Autisme : quand l’intestin fait la pluie et le beau temps

L’intestin est souvent désigné comme notre deuxième cerveau. Et pour cause, il serait intimement lié au premier. Baromètre de notre moral, comportement et même de notre santé mentale, la qualité du microbiote intestinal serait en cause dans l’intensité des symptômes de certaines maladies neurobiologiques, comme les troubles autistiques.

Le microbiote intestinal Troubles du spectre autistique
Actu GP : Autisme : quand l’intestin fait la pluie et le beau temps

Comment expliquer les « TSA », les Troubles du Spectre Autistiques ? La question anime la communauté scientifique depuis des décennies. Sans tout expliquer sur l’origine de cette pathologie qui se caractérise par des difficultés à se sociabiliser, à communiquer ou encore par troubles obsessionnels compulsifs (TOC), l’intestin pourrait être un des éléments de réponse. Et plus particulièrement les milliards de bactéries et autres micro-organismes qui le peuplent… pour le meilleur et pour le pire...

Une liaison dangereuse : désordres intestinaux et TSA

Depuis la description ce trouble en 1943, toute une liste de symptômes associée aux TSA a été identifiée. Entre autres, les troubles intestinaux (diarrhée, constipation, côlon irritable…) font partie des désordres biologiques les plus classiques. Les enfants atteints de TSA souffrent 3 à 4 fois plus de perturbations gastro-intestinales. Et la sévérité de l’autisme va souvent de pair avec les dérèglements intestinaux les plus graves ; et vice versa. Pour enfoncer le clou, des chercheurs ont même montré qu’en traitant le trouble gastro-intestinal le patient autiste montrait une amélioration dans son comportement. Ils se sont alors intéressés aux mécanismes derrière ces désordres gastrointestinaux et ont regardé de plus près le microbiote intestinal.

Un microbiote qui se prend pour le cerveau ?

Constat n°1 : les patients autistes présentent souvent une flore intestinale altérée (dysbiose) : pauvre en bactéries bénéfiques et plus riches en microbes impliqués dans certain désordres intestinaux (diarrhées, constipation…). Et ces derniers, non contents de tordre l’intestin, produisent aussi des molécules dites « signales » utilisées par l’intestin et le cerveau pour communiquer. En clair, produit en trop grande quantité, ces molécules pourraient déséquilibrer la communication et entrainer des troubles du comportement rencontrés dans les TSA.

Une passoire à la place de l’intestin ?

Constat n°2 : la barrière intestinale ne joue plus son rôle, celle d’empêcher les microbes, allergènes et autres molécules étrangères de rentrer dans le sang. Conséquence : une activation du système immunitaire qui entraine des réactions inflammatoires. En effet, de nombreux patients autistes présentent une perméabilité intestinale, une inflammation intestinale, neuronale et des troubles intestinaux associés à une réponse au stress exacerbée. Si ces données soutiennent un lien étroit entre l’intestin et cerveau dans les TSA, il n’en demeure pas moins que les mécanismes par lesquels les désordres gastro-intestinaux contribuent aux TSA restent encore très complexes. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour identifier des approches thérapeutiques capables de traiter ces problèmes intestinaux et d’améliorer la qualité de vie des patients.

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Sources :

Bjørklund G, Pivina L, Dadar M, et al. Gastrointestinal alterations in autism spectrum disorder: What do we know? Neurosci Biobehav Rev. 2020 Nov;118:111-120. doi: 10.1016/j.neubiorev.2020.06.033. Epub 2020 Jul 1.

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Dr. Markus Egert : Probiotiques, une option thérapeutique complémentaire

Markus Egert est professeur de Microbiologie et Hygiène à l’université de Sciences appliquées de Furtwangen (Allemagne). Ses principaux domaines de recherche : le microbiote humain (intestin, peau) et le microbiote de l’environnement bâti. Il a étudié la biologie et l’écologie et travaillé pendant 4 ans dans l’industrie des biens de consommation et cosmétiques

Le microbiote cutané Dermatite atopique : les microbiotes nasal et cutané associés à la sévérité Rôle du microbiote dans la communication intestin cerveau Exposition aux antibiotiques de 0 a 6 ans : un microbiote intestinal perturbe, un developpement de l’enfant altere

Probiotiques, une option thérapeutique complémentaire

Longtemps considérés comme une source d’infection, les microorganismes sont aujourd’hui souvent classés en «bons» ou «mauvais». Ce point de vue manichéen ne devrait-il pas être nuancé ?

