Temps forts du congrès DDW

Par le Dr. Purna C. kashyap
Division de gastro-entérologie et d’hépatologie, Programme de microbiomique
Bernard et Edith Waterman, Centre de médecine personnalisée,
Mayo Clinic College of Medicine, Rochester, États-Unis

En mai 2024, plus de 13 000 professionnels intéressés par les maladies digestives et provenant de plus de 100 pays se sont rendus au congrès annuel « Digestive Disease Week » (DDW). Ce congrès, soutenu par l’Association américaine de gastro-entérologie (AGA), l’Association américaine pour l’étude des maladies hépatiques (AASLD), la Société américaine d’endoscopie gastro-intestinale (ASGE) et la Société américaine de chirurgie digestive (SSAT), a accueilli plus de 400 conférences originales et 4 300 sessions orales d’abstracts et de posters portant sur des innovations et travaux de recherche de pointe dans le domaine des maladies gastro-intestinales et hépatiques. La section dédiée au microbiote et à la thérapie microbienne et le centre d’éducation et de recherche sur le microbiote intestinal de l’AGA ont accueilli 11 sessions scientifiques avec 33 conférences proposées par des experts internationaux de premier plan ainsi que 52 présentations orales d’abstracts mettant en avant des travaux de recherche de pointe et des innovations dans le domaine du microbiote. Voici un résumé de quelques-unes des principales présentations.

Microbiote et cancer

La conférence inaugurale « Gail Hecht and David Hecht Distinguished Microbiome Lecture » a été donnée par la Dr Jennifer Wargo. Elle a présenté des données sur le micro-environnement tumoral, le microbiote intestinal dans le cancer, les biomarqueurs microbiens de la réponse au traitement ainsi que les nouvelles stratégies ciblant le microbiote tissulaire, tumoral et intestinal en vue d’intercepter et de prévenir le cancer. La Dr Wargo a résumé les découvertes montrant que la diversité et la composition du microbiote intestinal et tumoral sont des marqueurs pronostiques cruciaux pour l’évolution du cancer, en particulier après une greffe de cellules souches et chez les patients sous immunothérapie.

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Probiotiques

La Dr Wargo a présenté des données suggérant que certains probiotiques pourraient aggraver l’évolution du cancer chez un sous-groupe de patients, une observation qui a également été faite dans des modèles animaux 1 (Spencer et al., Science, 2021). Cependant, un produit bactérien vivant, le CBM588, associé à un blocage de CTLA-4 et de PD-1, a montré des bénéfices dans le traitement du carcinome à cellules rénales métastatique 2. De plus, des bactéries commensales telles que Bifidobacterium ont démontré qu’elles stimulent l’immunité antitumorale et améliorent l’efficacité de traitements tels que les inhibiteurs de PD-L1 et de CTLA- 4, montrant le besoin d’approches probiotiques personnalisées et ciblées.

Antibiotiques

Comme avec les probiotiques, des patients ayant reçu des antibiotiques avant un traitement par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ont connu une évolution moins favorable 3. À l’inverse, des approches antibiotiques ciblées, notamment celles utilisant la ciprofloxacine ou le métronidazole pour cibler les bactéries intratumorales qui interviennent dans la résistance au traitement anticancéreux 4, 5, pourraient améliorer l’immunité antitumorale et les réponses au traitement.

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Transplantation de microbiote fécal (TMF)

La TMF apparaît comme une approche prometteuse dans le traitement du cancer. De petits essais cliniques en ouvert ont montré que la TMF peut contrer la résistance à l’immunothérapie chez les patients atteints d’un mélanome métastatique 6, 7. La TMF de donneurs sains, combinée à un traitement anti-PD-1 chez des patients atteints de mélanome métastatique et naïfs de traitement, a été associée à des taux de réponse élevés.

Alimentation et microbiote

L’alimentation joue un rôle crucial pour moduler le microbiote intestinal et influer sur les résultats du traitement anticancéreux. Les patients consommant plus de 20 grammes de fibres par jour ont obtenu de meilleurs résultats avec leur traitement de blocage des points de contrôle immunitaire 1. Des études en cours utilisant des régimes riches en fibres et d’autres stratégies alimentaires personnalisées s’annoncent prometteuses pour améliorer les réponses au traitement anticancéreux.

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Prébiotiques

La Dr Wargo a partagé des résultats encourageants d’interventions telles que le régime enrichi en aliments prébiotiques (prebiotic food-enriched diet, PreFED) et les sources alimentaires prébiotiques comme les haricots dans l’essai BEGONE, qui montrent comment les prébiotiques peuvent moduler les micro-organismes intestinaux et réduire l’inflammation systémique. De plus, la Dr Tessa Anderman a parlé des enseignements tirés d’un essai sur les prébiotiques conduit chez des patients bénéficiant d’une greffe allogénique de cellules hématopoïétiques (allogreffe). L’efficacité des prébiotiques et la production d’acides gras à chaîne courte varient selon le prébiotique utilisé et la composition du microbiote du patient, suggérant qu’une combinaison de différents prébiotiques pourrait être plus bénéfique.

Thérapies basées sur le microbiote

La Dr Colleen Kelly a exposé les grandes lignes des recommandations de pratique clinique de l’AGA concernant les thérapies basées sur le microbiote fécal dans les maladies gastro-intestinales. Chez les adultes immunocompétents, l’AGA suggère d’utiliser des thérapies basées sur le microbiote fécal après l’antibiothérapie standard, mais également chez les adultes légèrement ou modérément immunodéprimés atteints d’infections récurrentes à C. difficile ou chez les adultes hospitalisés avec une infection à C. difficile sévère ou fulminante ne répondant pas au traitement standard. Par ailleurs, l’AGA suggère d’utiliser une transplantation de microbiote fécal conventionnelle après l’antibiothérapie standard. Chez les adultes atteints d’une rectocolite hémorragique, d’une maladie de Crohn, d’une pouchite ou d’un syndrome de l’intestin irritable, l’AGA déconseille l’utilisation de la transplantation de microbiote fécal conventionnelle, sauf dans le cadre des essais cliniques. La Dr Jessica Allegretti a fait un tour d’horizon de l’état actuel des thérapies basées sur le microbiote fécal, évoquant les dernières recommandations de la FDA indiquant qu’une demande d’autorisation de nouveau médicament expérimental est nécessaire lors de l’utilisation de produits à base de selles provenant de biobanques, de même qu’une sélection plus poussée des donneurs avec notamment une recherche du Sars- Cov-2 et de bactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) du fait du signalement d’infections systémiques par des bactéries productrices de BLSE après une TMF chez deux patients immunodéprimés. L’arsenal thérapeutique pour les infections à C. difficile évolue rapidement, avec l’autorisation par la FDA de deux nouveaux produits à base de microbiote fécal pour la prévention des ICD récidivantes, à savoir REBYOTA (microbiote fécal vivant – jslm) en administration rectale unique et VOWST (spores microbiennes fécales vivantes - brpk) à raison de 4 gélules par voie orale une fois par jour pendant 3 jours consécutifs, 3-4 jours après l’antibiothérapie standard, et un essai de phase III en cours sur des consortiums bactériens vivants définis de manière rationnelle, non issus de selles de donneurs.

Un débat modéré sur le rôle des probiotiques dans les maladies GI a permis de faire une revue complète de l’utilisation des probiotiques chez les adultes et les enfants. La discussion s’est concentrée sur la marche à suivre, et si les probiotiques semblent manquer d’efficacité dans les troubles gastro-intestinaux de l’adulte lorsque l’on considère la littérature dans son ensemble, leurs effets varient selon les espèces et les souches et certains patients pourraient en tirer un bénéfice. De plus, les produits fermentés faits maison comme le yaourt, le kimchi et le kéfir ont été abordés à titre d’alternatives offrant un bon rapport coût/efficacité. Les différences observées au niveau des recommandations émises par les différentes sociétés savantes concernant l’usage des probiotiques semblent dues aux différences d’ordre méthodologique et de nature entre les études cliniques sur lesquelles s’appuient ces recommandations. Les autotests du microbiote gagnent en popularité auprès des patients, notamment pour guider le traitement probiotique, mais le panel a conclu qu’il n’y a actuellement aucun bénéfice clinique prouvé et qu’ils ne doivent donc pas être recommandés. Néanmoins, il existe un potentiel d’utilisation future, notamment pour le suivi des modifications du microbiote chez un patient après une intervention. Toutes ces discussions ont fait émerger un thème central : le besoin d’adopter des approches personnalisées pour les thérapies basées sur le microbiote.

