Un fruit riche en graisses aux vertus diététiques ? En modifiant notre microbiote intestinal, l’avocat, reconnu pour ses vertus cardiovasculaires, favoriserait l’excrétion des graisses ingérées chez les personnes en surpoids ou obèses.
Malgré son taux de graisses et son apport calorique élevés, l’avocat serait un allié minceur. Son secret : sa richesse en fibres et en acides gras mono-insaturés qui accroissent la satiété et réduisent la concentration de graisses dans le sang. Mais comment sa consommation impacte-t-elle les bactéries du microbiote intestinal et les produits issus de la fermentation des aliments ingérés, en particulier chez les personnes obèses ou en (sidenote:
Le surpoids est défini par un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 30 ; l’obésité correspond à un IMC>30
)?
Un avocat par jour pendant 3 mois
Pour y répondre, des chercheurs ont suivi pendant 12 semaines 157 adultes âgés de 25 à 45 ans, souffrant de (sidenote:
Le surpoids est défini par un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 30 ; l’obésité correspond à un IMC>30
) ou d'obésité mais en bonne santé, répartis en deux groupes. Tous devaient consommer une fois par jour, en remplacement du petit-déjeuner, du déjeuner ou du dîner, un repas fourni par les chercheurs : seul celui de l’un des deux groupes contenait un avocat, dont la teneur calorique était compensée dans celui de l’autre groupe. À l’exception de ce fruit, les ingrédients du repas obligatoire étaient similaires à plus de 90 %. Pour les autres repas, les participants avaient pour consigne de conserver leurs habitudes alimentaires en respectant les portions journalières.
Plus de graisses dans les selles, moins dans l’organisme
Résultats : dans le groupe « avocat », l’apport en acides gras mono-insaturés (qualifié de « bon gras ») était supérieur de 20 g, tandis que celui en fibres l’était de 14 g. Les participants avaient également un surplus calorique quotidien de 300 kcal. Pour autant, à l’issue de l’étude, ils n’avaient pas pris un gramme ! Leur microbiote intestinal s’était en revanche diversifié et enrichi en bactéries capables de dégrader les fibres. Leurs selles, quant à elles, contenaient moins d’acides biliaires (des molécules sécrétées par notre système digestif, qui permettent d'absorber les graisses), et plus de graisses. En modifiant le microbiote intestinal, la consommation d’avocat influence le métabolisme de l’hôte et augmente l’excrétion des graisses, concluent les auteurs, qui imaginent déjà de nouvelles approches diététiques pour améliorer la santé des personnes en surpoids ou obèses, de plus en plus nombreuses.
Thompson S. V., Bailey M.A., Taylor A.M. et al. Avocado Consumption Alters Gastrointestinal Bacteria Abundance and Microbial Metabolite Concentrations among Adults with Overweight or Obesity: A Randomized Controlled Trial. J Nutr 2020;00:1–10.
Le microbiote intestinal pourrait être impliqué dans la sévérité de la Covid-19 et un déséquilibre intestinal persisterait après l’élimination des virus. Mais prudence : il s’agit de résultats préliminaires qui demandent à être confirmés.
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, des symptômes digestifs, et notamment des diarrhées, ont été observés chez certains patients. De quoi inciter la recherche à passer au crible le microbiote intestinal des patients pour voir si les bactéries, champignons et autres virus qui vivent dans nos entrailles pourraient impacter nos défenses immunitaires. Si les résultats d’une nouvelle étude Hongkongaise semblent valider le lien entre le microbiote intestinal et l’infection, d’autres études seront nécessaires pour confirmer ces conclusions, obtenues dans le feu de l’action début 2020 et qui souffrent de plusieurs limites méthodologiques.
Une dysbiose chez les patients atteints
Que nous dit cette étude qui portait sur des patients Covid-19 plutôt jeunes (âge moyen : 36,4 ans) et atteints de formes souvent peu sévères (47 cas légers, 45 modérés, (sidenote:
34% des patients étaient sous antibiotiques et 31 % présentaient des comorbidités (hypertension, hyperlipidémie, allergies…).
