Cancer du sein : une bactérie du microbiote intratumoral incriminée dans la chimiorésistance

Une bactérie présente dans le microbiote tumoral du cancer du sein favoriserait la prolifération cellulaire et la chimiorésistance des cellules cancéreuses du sein. Comment ? Via la fixation d’une toxine bactérienne sur le récepteur tumoral NOD1.

Des modèles murins l’ont démontré : les seins abritent un microbiote capable de moduler la carcinogénèse et l’efficacité de la chimiothérapie. D’où les travaux publiés en 2024 par une équipe chinoise 1 qui s’est penchée sur l’implication, dans le cancer du sein, de la bactérie Bacteroides fragilis, et plus précisément de sa souche entérotoxique (ETBF) productrice de la toxine protéolytique BFT-1 connue pour induire diarrhée et lésions coliques en cas de présence dans le système digestif.

Un microbiote tumoral qui prédit la résistance au traitement

Premier enseignement : dans le cancer du sein, la présence de la bactérie ETBF dans les tumeurs est associée à une faible réponse à la chimiothérapie (sidenote: Thérapie néoadjuvante Traitement administré avant la chirurgie ou la radiothérapie. Il cherche en général à réduire la taille du cancer, permettant une chirurgie moins étendue et/ou un champ de radiothérapie plus petit.   Approfondir MSD Manual ) à base de taxanes, l'une des principales stratégies thérapeutiques dans le cancer du sein, en particulier triple négatif. Des expériences complémentaires, menées cette fois chez la souris, indiquent que la présence, dans les tumeurs mammaires, de la toxine BFT-1 et l’activation du récepteur NOD1, prédisent une faible réponse à la chimiothérapie. Ainsi, la toxine BTF-1 et le récepteur NOD1 seraient impliqués dans la chimiorésistance dans le cancer du sein et pourraient justifier de profiler le microbiote tumoral du cancer du sein : ces biomarqueurs pourraient en effet prédire un potentiel échec et permettre à l’avance d’affiner le traitement et d’améliorer ainsi la réponse à la chimiothérapie.

670 000 En 2022, le cancer du sein a provoqué 670 000 décès dans le monde. ²

½ Environ la moitié des cancers du sein apparaissent chez des femmes qui ne présentent aucun facteur de risque spécifique autre que le sexe et l’âge. ²

Une nouvelle chaîne de mécanismes décryptée

Des travaux complémentaires in vitro et sur des modèles murins permettent également à l’équipe de comprendre les mécanismes sous-jacents. Et de montrer comment la bactérie tumorale ETBF serait capable de médier la chimiorésistance dans le cancer du sein : la toxine BFT-1 sécrétée par l'ETBF se lie au récepteur NOD1 ; NOD1 interagit avec la protéine phosphokinase GAK qui phosphoryle le suppresseur de tumeur NUMB pour améliorer sa dégradation lysosomale ; la voie de signalisation NOTCH1-HEY1 est inactivée, induisant une multiplication des cellules souches du cancer du sein.

Inversement, l'inhibition de NOD1 et la suppression de la bactérie ETBF augmentent significativement l'efficacité de la chimiothérapie en supprimant les cellules souches du cancer du sein.

N°1 Dans 157 pays sur 185, le cancer du sein était la première cause de cancer chez les femmes en 2022. ²

0,5 - 1 % Les hommes représentent à peu près entre 0,5 % et 1 % des personnes touchées par un cancer du sein. ²

Encore de nombreuses questions

Reste que des rôles contradictoires de NOD1 dans la progression tumorale ont été rapportés : NOD1 peut, comme dans cette étude, favoriser la progression tumorale (cancers de l'ovaire, de l'œsophage, du côlon) ou à l’inverse induire l'apoptose cellulaire et inhiber la prolifération cellulaire (carcinome papillaire de la thyroïde, carcinome hépatocellulaire).

Autre point à élucider : le microbiote des glandes mammaires et de leurs tumeurs est complexe, tant et si bien qu’il est peu probable que la dysbiose associée au cancer se limite à une seule espèce. Ainsi, d'autres taxons des tumeurs tels que Clostridia, Alphaprotéobacteria et Actinobacteria sont également enrichis chez les patientes ne répondant pas au traitement. Des études complémentaires s’avèrent donc nécessaires pour déterminer l’ensemble des bactéries impliquées.

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Une bactérie pro-cancer en son sein

Et si l’efficacité de certaines chimio du cancer du sein ne tenaient qu’à une petite bactérie vivant dans la tumeur ? Tel est le résultat suggéré par les travaux d’une équipe chinoise 1, qui pourraient modifier demain la prise en charge des patientes.