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La bactérie Enterococcus faecium B6 cultivée à partir d’enfants obèses favorise les maladies hépatiques stéatosiques par la tyramine comme métabolite bioactif

ARTICLE COMMENTÉ - Rubrique enfant

Par le Pr. Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France

Commentaire de l’article original de Wei et al. (Gut Microbes 2024) [1]

Cet article explore la relation entre le microbiote intestinal et la maladie du foie gras non alcoolique (NAFLD) chez les enfants obèses, dans le contexte de l’augmentation globale de l’obésité infantile et de cette maladie. La méthodologie repose sur une analyse multiomique et des études sur des cohortes d’enfants, associées à des expériences in vitro et in vivo. Les chercheurs ont découvert que Enterococcus faecium B6, isolé chez ces enfants, favorise la NAFLD via la production de tyramine, entraînant une accumulation de lipides, de l’inflammation et de la fibrose hépatique. Ces résultats valident le rôle causal de cette bactérie dans la progression de la NAFLD et ouvrent la voie à des approches thérapeutiques basées sur les microorganismes et/ou leurs métabolites.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

En raison de la pandémie d’obésité, les maladies métaboliques de surcharge (NAFLD) sont devenues la principale atteinte hépatique, allant de la stéatose, à la NASH (stéatohépatite non-alcoolique) jusqu’à la cirrhose. Les NAFLD concernent de plus en plus d’enfants.

La physiopathologie des NAFLD est complexe mais le microbiote intestinal jouerait un rôle important. Les effets du microbiote intestinal pourraient être médiés par différents métabolites, notamment la tyramine.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Dans une première partie, 156 enfants obèses âgés de 6 à 18 ans ont été inclus, dont 78 avec NAFLD et 78 avec une obésité isolée. Les deux groupes différaient pour les paramètres hépatiques et métaboliques. La diversité alpha microbienne était plus faible dans le groupe NAFLD ; l’abondance d’Enterococcus, Escherichia, Klebsiella, Dialister et Enterobacter était plus importante dans le groupe NAFLD alors que celle de Faecalibacterium, Eubacterium eligens groupRoseburia, Fusicatenibacter, Clostridium, Coprococcus et parasutterella était plus faible. Enterococcus était corrélé aux taux sériques d’ALAT, ASAT, triglycérides et cholestérol total.

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Après isolation de souches bactériennes à partir d’enfants obèses ayant une NAFLD, E. faecium B6 a montré, en culture cellulaire, une capacité à accumuler des lipides. Une étude murine a comparé une alimentation normale (NCD) ou enrichie en graisses (HFD), en présence ou non de B6 pendant 12 semaines. Si E. faecium B6 n’avait pas d’effet sur le poids corporel, il aggravait l’atteinte hépatique de surcharge au niveau biologique et histologique (figure 1). L’analyse transcriptomique a révélé qu’E. faecium B6 modifiait l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme lipidique, l’inflammation et la fibrose, comme les voies de signalisation PPAR, de chimiokines, NF-kB, TGF-β, du métabolisme de l’acide linoléique. Concernant le métabolisme lipidique, l’expression ARNm et protéique de PPARg et CD36 étaient augmentées alors que celle de CPT-1α était diminuée. Les auteurs ont montré une expression augmentée de cytokines inflammatoires (TNF-α, IL-6, IL-1β) et de protéines impliquées dans la fibrose (TGF-β et α-SMA) (figure 2).

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À partir de séra murins, une analyse large non ciblée par spectrométrie de masse en tandem a montré qu’E. faecium B6 augmentait ou diminuait des métabolites, sous régime NCD (30 et 85) ou HFD (18 et 45). La modification la plus marquée était l’augmentation de la tyramine (figure 3). Des analyses complémentaires suggèrent qu’E. faecium B6 a la capacité de produire la tyramine. En outre, le traitement par tyramine de souris so us régime NCD ou HFD reproduit le développement d’une NAFLD, sans effet sur le poids comme E. faecium B6, et modifie de manière similaire l’expression des gènes codant pour PPARγ, CD36, CPT-1α, TNF-a, IL-6, IL-1β, TGF-β et α-SMA.

Enfin, les auteurs ont confirmé ces résultats chez 123 enfants obèses ayant une NAFLD et 123 témoins. Les taux d’E. faecium B6, du gène codant pour la tyramine (mfnA) étaient plus élevés dans le groupe NAFLD. Ces taux étaient corrélés aux marqueurs biologiques de NAFLD (ASAT, ALAT, triglycérides, cholestérol total et LDL) et des cytokines inflammatoires (TNF-α, IL-6, IL-1β).

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Quelles sont les conséquences en pratique ?

Cette étude confirme l’importance du microbiote intestinal dans le développement des NAFLD et ouvre des perspectives thérapeutiques. Outre Enterococcus faecium B6 et la tyramine, PPARγ pourrait jouer un rôle central en faisant le lien entre accumulation lipidique, inflammation et fibrose.

Points clés
  • E. faecium B6, bactérie isolée chez des enfants obèses ayant une NAFLD, exacerbe la maladie en produisant un métabolite bioactif, la tyramine
  • E. faecium B6 et la tyramine reproduisent de manière similaire une NAFLD chez des souris, sous régime normal et riche en graisses

CONCLUSION

Cette étude a identifié Enterococcus faecium B6 comme souche favorisant le développement de NAFLD chez des enfants obèses. Cette bactérie produit un métabolite bioactif, la tyramine, qui médie ces effets en activant notamment la voie de signalisation PPARg.

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Article commenté

Le microbiome maternel favorise le développement du placenta chez la souris

ARTICLE COMMENTÉ - Rubrique adulte

Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Commentaire de l’article de Pronovost et al. (Science Advances 2023) [1]

Le microbiome maternel est un régulateur important de la santé gestationnelle, mais la façon dont il affecte le placenta en tant qu’interface entre la mère et le foetus reste inexplorée. Les auteurs montrent ici que le microbiote intestinal maternel favorise le développement placentaire chez la souris. L’appauvrissement du microbiote intestinal maternel limite la croissance du placenta et altère la vascularisation foeto-placentaire. Le microbiote intestinal maternel module les métabolites dans la circulation maternelle et foetale. Les acides gras à chaîne courte (AGCC) stimulent la formation de tubes dans les cellules endothéliales cultivées et préviennent les anomalies de la vascularisation placentaire chez les souris déficientes en microbiote. En outre, dans un modèle de malnutrition maternelle, la supplémentation gestationnelle en AGCC prévient la restriction de la croissance placentaire et l’insuffisance vasculaire. Ces résultats soulignent l’importance des symbioses hôte-microbe pendant la grossesse et révèlent que le microbiome intestinal maternel favorise la croissance et la vascularisation du placenta chez la souris.

Que sait-on déjà à ce sujet ?

Des études récentes mettent en évidence les influences notables du microbiome maternel sur le développement de la progéniture dès la période prénatale 2, mais on ne sait toujours pas exactement comment le microbiome maternel influe sur la santé materno-foetale pendant la grossesse. À l’intersection de la mère et du foetus se trouve le placenta, très vascularisé, qui permet les échanges materno-foetaux de nutriments et de gaz nécessaires au développement du foetus 3. Les auteurs ont examiné les effets du microbiome intestinal maternel sur le développement du placenta chez la souris, un organe essentiel qui façonne les trajectoires de santé à long terme.

Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?

Pour déterminer les effets du microbiome intestinal maternel sur le développement placentaire, les auteurs ont d’abord élevé des souris gestantes sans germes (GF) ou en appauvrissant le microbiome intestinal par des antibiotiques à large spectre (ABX). L’absence ou l’appauvrissement du microbiome intestinal maternel a entraîné une réduction du poids du placenta par rapport à des souris avec un microbiote conventionnel et à des témoins GF colonisées avec le microbiote conventionnel, CONV) (figure 1). En accord avec les réductions de poids placentaire, la déficience du microbiome maternel a conduit à des réductions du volume placentaire total, ainsi qu’à une réduction du volume et de la densité des tissus dans le labyrinthe placentaire, le principal site d’échange materno-foetal. En plus de la physiopathologie placentaire induite par l’ABX chez la mère, nous avons observé des diminutions correspondantes du poids et du volume du foetus. La vascularisation foeto-placentaire de mères déficientes en microbiote présentait un volume et une surface vasculaires réduits, avec des diminutions visibles des branches vasculaires, par rapport aux témoins (figure 1). Cela suggère que le microbiome maternel commande le développement vasculaire à des moments critiques de la gestation. Étant donné que le microbiome maternel régule de nombreux métabolites circulants, les auteurs ont émis l’hypothèse que les insuffisances de vascularisation foeto-placentaire pourraient être liées au microbiote et pourraient résulter d’altérations des métabolites clés dans la circulation foetale. Les auteurs se sont penchés spécifiquement sur le rôle des acides gras à chaîne courte (AGCC). Les AGCC sont produits par la fermentation bactérienne des hydrates de carbone et sont significativement réduits dans le sérum maternel et foetal des mères déficientes en microbiote.

