Appétence, tolérance, abus, dépendance… Face à l’alcool, nous ne sommes pas tous égaux. Différents facteurs biologiques ou environnementaux influent sur notre motivation à boire et notre vulnérabilité à l’alcoolisme. Notre microbiote intestinal en fait partie, selon une publication de la revue Nature1.
Les études le montrent : l’alcool influe sur la composition de notre microbiote intestinal… qui lui-même influe sur notre comportement. Y compris face à l’alcool ? Des chercheurs espagnols ont décidé de le vérifier en mettant en regard la consommation d’alcool hebdomadaire et l’analyse du microbiote intestinal de 507 étudiants. Ils ont d’abord constaté que plus les participants étaient « gros buveurs », plus leurs selles étaient dures, typiques de la constipation. Une surprise, car on pensait que l’alcool donnait plutôt de la diarrhée. Ils ont ensuite découvert qu’entre les étudiants qui buvaient le plus d’alcool et ceux qui n’en buvaient pas, la principale différence dans la composition de leur flore intestinale concernait la classe des (sidenote:
Actinobactéries
Les actinobacteries sont l'un des 4 grands groupes bacteriens (phyla) majeur du microbiote intestinal avec les Bacteroidetes, les Firmicutes et les Proteobacteria . Parmis les actinobactéries, on peut citer les Bifidobactéries qui sont le plus représenté au sein de la flore intestinale.
Binda C, Lopetuso LR, Rizzatti G, et al. Actinobacteria: a relevant minority for the maintenance of gut homeostasis. Digestive and Liver Disease. 2018 May 1;50(5):421-8.), les premiers en ayant nettement davantage que les deuxièmes.
Les troubles de la consommation d’alcool, un enjeu de santé publique
Cancer, maladies du foie (cirrhose, hépatite, pancréatite...), maladies cardiovasculaires, troubles cognitifs, troubles psychiques... Les troubles de la consommation d’alcool, autrement dit une consommation d’alcool engendrant des problèmes de santé, atteignent plus de 100 millions de personnes dans le monde. Les tranches d’âge les plus touchées sont les 25-34 ans. En Russie, 1 personne sur 10 entre 30 et 34 ans est alcoolique2. Chaque année, l’abus d’alcool tue 3 millions de personnes dans le monde3.
Les rats ayant reçu le microbiote d’un congénère alcoolique deviennent « soiffards » !
Les scientifiques ont poursuivi leurs recherches sur des rats : ils ont rendu ces animaux dépendants à l’alcool et ont transplanté leur microbiote fécal à des rats « sobres ». Deux semaines après la procédure, ces derniers préféraient davantage boire de l’eau contenant de l’alcool que de l’eau pure lorsqu’on leur donnait le choix entre ces deux boissons, comparé à des rats « contrôles ». Ce délai suggère que le changement de composition du microbiote intestinal est la cause et non la conséquence de l’augmentation de la consommation d’alcool, selon les chercheurs. Le microbiote intestinal de rat alcoolique deviendrait chez le rat receveur un facteur prédisposant à une volonté accrue de consommer de l’alcool, qui lui-même augmenterait la croissance de certaines bactéries « amatrices » d’alcool. Par l’« axe intestin-cerveau », il pourrait aussi affecter les circuits neuronaux dits « de récompense », impliqués dans le développement des addictions.
Qui a bu… ne boira plus grâce à des probiotiques ?
L’analyse du microbiote intestinal des rats alcooliques donneurs et receveurs suggère que le genre bactérien Porphyromonas, diminué par rapport aux contrôles, serait associé à leur volonté accrue de consommer. Les chercheurs n’ont pas trouvé de genre bactérien spécifiquement augmenté, mais dans d’autres études, les actinobactéries étaient, comme chez l’humain, plus abondantes chez des souris alcooliques. Toutefois, ils estiment que chez l’être humain, intervenir sur le microbiote intestinal, par exemple avec des probiotiques et/ou prébiotiques, pourrait contribuer à traiter un trouble de la consommation d’alcool. Les genres et espèces adéquates restent à découvrir !
Attention
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Une étude clinique randomisée contrôlée montre que le microbiote intestinal et oral est impacté par l’ingestion d’édulcorants. Avec, à la clé, des modifications métaboliques à même de perturber la réponse glycémique.
