Quatrième niche du corps humain la plus peuplée2, la peau héberge une communauté complexe de micro-organismes2. Bactéries, champignons, parasites et virus y vivent selon un équilibre unique propre à chaque individu, au point que certains évoquent l’idée d’une empreinte microbienne individuelle5.
Un individu donné ne se caractérise pas par un mais par des microbiotes cutanés. En effet, celui-ci varie « horizontalement » selon les zones de la peau (visage, aiselles...), mais aussi « verticalement » au fil des strates qui constituent l’épithélium cu
DES BACTÉRIES, DES CHAMPIGNONS, DES VIRUS ET DES PARASITES
Bien que facilement accessible, le microbiote cutané demeure encore mal connu. Sa densité serait faible comparée au gros intestin et plutôt comparable à l’intestin grêle, soit de l’ordre de 1011 bactéries1. Le microbiote cutané est ainsi la 4e niche en nombre de microorganismes, juste après le tractus digestif, la cavité buccale et le vagin2.
Il abriterait plusieurs phyla bactériens (Actinobacteria, Firmicutes, Proteobacteria et Bacteroïdetes), des archées et des espèces fongiques majoritairement issues du genre Malassezia2,3. Parmi les espèces bactériennes identifiées, figurent notamment Cutibacterium acnes et Staphylococcus epidermidis, avec néanmoins des souches différentes selon les individus, l’état de leur peau (pathologique ou non) et le site cutané de prélèvement3,6.
Enfin, bien que peu décrits2, divers virus (papillomavirus, adénovirus…) ont été identifiés sur la peau d’individus sains, de même que des phages ciblant C. acnes et S. epidermidis, suggérant l’existence d’un virome complexe. Les parasites (acariens tels que Demodex, …), peu abondants, sont encore plus rarement décrits3.
UNE VARIATION « HORIZONTALE », SELON LES ZONES DE LA PEAU
La peau ne constitue pas un habitat homogène : la surface de la peau est acide, salée et aérobie, alors que les invaginations des follicules pileux offrent un environnement riche en lipides et anaérobie6.
Trois grandes niches sont en général distinguées au regard de propriétés telles que le pH, la température, l’humidité, le niveau de transpiration et la teneur en lipides1,3,4 :
les zones sébacées (visage, poitrine, dos) qui sécrètent un sébum riche en lipides ;
les zones sèches (avant-bras, paume de la main) ;
les zones humides (aisselles, pli du coude, narine, arrière du genou et aine) où les nombreuses glandes sudoripares participent à la thermorégulation (sueur), acidifient la peau et sécrètent des peptides antibactériens.
D’autres auteurs distinguent une 4e zone, au niveau du pied (espace interdigital, ongles et talon)4 (voir tableau).
Ces sites représentent autant de niches écologiques qui favorisent la croissance d’une communauté unique de microorganismes : les zones les plus exposées et sèches comme les mains, sont les plus diverses ; le microbiote cutané de l’aisselle, humide et riche en sueur, est dominé par les espèces Corynebacterium et Staphylococcus, alors que les zones de la peau riches en lipides comme le visage affichent un microbiote bien moins diversifié (des bactéries Cutibacterium, des champignons du genre Malassezia, l’acarien Demodex folliculorum)3.
Les microbiotes sont également plus ou moins denses d’une zone à l’autre : de 102 bactéries par cm2 au bout des doigts ou dans le dos, à 106 bactéries par cm2 au niveau du front ou des aisselles2.
Image
UNE VARIATION « VERTICALE » SELON LES STRATES DE LA PEAU
On a longtemps cru que la vie microbienne cutanée se limitait à l’épiderme, aux follicules pileux, aux glandes sébacées et sudoripares. Pourtant, des micro-organismes vivraient également dans les couches plus profondes de la peau, c’est-à-dire le derme et le tissu adipeux sous-jacent2.
En surface, plus la strate cornée est épaisse, moins les micro-organismes sont présents1.
Puis, de la surface vers les régions sous-cutanées, le microbiote évolue et perd progressivement de ses spécificités individuelles4,5.