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Sur la base de recherches antérieures démontrant que la supplémentation maternelle en AGCC conduit à un transfert direct des AGCC de la circulation maternelle à la circulation foetale, les auteurs ont traité les mères ABX avec de l’eau supplémentée en AGCC ou de l’eau contrôle. Cette stratégie de supplémentation augmentait de manière significative les concentrations de butyrate et de propionate dans le sang total du foetus. Le traitement maternel par AGCC a augmenté le poids du placenta et corrigé les altérations de la croissance placentaire des mères ABX à des niveaux comparables à ceux des témoins, avec des augmentations correspondantes du volume total du placenta et du labyrinthe. Des cellules endothéliales de la veine ombilicale humaine (HUVEC) ont ensuite été traitées par des AGCC à des concentrations physiologiques. Les AGCC acétate et propionate augmentaient de manière significative la longueur des ramifications des HUVEC par rapport aux témoins véhicules, alors que le signal avec le butyrate était moins clair. Cet effet dépendait des récepteurs aux AGCC, FFAR2 et FFAR3 (free fatty acid receptor 2 and 3). Dans le contexte de la malnutrition maternelle induite par la restriction protéique, la supplémentation maternelle en AGCC était suffisante pour restaurer le poids et le volume total du placenta et augmenter la vascularisation foeto-placentaire.

Quelles sont les conséquences en pratique ?

Cette étude démontre le rôle du microbiote intestinal maternel dans la physiologie, et particulièrement la vascularisation placentaire. Les déficits vasculaires placentaires sont associés à une réduction du poids du foetus, à la prééclampsie, et, à l’âge adulte, à un risque accru de nombreuses pathologies. Des interventions cib lant le microbiote, en première intention nutritionnelle, pour favoriser la production d’AGCC pourraient jouer un rôle protecteur.

Points clés
  • Dans l’ensemble, ces données révèlent le rôle clé du microbiome intestinal maternel dans la promotion de la croissance et du développement du placenta
  • Le microbiome maternel est nécessaire au bon développement de la vascularisation foeto-placentaire
  • Les AGCC favorisent la croissance du placenta et le développement vasculaire, même dans des conditions de malnutrition maternelle

 

CONCLUSION

Cette étude révèle que les fonctions métaboliques apportées par le microbiome intestinal maternel pendant la grossesse font partie intégrante du soutien à la croissance et à la vascularisation du placenta chez la souris. Une meilleure compréhension de la manière dont le microbiome intestinal maternel affecte la structure et le fonctionnement du placenta pourrait permettre de mettre au point de nouvelles approches visant à promouvoir la santé maternelle et foetale et à réduire le risque de maladies chroniques.

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Article commenté

Helicobacter pylori et microbiote gastro-intestinal

Par le Pr. Juozas Kupcinskas
Département de gastro-entérologie et Institut de recherche digestive, université lituanienne des sciences de la santé, Kaunas, Lituanie

L’infection par Helicobacter pylori (H. pylori) touche environ 50 % de la population mondiale et il s’agit de l’infection bactérienne la plus fréquente au monde. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), H. pylori est classée agent cancérigène du groupe 1, pouvant être à l’origine d’affections précancéreuses et cancéreuses de l’estomac, dont l’adénocarcinome gastrique. On pensait auparavant que H. pylori était le seul micro-organisme à vivre dans l’estomac humain, mais les récentes avancées technologiques ont permis de mieux comprendre le microbiote gastrique. H. pylori joue un rôle pivot dans le façonnage de l’environnement microbien de l’estomac. Cependant, un microbiote gastrique « non-Helicobacter » a également été décrit et fait actuellement l’objet de nombreuses recherches. Il est clair que H. pylori est un facteur modulateur majeur du microbiote gastrique, mais d’autres espèces pourraient également contribuer à des mécanismes cancérigènes. Les effets exercés par les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et les traitements visant à éradiquer H. pylori sur les altérations du microbiote ont aussi été étudiés. Dans cet article de synthèse, nous allons résumer les dernières découvertes réalisées sur le microbiote gastrique et le rôle joué par H. pylori dans son façonnage, ainsi que concernant l’impact de l’éradication de H. pylori et des IPP sur le microbiote humain.

H. pylori est la principale bactérie qui façonne la composition du microbiote gastrique

Le microbiote gastrique fait l’objet de plus en plus d’attention, un intérêt croissant étant porté à ses facteurs déterminants. Vilchez-Vargas et al. ont étudié la composition microbienne dans différents compartiments gastro-intestinaux (GI). Lors de cette étude qui a porté sur une cohorte de 108 paires de jumeaux, des biopsies de microbiote gastrique provenant de la muqueuse de l’estomac ont été analysées. La diversité microbienne a été évaluée par amplification et séquençage des régions V1-V2 du gène de l’ARNr 16S. Les résultats ont concordé avec ceux précédemment rapportés, montrant que H. pylori est un facteur clé de la composition du microbiote gastrique 1.

Hua et al. ont conduit une étude sur une cohorte de 193 patients afin d’examiner l’impact de H. pylori sur la richesse et la diversité du microbiote gastrique chez des personnes atteintes de gastrique chronique. Ils ont procédé à un profilage de la région V3-V4 du gène de l’ARNr 16S et ont observé des altérations significatives du microbiote gastrique causées par l’infection à H. pylori. En effet, H. pylori a inhibé les genres dominants du microbiote gastrique, à savoir Aliidiomarina, Reyranella, Halomonas, Pseudomonas et Acidovorax. Leurs résultats ont indiqué que les souches virulentes de H. pylori étaient significativement associées à la gastrite atrophique chronique et qu’elles réduisaient la richesse du microbiote gastrique 2.

Schulz et al. ont analysé les différences de composition microbienne entre des patients infectés par H. pylori et des patients H. pylori-négatifs. Ils ont observé une différence significative au niveau de l’abondance relative des Proteobacteria, qui étaient davantage présentes dans les aspirations des patients infectés par H.pylori. Les autres phyla ont montré une abondance relative plus faible (figure 1) 3.

Miftahussurur et al. ont étudié la variabilité microbienne gastrique entre des patients H. pylori-positifs et des patients H. pylori- négatifs dans une cohorte de 137 Indonésiens. Ils ont observé que la richesse et la diversité β étaient significativement plus élevées dans les échantillons H. pylori- positifs que dans les échantillons H.pylori-négatifs. En outre, leurs résultats ont suggéré que H. pylori jouerait un rôle de premier plan dans le façonnage de la communauté microbienne gastrique de ce groupe ethnique 4.

Ces études montrent collectivement que H. pylori est un facteur crucial qui influence la diversité et la richesse du microbiote gastrique dans l’environnement hostile de l’estomac.

Qu’est-ce que le véritable microbiote gastrique ?

L’estomac possèdes des conditions extrêmes pour les micro-organismes vivants. Il y a quelques décennies, on a observé que la bactérie H. pylori était capable de supporter ces conditions hostiles. Cette découverte a éveillé la curiosité et a conduit à mener davantage de recherches sur le microbiote gastrique. On ne sait toujours pas clairement si les bactéries non-Helicobacter de l’estomac représentent des contaminants transitoires ou si elles constituent un microbiote persistant. Spiegelhauer et al. ont mené une étude portant sur 22 patients atteints de dyspepsie et 12 patients atteints d’adénocarcinome gastrique 5. Ils ont prélevé des biopsies sur la muqueuse de l’estomac et ont analysé la région V3-V4 du gène de l’ARNr 16S, en plus de la mise en culture des micro-organismes. Les auteurs ont émis l’hypothèse selon laquelle H. pylori serait la seule bactérie résidant véritablement dans l’estomac et qu’elle persisterait dans les biopsies lavées. Leurs résultats ont indiqué que la charge bactérienne diminuait dans les biopsies lavées, suggérant une contamination transitoire depuis la cavité buccale. Toutefois, la diversité des micro-organismes n’était pas différente entre les biopsies lavées et non lavées.

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On ne sait toujours pas clairement si les micro-organismes non-H. pylori présents dans l’estomac sont des contaminants transitoires ou de véritables résidents.

Il est possible que les micro-organismes vivants contenus dans la salive avalée continuellement survivent dans des conditions acides pendant un certain temps. Une contamination depuis la région oropharyngée supérieure lors de la gastroscopie et du prélèvement des échantillons doit également être envisagée 6. Ces résultats montrent qu’il est nécessaire de poursuivre les investigations afin de déterminer la nature du véritable microbiote gastrique.