Les microbes ne sont ni «bons» ou «mauvais», ni nos «amis» ou «ennemis». Cette catégorisation humanisée ne peut leur être appliquée. Même le microbe le plus inoffensif peut tuer, si le système immunitaire est affaibli. Cependant, il est bien connu qu’il existe de nombreux microorganismes qui peuvent - dans certaines circonstances - être bénéfiques pour leur hôte, tandis que d’autres sont généralement pathogènes. Par exemple, les Staphylococcus sont très abondants sur la peau humaine. S. aureus jouit d’une assez mauvaise réputation : il est associé à l’infection de plaies et à de nombreuses pathologies cutanées ; il porte de nombreux gènes de virulence et sa forme multirésistante (multi-resistant S. aureus, ou MRSA) est source d’inquiétude dans les environnements hospitaliers. A l’inverse, de nombreux travaux récents ont montré que S. epidermidis peut stimuler le système immunitaire et les défenses de la peau et même détruire les biofilms de S. aureus. Néanmoins, S. epidermidis est une cause majeure d’infections associées aux implants et peut également devenir multirésistant aux antibiotiques (MRSE) tandis que de nombreuses personnes sont colonisées par S. aureus sans aucun problème. Par conséquent, il n’est pas toujours judicieux d’uniquement réduire le rapport entre S. aureus et S. epidermidis sur la peau pour améliorer la santé de la peau. Un juste équilibre entre les deux doit être favorisé.

« Les probiotiques peuvent avoir une influence bénéfique sur la santé. »

Dans l’exemple de la dermatite atopique, quels sont les microorganismes impliqués ?

Si les micro-organismes ne sont probablement pas la cause première de cette maladie, ils contribuent de manière significative à sa pathologie. Les zones cutanées touchées peuvent être caractérisées par une dysbiose microbienne : abondance accrue de S. aureus, moindre présence de bactéries cutanées typiques comme Cutibacterium et Corynebacterium. Il est possible que S. aureus profite de l’affaiblissement de la barrière cutanée, induite par exemple par une production altérée de peptides antimicrobiens cutanés et/ou des mutations dans les gènes de la filaggrine1, entraînant une sécheresse et une fissuration de la peau. La peau inflammée est généralement traitée avec des antibiotiques, au risque d’endommager fortement la partie bénéfique du microbiote cutané et de provoquer une résistance aux antibiotiques. Les stratégies probiotiques, visant à augmenter/rétablir l’abondance des staphylocoques à coagulase négative (SCN), sont discutées comme une stratégie optionnelle et/ou complémentaire.

Les probiotiques topiques et/ou oraux peuventils prévenir ou guérir les maladies de la peau ? Quelle est et quelle sera leur place dans les stratégies thérapeutiques ?

L’ajout de micro-organismes vivants (probiotiques) peut certainement avoir une influence bénéfique sur la santé de l’hôte, par exemple en réduisant l’abondance des pathogènes ou en stimulant les défenses de l’hôte et son système immunitaire. Du fait de l’existence d’un axe intestin- peau, la prise orale de probiotiques peut également avoir un impact positif sur la peau. Cependant, pour la plupart (sinon toutes) les grandes maladies de la peau, le rôle du microbiote cutané n’est pas encore clair. Si elles s’accompagnent de changements marqués dans la structure (composition de la communauté) et la fonction (propriétés physiologiques) du microbiote cutané, il n’est généralement pas clair si ces changements sont la cause ou l’effet de la maladie sous-jacente. C’est la classique énigme de l’oeuf ou de la poule. Il est donc, à mon avis, un peu trop tôt pour espérer qu’une simple crème ou gélule probiotique puisse apporter une contribution thérapeutique significative à la prévention ou même à la guérison de maladies graves de la peau. En outre, des recherches menées dans le tractus intestinal ont montré que - par rapport aux thérapies chimiques classiques - les effets des probiotiques sont plutôt légers et influencés par tant de facteurs qu’il est difficile de passer de modèles animaux hautement standardisés à l’homme. Seules des études cliniques robustes permettront de montrer l’efficacité des probiotiques. Pour autant, s’il est trop tôt pour se prononcer sur les pathologies les plus lourdes, l’application de probiotiques me semble représenter une option thérapeutique supplémentaire dans la prise en charge des pathologies cutanées peu graves et une stratégie précieuse pour améliorer les produits de soins de la peau. Puisqu’il semble acquis qu’un microbiote équilibré et diversifié est caractéristique d’une peau saine, il s’avère totalement logique de préserver et de protéger cet état, y compris en utilisant des approches probiotiques, par exemple dans le cas d’une peau impure, sensible ou qui démange, etc.

Recommandé par notre communauté

"Bon article sur les probiotiques"  -@LoveforSoil (De Biocodex Microbiota Institute sur X)

Sources

1 protéine de la couche cornée de la peau qui contribue aux fonctions de protection

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Moduler le microbiote cutané via des solutions topiques

Prévenir et traiter la dysbiose, sans forcément éliminer les pathogènes : les nouvelles stratégies thérapeutiques visent ainsi à rééquilibrer directement le microbiote cutané via des applications topiques, ou indirectement via des solutions orales modulant l’écosystème intestinal.

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Staphylococcus epidermidis

Les premières études cliniques semblent montrer l’intérêt des applications topiques pour rééquilibrer le microbiote cutané. Néanmoins d’autres essais seront nécessaires pour confirmer ces résultats.