Dans le derme et les tissus adipeux sous-cutanés, les Proteobacteria seraient plus nombreuses, tandis que les Actinobacteria et les Firmicutes seraient moins représentés qu’au niveau de l’épiderme2.
Une première étude prospective menée chez des sujets n’ayant jamais fumé mettrait en évidence un lien entre la diversité du microbiote buccal et le risque de développer un cancer du poumon. Un nouvel éclairage qui nécessite d’être confirmé.
Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer dans le monde. Si la consommation active de tabac demeure le principal facteur de risque. 25 % des cas se déclarent chez des non-fumeurs. Un pourcentage élevé que n’expliquent pas complètement les grands risques identifiés : tabagisme passif, pollution, antécédents familiaux… Outre le rôle du microbiote intestinal dans l’apparition de certains cancers gastrointestinaux, d’autres écosystèmes microbiens ont également été associés à un risque cancéreux. Dans cette étude, les auteurs se sont intéressés au microbiote buccal, dont la composition et la capacité à coloniser le tractus respiratoire pourraient participer à la survenue d’un carcinome bronchique.
À pauvre microbiote, risque exacerbé
Leur étude prospective a reposé sur le suivi au long cours de plus de 136 000 habitants de Shanghai n’ayant jamais fumé (61 500 hommes, 75 000 femmes), avec visites de contrôle tous les 2 à 3 ans. Un échantillon salivaire, prélevé lors de l’inclusion, a été analysé chez tous les sujets déclarant un cancer du poumon et sur un nombre identique de sujets contrôles répondant aux mêmes caractéristiques de sexe, âge, date et heure de prélèvement de l’échantillon, traitement antibiotique préalable… Au final, la comparaison réalisée après séquençage métagénomique a porté sur 114 malades pour autant de témoins. Elle a mis en évidence un risque d’autant plus important de développer un cancer du poumon que le microbiote buccal manque de diversité bactérienne.
Quand l’abondance (de Firmicutes) nuit…
La composition intrinsèque du microbiome buccal semble également jouer un rôle prépondérant. Au sein de cette population de non-fumeurs, une augmentation de l’abondance relative de Spirochaetes et/ou de Bacteroidetes signerait un moindre risque. À contrario, une abondance de bactéries appartenant au phylum des Firmicutes, et en particulier des Lactobacillales, serait associée à une probabilité accrue de développer un cancer pulmonaire. Et les auteurs de préciser que ces résultats coïncident avec ceux de précédentes études mettant en évidence un lien entre Firmicutes et pathologies respiratoires (bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), carcinome squameux de la tête et du cou, cancer pulmonaire…).
Microbiote ORL : des investigations complémentaires pour préciser son champ d'action
Cette caractérisation à large échelle du microbiote buccal fournit un nouvel éclairage sur l’étiologie du cancer du poumon chez les non-fumeurs. L’homogénéité géographique de l’étude renforce la pertinence de ses constats, mais limite leur portée. Des travaux complémentaires, réalisés sur d’autres populations et en d’autres lieux, permettraient de préciser le rôle du microbiote ORL sur le développement du carcinome bronchique et d’autres pathologies respiratoires.
Comprendre, prédire la réponse au traitement et adapter la thérapie. Une nouvelle étude indique que le microbiote intestinal des patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) pourrait être utilisé pour prédire l’efficacité d’un traitement immunosuppresseur. Une avancée significative pour des pathologies particulièrement invalidantes.
Elles s’appellent maladie de Crohn ou colite ulcéreuse, appartiennent à la famille des MICI, et ont un point commun : une inflammation incontrôlée de la paroi d’une partie du tube digestif à l’origine des différents symptômes lors des poussées inflammatoires. Si, à l’heure actuelle, ces maladies ne peuvent pas être guéries, il existe néanmoins des traitements pour réduire l’inflammation, comme l (sidenote:
Infliximab
Une biothérapie anti-TNF-α (protéine responsable de l’inflammation des tissus).
)(IFX). Problème : un tiers des patients ne répondent pas à cette thérapie et aucun (sidenote:
Biomarqueur
Caractéristique biologique objectivement mesurée qui permet d’évaluer la réponse à un traitement. Cette réponse peut être complète, partielle ou totale.