Effet de l’éradication de H. pylori sur le microbiote gastrique et intestinal

L’infection à H. pylori est l’une des plus répandues dans le monde, touchant plus de la moitié de la population humaine. La plupart des schémas thérapeutiques visant H. pylori impliquent au moins deux antibiotiques, ce qui peut avoir un impact sur le microbiote gastro-intestinal. Liou et al. ont étudié les modifications à long terme du microbiote intestinal après éradication de H. pylori. Leur essai multicentrique randomisé a inclus 1 620 participants répartis de manière aléatoire dans trois groupes de traitement. Les auteurs ont évalué la diversité bactérienne en analysant des échantillons fécaux recueillis à différentes échéances après l’éradication. Les résultats ont montré que les diversités alpha et bêta avaient diminué dans les deux semaines suivant l’éradication mais étaient revenues à leur niveau initial à la semaine 8 et un an plus tard. Ces résultats ne mettent en évidence qu’une perturbation à court terme du microbiote gastro-intestinal et suggèrent que le traitement d’éradication de H. pylori est globalement sûr à long terme 7.

He et al. ont rapporté des altérations du microbiote gastro-intestinal suite à l’éradication de H. pylori, après analyse du gène de l’ARNr 16S dans des échantillons de muqueuse gastrique et de selles. Ils ont observé que la diversité alpha du microbiote gastrique avait augmenté et que la diversité bêta du microbiote intestinal était significativement modifiée par rapport aux niveaux avant traitement mais ressemblait à celle des témoins sains 24 semaines après l’éradication 8.

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Guo et al. ont résumé les données disponibles sur les modifications du microbiote gastrique après l’éradication réussie de H. pylori. Leur revue systématique avec méta-analyse incluait neuf études portant sur 546 patients. Cette méta-analyse est la première à détailler les modifications de la diversité alpha après éradication de H. pylori. Les résultats n’ont pas mis en évidence de différences significatives au niveau de la diversité microbienne entre les différentes options thérapeutiques utilisées, à savoir quadri- ou trithérapie. Les auteurs ont observé une augmentation de la diversité alpha à court terme, qui a persisté au cours du suivi à long terme, avec une déplétion en taxa liés à H. pylori et un enrichissement en bactéries gastriques commensales fréquentes 9. Afin d’évaluer l’effet de l’éradication de H. pylori sur le microbiote intestinal, Yap et al. ont mené une étude sur 17 jeunes adultes. Ils ont séquencé la région V3-V4 du gène de l’ARNr 16S et ont analysé le microbiote intestinal avant et 18 mois après éradication de H. pylori avec un traitement par clarithromycine et métronidazole. Aucune modification significative de la diversité microbienne n’a été observée entre l’évaluation initiale et 18 mois après l’éradication 10.

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Les IPP sont des facteurs modulateurs majeurs du microbiote intestinal

La consommation mondiale d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) est en augmentation et ils font désormais partie des 10 médicaments les plus utilisés dans le monde 11. Ils sont utilisés en traitement de première ligne dans des affections telles que le reflux gastro-oesophagien, l’ulcère gastroduodénal, la dyspepsie et, en association avec des antibiotiques, dans le traitement des infections à H. pylori 12. Les IPP sont souvent utilisés hors des indications basées sur les preuves ou pendant une durée plus longue que celle prescrite, et leur utilisation a été associée à un risque accru d’infections dues notamment à Clostridium difficile, Salmonella spp., Shigella spp., Campylobacter spp. et d’autres agents pathogènes entériques 11.

Imhann et al. ont analysé le microbiote de 211 sujets utilisant des IPP en séquençant la région V4 du gène de l’ARNr 16S. Ils ont observé une diminution significative de la diversité alpha chez les utilisateurs d’IPP et une augmentation de l’abondance de bactéries des genres Enterococcus, Streptococcus, Staphylococcus et Veillonella (figure 2). Les genres Enterococcus et Veillonella ont été reliés à une plus grande sensibilité aux infections à Clostridium difficile 11. Si les IPP sont globalement considérés comme sûrs avec des effets indésirables relativement rares, des données suggèrent qu’ils exerceraient un impact négatif sur le microbiote intestinal.

Zhang et al. ont réalisé une méta-analyse des effets des IPP sur le microbiote intestinal humain, en analysant les données de quatre études avec séquençage d’amplicons du gène de l’ARNr 16S. Leurs résultats ont démontré un impact significatif de l’utilisation des IPP sur la diversité microbienne, une diversité alpha plus faible ayant été observée chez les utilisateurs d’IPP que chez les témoins. Ils ont mis en évidence une diminution des genres Parabacteroides, Veillonella, Bacteroides et Prevotella, ainsi que des familles Ruminococcaceae et Lachnospiraceae (figure 2) 13.

Weitsman et al. ont mené une étude sur 177 sujets utilisateurs d’IPP et témoins non-utilisateurs, appariés selon un rapport de 1/2. Ils ont analysé des échantillons de selles et, pour la première fois, des microbiotes duodénaux. Aucune différence significative de diversité alpha ou bêta n’a été retrouvée entre les utilisateurs d’IPP et les témoins. Cependant, au niveau des familles, ils ont observé chez les utilisateurs d’IPP une abondance relative plus élevée de Campylobacteraceae (phylum Proteobacteria) et une abondance relative plus faible de Clostridiaceae (phylum Firmicutes). L’analyse des selles a également révélé une réduction de Clostridiaceae et une augmentation de Streptococcaceae 14.

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Dans l’ensemble, ces études indiquent que les IPP affectent le microbiote humain. Il conviendra de poursuivre les investigations pour confirmer la pertinence clinique de ces résultats.

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Conclusion

L’estomac possèdes des conditions extrêmes pour les microorganismes vivants, et des équipes cherchent toujours à déterminer si le microbiote gastrique est persistant ou s’il s’agit simplement de micro-organismes transitoires. Malgré ses répercussions sur le plan clinique, H. pylori joue un rôle notable dans le façonnage du microbiote de l’estomac. L’éradication de H. pylori semble n’avoir qu’un impact temporaire et réversible sur la composition des microbiotes gastrique et intestinal. Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) figurent parmi les médicaments les plus consommés. Des études scientifiques indiquent que les IPP altèrent la structure du microbiote intestinal ; toutefois, la pertinence clinique de ces modifications doit faire l’objet d’investigations plus poussées.

Sources

1. Vilchez-Vargas R, Skieceviciene J, Lehr K, et al. Gut microbial similarity in twins is driven by shared environment and aging. eBioMedicine 2022; 79: 104011.

2. Hua Z, Xu L, Zhu J, et al. Helicobacter pylori infection altered gastric microbiota in patients with chronic gastritis. Front Cell Infect Microbiol 2023; 13: 1221433.

3. Schulz C, Schütte K, Koch N, et al. The active bacterial assemblages of the upper GI tract in individuals with and without Helicobacter infection. Gut 2018; 67: 216-25.

4. Miftahussurur M, Waskito LA, El‐Serag HB, et al. Gastric microbiota and Helicobacter pylori in Indonesian population. Helicobacter 2020; 25: e12695.

5. Spiegelhauer MR, Kupcinskas J, Johannesen TB, et al. Transient and persistent gastric microbiome: adherence of bacteria in gastric cancer and dyspeptic patient biopsies after washing. J Clin Med 2020; 9: 1882.

6. Klymiuk I, Bilgilier C, Stadlmann A, et al. The human gastric microbiome is predicated upon infection with Helicobacter pylori. Front Microbiol 2017; 8: 2508.

7. Liou JM, Chen CC, Chang CM, et al. Long-term changes of gut microbiota, antibiotic resistance, and metabolic parameters after Helicobacter pylori eradication: a multicentre, open-label, randomised trial. Lancet Infect Dis 2019; 19: 1109-20.

8. He C, Peng C, Wang H, et al. The eradication of Helicobacter pylori restores rather than disturbs the gastrointestinal microbiota in asymptomatic young adults. Helicobacter 2019; 24: e12590.

9. Guo Y, Cao XS, Guo GY, Zhou MG, Yu B. Effect of Helicobacter pylori eradication on human gastric microbiota: a systematic review and meta-analysis. Front Cell Infect Microbiol 2022; 12: 899248.

10. Yap TWC, Gan HM, Lee YP, et al. Helicobacter pylori eradication causes perturbation of the human gut microbiome in young adults. Plos One 2016; 11: e0151893.

11. Imhann F, Bonder MJ, Vich Vila A, et al. Proton pump inhibitors affect the gut microbiome. Gut 2016; 65: 740-8.

12. Kiecka A, Szczepanik M. Proton pump inhibitor-induced gut dysbiosis and immunomodulation: current knowledge and potential restoration by probiotics. Pharmacol Rep 2023; 75: 791-804.

13. Zhang J, Zhang C, Zhang Q, et al. Meta-analysis of the effects of proton pump inhibitors on the human gut microbiota. BMC Microbiol 2023; 23: 171.

14. Weitsman S, Celly S, Leite G, et al. Effects of proton pump inhibitors on the small bowel and stool microbiomes. Dig Dis Sci 2022; 67: 224-32.