D’une manière générale, les études cliniques évaluant l’application topique de probiotiques dans les pathologies cutanées restent limitées12. Dans l’acné, l’utilisation de crèmes contenant S. epidermidis ou encore des bactériophages de C. acnes ciblant préférentiellement les souches pathogènes, ont montré des résultats positifs12. L’application de R. mucosa à des patients atteints de dermatite atopique permettrait de réduire la gravité des lésions, le recours aux stéroïdes topiques et la présence de S. aureus28. La faible disponibilité des candidats d’intérêt de la sphère cutanée a contraint les chercheurs à utiliser également d’autres sources de microorganismes. Issu d’eau thermale, Vitreoscilla filiformis aurait un intérêt dans la dermite séborrhéique : une étude rapporte une réduction de l’érythème, de la desquamation et du prurit en calmant l’inflammation12.

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Bactériophages

Dans l’acné, Nitrosomonas eutropha, conduirait à une diminution de la sévérité des lésions12 ; et l’utilisation topique de produits bactériens (entérocines de E. faecalis) réduirait les lésions de 60 % par rapport au contrôle12. Une stratégie alternative vise à restaurer la dysbiose en utilisant le saccharose pour favoriser la croissance de S. epidermidis par rapport à celle de C. acnes9. Les données scientifiques restent rares pour le cancer cutané et inexistantes pour la rosacée. Dans des modèles murins de cancers liés aux UV, une molécule produite par S. epidermidis inhiberait la prolifération des tumeurs12,16.

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Moduler le microbiote cutané via des solutions orales

L’existence d’un axe intestin-peau suggère la possibilité d’influencer le microbiote cutané via la modulation du microbiote intestinal. Et donc, via des solutions orales de pré- et probiotiques.

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Lactobacillus bacteria, computer illustration.

Dans de nombreux modèles murins, une alimentation enrichie en lactobacilles réduit la sensibilité cutanée, l’érythème, l’inflammation, la dermatite… et améliore le phénotype de la peau (épaisseur accrue du derme, folliculogenèse plus importante, production accrue de sébocytes)23. Cet effet bénéfique des probiotiques a été confirmé par plusieurs études d’intervention chez l’homme, avec des lactobacilles et/ou bifidobactéries23. Aussi, la prise en charge de pathologies cutanées via une modulation du microbiote intestinal est aujourd’hui largement envisagée à travers l’apport de probiotiques (bactéries vivantes et bénéfiques), en prébiotiques (substrats des bactéries) et en symbiotiques, combinaisons de pro et prébiotiques23. L’absence d’effets négatifs des probiotiques oraux les rend d’autant plus intéressants dans la gestion des maladies de la peau14.

Lactobacilles et peau

Par exemple, dans la dermatite atopique, la consommation quotidienne de probiotiques (Bifidobacterium) et prébiotiques (galacto-oligosaccharides) améliore l’hydratation de la peau chez les femmes adultes en bonne santé14. Autre exemple : la supplémentation orale avec un Lactobacillus diminue la sensibilité cutanée et augmente sa fonction barrière chez les adultes29 et les enfants30. Plusieurs études cliniques ont montré un effet positif de probiotiques seuls ou en cocktail (lactobacilles, bifidobactéries et/ou S. thermophilus) avec une réduction des lésions et de la sévérité de l’acné12,23. Leurs effets seraient dus à la capacité des probiotiques oraux à réduire le stress oxydatif systémique, à réguler les cytokines et à réduire les marqueurs inflammatoires9. Dans le psoriasis, les données cliniques sont encore rares mais deux études chez l’homme montrent des effets bénéfiques : diminution des marqueurs d’inflammation avec B. infantis ; réduction de la sévérité et de l’apparition des lésions avec B. longum, B. lactis et L. rhamnosus en complément d’un traitement topique à base de corticostéroïdes13. Résultats similaires dans la dermite séborrhéique : l’inflammation et les symptômes étaient soulagés par L. paracasei par voie orale12. Enfin, pour le cancer cutané, certains probiotiques auraient des effets potentiellement protecteurs16. Néanmoins, des essais cliniques devront encore être menés afin d’optimiser la formulation des souches probiotiques la plus efficace, la durée de la supplémentation et les patients les plus à même d’en bénéficier14.

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Un axe intestin-cerveau-peau ?

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Plus qu’un axe intestin-peau, faut-il aller plus loin en impliquant le cerveau ?

Dès 1930, les dermatologues Stokes et Pillsbury26 estimaient que les états émotionnels (anxiété, dépression) pouvaient altérer le microbiote intestinal et induire des inflammations locales puis systémiques27. Ils recommandaient à l’époque l’utilisation de lait fermenté pour réintroduire des microorganismes bénéfiques.

Plus précisément, le stress conduirait à la sécrétion de neurotransmetteurs (sérotonine, norépinéphrine et acétylcholine) entrainant une perméabilité intestinale et une inflammation locale et systémique via la circulation sanguine11,23.

Par exemple, le cortisol, hormone du stress, altèrerait la composition du microbiote intestinal, les niveaux des molécules neuroendocrines circulantes (tryptamine, la triméthylamine et la sérotonine), et in fine la barrière cutanée et l’inflammation de la peau25.

La peau pourrait-elle aussi agir sur l’intestin via le système nerveux?