C’est une stratégie nutritionnelle bien connue : pour éviter la prise de poids, le sucre est remplacé, dans notre alimentation, par des édulcorants non caloriques (NNS, pour non nutritive sweeteners). Bien que ces ingrédients soient généralement considérés sans risque, de précédents travaux chez la souris ont montré qu’ils pouvaient perturber le microbiote intestinal et la réponse glycémique. La même équipe a cette fois exploré les effets des NNS chez l’Homme, à travers un essai randomisé contrôlé réunissant 120 adultes en bonne santé répartis en 6 groupes. Quatre groupes devaient respectivement consommer des sachets contenant du sucralose, de la saccharine, de l’aspartame ou du stévia – à des doses inférieures aux (sidenote:
La dose journalière admissible, ou DJA, est la quantité estimée d'une substance présente dans les aliments ou dans l'eau potable qui peut être consommée quotidiennement pendant toute la durée d’une vie sans présenter de risque appréciable pour la santé.
) établies pour ces substances. Du glucose étant présent dans les sachets d’édulcorants (ingrédient support), un cinquième groupe recevait des sachets de glucose (témoin glucose), tandis qu’un sixième ne recevait aucun supplément (témoin sans supplément).
25,1 % des enfants et 41,4 % des adultes américains
consommaient des NNS entre 2009 et 2011, des chiffres en hausse par rapport aux précédentes enquêtes.
Les édulcorants modifient le microbiote et ses fonctions…
Le séquençage (shotgun) montre que les 4 édulcorants entraînent des modifications spécifiques (i.e. propres à chaque NNS) de la composition et/ou des fonctions métaboliques du microbiote intestinal ainsi que du microbiote oral. L’effet le plus impactant sur le microbiote intestinal était observé après ingestion du sucralose. Toutefois, seuls le sucralose et la saccharine affectaient significativement la tolérance au glucose, avec une élévation de la glycémie dans ces deux groupes.
…avec de possibles conséquences sur la réponse glycémique
Les modifications observées au niveau du microbiote intestinal, de ses fonctions et des métabolites circulants, sous l’effet des différents NNS étaient corrélées aux réponses glycémiques des participants. Pour déterminer si ces altérations pouvaient être à l’origine des troubles glycémiques, les chercheurs ont transplanté à des (sidenote:
Souris axéniques
Souris sans germes, élevées en milieu stérile
) le microbiote intestinal de certains sujets sélectionnés dans les 4 groupes expérimentaux : ceux dont la réponse glycémique était la plus impactée (‘top responders’) et la moins impactée (‘bottom responders’) par les NNS. Les réponses glycémiques observées chez les souris étaient à l’image de celles observées respectivement chez les donneurs, corroborant ainsi l’hypothèse causale.
Un microbiote spécifique, une réponse personnalisée aux NNS
Enfin, les chercheurs montrent que le microbiote intestinal des top versus bottom responders connaissent des évolutions distinctes au cours de leur exposition aux différents NNS, qui pourraient dépendre de leur état de départ avant l’expérimentation. Les chercheurs comparent ainsi le microbiote à un centre de réactivité ou adaptateur conditionnant la réponse physiologique aux édulcorants, avec des effets seulement chez certains individus, présentant un microbiote spécifique.
Vous pensiez que les édulcorants vous rendaient service en limitant votre consommation de sucre – et votre prise de poids - ? Pas si sûr. Une étude chez l’Homme évoque des effets préoccupants sur la glycémie, plus ou moins marqués et qui dépendrait de la composition du microbiote intestinal. Explications.
Le plaisir sans la culpabilité, le doux goût du sucre sans ses calories – ni les problèmes de santé susceptibles de pointer leur nez (obésité, diabète…) en cas d’excès d’apport : telle est la promesse des édulcorants, ces substituts du sucre ajoutés aussi bien à des boissons comme des sodas « light » qu’à des aliments comme des biscuits allégés, et dont la consommation va crescendo. Serait-ce trop beau pour être vrai ? C’est ce que suggère une étude israélienne menée chez 120 adultes, à qui les chercheurs ont demandé de consommer pendant 2 semaines l’un des 4 édulcorants suivants : sucralose, saccharine, aspartame ou stévia.
25,1 % des enfants et 41,4 % des adultes américains
consommaient des NNS en 2009, des chiffres en hausse par rapport aux précédentes enquêtes.
Un impact sur la glycémie, variable selon les individus
Ironie de la science, les groupes ayant reçu certains substituts de sucre – le sucralose ou la saccharine – n’ont pas tardé à afficher une élévation anormale de leur taux sanguin… de sucre (glycémie). Toutefois, au sein d’un même groupe, des réponses glycémiques très hétérogènes étaient observées d’un individu à l’autre. Au vu de cette hétérogénéité, les regards des chercheurs se sont tournés vers le microbiote intestinal, spécifique à chaque individu et déjà connu pour jouer un rôle direct dans la digestion. Ils ont alors constaté que les 4 édulcorants modifiaient, chacun à sa façon, la composition du microbiote intestinal (et oral) et/ou ses fonctions. Et ces modifications étaient corrélées aux effets observés sur la glycémie, suggérant qu’elles pourraient en être à l’origine.
