Une pincée de sel de moins suffirait à modifier le microbiote intestinal des femmes hypertendues. Leurs bactéries surproduiraient alors des acides gras bénéfiques qui, une fois dans leur sang, réduiraient leur pression artérielle et la rigidité de leurs artères.
Les hypertendus le savent : ils présentent un risque accru d’accident vasculaire cérébral, de crise cardiaque et d’insuffisance cardiaque ; et ils doivent surveiller leur régime alimentaire, en particulier leur consommation de sel. En effet, sel et hypertension ne font pas bon ménage. Et au regard de travaux menés sur des souris, le mécanisme reliant les deux pourrait trouver son origine dans nos entrailles. D’ailleurs, puisque toute notre alimentation influe sur notre microbiote, pourquoi pas le sel ?
Un microbiote sensible au sel
Des chercheurs britanniques se sont ainsi demandé si un régime riche en sel pouvait moduler notre microbiote intestinal. Et l’expérience qu’ils ont menée auprès de 145 sujets hypertendus non traités semble leur donner raison : une réduction de la consommation de sel, même modeste, a modifié les types de bactéries qui élisaient domicile dans leurs intestins. Leur microbiote intestinal ainsi modifié produisait davantage d’ (sidenote:
Acides gras à chaîne courte (AGCC)
Les acides gras à chaîne courte sont une sourced’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau.
Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25.)*, substances qui passent dans le système sanguin des patients et activent des récepteurs vasculaires. Et ce pour le plus grand bénéfice de ces hypertendus : l’augmentation des AGCC circulant dans leur sang semblait en effet aller de pair avec une baisse de leur pression artérielle et de leur « onde de pouls », qui mesure la rigidité de leurs artères. Cet effet bénéfique pourrait être lié aux propriétés anti-inflammatoires que l’on prête à ces acides gras d’origine bactérienne.
Uniquement chez les femmes hypertendues
Autre enseignement de l’étude : les mécanismes en jeu seraient différents entre les femmes et les hommes. En y regardant de plus près, la modification des AGCC sanguins sous l’effet d’une alimentation pauvre en sel n’était en fait réellement prouvée que chez les femmes, sans que l’on sache encore pourquoi. Quoiqu’il en soit, les cuisiniers comme les cuisinières devront veiller à ne pas trop saler leurs plats, d’autant plus si un hypertendu (homme ou femme) prend place à table : la consommation de sel reste en effet trop élevée dans tous les pays du monde, et sa réduction recommandée pour toutes et tous, en particulier celles et ceux qui sont hypertendus.
Chen L, He FJ, Dong Y, Huang Y, Wand C et al. Modest Sodium Reduction Increases Circulating Short-Chain Fatty Acids in Untreated Hypertensives - A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Trial. Hypertension. 2020;76:73–79. WHO. Salt reduction. 29 April 2020. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/salt-reduction
Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI), la plus fréquente des affections intestinales, sont un ensemble de symptômes digestifs chroniques qui ne s’expliquent par aucune anomalie anatomique décelable.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII), le plus courant des TFI
Les TFI englobent un ensemble de syndromes tels que le SII, la constipation, la diarrhée, les ballonnements fonctionnels et les TFI non spécifiques.
Le SII touche à lui seul 10% de la population et se démarque des autres TFI par une douleur abdominale, associée à une constipation, une diarrhée ou l'alternance des deux. Il s’accompagne souvent d’un ballonnement abdominal et d’un niveau de stress plus élevé que dans la population générale.
52%
Seule 1 personne sur 2 ayant souffert d’une pathologie digestive impliquant le microbiote fait le lien
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble fonctionnel intestinal caractérisé par une douleur abdominale récurrente, associée à des modifications de la fréquence ou de la forme des selles, en l’absence de toute atteinte organique. En utilisant les critères ROME IV, le SII est classé en quatre sous-types :
SII avec constipation prédominante (SII-C),
SII avec diarrhée prédominante (SII-D),
SII mixte avec une alternance de diarrhée et de constipation (SII-M),
SII indéterminé (SII-I), qui ne répond pas aux critères de SII-C, D ou M2.
Les comorbidités psychiatriques, comme l’anxiété, la dépression et la somatisation, sont fréquentes chez les patients atteints de SII.
Chez les tous-petits, les TFI représentent la cause la plus fréquente de consultation en gastro-entérologie pédiatrique. On retrouve les coliques du nourrisson avec des troubles de régurgitations et de constipation, le SII, ainsi que d’autres troubles fonctionnels moins bien caractérisés. Douleurs au ventre, ballonnements, diarrhées, constipation sont fréquemment associés aux TFI et peuvent avoir des conséquences majeures sur la vie quotidienne de l’enfant. Le stress et l’anxiété peuvent ensuite favoriser ou entretenir certains symptômes et notamment les douleurs.