) ne permet de prédire la réponse au traitement. C’est au sein du microbiote intestinal que les chercheurs de cette étude ont peut-être trouvé la solution.
Un microbiote intestinal différent avant traitement…
Plusieurs études ont démontré une association entre la composition du microbiote intestinal (bactéries et plus récemment champignons) et les MICI. Ainsi, dans le but d’identifier des marqueurs de bonne réponse à la thérapie IFX, les chercheurs ont évalué l'impact du traitement sur la composition du microbiote intestinal (sidenote:
25 patients étaient atteints de maladie de Crohn (MC) et 47 de colite ulcéreuse (CU).
) atteints de MICI et traités par IFX. L’analyse du microbiote intestinal (diversité des bactéries et des champignons) a été réalisée sur des échantillons de selles collectés avant le traitement puis jusqu’à 1 an après l’initiation de la thérapie. Les patients ont été classés en trois groupes selon la réponse au traitement. L'étude révèle qu’avant l’initiation du traitement, la composition en bactéries et champignons des patients atteints de MICI était significativement différente entre les 3 groupes de patients répondant différemment par la suite à la thérapie.
…permettant de prédire la réponse au traitement
Après l’initiation du traitement, des différences significatives entre les 3 groupes de patients étaient également observées : les patients non répondeurs présentaient des quantités réduites de bactéries possédants des propriétés anti inflammatoires et une plus forte abondance de champignons (Candida) et de bactéries aux capacités pro-inflammatoires. Ces résultats suggèrent donc que le microbiote intestinal interviendrait donc dans la réponse au traitement.
Sur la base de cette découverte, les chercheurs ont par la suite identifié certaines bactéries et champignons présents avant l’initiation du traitement dans les intestins des patients, qui pourraient servir d'indicateurs pour estimer la réponse des thérapies à l'IFX. Une identification précoce des patients non répondeurs permettrait de modifier rapidement le traitement, avec pour conséquences de limiter les effets secondaires et de réduire les coûts engendrés. Une démarche 100 % vertueuse !
Ventin-Holmberg R, Eberl A, Saqib S, et al. Bacterial and fungal profiles as markers of infliximab drug response in inflammatory bowel disease. J Crohns Colitis. 2020 Dec 10:jjaa252.
Quelques carrés de chocolat noir par jour peuvent-ils aider à lutter contre les complications en cas de maladies rénales chroniques (MRC) ? Ce pourrait bien être le cas au vu des effets bénéfiques du cacao sur la santé cardiovasculaire, le microbiote ou le cerveau.
Le saviez-vous ? Theobroma cacao, le nom botanique qui désigne l’arbre cacaotier, est composé de cacao et de theobroma qui signifie en grec "nourriture des dieux". Mets autrefois réservé aux prêtres et aux rois, le chocolat s’est, heureusement pour nous, démocratisé. Il est aujourd'hui consommé et prisé dans le monde entier pour son goût délicieux et ses bienfaits sur l’organisme. Avec une teneur en cacao de plus de 80%, le chocolat noir est sans aucun doute le plus bénéfique pour la santé. Ses vertus ? Des composés spécifiques qui pourraient atténuer les complications des patients atteints de maladies rénales chroniques (MRC).
Chocolat noir et microbiote intestinal : une combinaison gagnante ?
Les patients souffrant de MRC ont une réduction de la capacité fonctionnelle de leurs reins qui ne filtrent plus correctement le sang de l'organisme. Cette défaillance entraîne une accumulation sanguine de molécules, telles que les (sidenote:
Au total, plus de 80 molécules sont considérées comme toxines urémiques : ceux sont des hormones, des peptides ou même des composés organiques.
). Ces patients présentent un microbiote intestinal déséquilibré (dysbiose) pouvant contribuer à la production de ces toxines. Manger du cacao permettrait de moduler le microbiote intestinal, en favorisant la colonisation de l’intestin par des bactéries réputées pour leurs effets bénéfiques (Lactobacillus et Bifidobacterium). Une série d'études indique également que l'ingestion de chocolat, par la modulation du microbiote intestinal, améliore l'intégrité de la barrière intestinale, diminue l'inflammation et réduit les toxines urémiques.