Le microbiote intestinal, la « plaque tournante » des édulcorants
Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont transféré le microbiote intestinal des participants à des souris dites (sidenote:
Souris axéniques
Souris sans germes, élevées en milieu stérile
). Confirmant leur hypothèse, cette seule manipulation a suffi à reproduire chez les souris receveuses les réponses glycémiques observées chez les donneurs respectifs. C’est-à-dire que la glycémie des souris était élevée si elles recevaient le microbiote des participants dont la glycémie était également impactée. Les chercheurs comparent ainsi le microbiote à un centre de réactivité, qui réagirait plus ou moins aux édulcorants selon sa composition.
Bien que certains individus semblent plus protégés que d’autres par leur microbiote vis-à-vis des édulcorants, ces résultats remettent sérieusement en question la supposée inertie de ces substances. Dans l’attente de prochaines études qui permettront de clarifier les recommandations de santé, votre prochain soda, qu’il soit sucré ou édulcoré, risque de vous laisser un goût amer.
Comment surveiller les gènes de résistance aux antibiotiques ? Comment prévenir cette résistance ? Quel est le lien entre la résistance aux antibiotiques et le microbiote ? Voici les réponses à toutes vos questions.
À l'occasion de la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens (du 18 au 24 novembre), le Microbiota Institute donne la parole à deux experts en antibiorésistance : le (sidenote:
Le Dr Windi Muziasari a acquis des années d'expérience et de savoir-faire en matière de surveillance de la résistance aux antibiotiques dans l'environnement à l'aide d'un profilage génomique à haut débit lors de son doctorat et de son post-doctorat à l'Université d'Helsinki, en Finlande. Elle souhaitait collaborer avec d'autres chercheurs afin de pouvoir accéder plus facilement à cette technologie, c'est pourquoi elle a quitté le monde universitaire pour celui de l'entrepreneuriat en fondant Resistomap en 2018. La mission de cette entreprise basée à Helsinki est de limiter la diffusion de l'antibiorésistance en proposant des outils de surveillance fiables. Resistomap allie méthodes de génétique moléculaire et science des données pour fournir un service permettant de détecter et de quantifier les gènes de résistance aux antibiotiques dans des échantillons environnementaux tels que des eaux usées et des sols. Pleinement opérationnelle depuis janvier 2019, l'entreprise a déjà mené plus de 250 projets et analysé plus de 7 000 échantillons environnementaux dans 40 pays.
), PDG de Resistomap, et le Pr (sidenote: Christian G. Giske est le médecin-chef du service de bactériologie, mycobactériologie et mycologie à l'hôpital universitaire Karolinska de Solna en Suède. Il est également responsable de l'unité de microbiologie clinique et de l'unité d'immunologie clinique du service de médecine de laboratoire de l'institut Karolinska, où il dirige aussi un groupe de recherche. Les activités les plus importantes du groupe de recherche de Christian Giske concernent la caractérisation approfondie des mécanismes moléculaires de la résistance et de la virulence ainsi que l'épidémiologie moléculaire de bacilles entériques extrêmement résistants aux médicaments. Les recherches du professeur Giske sont résolument translationnelles et impliquent étroitement les unités des maladies infectieuses (y compris la mycobactériologie), d'hématologie et de soins intensifs. Le Pr Giske est également très actif à l'internationale en tant que membre du comité consultatif de l'ECDC concernant la surveillance européenne de l'antibiorésistance et président du comité européen pour les tests de sensibilité aux antimicrobiens.
) de l'institut Karolinska en Suède.
Qu’est ce que la Semaine Mondiale pour un bon usage des antimicrobiens ?
Depuis 2015, l'OMS organise chaque année la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens (WAAW) dont l'objectif est de sensibiliser sur le phénomène mondial de la résistance aux antimicrobiens. Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.
Pourquoi la résistance aux antibiotiques est-elle un problème de santé publique majeur ?