Le microbiote intestinal
Photo: A pro-cancer bacterium in the breast

Posséder un microbiote est loin d’être l’apanage du tube digestif ou de la peau. Nos poumons, nos os mais aussi nos seins disposent également de leur propre microbiote, certes bien moins conséquent que celui du tube digestif, mais néanmoins présent. Et ce, avec de sérieuses implications : ces microbiotes de nos organes seraient en effet capables de moduler le développement de cancers mais aussi l’efficacité des traitements de chimiothérapie.

C’est la raison pour laquelle une équipe s’est penchée sur l’implication, dans le cancer du sein, de la bactérie Bacteroides fragilis. Plus précisément, elle s’est intéressée à une souche spécifique de B. fragilis, capable de produire une toxine qui induit une diarrhée et des lésions coliques lorsque la bactérie s’est installée dans le tube digestif.

N°1 Dans 157 pays sur 185, le cancer du sein était la première cause de cancer chez les femmes en 2022. ²

670 000 En 2022, le cancer du sein a provoqué 670 000 décès dans le monde. ²

Une bactérie intestinale qui réduit les chances de la chimio

Pourquoi cette bactérie ? Parce que, en cas de cancer du sein, plus la bactérie est présente au niveau de la tumeur, moins la réponse des femmes à certaines chimiothérapies (à base de taxanes, utilisées notamment dans les (sidenote: Triple-negative breast cancer Cancer qui se caractérise par l’absence d’expression des récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progestérone ainsi que du récepteur HER2 (d’où son nom). Ce type de cancer est très agressif car il se propage rapidement à d’autres organes. Il touche notamment les femmes âgées de moins de 40 ans et les femmes d’origine africaine ou asiatique. Sources:
(1) https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/breast-cancer 
(2) https://cancer.ca/en/cancer-information/cancer-types/breast/what-is-breast-cancer/cancerous-tumours/triple-negative-breast-cancer
)
) sera bonne.

Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, les chercheurs ont mené des expériences chez la souris et mis en évidence la cascade de réactions déclenchées par la toxine bactérienne, qui aboutit à favoriser la multiplication des cellules cancéreuses. Au rang des acteurs de cette cascade : un récepteur appelé NOD1, bien plus présent dans la tumeur chez les femmes dont les tumeurs ne répondent pas à la chimiothérapie.

1/2 Environ la moitié des cancers du sein apparaissent chez des femmes qui ne présentent aucun facteur de risque spécifique autre que le sexe et l’âge. ²

0,5-1% Les hommes représentent à peu près entre 0,5 % et 1 % des personnes touchées par un cancer du sein. ²

Profiler le microbiote du sein pour affiner le traitement ?

Certes, de nombreuses questions se posent encore. Par exemple, cette bactérie de l’environnement tumoral est-elle la seule à interagir avec les cellules cancéreuses et la chimiothérapie, sachant que plusieurs autres bactéries (Clostridia, Alphaprotéobacteria et Actinobacteria) sont davantage présentes en cas de tumeur ? Pourquoi le récepteur NOD1 favorise certains cancers (cancer de l'ovaire, de l'œsophage, du côlon) mais semble en ralentir d’autres (carcinome papillaire de la thyroïde, carcinome hépatocellulaire) ?
 

Mais ces premiers résultats laissent entrevoir des pistes encourageantes : rechercher la présence de cette bactérie, de sa toxine ou du fameux récepteur NOD1, pourrait permettre de prédire une chimio-résistance. Avec à la clé la possibilité à l’avenir, d’affiner le traitement et d’améliorer la réponse de la chimiothérapie dans le cancer du sein.

Microbiot et cancer du sein

En savoir plus
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De l’intestin au cerveau : la transplantation de microbiote fécal produit des résultats prometteurs dans le traitement de la maladie de Parkinson

Une étude novatrice révèle que la transplantation de microbiote fécal (TMF) pourrait améliorer considérablement les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson. Découvrez de quelle façon la modulation du microbiote intestinal pourrait devenir une nouvelle piste prometteuse pour le traitement de cette maladie invalidante.

Lors d’une étude récente menée par le docteur Arnout Bruggeman et son équipe du CHU de Gand, l’utilisation de la transplantation de microbiote fécal (TMF) pour traiter les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson (MP) a produit des résultats prometteurs. Cette approche innovante met en évidence le potentiel de la modulation du microbiote intestinal en tant que stratégie thérapeutique pour cette maladie neurologique invalidante.