))? Primo, ces patients présenteraient un déséquilibre de leur flore intestinale (dysbiose) comparativement aux patients sains. Leur flore comprendrait ainsi une présence limitée de certaines bactéries, pourtant bénéfiques dans la régulation de l’immunité. Secundo, plus la maladie était sévère et le sang des patients riche en marqueurs de l’inflammation, plus le microbiote intestinal semblait déséquilibré. Ainsi, tout se passe comme si le microbiote intestinal jouait un rôle dans la régulation de la maladie, via un ajustement des processus inflammatoires. Le mécanisme reste néanmoins à valider et à confirmer : l’étude ne permet pas de dire si la dysbiose est la cause ou la conséquence de la sévérité des symptômes observés.
Un virus qui disparait, une dysbiose qui persiste ?
Autre observation des chercheurs : la dysbiose intestinale, qui semble accentuée par les traitements antibiotiques, persisterait même après l’élimination du virus de l’organisme. D’où cette hypothèse à confirmer : ce déséquilibre de la flore intestinale pourrait participer aux symptômes persistants observés chez certains patients.
Yeoh YK, Zuo T, Lui GC, et al. Gut microbiota composition reflects disease severity and dysfunctional immune responses in patients with COVID-19. Gut. 2021 Apr;70(4):698-706.
Le microbiote intestinal pourrait être impliqué dans la sévérité de la Covid-19, via la modulation des réponses immunitaires. Même après l’élimination du virus, une dysbiose persisterait chez les patients infectés.
Bien que la Covid-19 soit une affection principalement respiratoire, des travaux ont récemment pointé du doigt l’implication du microbiote intestinal. Une nouvelle étude conduite début 2020 confirmerait cette hypothèse. Elle a été menée auprès de 100 patients Covid-19 de 2 hôpitaux hongkongais (âge moyen : 36,4 ans ; 47 cas légers, 45 modérés, 5 sévères et 3 critiques) et 78 contrôles recrutés avant l’épidémie. Objectifs : rechercher un lien entre microbiote intestinal et sévérité des cas, et évaluer la persistance d’une éventuelle dysbiose après l'élimination du virus.
Une dysbiose intestinale chez les patients Covid-19
La composition du microbiote intestinal de 87 patients dont les fèces avaient été collectées durant leur hospitalisation montrait une dysbiose (davantage d’espèces appartenant au phylum des Bacteroidetes, moins à celui des Actinobacteria), comparativement aux témoins et, selon les auteurs, indépendamment d’un éventuel traitement antibiotique. Cette composition semblait associée à la gravité de la maladie et l’antibiothérapie, qui concernait 34 % des patients, était le 2e facteur explicatif de la sévérité. Certaines bactéries immunorégulatrices (Faecalibacterium prausnitzii, Bifidobacterium bifidum) étaient négativement corrélées à la sévérité après ajustement sur le recours aux antibiotiques et l'âge. Néanmoins, le design de l’étude (gestion clinique hétérogène, 31 % des patients présentaient des comorbidités…) ne permet pas à ce stade de confirmer les résultats obtenus.
Une réponse immunitaire associée
De plus, cette dysbiose était corrélée avec des concentrations plus élevées en cytokines inflammatoires et autres (sidenote:
Protéine C réactive, lactate déshydrogénase, aspartate aminotransférase et gamma-glutamyltransférase
). Aussi, la composition du microbiote intestinal pourrait être associée à l'ampleur de la réponse immunitaire à la Covid-19 et aux lésions tissulaires associées et jouerait un rôle dans la régulation de la sévérité de la maladie. Pour autant, une autre explication reste possible selon les auteurs : la dysbiose observée pourrait simplement être une réponse à l'état de santé et à l'état immunitaire des patients plutôt qu’être directement impliquée dans la sévérité de la maladie.