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Axe intestins peau cerveau_schéma

ACNÉ ET DERMATITE ATOPIQUE

Cet axe intestin-cerveau-peau est mis en cause dans des pathologies cutanées. Par exemple, une régulation à la hausse et une forte expression de la substance P (un neurotransmetteur et neuromodulateur des systèmes nerveux centraux et périphériques) sont observées à la fois dans l’acné et la dysbiose intestinale. La substance P est connue pour déclencher l’expression de nombreux médiateurs pro-inflammatoires dont ceux impliqués dans la pathogenèse de l’acné (IL-1, IL-6, TNF-α, PPAR-γ)22,23.

L’axe intestin-cerveau-peau serait également impliqué dans la dermatite atopique25 : un microbiote intestinal altéré modifierait la production de divers neurotransmetteurs et neuromodulateurs, affectant le fonctionnement de la barrière cutanée et le système immunitaire, deux paramètres clés de la pathophysiologie de la dermatite atopique25.

Le tryptophane produit par le microbiote intestinal provoquerait des démangeaisons cutanées, tandis que des lactobacilles et bifidobactéries inhiberaient ces sensations25. D’ailleurs, certains chercheurs s’interrogent sur un effet bidirectionnel de cet axe intestin- cerveau-peau : la peau pourrait-elle aussi agir sur l’intestin via le système nerveux22?

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Psoriasis, dermatite atopique, rosacée : l’axe intestin-peau impliqué

Fortement vascularisés, densément innervés, largement impliqués dans les systèmes immunitaires, massivement colonisés par des communautés microbiennes : l’intestin et la peau partagent un certain nombre de caractéristiques communes22. Mais ce n’est pas tout : depuis quelques années, les preuves s’accumulent pour souligner l’existence d’un lien entre l’intestin et la peau (l’axe intestin-peau) voire intestin-cerveau-peau23.

 

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Human microbiome, conceptual image. Computer illustration showing the microbiome of the human body, including the colon (large intestine, lower centre). The microbiome is the collection of microbes (micro-organisms including bacteria, archaea, protists, fungi and viruses) found on and in the human body.

Le microbiote intestinal semble jouer un rôle actif dans la pathogénèse de diverses maladies cutanées comme le psoriasis, la rosacée ou encore la dermatite atopique.

Et ce via trois mécanismes : la composition du microbiote cutané, son effet barrière ou sa réponse immunitaire.

Intestins-peau_bactéries

Ulcères cutanés ou psoriasis chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI); dermatite et psoriasis chez ceux souffrant de maladie coeliaque ; dysbiose intestinale et infection à H. pylori chez les personnes atteintes de rosacée ; etc. : nombreux sont les exemples d’associations entre pathologies digestives et cutanées22. Bien qu’encore en partie inconnus, plusieurs scénarios ont été proposés pour expliquer cet axe intestin-peau.

COMPOSITION DU MICROBIOTE CUTANÉ

Le microbiote intestinal pourrait influencer la composition du microbiote cutané23. Les acides gras à chaîne courte (AGCC : acétate, propionate…), produits de la fermentation des fibres par le microbiote intestinal, seraient impliqués : ils modifieraient la prédominance de certains microorganismes ou profils microbiens au niveau de la peau. Par exemple, la bactérie intestinale (voir tableau) Propionibacterium produit principalement de l’acétate et du propionate. Or, l’acide propionique possède un effet antimicrobien contre certains pathogènes cutanés, notamment un Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline23. A l’inverse, les bactéries cutanées commensales S. epidermidis et Cutibacterium acnes s’avèrent beaucoup plus tolérantes aux variations des AGCC23.

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Axe intestins peau

INTÉGRITÉ DE LA BARRIÈRE CUTANÉE

Les enfants souffrant de dermatite atopique semblent également souffrir de dysbiose intestinale. Or, lorsque la barrière intestinale est lésée, la pénétration d’antigènes alimentaires, de toxines bactériennes ou de pathogènes augmente14. Par exemple, le phénol libre et le p-crésol, susceptibles de déséquilibrer la barrière cutanée et de réduire la production de kératine, peuvent être produits par les bactéries intestinales, notamment Clostridiales difficile14,22,23. Enfin, la vitamine D, dont le faible niveau a été associé à la dermatite atopique et au psoriasis, pourrait être régulé par le microbiote intestinal et participer à un mécanisme de signalisation entre le microbiote et l’hôte14.

Dans le cas de l’acné, les métabolites microbiens réguleraient diverses fonctions de la peau (prolifération cellulaire, métabolisme des lipides, etc.) via d’autres voies métaboliques14. Ainsi, une charge glycémique élevée, typique des repas adolescents des pays développés, influerait sur le métabolisme de l’insuline, et déclencherait l’hyperprolifération des glandes sébacées, de la lipogenèse et de l’hyperplasie des kératinocytes, contribuant ainsi au développement de l’acné14,23. Et cette influence serait bidirectionnelle : la voie métabolique impliquée affecterait en retour la composition du microbiote intestinal via la barrière intestinale. D’où un possible cercle vicieux via un rétrocontrôle positif de l’inflammation23.