Dr. Windi Muziasari
La résistance aux antibiotiques est une menace pour la santé mondiale qui cause plus d'1,2 million de décès par an1. Également appelée antibiorésistance, elle concerne les cas dans lesquels les antibiotiques ne sont plus efficaces pour traiter les infections bactériennes. Cela nous ramène à l’époque précédant la découverte des antibiotiques par Alexander Fleming en 1928. Les maladies infectieuses comme la tuberculose et la pneumonie, ou même une simple infection urinaire, pourraient à nouveau nous tuer ; et dans le pire des cas, subir une intervention chirurgicale ou donner naissance à un bébé augmenterait également le risque de mortalité. Les antibiotiques sont largement utilisés en santé humaine et animale, ce qui accélère la hausse des niveaux d'antibiorésistance des bactéries.
Pr. Christian G. Giske
L'antibiorésistance engendre un tissu de problèmes. Elle varie beaucoup selon les zones géographiques, que le problème se limite aux infections contractées à l'hôpital ou qu'il soit étendu à la collectivité. Les conséquences de la résistance aux antibiotiques sont très bien documentées. Cette résistance entraîne une augmentation de la mortalité, des séjours plus longs à l'hôpital, une hausse des dépenses de santé et davantage d'effets secondaires liés au traitement. Dans de nombreux cas, certaines infections contractées à l'hôpital peuvent être extrêmement difficiles à traiter. L'antibiorésistance conduira également à craindre les complications inhérentes à une opération complexe et/ou à un traitement immunosuppresseur. Les infections avec des souches très résistantes aux médicaments pourront sérieusement compromettre les résultats d'autres traitements. Les infections contractées à l'hôpital n'affectent généralement pas beaucoup de personnes, mais elles représentent malgré tout un problème de santé publique en raison de la crainte de ne pas pouvoir traiter les infections résistantes. Les conséquences pourraient être terribles au niveau individuel pour un patient, mais également pour tous les patients d'un même service hospitalier, auxquels les souches résistantes pourraient être transmises. Les infections contractées au sein de la collectivité affecteront davantage de personnes et entraîneront également une hausse des hospitalisations, ce qui par conséquent affectera la capacité des services de santé. Il n'existe pas de solution unique au problème de l'antibiorésistance, mais plutôt un ensemble varié de plusieurs approches d'atténuation.
Fer de lance de l'arsenal thérapeutique moderne, les antibiotiques ont sauvé des millions de vie. En revanche, leur utilisation excessive et parfois injustifiée peut conduire à l'apparition de différentes formes de résistance chez les micro-organismes. Chaque année, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) organise la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens (WAAW) afin de sensibiliser la population sur ce problème de santé publique. Lisez la page qui y est consacrée :
Vous surveillez les gènes de résistance aux antibiotiques dans les hôpitaux en recueillant des échantillons d'eaux usées. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, et pourquoi vous ne recueillez pas ces échantillons directement auprès des patients afin de quantifier ces gènes ?
W. Muziasari:
Aujourd'hui, la surveillance de la résistance aux antibiotiques à l'hôpital est limitée par deux obstacles importants. Premièrement, à l'heure actuelle, la surveillance est principalement axée sur un nombre restreint de bactéries pathogènes. Et deuxièmement, elle repose généralement sur la surveillance passive de bactéries isolées des patients. Cela entraîne des retards dans la détection des épidémies, des données impossibles à comparer et l'incapacité à capturer d'autres bactéries pathogènes et profils de résistance aux antibiotiques, qui sont souvent transportés par des bactéries commensales.
À l'hôpital, la surveillance à partir des eaux usées pourra nous apporter une aide précieuse en plus des options actuelles de surveillance de la résistance aux antibiotiques. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un substitut aux méthodes de surveillance existantes, la surveillance des eaux usées peut fournir des données qui seraient difficiles à obtenir autrement, et devenir le meilleur moyen d'obtenir des informations complètes sur la prévalence de la résistance dans les hôpitaux. Les déchets de tous les patients étant relâchés dans les eaux usées, la surveillance de ces eaux usées peut donc couvrir un plus large éventail de profils de résistance aux antibiotiques, comparativement aux données partielles de quelques bactéries pathogènes sélectionnées. De plus, analyser des échantillons d'eaux usées ne nécessite pas de consentement éclairé, ce qui limite les problèmes éthiques. Et concernant l'échantillonnage des eaux usées, les obstacles pratiques et logistiques sont également limités. La surveillance à partir des eaux usées peut donc aider à mieux comprendre le développement et la diffusion des bactéries résistantes aux antibiotiques dans les hôpitaux et servir de système d'alerte précoce pour les futures épidémies.
En quoi votre recherche technologique aide-t-elle les médecins à prévenir l'antibiorésistance ?
W. Muziasari:Grâce à la surveillance des eaux usées, les médecins obtiendront des informations détaillées au fil du temps sur les niveaux d'antibiorésistance dans leur hôpital.