Une dysbiose persistante même après l’élimination du virus
En outre, la composition du microbiote intestinal de 27 patients analysée jusqu’à 30 jours après l’élimination du virus s’avérait différente de celle des témoins : davantage de B. dentium et Lactobacillus ruminis, moins de Eubacterium rectale, Ruminococcus bromii, F. prausnitzii et B. longum. Et ce, qu'ils aient reçu (14 patients) ou non (13) des antibiotiques, même si ce traitement avait tendance à accentuer la différence. Selon les auteurs, cette dysbiose pourrait participer à la persistance des symptômes. Néanmoins, un suivi à plus long terme (3 mois à 1 an après élimination du virus) serait nécessaire pour confirmer le lien entre dysbiose et symptômes persistants.
Le microbiote du liquide duodénal des patients souffrant d’adénocarcinome canalaire du pancréas, un cancer très agressif, pourrait refléter le risque tumoral des patients. Ce qui laisse espérer une détection plus précoce de ce cancer.
3e cause de décès par cancer aux États-Unis, avec un taux de survie de 9 % à 5 ans, l'adénocarcinome canalaire du pancréas (PDAC)est un cancer redouté. Des études précédentes ont montré que le microbiote tumoral des patients PDAC contient des bactéries normalement présentes dans le tractus gastro-intestinal supérieur, celles-ci auraient donc migré du duodénum. Si tel est le cas, le liquide duodénal pourrait constituer un bio-échantillon d’intérêt pour caractériser les profils microbiens des patients atteints ou à risque de PDAC. D’où cette étude cas-témoins monocentrique comparant les profils bactériens et fongiques du liquide duodénal de patients subissant une endoscopie : 134 témoins avec un pancréas normal, 98 patients avec kyste(s) pancréatique(s) et 74 patients avec un PDAC.
Dysbiose des patients PDAC
Chez les patients PDAC, les niveaux d’ADN bactérien et fongique du liquide duodénal étaient plus élevés que chez les témoins, même après correction de l'âge, du tabagisme et de l'utilisation d’ (sidenote:
inhibiteur de pompe à protons
). De plus, leur diversité microbienne était réduite et le genre Bifidobacterium davantage présent. Les bactéries Fusobacterium, Rothia et Neisseria étaient plus présentes chez les patients PDAC dont la survie fut courte.
L’effet des IPP ne doit pas être négligé : chez les témoins, l’utilisation régulière d’IPP réduisait la diversité du microbiote. Ces traitements allaient également de pair avec une augmentation des bactéries à prédominance orale telles que Streptococcus et Fusobacteriums, ces dernières ayant été associées à plusieurs cancers dont le PDAC.
Altération du mycobiote
Chez les patients atteints de kyste(s) pancréatique(s), les profils bactériens du liquide duodénal n'étaient pas significativement différents de ceux des témoins. En revanche, le mycobiote différait : davantage d’ascomycètes, moins de Basidiomycètes et de Malassezia. Les patients PDAC avaient, quant à eux, une plus faible abondance en Saccharomyces que les patients atteints de kyste(s) pancréatique(s).
Stratifier le risque de cancer ?
Ainsi, l’étude avance l’idée de microbiotes bactériens et fongiques du liquide duodénal distincts selon les patients (atteints d'un cancer du pancréas, souffrant de kystes pancréatiques, pancréas normal). Ces dysbiosescaractéristiques laissent espérer la possibilité de définir des profils afin de mieux stratifier le risque de cancer du pancréas des patients sous surveillance pancréatique. D'autres études, plus larges et incluant d’autres populations et régions, restent néanmoins nécessaires avant de tirer des conclusions définitives.
Biodiversité et microbiote : une relation au naturel ! Première du genre, une étude finlandaise prouve le bienfait de la nature sur les microbiotes cutanés et intestinaux des jeunes enfants et leur immunité.