RÉPONSE IMMUNITAIRE DE LA PEAU

Les mécanismes par lesquels le microbiote intestinal agirait sur le microbiote cutané mettraient également en jeu l’effet modulateur des microorganismes intestinaux sur l’immunité systémique22. Certains microbes et métabolites intestinaux vont faciliter les réponses anti-inflammatoires24. Par exemple, les AGCC exerceraient des effets anti-inflammatoires locaux et distants, notamment au niveau cutané22. À l’inverse, d’autres métabolites participeraient à la boucle inflammatoire et à l’apparition de pathologies cutanées : des bactéries filamenteuses favoriseraient par exemple l’accumulation de cellules pro-inflammatoires Th17 et Th123.

Dans le cas de la rosacée, certains auteurs suggèrent un lien avec Helicobacter pylori : la bactérie pourrait exercer des effets pro-inflammatoires par le biais de peptides11,22. D’autres mécanismes sont évoqués dans le psoriasis, mettant en jeu une diminution d’espèces bénéfiques comme Faecalibacterium prausnitzii13 ou encore Akkermansia muciniphila, une espèce jugée protectrice de l’intégrité de l’épithélium intestinal et des pathologies inflammatoires11. Chez ces patients dont le sang contient de l’ADN bactérien, des niveaux significativement plus élevés de marqueurs de réponse inflammatoire systémique (IL-1β, IL-6, IL-12, facteur de nécrose tumorale, interféron γ) sont observés11.

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Affections cutanées non pathologiques associées à une dysbiose

Une évolution du microbiote cutané peut également être observée dans des affections cutanées non pathologiques. La peau est en effet constamment exposée à divers facteurs endogènes, exogènes et liés au mode de vie qui peuvent affecter la barrière cutanée dans ses propriétés physiques, mécaniques ou microbiennes19.

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Nappy rash. Close-up of perianal dermatitis in a 1 month old female patient, showing red and inflamed skins. 

INCONFORT, IRRITATION, ÉRYTHÈME FESSIER

La peau sensible est décrite comme « tirant », picotant, brûlant, en réponse à des stimuli qui ne devraient normalement pas provoquer de telles sensations ; elle est observée à la fois chez des personnes à peau normale ou présentant une perturbation de la barrière cutanée19. L’hyperréactivité du système nerveux cutané, la barrière cutanée et le microbiote cutané seraient impliqués19. L’altération de la couche cornée chez les sujets sensibles pourrait ainsi contribuer à une pénétration d’agents chimiques, environnementaux et microbiens associés avec une sensibilité accrue de la peau19.

L’érythème fessier concerne pour sa part uniquement la peau exposée au frottement des couches, à une hydratation excessive, à un pH variable et en contact constant avec l’urine et les selles. Candida albicans et Staphylococcus aureus pourraient être impliqués20.

 

La sensibilité de la peau serait liée à une hyperactivité du système nerveux cutané, à la barrière cutanée et au microbiote hébergé par la peau.

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Dysbiose cutanée

CICATRISATION DES PLAIES

En réponse à la rupture physique du tissus cutané, le processus de cicatrisation d’une plaie débute par une inflammation qui résulte d’une coopération étroite entre les cellules immunitaires et les bactéries impliquées dans ce processus21. Les bactéries commensales telles que Staphylococcus, Streptococcus, Pseudomonas, Corynebacterium présentent des effets à la fois bénéfiques et négatifs pour la cicatrisation : elles stimulent le système immunitaire de l’hôte et réduisent l’invasion d’autres microbes pathogènes mais cette perte de diversité microbienne va souvent de pair avec une inflammation prolongée, risquant de retarder la cicatrisation21. Cette relation étroite entre l’hôte et son microbiote cutané dans les processus de cicatrisation pourrait ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques, comme des crèmes riches en peptides antimicrobiens, en probiotiques destructeurs de biofilms ou en bactéries anti-inflammatoires12,21.

ODEURS CORPORELLES

Les odeurs corporelles humaines résultent de la métabolisation, par des bactéries, des composants de la sueur (acides aminés, acides gras et glycérols), aboutissant à la production de molécules malodorantes : odeur « sulfureuse » ou « aigre » de l’acide acétique produit par Staphylococcus spp chez les enfants et adolescents, odeur «aigre» des thioalcools produits par Corynebacterium et Staphylococcus spp chez les adultes, etc.7 L’utilisation répétée de déodorants et d’antitranspirants modifie la diversité bactérienne axillaire, favorisant les staphylocoques au détriment des Corynebacterium, ce qui serait contreproductif chez les adolescents7.