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Article Intestinal

L’effet surprenant du café sur le microbiote

Un seul aliment peut-il provoquer un changement radical dans la composition du microbiote ? Oui, le café ! Celui-ci stimulerait fortement la prolifération d’une bactérie intestinale jusqu’alors peu connue selon une nouvelle étude. 1

Le microbiote intestinal L'alimentation

On connaît les vertus du café sur la santé. Mais quel est précisément son effet sur le microbiote ? 

Pour répondre à ces questions, des chercheurs des université d’Harvard (États-Unis) et de Trente (Italie) ont analysé le microbiote intestinal et la consommation de café de plus de 22 000 volontaires impliqués dans un programme de recherche anglo-américain.

Ils ont classé les participants en trois groupes : 

  • « Non-buveurs », qui consommaient moins de 3 tasses de café par mois ;
  • « Buveurs modérés », qui en buvaient entre 3 tasses par mois et 3 tasses par jour.
  • « Gros buveurs », qui en buvaient plus de 3 tasses par jour ;

Abstinents vs. addicts, pas les mêmes effets

Résultat : le microbiote des buveurs de café est clairement différent de celui des non-buveurs. L’analyse montre que 115 espèces bactériennes réagissent positivement à la boisson.

Combien de café par jour ? ²

  • 1 tasse de café filtre (200 ml) = 90 mg de caféine
  • 1 expresso (60 ml) = 80 mg de caféine
  • 1 tasse de thé noir (220 ml) = 50 mg de caféine

Une consommation excessive de caféine (présente dans le café et le thé) est associée à des problèmes cardiovasculaires, des troubles du sommeil et un retard de développement du fœtus. Quelles sont les doses sans risque ?

  • Jusqu’à 200 mg de caféine par jour, le café est sans risque chez l’ensemble des adultes en bonne santé (jusqu’à 400 mg si la consommation est étalée sur la journée, sauf pour les femmes enceintes).
  • A partir de 100 mg de caféine par jour, il peut y avoir un impact sur le sommeil.

Fait surprenant : Lawsonibacter asaccharolyticus, une souche bactérienne du microbiote peu étudiée jusqu’à présent, est le microorganisme qui est le plus fortement lié à la consommation de café. Selon les calculs des scientifiques, son niveau est 4,5 à 8 fois plus élevé dans le microbiote des « gros buveurs » que dans celui des « non-buveurs » et 3,4 à 6,4 fois plus élevé chez les « buveurs modérés » que chez les « non-buveurs ».

En analysant un autre jeu de données sur plusieurs milliers de personnes vivant dans 25 pays différents, les chercheurs confirment que la présence de L. asaccharolyticus est bien associée à la consommation de café, et donc que cette association existe, quel que soit le pays ou le mode de vie.

Les vertus du café, médiées par le microbiote ?

S’il y a un aliment dont les effets bénéfiques sont démontrés, c’est bien le café. Les études indiquent qu’une consommation régulière est associée à un risque plus faible :

  • de diabète
  • de cancer 
  • de maladie du foie gras
  • de maladies cardio-vasculaires
  • de mortalité toutes causes confondues

Son secret ? Sa teneur en polyphénols, notamment en acide chlorogénique un antioxydant présent en grande quantité dans la boisson. Cette molécule est susceptible d’être dégradée et transformée par les bactéries intestinales en de multiples métabolites potentiellement bénéfiques. Le microbiote pourrait donc être un médiateur des effets bénéfiques du café sur la santé.

Dans une précédente étude menée sur 1000 individus, les mêmes scientifiques avaient montré que, parmi 150 aliments, le café était de loin celui qui a l’impact le plus important sur la composition du microbiote intestinal.

La caféine hors de cause

Afin de vérifier que la croissance exceptionnelle de L. asaccharolyticus est directement liée au café, les scientifiques ont ensuite cultivé la bactérie in vitro, dans des milieux de culture additionnés ou non du café. Leurs résultats confirment que la bactérie se développe plus rapidement en présence de café… même quand celui-ci est décaféiné, ce qui met la caféine hors de jeu.

Il se pourrait en fait que l’acide chlorogénique, un polyphénol du café supposé contribuer à ses effets bénéfiques, soit en cause dans la stimulation des L. asaccharolyticus. Ce dernier est métabolisé par les bactéries du microbiote en diverses molécules, notamment en acide quinique. Or, les chercheurs ont trouvé plus d’acide quinique dans le sang de ceux qui avaient les taux de L. asaccharolyticus plus élevés.

Prochaine étape pour les chercheurs : déterminer si d’autres aliments que le café stimulent spécifiquement des bactéries bénéfiques déjà connues. Grâce à des tests permettant de révéler la présence ou l’absence de certaines bactéries associées à un aliment, il serait possible de concevoir des régimes personnalisés. 3

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Actualités

L’effet anti-dépression des agrumes : une histoire de bactéries intestinales ?

La consommation d'agrumes pourrait réduire de 22 % le risque de dépression, via l'axe intestin-cerveau. Les flavonoïdes des agrumes favoriseraient des bactéries bénéfiques, comme Faecalibacterium prausnitzii, produisant un métabolite améliorant la disponibilité de la sérotonine et la dopamine.

La dépression, qui toucherait plus de 280 millions de personnes dans le monde, reste difficile à prendre en charge : 70 % des patients ne répondent pas aux antidépresseurs voire développent des effets secondaires. D’où l’urgence d’identifier des causes modifiables et de développer de nouvelles thérapies.

Le régime méditerranéen ayant montré des effets bénéfiques sur la dépression, des chercheurs se sont penchés sur l’axe intestin-cerveau. Et plus précisément sur l'interaction entre la consommation d'agrumes, le microbiote intestinal et le risque de dépression chez 32 427 femmes issues de la cohorte d’infirmières anglaises Nurses’ Health Study II (NHSII)1

Plus d’agrumes, moins de dépression

Entre 2003 et 2017, 2 173 cas de dépression ont été observés chez 32 427 femmes de la NHSII. Au regard de leurs consommations alimentaires, les chercheurs 2 montrent que les plus grosses consommatrices d’agrumes (vs quintile des plus petits consommatrices) affichent un risque de dépression réduit de 22%, après ajustement.

Ce lien serait spécifique des agrumes : aucune association significative n'a été trouvée entre la dépression et la consommation totale de fruits, de légumes, de pommes ni de bananes.

Quels composants des agrumes expliqueraient leur effet anti-dépression ? A priori, seuls la naringénine et la formononetine, deux flavonoïdes notamment présents dans le jus et la peau des agrumes, seraient impliqués. La médiatique vitamine C serait quant à elle sans lien.

Femmes Le trouble dépressif touche davantage les femmes que les hommes. ²

70 % des patients souffrant de dépression ne répondent pas au traitement initial par antidépresseurs et/ou développent des effets secondaires. ³

35 % Les régimes de type méditerranéen ont été associés à une réduction de près de 35 % du risque de dépression.. ³

Les mécanismes en jeu

L’analyse du microbiote de 207 femmes de la NHSII ayant participé à la sous-étude Mind-Body Study 4 dédiée à la santé mentale, a permis aux chercheurs de montrer que la consommation d'agrumes favorise la présence de bactéries bénéfiques, dont Faecalibacterium prausnitzii, une bactérie sous-représentée chez les dépressifs, et réduit la présence de quelques bactéries pro-inflammatoire 3.

Cette corrélation a été confirmée par les chercheurs dans une cohorte d’hommes (Men’s Lifestyle Validation Study). Restait à comprendre le lien entre cette bactérie et le cerveau.

Restait à comprendre le lien entre cette bactérie et le cerveau. Les travaux de l’équipe suggèrent que F. prausnitzii produit un métabolite appelé S-Adenosyl-L-méthionine (ou SAM). Ce dernier réduirait l'expression de la monoamine oxydase A (MAOA) dans le côlon, une enzyme jouant un rôle crucial dans la dégradation de neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine.

Ainsi, il est possible que la production de SAM par F. prausnitzii conduise à une plus grande disponibilité des neurotransmetteurs (en réduisant l’expression de la monoamine oxydase A qui les dégrade), ce qui pourrait ensuite moduler l'activité du nerf vague.

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Actualités Médecine générale

Agrumes et bactéries : le cocktail naturel contre la dépression

Manger des agrumes pourrait réduire de 22 % le risque de dépression. Les flavonoïdes présents dans ces fruits favoriseraient certaines bonnes bactéries intestinales, qui augmenteraient la disponibilité de substances essentielles au bien-être, comme la sérotonine et la dopamine.