La communication entre l’intestin et le cerveau perturbée
Les causes du SII sont encore mal comprises. Le risque de développer un SII serait multiplié par cinq après une infection bactérienne causant une diarrhée aiguë. Un dysfonctionnement de la communication entre le cerveau et l’intestin en lien avec un déséquilibre de la flore intestinale est évoqué. Dans la plupart des cas, il a été observé une (sidenote:
Dysbiose
La « dysbiose » n’est pas un phénomène homogène : elle varie en fonction de l’état de santé de chaque individu. Elle est généralement définie comme une altération de la composition et du fonctionnement du microbiote, provoquée par un ensemble de facteurs environnementaux et liés à l’individu, qui perturbent l’écosystème microbien.
Levy M, Kolodziejczyk AA, Thaiss CA, et al. Dysbiosis and the immune system. Nat Rev Immunol. 2017;17(4):219-232.) des espèces bactériennes composant le microbiote, avec moins de bactéries favorables et plus de bactéries néfastes. Ces dysfonctionnements seraient à l’origine de troubles moteurs de l’intestin : le transit est ralenti, la barrière intestinale modifiée et une inflammation légère se développe. Ils entraînent une hypersensibilité de la muqueuse qui rend douloureux des phénomènes habituellement normaux comme les mouvements de gaz intestinaux.
Avez-vous déjà entendu parler de « dysbiose » ?
Il s’agit d’une rupture du délicat équilibre entre les milliards de microorganismes du microbiote et de ses bonnes relations avec notre corps.
Agir sur le microbiote intestinal : efficace pour mincir ?
Si l’étude du microbiote intestinal ouvre de nouvelles pistes en matière de prise en charge de l’obésité, la prudence reste de mise : cette approche serait « un traitement parmi d’autres »
Pr Patrice D. Cani, co-Directeur de l’unité Métabolisme et Nutrition du Louvain Drug Research Institute de l’UCLouvain (Bruxelles, Belgique).
Est-on condamné à garder ses kilos en trop ?
De manière générale, croire en un remède miracle est un leurre ; aucun traitement ne peut venir à bout de l’obésité sans participation active des sujets (alimentation, activité physique…) ni approche intégrée et personnalisée de la prise en charge. Car l’obésité est un processus complexe, long, et qui dépend de facteurs associés multiples, et le microbiote intestinal en fait partie. Cela dit, prétendre que le (sidenote:
Dysbiose
La « dysbiose » n’est pas un phénomène homogène : elle varie en fonction de l’état de santé de chaque individu. Elle est généralement définie comme une altération de la composition et du fonctionnement du microbiote, provoquée par un ensemble de facteurs environnementaux et liés à l’individu, qui perturbent l’écosystème microbien.
Levy M, Kolodziejczyk AA, Thaiss CA, et al. Dysbiosis and the immune system. Nat Rev Immunol. 2017;17(4):219-232.) de l’écosystème microbien conduit inévitablement à l’obésité (ou au contraire que son équilibre garantit un poids normal) est une erreur. Essayer de rééquilibrer son microbiote est pourtant une bonne initiative, qui s’inscrit dans une thérapie globale et personnalisée des patients.
Greffe de microbiote intestinal : une surpromesse ?
Les travaux actuellement en cours sur le sujet sont nombreux. Certains d’entre eux montrent que la transplantation de microbiote n’aurait aucun effet sur l’obésité, ou qu’elle favoriserait une amélioration passagère de la capacité à stabiliser le taux de sucre sanguin. Des résultats a priori décevants, pourtant riches d’enseignements : on sait maintenant qu’il est nécessaire que le microbiote du donneur soit compatible avec celui du receveur ; on sait aussi que certains individus sont plus réceptifs que d’autres à la greffe (de même qu’au changement de régime alimentaire) en fonction de la composition initiale de leur microbiote. En tous cas, améliorer notre santé en ciblant le microbiote intestinal est une piste de choix, à condition d’agir de façon raisonnée et d’observer des recommandations médicales et nutritionnelles. Personnellement, j’en suis convaincu car ma devise est « In gut we trust ».
Sources
17 Micro-organismes vivants (bactéries, levures) qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, ont un effet bénéfique sur la santé de l’hôte. On en trouve dans les aliments fermentés (yaourt, kéfir, choucroute…), sous forme de médicaments ou de compléments alimentaires.