Premier avantage. Les hôpitaux ont connaissance de l'émergence d'éventuelles épidémies.
Les hôpitaux obtiendront un aperçu complet de la présence de gènes de résistance aux antibiotiques et de bactéries pathogènes, ce qui leur permettra d'identifier plus tôt les éventuelles épidémies. Ils seront donc mieux préparés pour prendre des mesures d'atténuation visant à réduire l'émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques entre leurs murs.
Deuxième avantage. Les hôpitaux ont connaissance des implications de leurs prescriptions actuelles sur l'apparition de la résistance aux antibiotiques.
Les hôpitaux pourront comparer les niveaux d'antibiorésistance avec l'utilisation d'antibiotiques durant une période donnée. Ainsi, ils connaîtront les implications de leurs prescriptions actuelles sur l'apparition de la résistance aux antibiotiques. Les hôpitaux seront par conséquent encouragés à améliorer leur réglementation concernant la prescription d'antibiotiques, ce qui permettra d'optimiser leur utilisation à l'hôpital.
Troisième avantage. Les hôpitaux ont connaissance de la qualité des eaux usées relâchées dans l'environnement.
En règle générale, les eaux usées des hôpitaux sont traitées dans une station d'épuration municipale ou interne, avant d'être relâchées dans l'environnement. Les hôpitaux disposeront d'informations supplémentaires sur la qualité des rejets dans la collectivité. L'objectif de ces informations est d'encourager les hôpitaux à améliorer le traitement de leurs eaux usées afin de permettre aux communautés locales d'avoir accès à de l'eau ne présentant aucun risque d'antibiorésistance.
Quel est le lien entre la résistance aux antibiotiques et le microbiote ?
C. G.Giske: Beaucoup de souches résistantes commencent par coloniser le microbiome humain, soit intestinal soit respiratoire. Une fois ces souches présentes dans le microbiome, elles peuvent s'y établir à long terme et parfois causer des infections chez l'hôte, ou éventuellement se propager à d'autres personnes pouvant être plus sensibles aux infections bactériennes. Par conséquent, le portage de souches résistantes reste un risque important pour les infections résistantes, que ce soit chez l'hôte ou chez d'autres personnes de son entourage. Bien qu'elles se trouvent dans le microbiome, les souches peuvent également échanger facilement du matériel génétique, et donc transmettre cette résistance à d'autres souches bactériennes. Parfois, les souches les mieux adaptées à l'intestin d'une personne peuvent rester dans son microbiome pendant très longtemps. La surveillance du portage des souches résistantes dans le microbiome demeure une part importante du contrôle de l'infection, car elle permet de prendre des décisions éclairées concernant des patients devant être hospitalisés en chambre simple et suivis par une équipe dédiée par exemple, afin d'éviter les transmissions.
Nous vous présentons le Professeur Sørensen, lauréat de la bourse internationale 2022 de la Biocodex Microbiota Foundation.
Son équipe a été la première à lancer une étude ambitieuse sur le résistome de 700 enfants, qui permettra de faire un pas de géant dans la compréhension de l'évolution et de la dissémination de la résistance aux antibiotiques dans l'intestin humain au cours de la petite enfance.
Le microbiote pourrait-il aider les chercheurs à lutter contre la résistance aux antibiotiques ?
C. G.Giske: Le microbiome est complexe et comporte une grande variété de micro-organismes, et parmi eux des virus. Certains de ces virus, appelés bactériophages, peuvent infecter des souches bactériennes de manière sélective et les tuer. Ces bactériophages peuvent être isolés du microbiome et pourraient être utilisés à des fins thérapeutiques en vue de traiter des infections chez certains patients. De nombreuses études mettent en avant le potentiel in vitro et in vivo de leur usage thérapeutique et, alors que plusieurs essais cliniques ont été réalisés au cours de la dernière décennie, le défi majeur reste d'obtenir des données supplémentaires présentant un cadre réglementaire solide pour leur utilisation clinique2. De plus, la surveillance de la résistance dans le microbiome peut être extrêmement instructive pour comprendre le groupe de gènes de résistance présents dans une population et peut être très utile pour concevoir des stratégies de lutte contre la résistance aux antibiotiques.
L'utilisation massive et parfois inappropriée des antibiotiques les rend de plus en plus inefficaces pour traiter les infections. Résultats : aujourd’hui, de nombreuses bactéries font de la résistance ! Ainsi, les maladies infectieuses pourraient devenir, en 2050, une des premières causes de mortalité dans le monde. Analyse d'un fléau sanitaire mondial et de son impact sur le microbiote.