C’est le revers de la médaille des sociétés modernes, friandes de goudron, de détergents, d’antibiotiques et d’aliments transformés : les microbiotes cutanés et intestinaux qui participent à notre santé, et à notre immunité, en prennent un coup. Agressés, mal renouvelés faute de contacts avec une diversité suffisante de microbes, ils peuvent perdre leur équilibre, ce qui pourrait expliquer l’explosion actuelle des maladies du système immunitaire. Et s’il suffisait de remplacer le goudron par de la nature pour rebooster nos microbiotes ? C’est ce que suggère une étude finlandaise réalisée auprès de 75 bambins de 3 à 5 ans. Son approche est originale : les chercheurs ont végétalisé des garderies de ville (gravier recouvert de gazon, terre issue de forêt, blocs de tourbe à escalader, plantes) afin d’observer l’effet de cet environnement enrichi en microorganismes.
Le contact avec la nature dope les microbiotes
Les résultats sont sans appel. Après seulement 28 jours et 90 minutes quotidiennes à l’extérieur, les 36 petits Finlandais des 4 centres « reboostés en nature » voient leur microbiote cutané renforcé : sa diversité augmente, certaines bactéries bénéfiques se font plus nombreuses. Le changement est tel que la flore de leur peau est devenue comparable à celle de 23 autres enfants accueillis toute l’année dans des garderies qui les emmènent quotidiennement en forêt. Même tendance au niveau intestinal : le microbiote des enfants des centres végétalisés évolue rapidement en faveur de bactéries productrices d’acides gras bénéfiques.
Immunité : le pouvoir de la biodiversité !
Mieux, le système immunitaire des enfants a également évolué vers un profil moins inflammatoire. Tout semble donc suggérer que l’introduction de nature dans la garderie serait bénéfique pour le système immunitaire des bambins : au contact des microorganismes de la terre et des végétaux, leurs défenses se construiraient de manière équilibrée. Vous n’avez désormais plus aucune raison d’interdire à vos enfants de gratouiller dans la terre ou de se rouler dans l’herbe : c’est bon pour leur santé !
Une étude récente révèle que certaines bactéries seraient associées à une infection persistante au papillomavirus et que des facteurs immunosuppresseurs pourraient être impliqués dans l'interaction hôte-pathogène au sein du microenvironnement cervico-vaginal.
Signature microbienne de l’infection persistance au HPV
Dans cette nouvelle étude, le microbiote cervico vaginal de 15 femmes a été analysé par séquençage du gène de l’ARNr 16S et un génotypage HPV a été réalisé : 6 femmes souffraient d’infection persistante (infection du même type de HPV qui dure plus de 12 mois), 4 d’infection transitoire (infection éliminée en moins de 12 mois) et 5 étaient négatives au HPV. La composition du microbiote cervico vaginal était significativement différente chez les 3 groupes. Chez les femmes saines ou souffrant d’infection transitoire, le genre Lactobacillus composait la majorité de la population bactérienne alors que les femmes souffrant d’une infection persistance présentait un microbiote cervico vaginal plus diversifié. Une analyse statistique révèle que 36 bactéries seraient associées au statut transitoire ou persistant de l’infection et pourraient servir de biomarqueurs. Parmi eux, et en accord avec des études précédentes, les genres Acinetobacter, Prevotella et Pseudomonas étaient corrélées à une infection persistante. Lactobacillus iners quant à elle était corrélée avec une infection transitoire.
Une augmentation des cellules immunosuppressives
Les femmes souffrant d’infection persistant au HPV présentaient des concentrations d'IL-6 et de TNF-α significativement augmentées dans les sécrétions cervicales ainsi qu’un nombre de cellules T régulatrices et de cellules suppressives myéloïdes plus important dans le sang périphérique. La dysbiose cervico-vaginale pourrait donc induire un microenvironnement inflammatoire, entraînant alors l’accumulation de cellules immunosuppressives, favorisant l'apparition d'événements cancérigènes.