Le chocolat noir, chevalier blanc de votre système cardiovasculaire
Les patients atteints de MRC présentent un risque élevé de maladie cardiovasculaire et de mortalité prématurée. Plusieurs études ont démontré que la consommation régulière de chocolat noir aurait un effet cardioprotecteur chez l’individu sain. Comment ? En améliorant la circulation sanguine (fonction des vaisseaux sanguins améliorée et réduction de la pression artérielle). Cette amélioration conduirait également à une réduction du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC).
Le chocolat, votre solution « anti-déprime »
On l’oublie trop souvent mais une maladie chronique a souvent un impact psychologique sur le patient. Au-delà du simple plaisir gustatif, la consommation régulière de chocolat noir peut apporter un réconfort psychologique en stimulant la production de sérotonine (neurotransmetteur impliqué dans la régulation des comportements) qui génère des effets antidépresseurs. Bien que la consommation de chocolat noir (contenant 80% et plus de cacao) semble une alternative thérapeutique intéressante pour les patients souffrant de MRC, l'impact potentiel de sa consommation régulière sur l'inflammation, le risque cardiovasculaire et l’impact sur le microbiote intestinaldans les MRC n'a pas encore été étudié dans le cadre d'une étude clinique prospective. Mais que cela ne vous empêche pas de craquer pour un carré de chocolat !
Recommandé par notre communauté
"Merci d'avoir diffusé cette information" - Commentaire traduit deSuzanne Kohler
"C'est très bon à savoir ! Un grand merci pour cette information !!!" - Commentaire traduit de Melissa Beyer
"Merci de m'en avoir informé"- Commentaire traduit de Donna Tatum
Fanton S, Cardozo LFMF, Combet E, Shiels PG, Stenvinkel P, Vieira IO, Narciso HR, Schmitz J, Mafra D. The sweet side of dark chocolate for chronic kidney disease patients. Clin Nutr. 2021 Jan;40(1):15-26. doi: 10.1016/j.clnu.2020.06.039.
Une étude récente démontre que l'exposition aux antibiotiques au cours des 6 premières années de vie perturberait à long terme le microbiote intestinal et affecterait le développement de l'enfant.
Les nouveau-nés soumis à un traitement antibiotique, au cours des premières semaines de leur vie, présenteraient une altération de la composition du microbiote intestinal. Néanmoins, les conséquences cliniques ou microbiologiques à long terme de cette exposition restent inconnues. Étant donné les liens de cause à effet entre le microbiote intestinal et la croissance, l'obésité ou les maladies métaboliques, des chercheurs ont émis l'hypothèse qu'un traitement antibiotique pendant les premiers jours de la vie peut exercer un effet durable sur la croissance de l'enfant en perturbant le processus naturel de colonisation du microbiote intestinal.
Un développement altéré…
Une étude menée auprès de 12 422 enfants nés d'une grossesse unique à terme, est riche d’enseignements. Les nourrissons étudiés ne présentaient aucunes anomalies connues pouvant affecter la croissance et n'avaient pas besoin d'un traitement antibiotique prophylactique à long terme. 9,3 % des nouveau-nés de cette cohorte ont reçus des (sidenote:
Combinaison de benzylpénicilline et gentamycine par voie intra-veineuse pour la plupart des nourrissons
) dans les 14 premiers jours de vie. Chez les nouveau-nés exposés, seuls les garçons présentent un poids nettement inférieur à celui des enfants non exposés dans les 6 premières années de vie. Ils arborent également une taille et un indice de masse corporelle (IMC) significativement plus faibles entre 2 et 6 ans. Ce résultat a été confirmé dans une cohorte allemande de 1 707 enfants suivis de la naissance à 5 ans. En revanche, l'exposition aux antibiotiques au cours des 6 premières années de vie, mais en dehors de la période néonatale, est associée à un IMC significativement plus élevé tant chez les garçons que chez les filles.
Les antibiotiques constituent une découverte scientifique extraordinaire qui permet de sauver des millions de vies, mais leur utilisation excessive et injustifiée suscite désormais de grandes inquiétudes pour la santé, notamment en raison de l'apparition de résistance aux antibiotiques et de dysbioses. Lisons la page consacrée à cette question.