Le microbiote intestinal Santé mentale L'alimentation

Tristesse persistante, perte durable de la capacité à éprouver de l’intérêt ou du plaisir pour les activités qui en procuraient auparavant : les troubles dépressifs, également regroupés sous le terme de « dépression », sont des troubles mentaux courants qui toucheraient plus de 280 millions de personnes à travers le monde. Souvent, les traitements traditionnels comme les antidépresseurs n’ont pas l’effet espéré. Certains patients voient même leurs symptômes s’aggraver ou rencontrent des effets secondaires indésirables.

Et si la solution contre le blues se trouvait non pas dans une pilule, mais... dans une coupe de fruits ? Une étude récente 1 suggère que les oranges, citrons, clémentines, pamplemousses et autres agrumes pourraient avoir un effet anti-dépression.

35% Les régimes de type méditerranéen ont été associés à une réduction de près de 35 % du risque de dépression. ¹

70% des patients souffrant de dépression ne répondent pas au traitement initial par antidépresseurs et/ou développent des effets secondaires. ¹

22 % de dépression en moins

Telle est la découverte d’une équipe de chercheurs qui s’est penchée sur l’impact de la consommation d’agrumes sur la dépression en reprenant les données de plus de 32 000 femmes d’une cohorte américaine suivies pendant 14 ans. Leur découverte ? Une consommation plus élevée d’agrumes était associée à une réduction de 22 % du risque de dépression.

Women

Depression is more common among women than men. ²

Les 20 % de femmes qui mangeaient le plus d’agrumes avaient bien moins de chances de sombrer dans une dépression clinique. Comment expliquer un tel effet ? Via notre microbiote intestinal, cet ensemble de bactéries et autres micro-organismes qui colonisent notre intestin, répondent les chercheurs.

Un microbiote aux petits soins

Il semble ainsi que ce petit monde qui peuple notre tube digestif joue (aussi !) un rôle crucial dans notre bien-être mental. Et ce, via ce que les scientifiques appellent l’axe intestin-cerveau. Comment ? Les flavonoïdes, des substances naturelles que l’on trouve dans les agrumes, seraient capables de moduler notre flore intestinale, en particulier en favorisant la croissance de Faecalibacterium prausnitzii. Cette bactérie serait capable de fabriquer une molécule appelée SAM (pour S-Adenosyl-L-méthionine).

L’axe intestin-cerveau : Quel est le rôle du microbiote ?

En savoir plus

Et c’est là que ça devient intéressant : ce SAM aiderait à réduire l’activité d’une enzyme qui dégrade les fameuses « hormones du bonheur », en l’occurrence la sérotonine et la dopamine. Plus d’agrumes et de F. prausnitzii, moins d’enzyme qui détruit, plus de neurotransmetteurs à disposition… et donc un cerveau plus heureux ! 

Le message de l’étude est donc clair : manger davantage d’agrumes pourrait réduire le risque de dépression. La prochaine fois que vous vous régalerez d’une orange, pensez qu’elle vous aide peut-être à voir la vie… en rose !

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Actualités

Anatomie féminine, microbiotes et hygiène intime

La différence entre la vulve et le vagin (vous ne comprenez pas ?). L'hygiène intime ? (vous ne comprenez toujours pas ?)... Quand on interroge les femmes sur ces sujets, elles sont souvent évasives. Cours pratique d'anatomie et de bonnes pratiques.

Alors qu’on les croyait libérées par les combats féministes des années 2000, les jeunes générations s’avèrent encore moins à l'aise que leurs aînées quand il s’agit de parler des organes génitaux féminins. Et pendant que les quarantenaires, influencées par des spots publicitaires sur la fraîcheur de l’entrejambe, se ruent sur les déodorants intimes, la génération suivante, attentive à son image, se révèle adepte de procédures esthétiques, comme la (sidenote: Vulvoplastie Chirurgie plastique de la vulve, pour augmenter ou réduire la taille ou le volume des grandes lèvres. ) 1. A chaque génération son lien avec l’intime, donc. Reste que l’hygiène et la santé de cette zone corporelle fragile doivent être une préoccupation de tout âge… d’où quelques rappels (dé ?)culottés, afin de lever le voile sur d’éventuels tabous.

Un peu d'anatomie

L’appareil génital féminin est à la fois une terra incognita en termes d’anatomie et un tabou en termes de conversation, y compris chez les femmes. Tant et si bien que les professionnels de santé peinent à comprendre les maux de leurs patientes faute d’explications claires, et/ou parce qu’elles confondent la vulve (partie externe de leur appareil génital) avec leur vagin (partie interne) 1.

Pour faire court :

la vulve, c’est dehors ; le vagin, c’est dedans !

La vulve

comprend un ensemble de tissus visibles lors d’un examen externe 1 :

  • une partie du mont du pubis (ou mont de Vénus), zone charnue et poilue qui recouvre l’os du pubis,
  • le clitoris, lié au plaisir sexuel, homologue féminin du prépuce de l’homme,
  • les grandes lèvres, plis extérieurs protecteurs,
  • les petites lèvres, situées à l’intérieur des grandes lèvres, qui comprennent de nombreuses glandes sébacées,
  • et le vestibule vulvaire, zone située entre les petites lèvres où se trouve l'entrée du vagin et, juste au-dessus, le méat urétral (orifice du système urinaire).

La peau du mont du pubis et des grandes lèvres est dotée de glandes sébacées 1 qui produisent un film hydrolipidique protecteur 1,2. La vulve est par ailleurs dotée de glandes (glandes de Bartholin, glandes de Skene) qui assurent la lubrification des petites lèvres et du vestibule vulvaire lors des rapports sexuels 1.

le vagin

D’une dizaine de centimètres de longueur, le vagin est une cavité qui n’est pas visible de l’extérieur.

  • Sur sa partie basse, il communique avec l’extérieur au niveau de la vulve, et plus précisément du vestibule vulvaire ;
  • à son sommet, il aboutit au col de l’utérus1.

Le vagin peut accueillir les tampons et coupes menstruelles durant les règles, le pénis d’un partenaire lors de rapports sexuels ou votre sextoy préféré… et le speculum de votre gynéco lors de vos rendez-vous médicaux !

Au point où nous en sommes, autant faire le tour de tous les orifices. D’avant en arrière, le sexe féminin comprend, dans l’ordre, trois ouvertures :

  • le méat urinaire, relié à la vessie (qui stocke l’urine) par un canal appelé l’urètre (qui permet d'évacuer l'urine à l'extérieur du corps lors de la miction) 2,
  • puis l’entrée du vagin (reproduction),
  • puis l’anus (selles).

On parle d’ailleurs de :

Zone périanale

pour désigner la zone qui entoure l’anus ;

Zone périnéale

pour désigner le grand ensemble formé par la vulve et la zone péri-anale (autrement dit, tout l’entrejambe) 1.

Actu GP : Infections urinaires récurrentes a la ménopause, la faute au microbiote de la vessie ?

Les microbiotes de l'intime féminin

Notre intimité ne fait pas exception : comme les autres organes, elle abrite un microbiote ou plutôt des microbiotes avec :

Un microbiote vulvaire

Commençons par le microbiote vulvaire. On aurait pu croire qu’il était connu sur le bout des doigts puisque externe. Et pourtant, force est de reconnaître que les données à son sujet ne sont pas légion 1,3. Les rares études évoquent, du bout des lèvres, la possible présence de bactéries diverses et variées (Lactobacillus, Corynebacterium, Staphylococcus et Prevotella) et de champignons de type levures 1,3.

D’ailleurs, peut-être faudrait-il envisager de parler non pas d’un microbiote vulvaire, mais de microbiotes vulvaires (au pluriel), selon les zones de la vulve : un microbiote du mont du pubis, un microbiote des grandes lèvres, un microbiote des petites lèvres3.

Une chose semble néanmoins acquise : la diversité est doublement de mise, que ce soit :

au sein du microbiote vulvaire de chaque femme où coexistent foison de (sidenote: Microorganismes Organismes vivants qui sont trop petits pour être vus à l'oeil nu. Ils incluent les bactéries, les virus, les champignons, les archées, les protozoaires, etc… et sont communément appelés "microbes". Source : What is microbiology? Microbiology Society.
 
)
,
ou entre deux femmes (aucune espèce commune à toutes les femmes n’est répertoriée) 1.

Un microbiote vaginal, ou flore vaginale ou encore flore de Döderlein

Du côté du microbiote vaginal (ou flore vaginale), c’est tout le contraire. Dans le vagin, les lactobacilles (notamment Lactobacillus crispatus, Lactobacillus iners, Lactobacillus gasseri et Lactobacillus jensenii) règnent généralement en maîtres et maintiennent une acidité locale grâce à leur production d’acide lactique 1,4.