18 Sucres qui nourrissent les « bonnes » bactéries. On en trouve dans des aliments comme les bananes, les poireaux, les oignons, les artichauts…
Autre méthode, qui pourrait bien s’avérer prometteuse : la transplantation de microbiote fécal (TMF), ou greffe de selles16. Réservée pour l’heure à une seule indication très éloignée de l’obésité (l’infection récidivante à Clostridium difficile), elle consiste en l’occurrence à transférer les (sidenote:
Micro-organismes
Organismes vivants qui sont trop petits pour être vus à l'œil nu. Ils incluent les bactéries, les virus, les champignons, les archées, les protozoaires, etc… et sont communément appelés "microbes".
What is microbiology? Microbiology Society.) contenus dans les selles d’un donneur affichant un IMC normal chez un receveur obèse pour « corriger » sa flore17.
L’intérêt de la démarche est actuellement étudié par plusieurs équipes de recherche, qui scrutent à la loupe ses effets sur le rééquilibrage du microbiote intestinal, le comportement alimentaire et la bonne utilisation des ressources énergétiques au regard des calories ingurgitées17.
17 Micro-organismes vivants (bactéries, levures) qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, ont un effet bénéfique sur la santé de l’hôte. On en trouve dans les aliments fermentés (yaourt, kéfir, choucroute…), sous forme de médicaments ou de compléments alimentaires.
Idem côté prébiotiques, ces sucres non digestibles présents dans les légumes, céréales complètes, légumineuses, tubercules, fruits, fruits à coque, herbes, épices… qui servent à nourrir les « bonnes » bactéries et les faire proliférer au détriment des mauvaises. Car si leurs bénéfices pour enrayer l’obésité ont été largement prouvés en laboratoire, les essais chez l’Homme ont donné des résultats divergents6.
Certains prébiotiques ont induit une baisse significative du poids, de l’IMC et du tour de taille chez des adultes obèses ou en surpoids, d’autres en revanche n’ont eu aucun effet6. Globalement, les études mettent en évidence un effet des prébiotiques sur la satiété7, mais celui-ci ne se traduit malheureusement pas par une perte de poids6.
Si les prébiotiques restent une piste de recherche enthousiasmante, il est encore prématuré de les recommander dans la prise en charge de l’obésité et du surpoids, estiment les experts6.
Les probiotiques sont des « micro-organismes vivants (bactéries, levures) qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, ont un effet bénéfique sur la santé de l’hôte12,13 ». On trouve ces microorganismes dans les aliments fermentés (yaourt, kéfir, choucroute…), sous forme de médicaments ou de compléments alimentaires. Leur capacité à restaurer l’équilibre du microbiote en fait des candidats prometteurs à la lutte contre l’obésité3.
Les données sont moins nombreuses chez l’Homme, et seulement certains probiotiques spécifiques ont eu un impact sur le poids, l’IMC, le tour de taille, la masse grasse et le profil métabolique3,4,6. Même si ces résultats sont encourageants, tout reste à poursuivre et à confirmer chez l’Homme3,6.
Faire fondre ses kilos en rééquilibrant son microbiote, un espoir à portée de main ? Peut-être, au moins à condition de mieux comprendre comment l’alimentation, les pro- et prébiotiques ou encore la transplantation de microbiote fécal (TMF) influencent l’écosystème microbien intestinal. Si elle n’est pas encore gagnée, la guerre contre l’obésité est résolument déclarée !
Premier facteur de risque d’obésité, l’alimentation est aussi le principal levier de modulation du microbiote. Sans surprise, l’intestin est donc façonné par les préférences alimentaires : par exemple, une plus grande variété de bactéries chez les omnivores que chez les végétariens, la domination de certaines espèces spécifiques chez les amateurs de protéines et de graisses animales, etc3. En théorie, le « remède » semble enfantin… Faux !
Les réponses sont variables d’un individu à l’autre ; et malgré de très nombreuses études, aucun lien catégorique n’a, pour le moment, été établi entre action sur la flore et importance de la perte pondérale11. Selon certains auteurs, la variabilité des réponses à un régime serait due à la composition initiale de notre microbiote intestinal7,11; pour d’autres, il permettrait carrément d’en prédire le succès7.
Une seule certitude dans cette controverse : manger équilibré, même si nous ne sommes pas égaux face à la prise de poids !
La chirurgie bariatrique
Parmi les traitements proposés aux patients souffrant d’obésité morbide, l’un des plus efficaces est la chirurgie bariatrique. Elle consiste à réduire le volume de l’estomac ou à court-circuiter tout ou partie de l’intestin grêle11. En plus d’une perte de poids, le traitement a un impact sur le microbiote intestinal7,9. Les chercheurs pensent même que le microbiote modifié après la chirurgie serait directement responsable de la diminution de la masse graisseuse et d’une capacité réduite de l’hôte à utiliser les aliments comme carburant9.