Une nouvelle approche de la maladie de Parkinson

L’étude GUT-PARFECT – un essai de phase 2 en double aveugle, contrôlé par placebo – a évalué l’innocuité et l’efficacité d’une TMF unique chez des patients atteints de la maladie de Parkinson légère à modérée. Les participants, âgés de 50 à 65 ans, ont été répartis au hasard pour recevoir une TMF provenant soit des selles de donneurs en bonne santé soit de leurs propres selles (groupe placebo). L’objectif principal était d’évaluer les variations du score moteur de l’échelle MDS-UDRS (Movement Disorders Society-Unified Parkinson's Disease Rating Scale) sur une période de 12 mois.

L’étude a porté sur 46 patients qui ont été soumis à des évaluations cliniques au début de l’étude, puis 3, 6 et 12 mois après la TMF. Les résultats ont montré une amélioration significative des symptômes moteurs chez les patients ayant reçu les selles d’un donneur en bonne santé. Au bout de 12 mois, le score moteur de l’échelle MDS-UPDRS s’était amélioré en moyenne de 5,8 points dans le groupe « donneur », contre une amélioration de 2,7 points dans le groupe placebo.

Des résultats surprenants

L’un des résultats les plus inattendus a été la réponse prolongée observée dans le groupe placebo. Jusqu’à six mois après la TMF, les patients ayant reçu leurs propres selles ont également montré des améliorations notables, bien que moins prononcées que celles du groupe de la TMF avec donneur en bonne santé. Cette observation tend à indiquer que même la TMF autologue exerce un impact sur le microbiote intestinal pouvant affecter les symptômes moteurs, ce qui souligne le rôle complexe de l’axe intestin-cerveau dans la maladie de Parkinson.

L’étude a également mis en évidence des améliorations significatives du temps de transit du côlon dans le groupe TMF avec donneur en bonne santé par rapport au groupe placebo. L’amélioration de la fonction digestive est particulièrement importante pour les patients atteints de la maladie de Parkinson, qui souffrent souvent de constipation sévère. Cependant, du point de vue des patients, cette différence était trop faible pour se traduire par une amélioration clinique notable, si bien que les scores rapportés par les patients sur l’échelle de constipation de Wexner n’ont pas montré de différences significatives entre les groupes.

La sécurité d’abord, le traitement ensuite

La sécurité était un aspect crucial de cette étude. La TMF a été bien tolérée. En effet, seuls des symptômes digestifs bénins et transitoires ont été signalés, tels qu’une gêne abdominale qui s’est estompée en une semaine. Aucun événement indésirable sévère n’a été observé, ce qui confirme le profil de sécurité favorable de la TMF.

Les résultats de l’essai clinique GUT-PARFECT ouvrent des perspectives intéressantes pour le traitement de la maladie de Parkinson. Si ces résultats sont confirmés par des études de plus grande envergure, la TMF pourrait devenir un outil précieux dans l’arsenal thérapeutique contre la MP. L’avenir du traitement de la maladie de Parkinson pourrait bien se trouver dans nos intestins. En effet, l’exploitation du pouvoir du microbiote pourrait ouvrir la voie à des stratégies plus larges et plus efficaces pour la prise en charge de cette maladie complexe.

Les professionnels de santé peuvent contribuer de différentes manières (en se tenant au courant des dernières avancées, en informant leurs patients, en mettant en œuvre des protocoles de sécurité rigoureux et en participant à la recherche en cours) au développement du potentiel de la transplantation de microbiote fécal en tant qu’option thérapeutique viable pour la maladie de Parkinson. Cette étude novatrice a été récompensée par une bourse nationale de la Biocodex Microbiota Foundation en 2019. 

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Une bactérie pour des moustiques indemnes de Dengue ou Zika !

Pour se protéger des virus de la Dengue et du Zika, protégeons les moustiques ! C’est en substance la stratégie proposée par une équipe chinoise, qui repose simplement sur l’ingestion par le moustique d’une bactérie qu’il conservera dans son système digestif toute sa vie et qui l’empêchera d’être infecté par le virus, et donc de nous le transmettre.