Ce pH acide, de 4,0 à 4,5, tient à distance les (sidenote: pathogènes Un pathogène est un microorganisme qui cause, ou peut causer, une maladie Pirofski LA, Casadevall A. Q and A: What is a pathogen? A question that begs the point. BMC Biol. 2012 Jan 31;10:6. ) , de même que l’eau oxygénée et les bactériocines produites par ces mêmes lactobacilles pour venir à bout des pathogènes les plus récalcitrants.

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Composition of the vaginal microbiota_fr
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Représentation des principaux groupes de bactéries du microbiote vaginal, dont les lactobacilles, clés de l’équilibre intime et de la prévention des infections

Un microbiote urinaire

Le microbiote urinaire a longtemps été considéré comme stérile. Une erreur puisque l’urine contenue dans la vessie possède elle aussi un écosystème microbien. Bien que le microbiote urinaire soit bien distinct de ses proches voisins (microbiotes anal, vaginal, ou vulvaire), il partage avec eux certains microorganismes 5. Il est aussi beaucoup moins densement peuplé, et souvent dominé par un seul type bactérien. On retrouve principalement les lactobacilles mais aussi Gardnerella, Streptococcus et Corynebacterium 6.

Un microbiote péri-anal

Enfin, le microbiote périanal est le reflet de notre très riche microbiote intestinal, et notamment colique : lors de l’émission de selles, les bactéries intestinales se retrouvent en contact avec cette zone et peuvent y élire domicile 1.

1 sur 5 Seulement 22 % des femmes déclarent savoir exactement ce qu’est le « microbiote vaginal » (+2 points vs 2023).

Des microbiotes trop proches pour ne pas échanger

Les microbiotes vulvaire, vaginal, et péri-anal évoluent avec le temps. Par exemple, le microbiote vaginal est sous l’influence de l’âge, des hormones sexuelles et de facteurs extérieurs comme la pollution, le stress, les antibiotiques, etc. 4 Des déséquilibres peuvent apparaître : après la ménopause, la chute des œstrogènes induit une perte de lactobacilles et donc une hausse du pH, avec à la clé de fréquentes dysbioses vaginales 7. Le microbiote anal dépend quant à lui surtout de l’alimentation et du stress : un excès d’anxiété induit une réponse inflammatoire qui favorise le développement de bactéries pathogènes dans le tube digestif… qui terminent leur course dans la zone périanale 1.

En parallèle, la proximité des orifices urinaire, vaginal et anal explique de possibles « échanges » de flore entre les 3 microbiotes de ces 3 zones… et la possible invasion du microbiote vaginal par des Escherichia coli digestives par exemple, qui se seraient aventurées au-delà de la zone péri-anale 1.

Vaginose Bactérienne

Un déséquilibre du microbiote vaginal

Antibiotiques

Quels impacts sur le microbiote et notre santé ?

Hyper-hygiène, sur-épilation et vêtement trop serrés : le combo perdant

Parfois, ce sont paradoxalement des pratiques d’hygiène intime inadaptées qui favorisent les échanges et ou des déséquilibres. Un lavage trop agressif (produits inadaptés) ou trop fréquent (plus d’une fois par jour) de la vulve peut rapidement mettre à mal la fonction barrière de la peau de cette zone, très fragile et très réactive. L’eau seule peut suffire à l’assécher et à l’exposer à des démangeaisons et brûlures 8. Quant aux savons parfumés, sprays hygiéniques, lubrifiants, déodorants… que certaines s’auto-prescrivent pour tenter de traiter les odeurs, démangeaisons, douleurs et sécheresses, ils sont contre-productifs 4.

A proscrire également :

Les produits non destinés à la toilette intime (désinfectants pour les mains, lingettes pour bébé, huiles, crème à raser et lotions pour le corps). Ces derniers sont détournés de leur usage premier par plus de femmes que l’on ne le pense : 41,6 % des femmes d’une étude reconnaissent avoir utilisé des lingettes pour bébé pour leur toilette vulvaire… et 2,1 % pour une toilette vaginale interne 4 !

Et rappelons-le au passage :

le vagin n’a aucunement besoin d’être nettoyé.

Autre erreur récurrente : l’épilation ou le rasage total de la vulve 1,9. Un phénomène de mode qui concerne 84 % des Américaines préménopausées, pour 2/3 desquelles il s’agit d’une routine quotidienne ou hebdomadaire. Souvent justifié par des raisons d’hygiène, elle est tout au contraire associée avec des lésions qui facilitent l’entrée de bactéries ou de virus. D’ailleurs, on observerait une altération du microbiote vaginal chez les femmes qui décident d’une épilation totale de leur vulve 9.

Enfin, le port de vêtements très serrés et synthétique semble favoriser le développement de pathogènes (environnement plus humide et chaud), avec à la clé des démangeaisons et des problèmes urogénitaux plus fréquents 1.

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Caring for the vaginal microbiota_fr
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 Bonnes pratiques pour préserver le microbiote vaginal : toilette intime douce, prébiotiques et probiotiques – à l'inverse des douches vaginales, savons agressifs et solutions antiseptiques.

Mieux informer les femmes

1 sur 2 52 % des femmes interrogées déclarent n’avoir jamais reçu des informations sur les bons gestes de toilette intime et 25 % n’avoir été informées qu’à une seule reprise par leur praticien de santé.

Pourquoi un tel décalage entre les pratiques et les recommandations ? Les raisons sont sans doute multiples :

  • trop peu de femmes sont informées par leur médecin sur les bons gestes : 52 % des femmes interrogées déclarent n’avoir jamais reçu de telles informations et 25 % n’avoir été informées qu’à une seule reprise par leur praticien de santé ;
  • la confusion fréquente entre vulve et vagin entretient la mauvaise compréhension des messages ;
  • les mythes les plus stupides sont souvent les plus tenaces 1.

L’enjeu est d’autant plus important que la vulve est la première ligne de défense du système génital des femmes 10.

Ce que les femmes savent (et ignorent) de leur microbiote vaginal

Découvrez les résultats 2024 de l'Observatoire international du microbiote

Les (vraies !) bonnes pratiques d’hygiène

Les bons gestes pour préserver le microbiote et le délicat film hydrolipidique protecteur du sexe féminin ? Une routine qui respecte l’équilibre de la vulve et des soins adaptés à l’âge et aux spécificités de chaque femme.

Avec dans tous les cas 3 grands principes immuables 10 :

  • un lavage externe uniquement (= de la vulve, pas de douche vaginale), d’avant en arrière (la vulve puis l’anus)
  • sans gant de toilette (susceptible de contenir des bactéries) mais avec vos mains préalablement lavées,
  • une fois par jour. Seules les femmes souffrant de diarrhées fréquentes peuvent justifier un lavage externe plus fréquent (du fait des selles plus fréquentes). Idem en période de règles où il est éventuellement possible de procéder à une seconde toilette intime dans la journée.
Quel produit utiliser pour la toilette intime féminine ?

Le lavage à l'eau uniquement peut dessécher la peau et aggraver les démangeaisons 10. Il convient de privilégier un soin lavant doux, sans savon, qui respecte le microenvironnement vulvaire et maintient l’équilibre de son microbiote 1. Et c’est tout. Soyez intimement convaincue que, sur cette délicate zone corporelle, le mieux est l’ennemi du bien.

Quelles bonnes pratiques au quotidien quand on est une femme ?

Enfin, quelques autres recommandations vous aideront à adopter les bons gestes tout au long de la journée 10 :

  • la nuit, évitez les sous-vêtements ;
  • au sortir de la douche (à préférer au bain), séchez–vous soigneusement avec votre serviette personnelle, sans frotter mais en tamponnant doucement votre entrejambe ;
  • lorsque vous vous habillez, optez pour des sous-vêtements en coton plutôt qu’en matière synthétique, évitez l’usage régulier de protèges slip, privilégiez les vêtements amples, remplacez si possible vos collants par des bas ;
  • aux toilettes, essuyez-vous d’avant en arrière (pour ne pas ramener des bactéries anales vers la vulve) avec un papier non parfumé et idéalement non coloré ;
Comment faire sa toilette intime après les rapports ou pendant les règles ?
  • encore une fois on garde les grands principes de la toilette intime (lavage externe uniquement ; avec vos mains ; une fois par jour… ) 10
  • après des relations sexuelles (protégées !, tant que vous ne savez pas si votre partenaire peut être porteur d’une IST), prenez soin d’uriner si vous êtes sujette aux cystites ;
  • en période de règles, n’utilisez pas de protections périodiques parfumées et changez régulièrement votre protection ou tampon. 10

Probiotiques et prébiotiques

La bonne santé du microbiote vaginal repose sur une bonne hygiène intime. Mais parfois, cela ne suffit pas et un petit coup de pouce peut s’avérer nécessaire pour re-doper les bonnes bactéries de notre microbiote, avec :

Probiotiques

Des probiotiques, micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantité appropriée, produisent des effets bénéfiques sur la santé de l’hôte 11,12. Administrés par voie orale ou vaginale, ils peuvent contribuer à restaurer la flore vaginale, à améliorer les symptômes et à réduire le risque de récidive de différentes infections vaginales, et ce de la puberté à la ménopause 13.