Pour étudier l’effet de l’exposition néonatale aux antibiotiques sur le microbiote intestinal, des échantillons fécaux ont été recueillis à l'âge de 1, 6, 12 et 24 mois chez un nouveau groupe de 33 nouveau-nés dont treize ont reçu de la benzylpénicilline et de la gentamicine par voie intraveineuse dans les 48 premières heures de leur vie. 20 nouveau-nés en bonne santé et non exposés aux antibiotiques pendant la période néonatale formaient le groupe témoin. Le microbiote fécal a été analysé par séquençage du gène de l’ARN ribosomique 16S. Des différences significatives entre la composition du microbiote intestinal des groupes traités aux antibiotiques et des groupes témoins ont été observées après 1 mois et 6 mois, démontrant la persistance de l'effet de l'exposition aux antibiotiques sur le microbiote. De plus, le genre Bifidobacterium était le plus impacté et son abondance était significativement diminuée jusqu'à 24 mois après l’exposition des nourrissons.
Qu'est-ce que la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens ?
Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.
La dysbiose intestinale en cause ?
Afin d’étudier les relations de cause à effet entre l'exposition néonatale aux antibiotiques, la dysbiose intestinale et l’impact sur le développement des enfants, les chercheurs ont réalisé une étude complémentaire sur (sidenote:
Souris axéniques
Souris sans germes, élevées en milieu stérile
). Ces dernières ont reçu une transplantation de microbiote fécal (TMF) de nourrissons 1 mois et 2 ans après l’exposition néonatale aux antibiotiques. On observait une réduction significative du gain de poids chez les souris mâles recevant une TMF des nourrissons 1 mois et jusqu’à 2 ans après l’exposition néonatale, comparativement aux souris non exposées. En revanche, la croissance des souris femelles n’était pas affectée.
Ces données suggèrent que le lien de causalité potentiel entre l'exposition aux antibiotiques dans les 6 premières années de vie et les troubles de croissance durant l'enfance pourraient être induits par la dysbiose intestinale engendrée durant le développement du microbiote intestinal.
Deux études récentes ouvrent de nouvelles perspectives pour le diagnostic et le traitement des états dépressifs, en s’intéressant à la composition du microbiote intestinal et au métabolome de celui-ci.
Nombreuses sont les études à examiner, ces dernières années, le lien entre la dysbiose intestinale et la dépression, une affection qui touche plus de 300 millions de personnes dans le monde. Deux nouvelles études viennent confirmer le rôle du microbiote intestinal dans la dépression.
Le système endocannabinoïde : le maillon entre dépression et microbiote intestinal :
Dans une étude menée par l’institut Pasteur, le CNRS et l’INSERM, des souris naïves ont reçu une transplantation de microbiote fécal (TMF) de souris saines ou de souris rendues dépressives par recours au modèle de stress chronique imprédictible (UCMS, en anglais). Le microbiote intestinal, le métabolisme des acides gras polyinsaturés ainsi que la neurogenèse dans l'hippocampe (région cérébrale fortement impliquée dans le développement des symptômes dépressifs) ont ensuite été analysés. Cette étude indique que les symptômes des souris UCMS (pour lesquelles on observe une diminution de la neurogenèse dans l'hippocampe et des troubles de l'humeur) étaient transférés aux souris transplantées. L'analyse métabolomique de ces souris met en évidence une altération du métabolisme des acides gras : plus spécifiquement des déficits en précurseurs lipidiques des cannabinoïdes endogènes induisant une modification de l’activité du système endocannabinoïde dans le cerveau, ce qui induirait la dépression. L’augmentation des cannabinoïdes endogènes, soit par blocage pharmacologique des enzymes qui les dégradent, soit par l’alimentation, permet une diminution des symptômes dépressifs chez les souris recevant la TMF de souris UCMS. Cette augmentation des cannabinoïdes endogènes induit également un rétablissement de la neurogenèse dans l'hippocampe de ces souris. Enfin, chez les souris UCMS et les receveuses, on observe une dysbiose intestinale caractérisée par une diminution de l'abondance des Lactobacilli. L’apport alimentaire des souris UCMS par une souche de Lactobacilli restaurerait restaure également les niveaux de cannabinoïdes endogènes du cerveau et la neurogenèse dans l'hippocampe, réduisant ainsi les troubles de l'humeur. Ces travaux sur les rongeurs fournissent un nouveau scénario mécanistique sur l’implication du microbiote intestinal dans la dépression, via le système des cannabinoïdes endogènes. Autre enseignement de cette étude, les interventions diététiques ou l’apport de probiotiques seraient des leviers efficaces pour lutter contre les symptômes de cette maladie.