On a beau dire que la petite bête ne mange pas la grosse, le moustique cause chaque année des centaines de millions de cas de maladies sévères voire mortelles, en transmettant à l’homme, lors de ses piqûres, des parasites (paludisme) ou des virus divers et variés : (sidenote: Flavivirus sont un genre de virus comprenant plus de 70 membres, dont plusieurs sont considérés comme des agents pathogènes importants pour l'Homme. Transmis par la piqûre de moustiques infectés, les flavivirus induisent un large spectre de maladies que l'on peut schématiquement classer en deux catégories : 
- les maladies systémiques impliquant des hémorragies (virus de la Dengue et de la fièvre jaune), 
- et les complications neurologiques (virus du Nil occidental, Zika)
Approfondir https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34696709/ )
( (sidenote: Dengue infection virale qui se transmet des moustiques aux humains. La plupart des malades ont des symptômes légers ou n’ont aucun symptôme et se rétablissent en 1 à 2 semaines. Dans de rares cas, la dengue peut être grave et entraîner la mort. Si des symptômes apparaissent, ils commencent habituellement 4 à 10 jours après l’infection et durent de 2 à 7 jours : forte fièvre (40 °C), céphalées intenses, douleurs rétro-orbitaires, douleurs musculaires et articulaires, nausées, vomissements, gonflement des ganglions, éruptions cutanées. Les personnes infectées pour la deuxième fois courent un risque accru de dengue sévère. Il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue. Approfondir https://www.who.int/en/news-room/fact-sheets/detail/dengue-and-severe-dengue ) , (sidenote: Zika infection virale principalement transmise par les moustiques Aedes, qui piquent surtout pendant la journée. La plupart des personnes infectées par le virus Zika ne développent pas de symptômes ; celles qui en développent présentent généralement une éruption cutanée, de la fièvre, une conjonctivite, des douleurs musculaires et articulaires, des malaises et des maux de tête qui durent de 2 à 7 jours. L'infection par le virus Zika pendant la grossesse peut entraîner une microcéphalie et d'autres malformations congénitales chez le nourrisson, ainsi que des naissances prématurées et des fausses couches. Il n'existe pas de traitement spécifique pour l'infection ou la maladie par le virus Zika. Approfondir https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/zika-virus ) …), (sidenote: Alphavirus genre de virus comprenant 27 virus dont le redouté (et imprononçable) Chikungunya, qui après un délai d’incubation de 2 à 10 jours, provoque une fièvre et des atteintes articulaires sévères. Les alphavirus sont transmis par la piqûre d’un moustique infecté. Approfondir https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK7633/ ) (Chikungunya), etc. Et si la solution n’était pas d’éliminer le moustique (insecticides) ou de le tenir à distance (moustiquaire, répulsif), mais tout simplement d’empêcher le moustique d’attraper le virus et donc de nous le transmettre ? 

Cas de dengue dans le monde

De 2000 à 2019, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a établi que le nombre de cas de Dengue signalés dans le monde avaient été multiplié par 10, passant de 500 000 à 5,2 millions. Après un léger recul durant la pandémie de COVID-19, une recrudescence des cas de Dengue a été observée dans le monde en 2023. 2

Protéger le moustique…

C’est cette solution tout à fait sérieuse que propose une équipe chinoise à l’issue de ses travaux sur le microbiote intestinal des moustiques. Parmi les 55 bactéries présentes dans le tube digestif des insectes, une, baptisée Rosenbergiella YN46, a retenu leur attention. Pourquoi ? Parce qu’elle empêchait définitivement les moustiques qui l’avaient ingérée d’attraper des flavivirus.

Comment est-ce possible ? Cette bactérie s’installe durablement dans le tube digestif des moustiques et y transforme le glucose (sucre) en un acide. Conséquence directe : le contenu digestif s’acidifie fortement au grand dam des Flavivirus qui sont dénaturés. Incapable de contaminer le moustique, ces virus ne contamineront donc pas l’homme.

390 millions Avec jusqu’à 390 millions d’infections chaque année, le virus de la Dengue est le Flavivirus transmis par le moustique le plus courant dans le monde. ¹

… pour protéger l’homme

Les chercheurs ne se sont pas limités à leurs travaux de laboratoire. Ils sont aussi allés sur le terrain pour conforter leur idée. L’occasion d’observer que, dans les préfectures de la province du Yunnan où la Dengue fait des ravages, les moustiques abritent rarement cette bactérie dans leur système digestif ; à l’inverse, dans la province où seul quelques cas très isolés de Dengue sont rapportés, les moustiques sont en majorité, voire en très grande majorité (91,7 % dans la préfecture de Wenshan) porteurs de cette bactérie.

223 000 Le virus Zika a été responsable de plus de 223 000 cas confirmés dans les îles du Pacifique et en Amérique entre 2015 et 2017. ¹

Conclusion

Avec jusqu’à 390 millions d’infections chaque année, le virus de la Dengue est le Flavivirus transmis par le moustique le plus courant dans le monde.