Prébiotiques

Des prébiotiques, fibres alimentaires non digestibles qui exercent des effets positifs sur la santé et qui sont utilisés de manière sélective par les microorganismes bénéfiques du microbiote de l’hôte 12, 14. Ou pour faire plus court, les aliments préférés des probiotiques qui vont favoriser leur développement. Ainsi, les prébiotiques féminins boostent les lactobacilles vaginaux et participent à la normalisation de l’acidité vaginale 15,16.

Quelle est la différence entre les prébiotiques, les probiotiques et les postbiotiques ?

Découvrez-la

Pour résumer...

Les organes génitaux féminins sont constitués de :

  • la vulve (partie externe)
  • et le vagin (cavité qui relie la vulve à l’utérus, dans laquelle vous pouvez introduire un tampon lorsque vous avez vos règles).

Il abrite plusieurs microbiotes : un microbiote vulvaire où la diversité est de mise, un microbiote vaginal largement dominé par les lactobacilles, un microbiote urinaire peu densément peuplé (on a longtemps pensé, à tort, que l’urine était stérile) et un microbiote péri-anal très riche (contact avec les selles).

La proximité des orifices urinaire, vaginal et anal explique de possibles « échanges » de flore entre les microbiotes de ces zones, d’autant plus en cas d’hygiène intime inadaptée : lavage trop agressif, épilation ou rasage total, port de vêtements trop serrés…

Faute d’être informées, beaucoup de femmes n’ont pas adopté les bons gestes pour protéger leurs microbiotes. Mais il n’est pas trop tard : osez en parler avec votre médecin !

Si votre microbiote vaginal est en berne, des prébiotiques et probiotiques peuvent vous aider à restaurer une flore vaginale équilibrée.

Sources

1. Graziottin A. Maintaining vulvar, vaginal and perineal health: Clinical considerations. Womens Health (Lond). 2024;20:17455057231223716.

2. Biology of the Kidneys and Urinary Tract. MSD Manuel. https://www.msdmanuals.com/home/kidney-and-urinary-tract-disorders/biology-of-the-kidneys-and-urinary-tract

3. Pagan L, Ederveen RAM, Huisman BW, Schoones JW, Zwittink RD, Schuren FHJ, Rissmann R, Piek JMJ, van Poelgeest MIE. The Human Vulvar Microbiome: A Systematic Review. Microorganisms. 2021 Dec 12;9(12):2568.

4. Holdcroft AM, Ireland DJ, Payne MS. The Vaginal Microbiome in Health and Disease-What Role Do Common Intimate Hygiene Practices Play? Microorganisms. 2023 Jan 23;11(2):298.

5. Čeprnja M, Hadžić E, Oros D, Melvan E, Starcevic A, Zucko J. Current Viewpoint on Female Urogenital Microbiome-The Cause or the Consequence?. Microorganisms. 2023;11(5):1207.

6. Mueller ER, Wolfe AJ, Brubaker L. Female urinary microbiota. Curr Opin Urol. 2017 May;27(3):282-286.

7. Auriemma RS, Scairati R, Del Vecchio G et al. The Vaginal Microbiome: A Long Urogenital Colonization Throughout Woman Life. Front Cell Infect Microbiol. 2021 Jul 6;11:686167.

8. Murina F, Caimi C, Felice R et al. Characterization of female intimate hygiene practices and vulvar health: A randomized double-blind controlled trial. J Cosmet Dermatol. 2020 Oct;19(10):2721-2726.

9. Geynisman-Tan J, Kenton K, Tavathia M et al. Bare Versus Hair: Do Pubic Hair Grooming Preferences Dictate the Urogenital Microbiome? Female Pelvic Med Reconstr Surg. 2021 Sep 1;27(9):532-537.

10. Chen Y, Bruning E, Rubino J et al. Role of female intimate hygiene in vulvovaginal health: Global hygiene practices and product usage. Womens Health (Lond). 2017 Dec;13(3):58-67.

11. FAO/OMS, Joint Food and Agriculture Organization of the United Nations/ World Health Organization. Working Group. Report on drafting  guidelines for the evaluation of probiotics in food, 2002.

12. Hill C, Guarner F, Reid G, et al. Expert consensus document. The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics consensus statement on the scope and appropriate use of the term probiotic. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2014;11(8):506-514.

13. Romeo M, D'Urso F, Ciccarese G et al. Exploring Oral and Vaginal Probiotic Solutions for Women's Health from Puberty to Menopause: A Narrative Review. Microorganisms. 2024 Aug 7;12(8):1614.

14. Gibson GR, Hutkins R, Sanders ME, et al. Expert consensus document: The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on the definition and scope of prebiotics. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2017;14(8):491-502

15. Collins SL, McMillan A, Seney S, et al. Promising Prebiotic Candidate Established by Evaluation of Lactitol, Lactulose, Raffinose, and Oligofructose for Maintenance of a Lactobacillus-Dominated Vaginal Microbiota. Appl Environ Microbiol. 2018;84(5):e02200-17.

16. Shmagel A, Demmer R, Knights D, et al. The Effects of Glucosamine and Chondroitin Sulfate on Gut Microbial Composition: A Systematic Review of Evidence from Animal and Human Studies. Nutrients. 2019 Jan 30;11(2):294.

17. International Microbiota Observatory

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Vers un marqueur « microbiotique » de l’endométriose ?

Chez les femmes souffrant d’endométriose, les microbiotes buccal, intestinal et vaginal présenteraient des spécificités. De telles signatures bactériennes pourraient, dans le futur, servir de biomarqueurs pour diagnostiquer la maladie et sa sévérité.

L'endométriose touche environ 10 % des femmes en âge de procréer avec des symptômes comme la dysménorrhée, la dysurie, des douleurs pelviennes et une baisse de la fertilité voire une infertilité.

L’un des diagnostics, invasif (cœlioscopie), retarde la prise en charge. D’où l’espoir de trouver un jour un marqueur non invasif.

C’est peut-être désormais chose faite, au regard des résultats de chercheurs australiens portant sur 3 microbiotes (buccal, intestinal et vaginal) afin d’y identifier une signature bactérienne de l'endométriose.

Plus de diversité dans le microbiote buccal et intestinal

Au total, 64 femmes ont été incluses dans cette étude 1 :

  • 24 ayant des symptômes gynécologiques mais sans endométriose confirmée par cœlioscopie (N-ENDO)
  • 21 avec une endométriose confirmée par cœlioscopie (ENDO)
  • et 19 femmes témoins sans symptômes gynécologiques ou sans stérilité (HC).

Les analyses de (sidenote: Diversité alpha Nombre d'espèces coexistant dans un milieu donné. ) ont révélé de premières différences : les témoins sains HC présentaient une plus grande diversité de leurs microbiotes buccal et intestinal (mais pas vaginal) que les groupes N-ENDO et ENDO.

10 % L’endométriose touche près de 10 % des femmes et des filles en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit 190 millions de personnes. ²

Des bactéries qui signent la maladie…

Mais surtout, la flore vaginale des femmes souffrant d’endométriose avérée (ENDO) s’est révélée plus riche en Escherichia, Enterococcus et Tepidimonas.

Leurs selles contenaient davantage de Lactobacillus, mais aussi de Phascolarctobacterium, une bactérie connue pour être davantage présente dans le liquide péritonéal de ces patientes, soulevant l’hypothèse d’une possible translocation bactérienne de l’intestin vers le péritoine.

Enfin, Fusobacterium était davantage présent dans la cavité orale : ce pathogène opportuniste, impliqué dans la maladie parodontale, pourrait-il expliquer l’incidence plus élevée de cette inflammation des gencives chez les femmes souffrant d’endométriose ?

… et sa sévérité

Enfin, les microbiotes semblent également signer la gravité de l’endométriose :

  • dans les selles, Actinomyces est davantage présente en cas d'endométriose minime/modérée (stades 1 et 2) et Paraprevotellaceae en cas d'endométriose moyenne/sévère (stades 3 et 4)
  • le microbiote oral est enrichi en Cardiobacterium en cas d'endométriose minime/modérée et en Fusobacterium en cas d'endométriose moyenne/sévère
  • la flore vaginale contient davantage de Blautia, Dorea, Collinsella et Eubacterium en cas d'endométriose moyenne/sévère.

Bien entendu, comme souvent, des travaux complémentaires sur des cohortes plus grandes sont nécessaires pour conforter ces résultats.

Néanmoins, ils laissent espérer le possible développement, dans le futur, d’un dépistage non-invasif de l’endométriose et de sa sévérité. Voire une prise en charge ?

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