selon les caractéristiques du microbiote intestinal des patients ? 

Le microbiote intestinal, clé de la variabilité de la réponse aux statines

Les statines réduisent le risque cardiovasculaire athéromateux en inhibant l'activité de l’enzyme hydroxyméthylglutaryl (HMG)-CoA réductase impliquée dans la synthèse hépatique du LDL (Low Density Lipoprotein). Hélas, leur efficacité sur le taux de LDL varie considérablement entre les patients et des effets indésirables peuvent survenir, en particulier une résistance à l’insuline augmentant le risque de diabète de type 2. Pour le médecin, déterminer la « dose maximale tolérée » adaptée à chaque patient selon les recommandations1 se fait souvent par tâtonnements. Essais et échecs font perdre du temps et peuvent mettre à mal l’adhésion du patient au traitement.

Un marqueur sanguin pour mesurer la réponse aux statines

Des études récentes ont déjà mis en évidence des liens entre microbiote intestinal et risque cardiovasculaire athéromateux mais également entre microbiote et l’utilisation des statines. Des chercheurs américains2 se sont penchés cette fois ci sur le rôle de la flore intestinale dans la réponse aux statines. En métabolisant les statines, ses bactéries pourraient en effet moduler la biodisponibilité et l’activité de ces molécules, voire contribuer à leurs effets secondaires. Sur une cohorte américaine de 1 848 adultes dont 244 sous statine, les scientifiques ont d’abord validé un marqueur de cette réponse, le dosage plasmatique du substrat de l’HMG-CoA réductase (HMG). Le taux de HMG s’est révélé effectivement plus élevé chez les sujets traités que chez les sujets non traités et négativement corrélé au taux de LDL sanguin uniquement chez les sujets traités. Il reflétait à la fois l’intensité de la thérapie par statine et la présence de variants génétiques chez les patients influant sur la réponse au traitement.

Le profil du microbiote influe sur l’efficacité et le risque métabolique du traitement

Les chercheurs ont ensuite étudié l’association entre l’efficacité des statines mesurée par le dosage de HMG, leur effet sur le contrôle du glucose mesuré par le score HOMA-IR (Homeostatic Model Assessment for Insulin Resistance) et la composition du microbiote intestinal analysée par séquençage ARN 16S. Ils ont découvert qu’un microbiote plus riche en Bacteroides et moins diversifié était associé à une réponse augmentée aux statines, tant en termes d’efficacité que d’effet néfaste sur le contrôle du glucose. Cependant, une flore plus riche en Ruminococcaceae semblait protéger contre ce risque métabolique. Ces résultats ont été confirmés sur une cohorte européenne de 991 sujets dont le microbiote intestinal avait été séquencé par une méthode différente.

Vers des thérapies par statine de précision ? 

Ces travaux apportent non seulement une explication sur la variabilité de la réponse aux statines, mais aussi la perspective d’outils cliniques pour la gérer. En effet, le dosage plasmatique de HMG pourrait représenter une source d’information supplémentaire au dosage du LDL pour évaluer l’efficacité du traitement. La prise en compte du profil du microbiote intestinal des patients pourrait également permettre de prédire la réponse aux statines, d’améliorer celle-ci par des probiotiques si nécessaire et finalement, de proposer aux patients une stratégie de traitement des maladies cardiovasculaires plus personnalisée.

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Actualités Gastroentérologie