Vers un diagnostic plus précoce
Les résultats de cette étude suggèrent que des changements au sein du microbiote cervico-vaginal seraient liés à une infection persistante au HPV. Il est cependant impossible de savoir si c’est la dysbiose qui induit la persistance de l’infection, ou si c’est la persistance de l’infection qui induit la dysbiose. Néanmoins, la mise en évidence d’une signature microbienne de l’infection persistante au HPV permettrait de diagnostiquer plus précocement ces patientes, avec, au final, une intervention plus rapide pour éliminer l’infection et réduire la probabilité d’apparition de lésions malignes du col utérin.
Grandir à la ferme aurait un effet protecteur contre l’asthme. Et c’est au cours des 12 premiers mois de vie que tout se jouerait, en partie grâce à un environnement bénéfique au microbiote intestinal et à l’existence d’un axe intestin-poumon.
A l’heure où de nombreux citadins envisagent de quitter la ville pour la campagne, une publication sur l’effet protecteur d’une enfance à la ferme contre l’asthme pourrait bien conforter leur choix. Ses auteurs avaient déjà montré un rôle protecteur des microorganismes provenant de l’environnement intérieur des maisons. Dans cette nouvelle étude, ils ciblent une période clé du développement des enfants : leur première année. Avant même que nos bambins ne soufflent leur première bougie, les expositions à l'environnement extérieur façonneraient le développement de leur microbiote intestinal, avec d'éventuelles conséquences à long terme. Dont le risque de développer de l’asthme.
Ferme 1, asthme 0
Afin de vérifier leur hypothèse, les chercheurs ont suivi une population de près de 1 000 enfants vivant dans des zones rurales d’Europe, dont la moitié nés à la ferme, et parmi lesquels 8 % sont devenus asthmatiques entre 0 et 6 ans. Des échantillons de selles ont été prélevés à 2 et 12 mois, et les modifications du microbiote intestinal évaluées sur cette période.
La clé des champs : la maturation du microbiote
Les résultats le confirment : passer sa première année à la ferme réduit le risque de développer un asthme plus tard dans l’enfance. Comment expliquer ce phénomène ? 19 % de l’effet protecteur de l’environnement « fermier » semble associé à une maturation plus élevée du microbiote intestinal. Les chercheurs sont même parvenus à identifier certains groupes bactériens particulièrement impliqués. Ceux-ci fabriqueraient notamment un composé bénéfique : le butyrate, connu pour ses propriétés anti-inflammatoires. Par ailleurs, si aucune bactérie n’est sortie du lot pour son effet protecteur, d’autres sont apparues comme associées à un risque accru d’asthme.
Ces résultats confortent le concept d’un axe de communication entre intestin et poumons, en référence au fameux axe intestin-cerveau, et encouragent la mise en place de mesures préventives des maladies respiratoires et allergiques lors de la première année de vie. Et, pourquoi pas, pousser certaines familles citadines à répondre à l’appel de la campagne ou, à défaut, à adopter un mode de vie moins « hygiéniste ».
Une nouvelle étude publiée dans Cell montre que le microbiote intestinal des nourrissons nés par césarienne pourrait être restauré après une transplantation de microbiote fécale provenant de leurs mères, et ressemblerait à celui de nourrissons nés par voie basse.
Les bébés nés par césarienne (CS) ont un microbiote intestinal différent de ceux nés par voie basse car ils n'ont pas été exposés aux bactéries maternelles durant l’accouchement. Certaines études rapportent que la césarienne pourrait engendrer des conséquences à court et à long terme sur la santé des nourrissons, avec un risque accru de maladies immunitaires chroniques (asthme, allergies…), bien que cela soit controversé. Une équipe finlandaise a évalué l'efficacité et la sûreté de la transplantation de microbiote fécal (TMF) pour la restauration du microbiote intestinal chez des bébés nés par césarienne.