À l'occasion de la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens organisée chaque année par l’OMS, le Biocodex Microbiota Institute fait le point.
Qu’est-ce que la Semaine Mondiale pour un bon usage des antimicrobiens ?
Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.
Résistance aux antibiotiques et résilience du microbiote intestinal
Meet Professor Sørensen, 2022 Biocodex Microbiota Foundation International Grant Winner. His team pioneered an ambitious study on the resistome of 700 children that will facilitate a breakthrough in the understanding of the evolution and dissemination of antimicrobial resistance in the early life human gut.
Comment le sucre et les graisses en excès dans l’alimentation occidentale favorisent-ils le syndrome métabolique, l’obésité et le diabète de type 2 ? Parue dans Cell1, une étude dévoile la cascade des événements moléculaires en jeu, et en particulier de l’implication du microbiote intestinal et des lymphocytes auxiliaires Th17 de son système immunitaire.
On sait aujourd’hui qu’une alimentation riche en sucres et en graisses est impliquée dans l’augmentation de l’inflammation intestinale, et que le système immunitaire intestinal joue un rôle majeur dans l’homéostasie métabolique. On sait aussi que le microbiote intestinal est un important modulateur de l’immunité intestinale et qu’il est impliqué dans les fonctions métaboliques. On sait enfin que certaines cellules comme les cellules lymphoïdes innées de type 3 (ILCA3) et les lymphocytes auxiliaires Th17 (T helpers 17) peuvent être impliquées, suivant le contexte, dans la protection contre le syndrome métabolique. Mais la cascade des mécanismes moléculaires à l’œuvre entre l’alimentation occidentale riche en graisses (High Fat Diet – HFD) et ses effets métaboliques restent mal compris.
Pour éclaircir ces zones d’ombre, des chercheurs ont nourri des souris pendant 4 semaines avec soit une HFD, soit un régime normal. Le premier groupe a développé un syndrome métabolique typique avec prise de poids, résistance à l’insuline et intolérance au glucose, comparé au deuxième. Les analyses de la muqueuse intestinale et des fèces de ces souris suralimentées ont révélé que le régime HFD avait induit une perte rapide au sein du microbiote intestinal des bactéries filamenteuses segmentées (SFB), ce qui a entraîné celle des Th17 et ce, avant l’apparition du syndrome métabolique.
Des probiotiques rétablissent la protection contre le syndrome métabolique
Des explorations sur l’implication d’autres cellules immunitaires comme les ILCA3 ou les lymphocytes T CD4 ont permis aux chercheurs d’affirmer que les cellules Th17 étaient nécessaires à la protection contre le syndrome métabolique par le microbiote intestinal. Ces explorations complémentaires ont également mis en évidence que la perte de l’homéostasie des cellules Th17 par élimination des SFB était bien impliquée dans l’effet délétère du régime HFD.
Les chercheurs ont ensuite administré directement par gavage des SFB aux souris pendant 4 semaines, ce qui a abouti à :
Une récupération significative de Th17 et de leur expression dans les intestins
Une diminution de l’inflammation intestinale
Une perte de poids
Une protection contre résistance à l’insuline
Un régime microbien stimulant les cellules Th17 pourrait donc améliorer le syndrome métabolique et l’obésité diabétique en recalibrant l’homéostasie immunitaire intestinale.
Le sucre, principal coupable des effets néfastes de l’alimentation occidentale ?
Cependant, sachant qu’une alimentation occidentale est riche en graisses mais aussi en sucres, les chercheurs ont également comparé l’effet sur les souris du régime HFD (25% de sucres dont du sucrose et de la maltodextrine, fréquents dans les friandises et sodas) avec un autre très pauvre en sucres (3-6%). Ils ont constaté que le sucre réduisait indirectement les cellules Th17 en modifiant le microbiote intestinal par une augmentation des bactéries telles que Faecalibaculum rodentium aux dépens des SFB qui induisent les cellules Th17.
Un régime pour régler le syndrome métabolique ? Pas si simple…
Si le sucre s’est révélé suffisant à la perte concomitante des SFB et des cellules Th17, l’élimination du sucre alimentaire ne peut apporter un bénéfice thérapeutique qu’en présence de cellules immunitaires appropriées dans les intestins : un simple changement de régime pourrait ne pas suffire chez certaines personnes. Les chercheurs estiment que leurs travaux montrent que le syndrome métabolique, l’obésité et le diabète de type 2 sont régulés par un réseau complexe d’interactions entre alimentation, microbiote intestinal et cellules immunitaires. La prise en charge de ces maladies ne peut donc être identique pour chaque patient et à l’avenir, les approches thérapeutiques de précision devraient prendre en compte les variations interindividuelles du système immunomodulateur du microbiote intestinal.