Les 100 000 milliards de micro-organismes (bactéries, virus et champignons) hébergés par le tube digestif participent activement à la bonne assimilation des aliments par notre organisme. Mais en cas d’alimentation trop riche en sucres et en graisses, notre balance énergétique est déréglée. Perturbé à son tour (moins riche et moins diversifié), l’écosystème microbien de l’intestin ne parvient plus à réguler l’excès d’énergie absorbée et participe lui-même au maintien de ce déséquilibre.
Cause ou conséquence, le microbiote intestinal joue un rôle dans l’obésité ; lorsqu’il est altéré, les répercussions sont multiples et entraînent des perturbations au niveau de la digestion, du système de défense et de sa capacité à communiquer avec le cerveau pour gérer la faim8. Ces perturbations entretiennent elles-mêmes la dysbiose du microbiote intestinal9. Plus qu’une maladie métabolique, l’obésité serait donc un trouble du cerveau et du système immunitaire qui se manifeste par un comportement alimentaire anormal auquel participerait le microbiote intestinal3,4,8,10. On vous explique !
"Toute maladie commence dans les intestins" affirmait Hippocrate, père de la médecine moderne. Et l’obésité semble ne pas échapper à l’adage. Car si cette épidémie est certes liée à la malbouffe et à la sédentarité, ses liens potentiels avec d’autres facteurs (dont le microbiote intestinal) sont à l’étude. Trois fois plus nombreuses aujourd’hui qu’en 19751 , les personnes concernées sont encore trop souvent accusées de manquer de volonté et stigmatisées par nos sociétés normées. Un raisonnement simpliste qui a probablement entravé pendant longtemps la prise en charge de ce fléau mondial, à l’origine de graves conséquences socio-économiques et premier facteur de risque de décès prématuré lié au mode de vie, devant le tabac1.
À l’heure où l’on meurt, dans le monde entier, davantage de sur-alimentation que de sous-alimentation, l’obésité est définie par l’accumulation excessive de graisses dans l’organisme1. Elle est caractérisée par un indice de masse corporelle (ou IMC) supérieur ou égal à 30. Entre 1975 et 2014, la proportion mondiale d’adultes obèses a bondi de 7,6 % chez les hommes et de 8,5 % chez les femmes1. Des données qui masquent toutefois d’importantes disparités : au Japon, moins de 4 % des adultes sont obèses, tandis qu’ils sont 10 fois plus nombreux aux États-Unis1. Si presqu’aucun pays n’a échappé à cette pandémie (certaines régions du globe affichent des hausses particulièrement marquées2), seuls le Japon, la Corée du Nord et certains pays d’Afrique sub-saharienne tirent encore leur épingle du jeu.1.
13 %
d’adultes obèses à travers le monde (entre 10 et 30 % en Europe)
39 %
d’adultes en surpoids (entre 30 et 70 % en Europe)
3,7 %
d’adultes obèses au Japon
38,2 %
aux Etats-Unis
Image
Augmentation du nombre de cas d’obésité adulte au cours des années. Pourcentage d’adultes obèses par pays en 1975 (partie a) et 2014 (partie b). Le nombre d’adultes obèses a considérablement augmenté entre 1975 et 2014. Base de données de l’Observatoire mondial de la Santé (OMS).
Un facteur de risque de multiples maladies…
Les conséquences du poids excessif ne se remarquent pas toutes au premier coup d’oeil. Pourtant, la science l’affirme : les personnes obèses présentent un risque plus important de développer d’autres affections3 (troubles métaboliques comme le diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, dépression, certains cancers…) et chez l’homme, la surcharge pondérale entraîne des troubles urinaires ou de l’érection, accompagnés d’un retentissement majeur sur la qualité de vie4. Au total, les individus concernés ont une espérance de vie réduite de 7 ans par rapport à ceux de poids normal4.
Image
… aux origines pas si simples à comprendre
Trop de calories absorbées – graisses et sucres notamment – par rapport aux dépenses énergétiques réelles : c’est l’origine principale, désormais bien connue, de l’obésité et du surpoids1,5. Pourtant parfois, adopter des comportements vertueux (alimentation saine, activité physique…) ne suffit pas à résorber l’excès de poids1. Quelles sont donc les causes cachées ?