Biomarqueurs intestinaux : vers un diagnostic plus précis ?
Dans une seconde étude sino-américaine , des chercheurs ont identifié 3 bactériophages, 47 espèces bactériennes et 50 métabolites dont l’abondance fécale différait dans une première cohorte constituée de 118 patients souffrant d’un trouble dépressif majeur (TDM) et non traités, comparativement à 118 individus sains. L’analyse sur une seconde cohorte de validation (38 patients TDM traités vs 38 individus sains) a mis en évidence que l’utilisation de 6 biomarqueurs (2 bactéries, 2 phages et 2 métabolites) permettait de discriminer avec une précision de plus 90% les patients souffrants de TDM des individus sains, sur les deux cohortes. Enfin, les chercheurs ont mis en évidence que les taux fécaux de GABA et de certains de ses métabolites étaient réduits chez les patients atteints de TDM. Ces résultats suggèrent que le niveau de GABA fécal chez les patients pouvait être modulé par un panel de bactéries intestinales, qui en retour pouvaient participer collectivement au développement d’un TDM. Ces résultats ouvrent de nouvelles directions dans la compréhension de la pathogenèse de la maladie. Ils aident aussi à l’amélioration du diagnostic du TDM, actuellement erroné ou incomplet, en s’appuyant sur le microbiote intestinal.
En établissant une cartographie précise des micro-organismes et composés qui peuplent le microbiote intestinal, des chercheurs ont établi une nouvelle méthode de diagnostic du trouble dépressif majeur.
Le microbiote intestinal est peuplé de différents micro-organismes synthétisant des composés appelés métabolites qui sont essentiels au bon fonctionnement du corps humain. Au cours de la dernière décennie, les chercheurs ont établi l’existence d’un lien entre les perturbations du microbiote et diverses maladies, dont le trouble dépressif majeur (TDM), une affection psychiatrique avec des conséquences sociales importantes. Une étude récente confirme cette relation et va plus loin en se servant du microbiote intestinal comme outil de diagnostic.
Une topographie du microbiote plus précise
Marqué par un manque de biomarqueurs facilement mesurables et basé uniquement sur un entretien avec le patient, le diagnostic du TDM est souvent erroné ou incomplet. Désireux d’avoir une image précise du microbiote intestinal en cas de dépression, les chercheurs ont étudié à la fois les bactéries, les virus et leurs métabolites dans les selles d’une centaine de patients atteints de TDM et d’une centaine de témoins en bonne santé. Ils ont identifié 3 bactériophages (virus qui infectent les bactéries), 47 espèces bactériennes et 50 métabolites fécaux présentant des différences notables en termes d'abondance entre les patients atteints de TDM et les témoins sains. Selon eux, ces biomarqueurs constitueraient un outil d’aide au diagnostic de la dépression, en complément des entretiens cliniques. L’analyse sur une seconde cohorte indique que l’utilisation de ces biomarqueurs permettait de distinguer avec une précision de plus de 90% les patients souffrants de TDM dans les deux cohortes.
L'axe intestin-cerveau au cœur de la dépression ?
Autre enseignement de cette cartographie, le GABA, neurotransmetteur diminuant l’activité cérébrale, a été retrouvé en quantité plus faible dans les selles de patients atteints de TDM. Selon les chercheurs, cette diminution serait modulée parla composition bactérienne différente du microbiote de ces patients, et pourrait être impliqué dans le développement de TDM. Les auteurs émettent l’hypothèse que la diminution du GABA au niveau intestinal pourrait être corrélée avec une dérégulation de la fonction du neurotransmetteur GABA dans le cerveau chez les patients souffrant de TDM. Cette hypothèse tend à confirmer la responsabilité de l’axe intestin-cerveau dans les troubles dépressifs majeurs.Cette étude donne donc un nouvel espoir pour le diagnostic du TDM.