Un protocole clinique strict
Des échantillons de selles de 17 mères ont été recueillis 3 semaines avant la césarienne programmée. Au total, 7 femmes ont été sélectionnées après un screening rigoureux de pathogènes présents dans leurs selles. Chaque bébé a reçu au biberon, dans les 2h suivant la naissance par césarienne, une TMF de leur mère – contenant environ 106 - 107 cellules bactériennes viables – soit 1ml de selles maternelles diluées dans le lait maternel pour un volume total de 5ml. Le microbiote intestinal de chaque nourrisson et leurs états de santé ont été évalué à la naissance, pendant 2 jours à la maternité, puis chaque semaine pendant 1 mois et enfin à 3 mois. La composition de leur microbiote intestinal a été analysée par séquençage de l’ARNr 16S, et comparée au microbiote de 82 bébés nés par voie basse ou par césarienne ne recevant pas de TMF.
Des résultats prometteurs
La TMF n’a produit aucun effet indésirable ni de complications chez les bébés durant le temps de l’étude. Le développement du microbiote intestinal des bébés CS traités par la TMF et ceux nés par voie basse différait dans les premiers jours puis devenait similaire après 1 semaine, mais restait bien distinct du microbiote des bébés CS non traités. La TMF semble corriger la signature bactérienne de la césarienne en normalisant l’abondance des Bacteroidales et des Bifidobacteriales d’une manière comparable aux nourrissons nés par voie basse. De plus, la présence d'agents pathogènes potentiels était plus faible chez les bébés CS traités par la TMF à 1 semaine et à 3 mois par rapport aux bébés CS non traités. Cette première étude preuve de concept montre la sûreté et l'efficacité potentielle d’une TMF pour restaurer le microbiote intestinal des bébés nés par césarienne. Des études à plus large échelle demeurent nécessaires, mais ces résultats fournissent un soutien supplémentaire sur l’importance du transfert naturel du microbiote de la mère à l’enfant lors de l’accouchement.
Une étude lève le voile sur les liens qui unissent le microbiote intestinal, l’inflammation et l’insomnie, un trouble du sommeil très fréquent qui affecte entre 10 à 50 % des adultes dans le monde. Explications.
Insomnie : pathologie qui nuit à l’endormissement, à son maintien et à la qualité du sommeil. Généralement lié à des prédispositions d’ordre génétique, hormonal, immunitaire ou encore psychosocial, ce trouble peut avoir de sérieuses répercussions pendant la journée.
Le microbiote intestinal sur le banc des accusés
Le microbiote intestinalpourrait être pointé du doigt au travers de l’axe intestin-cerveau qui permet aux bactéries du tube digestif et au cerveau de communiquer entre eux. Divers travaux chez l’animal ont montré qu’un sommeil perturbé est souvent associé à des changements dans sa composition et ses fonctions (on parle de dysbiose). A l’inverse, la restauration d’une flore intestinale dysbiotique améliore la qualité du sommeil. Ces interactions feraient intervenir des cytokines - des molécules inflammatoires produites par le système immunitaire en réaction à certaines bactéries intestinales -, et expliqueraient l’inflammation observée chez les insomniaques.
Des « signatures » bactériennes de l’insomnie
Pour confirmer, chez l’Homme, ces données souvent issues de travaux menés chez l’animal, des chercheurs ont analysé et comparé le microbiote intestinal et la production de cytokines chez 96 adultes - 20 souffraient d’insomnie aiguë, 38 d’insomnie chronique, 38 dormaient bien et servaient de témoins. Premier constat, les patients insomniaques avaient un taux de cytokine inflammatoire plus élevé que les bons dormeurs et ce taux semblait augmenter avec la sévérité de l’insomnie. Leur microbiote était lui aussi altéré avec un appauvrissement en certaines bactéries connues pour produire des acides gras à chaine courte, molécules aux propriétés anti inflammatoires et bénéfiques pour la santé. Les chercheurs ont par ailleurs identifié des « signatures » bactériennes reflétant la qualité du sommeil et la sévérité de l’insomnie. Ces signatures ont permis de distinguer une insomnie aiguë et une insomnie chronique des individus ayant un bon sommeil.