AVIS D’EXPERT
Les probiotiques peuvent-ils également offrir une 3e voie pour traiter la question des odeurs corporelles , en sus des 2 stratégies classiques actuelles (déodorants à l’alcool ou antitranspirants) ?
"Je pense qu’il est possible que l’application régulière et à long terme d’un produit contre les odeurs corporelles contenant des microorganismes vivants puisse modifier le microbiote de l’aisselle de manière à ce qu’elle soit moins sujette à la production d’odeurs. Cependant, je suppose que cet effet est très léger et probablement moins efficace que l’effet antimicrobien de l’alcool. De plus, les probiotiques ne pourront pas empêcher l’humidité des aisselles (production de sueur) avec la même efficacité que le chlorhydrate d’aluminium qui bloque les pores sudoripares dans les antitranspirants."
DR. MARKUS EGERT
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Pathologies cutanées associées à une dysbiose

Le microbiote cutané est un système dynamique dans lequel les micro-organismes sont en perpétuelle compétition pour survivre. Parfois, cet équilibre se rompt, des bactéries commensales deviennent des pathogènes opportunistes1,4 et apparaît une dysbiose, caractéristique d’affections cutanées pathologiques (acné, psoriasis, dermatite…) ou non (irritation, plaie, odeur). Reste à savoir si ce déséquilibre en est la cause ou la conséquence2.

Le microbiote cutané Dermatite atopique : les microbiotes nasal et cutané associés à la sévérité Rôle du microbiote dans la communication intestin cerveau Exposition aux antibiotiques de 0 a 6 ans : un microbiote intestinal perturbe, un developpement de l’enfant altere

Acné, psoriasis, rosacée… : de nombreuses pathologies cutanées sont associées à des dysbioses qui pourraient avoir un caractère diagnostique et prédictif, voire ouvrir la voie à des pistes thérapeutiques potentielles.

CANCER CUTANÉ

Physiopathologie :

dans plusieurs néoplasmes cutanés, des dysbioses semblent impliquées dans la promotion de la cancérogenèse12. A l’inverse, un microbiote sain pourrait inhiber l’apparition de tumeurs en régulant le système immunitaire et contrôlant l’inflammation.

Implication du microbiote :

  • possible induction d’un état d’inflammation chronique, conduisant à un cancer cutané, par S. aureus, Streptococcus pyogenes et Pseudomonas aeruginosa, le papillomavirus humain b, le virus Epstein Barr et les champignons Malassezia ou Candida16,
  • lien entre l’infection par S. aureus et la gravité du lymphome cutané à cellules T12.

PSORIASIS

Physiopathologie :

pathologie multifactorielle à médiation immunitaire, impliquant des facteurs génétiques, des perturbations du système immunitaire et des déclencheurs environnementaux13.

Prévalence :

2-3 % de la population ; apparaît souvent vers 15-20 ans11 avec souvent deux pics d’incidence (à 20-30 puis à 50-60 ans)13.

Implication du microbiote :

  • altération de la composition du microbiote cutané et perte de diversité11, affectant non seulement les lésions, mais aussi l’ensemble du microbiote cutané11.
  • microorganismes associés à la maladie encore mal identifiés1,11, avec de nombreuses données contradictoires. Néanmoins S. aureus serait plus présent et participerait à l’inflammation (accroit la réponse des lymphocytes Th17, libérant des cytokines pro-inflammatoires) 11,
  • souvent associé à une dysbiose intestinale14.

ACNÉ

Physiopathologie :

maladie inflammatoire chronique multifactorielle qui implique une l’hyperséborrhée, une kératinisation anormale des canaux folliculaires et une dysbiose du microbiote cutané associée à une prédominance des phylotypes virulents de C. acnes9.

Prévalence :

8e maladie cutanée la plus commune touchant 9,38 % de la population mondiale (tous âges confondus), avec une prévalence dans certains pays atteignant 35 à 100 % du groupe d’âge des adolescents10.

Implication du microbiote :

  • perte d’équilibre entre les différents phylotypes de C. acnes (le phylotype IA1, plus virulent, devient dominant et induit une inflammation en activant le système immunitaire inné)9,
  • perte du contrôle réciproque entre C. acnes (maintien d’un pH acide ; inhibe le développement de S. epidermidis) et S. epidermidis (activité anti-inflammatoire ; limite la prolifération de C. acnes)9,
  • rôle pro-inflammatoire secondaire (foliculites) suspecté d’espèces fongiques opportunistes de l’appareil pilo-sébacé (Malassezia et peut-être Candida)11, • effet additionnel de l’alimentation sur la sévérité de l’acné (interaction avec le microbiote intestinal)9.

DERMATITE ATOPIQUE (ECZÉMA)

Physiopathologie :

maladie chronique inflammatoire de la peau associant une forte prédisposition génétique, une perturbation de la barrière cutanée et du système immunitaire (lymphocytes Th2 inflammatoires), d’où une susceptibilité accrue aux infections et aux allergènes11,15.

Prévalence :

jusqu’à 20 % des nourrissons et 3 % des adultes dans le monde11, voire 10 % des adultes dans les pays développés15.

Implication du microbiote :

  • perte de diversité du microbiote cutané11,12 aussi bien au niveau des lésions que des zones saines.
  • augmentation de l’abondance des staphylocoques, prolifération de S. aureus liée à une moindre production de peptides antimicrobiens par les kératinocytes sous l’influence des lymphocytes Th211. En réponse, présence accrue de S. epidermidis chez les formes les moins sévères12.
  • corrélation entre la densité de S. aureus et la sévérité de la maladie, et l’importance de l’inflammation11.