Summary
Off
Sidebar
Off
Migrated content
Activé
Updated content
Désactivé
Old sources
Sources:
Yang J, Zheng P, Li Y et al. Landscapes of bacterial and metabolic signatures and their interaction in major depressive disorders. Sci Adv. 2020 Dec 2;6(49):eaba8555. doi: 10.1126/sciadv.aba8555
La composition du lait maternel humain et le développement du microbiote intestinal dans les premières semaines de vie semblent intrinsèquement liés et influencent tous deux le risque d'ECN chez les prématurés.
Cause majeure de décès et de morbidité grave chez les prématurés nés avant 32 semaines de gestation, l'entérocolite nécrosante (ECN) est une maladie gastro-intestinale complexe. Les mécanismes sous-jacents demeurent mal compris et le diagnostic difficile faute de symptômes spécifiques et de tests. Néanmoins, certains oligosaccharides du lait maternel ( (sidenote: Human Milk Oligosaccharide)), dont le disialyllacto-N-tétraose (DSLNT), semblent protecteurs. D’où cette étude ciblant les interactions entre le profil des HMO maternels et le développement du microbiote intestinal du nourrisson et leur association avec la survenue d’ECN.
Lait maternel : un seuil critique d’oligosaccharides
La concentration d'un seul oligosaccharide, le DSLNT, s’avère plus faible dans les laits maternels reçus par les 33 nourrissons atteints d’ECN par rapport aux 37 témoins appariés. Un niveau seuil de 241 nmol/ml permet de prédire l’ECN chez ces enfants (sensibilité et spécificité de 0,9) ; dans une cohorte de validation, 100 % des enfants ECN sont correctement classifiés, mais seulement 60 % des témoins. Néanmoins, la cohorte étudiée était très homogène, avec une sur-représentation des populations caucasiennes. Aussi, le seuil observé pourrait être influencé par des facteurs génétiques, géographiques, ethniques ou saisonniers, soulignant la nécessité d’études multicentriques complémentaires.
Une évolution du microbiote retardée
En outre, un séquençage métagénomique des selles (n=644) d’un (sidenote:
Séquençage limité à 48 nourrissons pour des raisons de coûts, de nombreux échantillons ayant été prélevés pour chaque enfant.
) (14 ECN, 34 témoins) souligne une moindre abondance relative de Bifidobacterium longum et une abondance plus élevée d'Enterobacter cloacae chez les nourrissons malades. Le développement du microbiote est affecté par une faible concentration du lait maternel en DSLNT : celle-ci semble retarder l’évolution du microbiote vers les types de communautés microbiennes généralement observés chez les nourrissons plus âgés, mais va aussi de pair avec une abondance relative plus faible de Bifidobacterium spp, une bactérie généralement associée à la bonne santé des prématurés.
Demain, des biomarqueurs et des probiotiques ?
Enfin, une analyse de données confirme la possibilité d’identifier les nourrissons à risque d’ECN en fonction de la composition du lait maternel reçu, ce critère supplantant légèrement les profils métagénomiques du microbiote. La combinaison de ces deux critères ( (sidenote:
La concentration en DSLNT du lait maternel s’avère relativement stable dans le temps
) + métagénome avant la maladie) permet de discriminer les enfants sains des enfants ECN avec une précision de 87,5 %. Ces résultats offrent des cibles potentielles pour le développement de biomarqueurs, la stratification du risque de maladie et des stratégies de modulations du microbiote qui pourraient prévenir l’ECN du nourrisson. D'autres travaux restent cependant nécessaires, y compris pour comprendre les mécanismes sous-jacents : le DSLNT agit-il uniquement en modulant le microbiote ? Ou directement sur l'hôte, en modifiant la réponse immunitaire et en réduisant l'inflammation conduisant à la nécrose ?