Pourra-t-on un jour prévenir et soigner l’ostéoporose en agissant sur le microbiote intestinal ? C’est ce que suggèrent les résultatsd’une étude chinoise publiée dans la revue Frontiers in Immunology.
Avec près de 30 % des femmes de plus de 50 ans concernées, l’ostéoporose est un problème majeur de santé publique qui se caractérise par une fragilisation osseuse susceptible d’entraîner des fractures à répétition. Les mécanismes en jeu dans cette maladie ne sont pas tous connus, mais un nombre croissant d’études suggèrent que l’inflammation pourrait augmenter les risques.
Une femme sur trois
Est atteinte d’ostéoporose après la ménopause. Les hommes ne sont pas épargnés puisqu'un homme sur cinq est victime de fracture due à l’ostéoporose après 50 ans.
Le microbiote intestinal : une piste encore peu explorée
On sait que certains microorganismes du microbiote intestinal et vaginal sont capables de moduler la réponse immunitaire et d’impacter le système inflammatoire. Pourraient-ils être impliqués dans l’ostéoporose ? C’est ce que des chercheurs de l’Université de Zhengzhou en Chine ont tenté de savoir.
Ils ont enrôlé 132 femmes âgées de 45 à 70 ans, toutes ménopausées depuis plus d’un an, et les ont classées en 3 groupes suivant la densité de leurs os : « sans problème osseux », « densités osseuses légèrement diminuées » et « ostéoporose ». Les scientifiques ont recueilli les selles et les sécrétions vaginales de l’ensemble de ces femmes volontaires pour analyser et comparer leurs microbiotes vaginaux et intestinaux.
Résultats : les microbiotes des femmes souffrant d’ostéoporose ont des compositions différentes de ceux des deux autres groupes, et cette différence est particulièrement visible au niveau intestinal (1).
La flore intestinale des femmes souffrant d’ostéoporose était plus riche en bactéries dont la présence est associée à un taux plus faible d’interleukine IL-10, molécule aux propriétés anti-inflammatoires, mais aussi en bactéries associées à la production de cytokines « pro-inflammatoires » favorisant la destruction de l’os.
Il était en revanche plus pauvre que les autres en espèce bactérienne produisant du butyrate, un (sidenote:
Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC)
Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau.
Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25.) (AGCC) ayant des propriétés anti-inflammatoires, et en bifidobactéries qui améliorent l’absorption intestinale de calcium, indispensable à une bonne densité osseuse.
Côté microbiote vaginal, les femmes souffrant d’ostéoporose avaient, par rapport aux autres, moins de lactobactéries, connues pour atténuer la réponse inflammatoire et ses effets néfastes, et plus de streptocoques qui, au contraire, la favorisent.
L’os, un tissu en perpétuel remaniement
Vous pensiez que l’os, une fois sa taille maximale atteinte, ne subissait plus de modifications ? Détrompez-vous ! L’os est en remodelage permanent, même à l’âge adulte. Deux types de cellules interviennent dans ce phénomène : les ostéoclastes qui suppriment l’os ancien et les ostéoblastes qui forment de l’os neuf. Quand on est en bonne santé, leurs activités respectives sont équilibrées, et l’os est régénéré en permanence. Cependant, il arrive qu’à la ménopause le manque d’œstrogène favorise l’action des ostéoclastes et freine celui des ostéoblastes : l’os se résorbe davantage et son architecture se fragilise. C’est l’ostéoporose. (2)
Vers des thérapies ciblées pour mieux prévenir l’ostéoporose ?
Pour les chercheurs, ces changements de composition sont fondamentaux. Ils pourraient un jour être utilisés pour mettre au point des thérapies ciblées ou encore servir de biomarqueurs pour mieux prévenir l’ostéoporose.
Sources
1. Yang X, Chang T, et al. Changes in the composition of gut and vaginal microbiota in patients with postmenopausal osteoporosis. Front Immunol. 2022 Aug 12;13:930244.
2. Florencio-Silva R, Sasso GR, et al. Biology of Bone Tissue: Structure, Function, and Factors That Influence Bone Cells. Biomed Res Int. 2015;2015:421746.
C'est sans doute une des découvertes scientifiques les plus importantes du XXème siècle. Les antibiotiques sauvent des millions de vies chaque année, mais leur efficacité est aujourd'hui menacée par l'apparition de multiples résistances. En détruisant les bactéries responsables des infections ils impactent aussi le microbiote en induisant une dysbiose. Retour sur une arme thérapeutique à utiliser avec discernement.