DERMITE SÉBORRHÉIQUE (DS) ET PELLICULES

Physiopathologie :

maladie chronique de la peau reposant sur une interaction complexe entre le champignon Malassezia, les kératinocytes et la réponse inflammatoire induite par une altération de la composition lipidique de la peau12,18.

Prévalence : 3 pics d’incidences (petite enfance, adolescence et après 50 ans) ; la moitié de la population adulte serait touché par la DS et les pellicules11,18.

Implication du microbiote :

  • hydrolyse par Malassezia des lipides de la peau en acides gras libres provoquant une réaction inflammatoire12,
  • présence accrue d’espèces de Malassezia, M. restricta, M. globose et M. furfur étant les plus couramment associées à la dermite séborrhéique. Les deux premières espèces sont les plus virulentes (production d’acides oléiques irritants, entraînant l’activation d’IL8 et IL-17)18,
  • domination du microbiote par les Actinetobacter, Staphylococcus et Streptococcus au niveau des lésions11,
  • corrélation entre la gravité de la maladie et une diminution de la diversité bactérienne ; pas de corrélation avec l’abondance de Malassezia12.

ROSACÉE

Physiopathologie :

maladie chronique inflammatoire dont la pathophysiologie reste incertaine, impliquant une réactivité neurovasculaire, une prédisposition génétique, un dysfonctionnement de la réponse immunitaire innée et des comorbidités gastrointestinales17.

Prévalence :

entre 0,9 % et 10 % des populations américaine et européenne11.

Implication du microbiote :

  • stimulation de la production de peptides inflammatoires et de facteurs de croissance cellulaire par Demodex folliculorum, un acarien des glandes sébacées. Ce dernier pourrait également être porteur de Bacillus oleronius, une bactérie pro-inflammatoire11,
  • implication d’un variant de S. epidermidis, plus virulent que la bactérie commensale11,
  • souvent associé à une dysbiose intestinale14.
Sources

Ederveen THA, Smits JPH, Boekhorst J et al. Skin microbiota in health and disease: From sequencing to biology. J Dermatol. 2020 Oct;47(10):1110-1118.

Egert M, Simmering R, Riedel CU. The Association of the Skin Microbiota With Health, Immunity, and Disease. Clin Pharmacol Ther. 2017 Jul;102(1):62-69.

Dréno B, Dagnelie MA, Khammari A, et al. The Skin Microbiome: A New Actor in Inflammatory Acne. Am J Clin Dermatol. 2020 Sep;21(Suppl 1):18-24.

10 Heng, A.H.S., Chew, F.T. Systematic review of the epidemiology of acne vulgaris. Sci Rep 10, 5754 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-62715-3.

11 Ellis SR, Nguyen M, Vaughn AR, et al. The Skin and Gut Microbiome and Its Role in Common Dermatologic Conditions. Microorganisms. 2019;7(11):550.

12 Yu Y, Dunaway S, Champer J, et al. Changing our microbiome: probiotics in dermatology. Br J Dermatol. 2020;182(1):39-46.

13 Rigon RB, de Freitas ACP, Bicas JL, et al. Skin microbiota as a therapeutic target for psoriasis treatment: Trends and perspectives. J Cosmet Dermatol. 2021;20(4):1066-1072.

14 Szántó M, Dózsa A, Antal D et al. Targeting the gut-skin axis-Probiotics as new tools for skin disorder management? Exp Dermatol. 2019 Nov;28(11):1210-1218.

15 Langan SM, Irvine AD, Weidinger S. Atopic dermatitis. Lancet. 2020 Aug 1;396(10247):345-360.

16 Squarzanti DF, Zavattaro E, Pizzimenti S et al. Non-Melanoma Skin Cancer: news from microbiota research. Crit Rev Microbiol. 2020;46(4):433-449.

17 Tutka K, Żychowska M, Reich A. Diversity and Composition of the Skin, Blood and Gut Microbiome in Rosacea-A Systematic Review of the Literature. Microorganisms. 2020;8(11):1756.

18 Adalsteinsson JA, Kaushik S, Muzumdar S et al. An update on the microbiology, immunology and genetics of seborrheic dermatitis. Exp Dermatol. 2020;29(5):481-489.

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Fonctions du microbiote et ses interactions avec l’hôte

Longtemps, le microbiote cutané a été considéré comme une source d’infection potentielle. Désormais, il est accepté comme un facteur important de la santé de l’hôte2, même si ses interactions avec l’organisme commencent seulement à être élucidées.

Le microbiote cutané Dermatite atopique : les microbiotes nasal et cutané associés à la sévérité Rôle du microbiote dans la communication intestin cerveau Exposition aux antibiotiques de 0 a 6 ans : un microbiote intestinal perturbe, un developpement de l’enfant altere

Staphylococcus epidermidis.

RÉDUCTION DE LA COLONISATION PAR DES PATHOGÈNES

S’il reste difficile de définir un microbiote cutané « sain », on considère généralement qu’il rime avec une flore diversifiée et la présence de bactéries commensales2. Ce microbiote équilibré participerait à la protection contre les infections, limitant par sa présence la colonisation par des pathogènes. Ainsi, C. acnes, qui vit dans les glandes sébacées, libère des acides gras à partir du sébum, contribuant à l’acidité de la peau qui inhibe la prolifération de pathogènes8.