Hérédité
La génétique, d’abord : programmé pour résister aux coups durs (famine par exemple), l’être humain a hérité d’un patrimoine qui favorise sa capacité à stocker les calories1. Des travaux chez la souris et chez l’homme suggèrent même que l’obésité, y compris dans ses formes sévères, pourrait être héréditaire à hauteur de 40 à 70 %1. Mais ces formes d’origine génétique ne peuvent expliquer à elles seules l’épidémie à laquelle on assiste.
Environnement "obésogène"
Une génétique liée également à l’environnement. Parce qu’il influence profondément nos comportements, il joue certainement un rôle majeur sur notre corpulence. Et l’augmentation du taux d’obésité au cours des 50 dernières années a coïncidé avec l’évolution de notre mode de vie : excès massif de graisses, de sucres et de sel dans les plats industriels, grignotage et « fastfood » ; modifications de nos activités
professionnelles et de loisir ; sédentarité ; manque ou mauvaise qualité de sommeil ; stress social1… Un cadre de vie quotidien qui, au fur et à mesure du temps, aurait pu entraîner des modifications génétiques transmissibles et prédisposer les générations futures à un risque d’obésité plus important : les mystères de ce qu’on appelle « l’épigénétique »1…
Communication intestin-cerveau brouillée
L’intestin, enfin. Véritable « second cerveau », il dialogue avec notre matière grise via un axe de communication qui veille sur le métabolisme, c’est-à-dire l’équilibre entre prises et dépenses énergétiques6. Quand il « bugge » comme chez les personnes obèses, il devient incapable de réguler l’appétit, la satiété et le stockage de l’énergie7,8. Verdict après expérience chez des souris : si on les prive de microbiote intestinal et qu’on les soumet à un régime riche en graisses, les rongeurs ne grossissent pas ; chez les animaux avec flore intestinale au contraire, la même diète entraîne une prise de poids7. Plus étonnant : si on greffe à une souris mince la flore d’un individu obèse, elle forcit à son tour7 ! Cause ou conséquence ? La recherche peine à répondre pour l’instant, tout comme sur les mécanismes en jeu5,8.
Saura-t-on, bientôt, identifier les personnes souffrant d’ostéoporose par une simple analyse de leurs selles ? Mieux, la composition du microbiote intestinale pourra-t-elle, un jour, servir de cible pour des traitements préventifs ou curatifs de cette pathologie en pleine expansion ? L’espoir est permis...
Diminution de la masse osseuse, lésions de la micro-architecture de l’os, fragilité excessive du squelette, risque accru de fracture... L’ostéoporose, fortement liée au vieillissement, est en pleine expansion en Chine où elle représente un véritable problème de santé publique. Dans ce contexte, la confirmation d’un lien avec un déséquilibre du microbiote intestinal - suggéré dans de nombreuses études - constituerait une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes impliqués dans son développement et dans la mise au point de traitements préventifs et/ou curatifs.
Un microbiote intestinal différent
Des chercheurs chinois ont comparé le microbiote intestinal de 48 patients souffrant d’ostéoporose primaire à celui de 48 personnes en bonne santé. À la différence de l’ostéoporose secondaire, provoquée par une pathologie, l’ostéoporose primaire n’a pas de cause réelle identifiable : l’âge et la ménopause sont ses principaux facteurs de risque. Globalement plus diversifié, l’écosystème du tube digestif des patients présentant une ostéoporose primaire se distinguait principalement par une quantité plus abondante de bactéries du genre Dialister, déjà soupçonnées d’être impliquées dans la perte de masse osseuse, et associées à un taux accru d’IL-6 : une molécule inflammatoire favorisant la dégradation osseuse. Il était également plus riche en bactéries du genre Faecalibacterium, mais probablement pour la raison inverse, suggèrent les auteurs : le surplus de ces bactéries, impliquées dans la formation de l’os, résulterait d’un ajustement de l’organisme pour contrecarrer la perte de masse osseuse.
Bientôt un outil diagnostique ?
Les chercheurs ont ensuite tenté de déterminer si ces différences au niveau de la composition du microbiote intestinal pouvaient servir de marqueurs diagnostiques de l’ostéoporose. Les résultats montrent que l’analyse des bactéries intestinales permet, chez les Chinois, d’identifier avec une grande précision (à plus de 98%) les personnes atteintes d’ostéoporose. Des découvertes significatives, qui ouvrent de nouvelles perspectives en matière de prévention et de traitement de cette affection.
Xu Z, Xie Z, Sun J, et al. Gut Microbiome Reveals Specific Dysbiosis in Primary Osteoporosis. Front Cell Infect Microbiol. 2020;10:160. Published 2020 Apr 21.