À l'occasion de la Semaine mondiale pour un bon usage des antimicrobiens organisée chaque année par l’OMS, le Biocodex Microbiota Institute fait le point.
Qu’est-ce que la Semaine Mondiale pour un bon usage des antimicrobiens ?
Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.
Des formations accréditantes sur la dysbiose et l'impact des antibiotiques
Malgré leur incontestable utilité dans la lutte contre les infections, les antibiotiques posent aujourd'hui de sérieux enjeux de santé publique: leur usage excessif et inapropprié fait émerger de nombreuses résistances, ce qui, à terme risque de les rendre inefficaces. D'autre part, les antibiotiques peuvent également détruire certaines bactéries bénéfiques au sein de nos microbiotes.
À l'occasion de la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens organisée chaque année par l’OMS, le Biocodex Microbiota Institute fait le point.
La résistance aux antimicrobiens survient lorsque les bactéries, les virus, les parasites et les champignons évoluent et résistent aux effets des médicaments. En raison de cette pharmacorésistance, les antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens perdent leur efficacité et les infections deviennent plus difficiles, voire impossibles à traiter, ce qui augmente le risque de propagation des maladies, de pathologie grave et de décès.
Organisée du 18 au 24 novembre, cette campagne invite le grand public, les professionnels de santé et les décideurs politiques à faire un usage raisonné des antibiotiques, des antiviraux, des antifongiques et des antiparasitaires afin de prévenir le développement accru de la résistance aux antimicrobiens.
Antibiotiques : quels sont les impacts sur notre microbiote ?
La dysbiose intestinale, et la variation de la concentration en acides biliaires secondaires circulants, pourraient expliquer la sévérité des symptômes chez les femmes souffrant de fibromyalgie.
Reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé, la fibromyalgie rime avec douleur chronique généralisée, fatigue et troubles du sommeil. Cette pathologie, qui concerne majoritairement des femmes, est souvent vécue difficilement faute de diagnostic ou de prise en charge adaptée. Une récente étude transversale pourrait néanmoins redonner un peu d’espoir : celle-ci s’est penchée sur le rôle du microbiote intestinal de patientes atteintes de fibromyalgie, et plus précisément sur certaines bactéries produisant des acides biliaires secondaires (ABS).
Un microbiote intestinal dysbiotique
Les chercheurs ont ainsi passé au crible le microbiote intestinal (échantillons de selles) et les ABS circulants (échantillons sanguins) de 42 Canadiennes souffrant de fibromyalgie et 42 témoins. Ils observent chez les patientes des altérations de l'abondance relative de plusieurs espèces bactériennes impliquées dans le métabolisme des ABS : moindre présence de Bacteroidesuniformis et B. thetaiotaomicron, connues pour synthétiser un ABS appelé acide α-muricholique ; déplétion également de Prevotellacopri, bactérie qui affecte la synthèse des ABS et l'expression du FXR, un nocicepteur hépatique ; abondance accrue d'Escherichia bolteae et de Clostridiumscindens capables d’affecter le métabolisme d'autres ABS.
Définition
La fibromyalgie est un syndrome caractérisé par des douleurs chroniques généralisées, de la fatigue et des troubles du sommeil.
Des altérations des ABS
Cette dysbiose intestinale s’accompagnait d'altérations significatives de la concentration sérique en ABS, notamment de l'acide α-muricholique, à des taux en moyenne 5 fois plus faibles chez les patientes souffrant de fibromyalgie. En outre, cette déplétion était corrélée avec l'intensité de la douleur et la fatigue. Ainsi, la diminution des taux sériques d’ABS, et notamment de l'acide α-muricholique, pourrait perturber les mécanismes habituels d’inhibition de la douleur. Les auteurs suggèrent un mode d’action : la diminution des niveaux circulants d’acide α-muricholique (inhibiteur du récepteur FXR) et la possible augmentation d’ABS excitateurs pourraient conduire à l'activation du récepteur FXR, conduisant à une hypersensibilité à la douleur.
0.2 à 6.6 %
de la population adulte pourrait être concernée par la fibromyalgie.
Conséquence directe de ces observations : la possibilité de détecter les personnes atteintes de fibromyalgie sur la seule base de la concentration de ces ABS sériques. Soit une avancée majeure puisque le diagnostic repose pour le moment uniquement sur des mesures subjectives. Le modèle développé par les auteurs affiche une précision de 91,7 %, avec une spécificité de 90,5 % et une sensibilité de 92,9 %. De quoi alimenter l’espoir d’un futur outil diagnostique.