D’autres bactéries sécrètent des bactériocines et autres facteurs antimicrobiens : S. epidermidis libère une protéase détruisant les biofilms de S. aureus ; la bactérie nasale Staphylococcus lugdunensis produit un peptide antibiotique actif contre de nombreux pathogènes, dont S. aureus, Enterococcus faecalis, Listeria monocytogenes, Streptococcus pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa2.

Enfin, Corynebacterium striatum, modifie le programme transcriptionnel de S. aureus, réprimant les gènes liés à la virulence et stimulant ceux associés au commensalisme6,8. Ainsi, le microbiote cutané maintient son équilibre non seulement par exclusion compétitive mais aussi via de subtiles interactions entre microorganismes6.

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Microbiote cutané et interactions

MODULATION DU SYSTÈME IMMUNITAIRE

Le microbiote cutané joue également un rôle clé dans le développement et la régulation des systèmes immunitaires innés et acquis2. Il module ainsi l’expression de facteurs de l’immunité innée (interleukine IL-1a, peptides antimicrobiens…) produits par les kératinocytes et les sébocytes6, voire il produit certains de ces facteurs.

Ainsi, S. epidermidis peut, selon les cas, stimuler ou réduire l’inflammation : il inhibe la libération de cytokines inflammatoires par les kératinocytes et les réponses immunitaires des cellules lésées de la peau ; renforce les mécanismes de défense de la peau contre l’infection en augmentant l’expression des gènes codant pour des peptides antimicrobiens ; module l’expression des lymphocytes T de la peau2. S. epidermidis favorise la tolérance envers le microbiote commensal, tout en ajustant les réponses immunitaires face aux pathogènes ou lors de la cicatrisation8. Roseomonas mucosa, Malassezia spp. ou Corynebacterium accolens peuvent également moduler les réponses immunitaires des kératinocytes et de l’hôte8.

Enfin le profil génétique des bactéries intervient également : les souches de Cutibacterium acnes issues de peaux acnéiques possèdent des gènes codant pour des facteurs de virulence qui pourraient expliquer une activité pro-inflammatoire plus élevée. A l’inverse les souches issues de peaux saines, dont ces facteurs sont absents, favoriseraient la production de cytokines anti-inflammatoires8.

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Un microbiote cutané sous influence

Le microbiote cutané des individus sains semble relativement stable, a minima sur une période de quelques mois ou années3,4. Néanmoins, la composition du microbiote de la peau humaine reste sous l’influence de l’hôte et de l’environnement.

Le microbiote cutané Dermatite atopique : les microbiotes nasal et cutané associés à la sévérité Rôle du microbiote dans la communication intestin cerveau Exposition aux antibiotiques de 0 a 6 ans : un microbiote intestinal perturbe, un developpement de l’enfant altere

Staphylococcus epidermidis

EFFETS LIÉS À L’HÔTE

La composition du microbiote cutané est largement influencée par l’hôte et plus spécifiquement par l’âge, le sexe, la génétique, l’état immunitaire, les pathologies présentes (dermatologiques ou non), la zone cutanée, les interactions entre micro-organismes, l’alimentation et le stress2.

La colonisation initiale de la peau du nouveau-né dépend du mode d’accouchement4,7: les enfants nés par voie basse acquièrent des bactéries vaginales (Lactobacillus, C. albicans) ; ceux nés par césarienne des microorganismes cutanés (Staphylococcus, Streptococcus). Quelques heures après la naissance, la sécrétion de sébum augmente fortement, et ce durant quelques jours avant de décroitre2. Le système immunitaire, immature, permet une colonisation aisée, en l’absence de toute réponse inflammatoire4.

À la puberté, le microbiote cutané va profondément se restructurer, sous l’influence des variations hormonales qui stimulent les sécrétions sébacées : il s’enrichit en organismes lipophiles (Cutibacterium, Malassezia) alors qu’il était jusque-là dominé par des Firmicutes, Bacteroidetes et Proteobacteria et présentait une communauté fongique variée4.

 

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Microbiote cutané sous influence

EFFETS DE L’ENVIRONNEMENT

Les facteurs extrinsèques influant sur la composition du microbiote cutané sont également multiples2 : mode de vie, hygiène domestique et personnelle, cohabitation, lieu de vie géographique, rayonnement solaire, métier (et les vêtements qu’il impose), etc. Par exemple, les contacts avec les autres humains, mais également les animaux domestiques et les objets (téléphone, clavier d’ordinateur, salle de classe…) modifient le microbiote cutané et expliquent les similarités observées entre les micro-organismes des membres d’un même foyer ou groupe3.

De plus, les différentes zones de la peau ne sont pas soumises aux mêmes conditions d’un environnement donné : certaines entrent plus souvent en contact (main), d’autres sont moins exposées aux ultra-violet, etc.3,4 Néanmoins, le microbiote cutané demeure relativement stable à l’âge adulte, suggérant l’existence d’interactions bénéfiques réciproques entre les microorganismes et l’hôte6.

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