Vaincre l’insomnie grâce au microbiote ?
Cette étude confirme l’existence d’une modification du microbiote intestinal en cas d’insomnie, dont la sévérité serait liée à la présence ou non de certains groupes bactériens. L’inflammation qui en découle résulterait de la durée de la dysbiose. Le microbiote pourrait donc servir au développement d’outils diagnostiques et thérapeutiques ciblant ce trouble du sommeil.
Yuanyuan Li, Bin Zhang, Ya Zhou et al. Gut microbiota changes and their relationship with inflammation in patients with acute and chronic insomnia. Nature and Science of Sleep. 2020; 12:895-905.
La présence de Brachyspira au niveau de la muqueuse colique chez certains patients atteints d’un syndrome de l’intestin irritable, démontrée pour la première fois, pourrait être associée à certains symptômes de la maladie comme la diarrhée.
L’incidence du syndrome de l’intestin irritable (SII) augmente suite aux épisodes de gastro-entérite, suggérant qu’une dysbiose intestinale pourrait jouer un rôle dans le déclenchement. Pour autant, les recherches actuelles, focalisées sur le microbiote de la lumière intestinale, n’ont pas mis en évidence d’associations probantes entre la composition de ce microbiote et le SII. Changeant de stratégie, une équipe a analysé les bactéries présentes non pas dans la lumière mais dans le mucus tapissant l’épithélium intestinal, à partir de biopsies de la muqueuse du côlon sigmoïde prélevées chez des patients atteints d’un SII (forme avec diarrhée, constipation, mixte ou non classifiée) et des témoins.
Des peptides signant la présence de Brachyspira
Des analyses méta-protéomiques sur une cohorte exploratoire (22 patients, 14 témoins) révèlent alors la présence dans le mucus de peptides microbiens dérivés d’espèces potentiellement pathogènes du genre Brachyspira chez 3/22 patients SII. La présence même des bactéries a été confirmée par microscopie électronique, soit au niveau de la membrane apicale des colonocytes, soit dans le mucus. Des analyses par qPCR couplée à de l’immunofluorescence sur la cohorte entière (62 patients, 31 témoins), indiquent une colonisation par Brachyspira chez 31 % des patients SII, et chez 42 % des patients souffrant de formes diarrhéiques. Aucune colonisation n’était observée chez les témoins.
Brachyspira colonise les colonocytes
La présence spécifique de Brachyspira au niveau de la membrane apicale des colonocytes (par opposition au mucus), observée chez 21 % des patients, était associée à une diarrhée plus marquée et à un transit accéléré. La muqueuse intestinale de ces patients affichait une réponse inflammatoire modérée, ainsi qu’une augmentation de certaines cellules immunitaires (mastocytes). Or l’abondance de ces cellules était corrélée aux scores de douleurs abdominales.
Antibiotiques : des effets contre-productifs ?
Dans une dernière expérience, les chercheurs ont testé chez 4 patients les effets du métronidazole. Un an après le traitement, 3 d’entre eux connaissaient une réduction de la sévérité du SII. Toutefois, si Brachyspira disparaît bien de l’apex des colonocytes, sa présence dans les cryptes et les cellules caliciformes pourrait constituer une nouvelle stratégie d’éviction bactérienne aux antibiotiques. In fine, la colonisation par Brachyspira en cas de SII (en particulier au niveau des colonocytes) semble associée à des réponses cliniques, métaboliques et immunitaires spécifiques, constituant ainsi un potentiel outil diagnostique des différentes formes du SII. En outre, les traitements antibiotiques devraient être considérés avec précaution en cas de SII compte tenu de l’effet invasif qu’ils pourraient favoriser.