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Une molécule de haute précision contre les infections à Gram négatif : une nouvelle génération d’antibiotiques qui épargnent le microbiote intestinal

Face à l’augmentation des infections à Gram négatif, l’utilisation croissante d’antibiotiques à large spectre a tendance à perturber le microbiote intestinal, donnant lieu à des infections secondaires. Une nouvelle étude présente la lolamycine, un antibiotique sélectif qui cible le système Lol de transport des protéines des bactéries à Gram négatif, préservant efficacement le microbiote intestinal et empêchant le développement d’infections secondaires.

Les infections causées par des (sidenote: Bactéries à Gram négatif groupe de bactéries qui se caractérisent par la structure unique de leur paroi cellulaire, qui les rend résistantes à de nombreux antibiotiques et complique le traitement des infections. ) sont de plus en plus fréquentes et sont souvent traitées aux antibiotiques à large spectre qui peuvent bouleverser le microbiote intestinal et déclencher des infections secondaires. Il existe un besoin pressant d’antibiotiques capables de cibler les bactéries pathogènes à Gram négatif tout en épargnant les bactéries commensales et le microbiote intestinal.

Cette nouvelle étude 1 avait pour but de concevoir et de découvrir un antibiotique sélectif contre les bactéries à Gram négatif capable de cibler le système Lol de transport des protéines, préservant ainsi le microbiote intestinal et empêchant le développement d’infections secondaires.lolamycine

Le système Lol de transport des protéines est un mécanisme vital des bactéries à Gram négatif qui est essentiel pour le transport des lipoprotéines vers la membrane externe, où ils remplissent des fonctions structurelles et fonctionnelles cruciales. La capacité de la lolamycine à cibler spécifiquement les bactéries à Gram négatif et sa nature critique en font un candidat intéressant pour le développement d’un antibiotique.

Mise au point d’un antibiotique sélectif

Le processus de développement a commencé par une série de criblages sur cellules entières effectués chez AstraZeneca, qui ont permis d’identifier des molécules capables d’inhiber le complexe LolCDE, un élément critique du système Lol. Les chercheurs se sont intéressés en priorité aux molécules prometteuses mais ont rencontré des problèmes de solubilité et de résistance. À l’aide d’un processus de modifications chimiques itératives, ils ont mis au point une plateforme hybride en ajoutant des amines primaires afin d’améliorer l’accumulation et la qualité du ciblage.

Ces efforts ont abouti à l’identification de la (sidenote: Lolamycine antibiotique sélectif contre les bactéries à Gram négatif mis au point récemment, qui cible le système Lol de transport des lipoprotéines, éradiquant efficacement les bactéries pathogènes sans perturber le microbiote intestinal. ) ,  une molécule qui perturbe efficacement le système Lol, détruisant de manière sélective les bactéries pathogènes à Gram négatif. Ce ciblage est rendu possible par la divergence importante entre les séquences des bactéries pathogènes et des bactéries intestinales commensales, ce qui permet de garantir que les bactéries bénéfiques seront préservées.

Des avancées majeures accomplies sur des modèles d’infection


L’efficacité de la lolamycine a été testée au cours d’études précliniques rigoureuses dont les résultats ont fait l’effet d’une bombe. En effet, la lolamycine a montré une forte activité contre un éventail très large de plus de 130 isolats cliniques (sidenote: Multirésistantes se dit des bactéries qui ont développé une résistance à plusieurs classes d’antibiotiques, rendant particulièrement difficile le traitement des infections que celles-ci peuvent causer. ) de bactéries à Gram négatif, y compris certains pathogènes notoires comme E. coli, Klebsiella pneumoniae et Enterobacter cloacae.

Sur des modèles murins de septicémie et de pneumonie aiguë, la lolamycine a montré qu’elle offrait un potentiel thérapeutique supérieur. Chez les souris traitées à la lolamycine, la charge bactérienne a été réduite de 99% et des taux de survie remarquables ont été atteints, surpassant nettement les antibiotiques existants utilisés à titre de comparaison. 

L’une des caractéristiques remarquables de la lolamycine est sa capacité à épargner le microbiote. Contrairement aux antibiotiques à large spectre qui font des ravages au sein du microbiote intestinal, le traitement à la lolamycine n’a entraîné que des variations minimes de la composition de celui-ci. En effet, le séquençage complet de l'ARNr 16S d’échantillons fécaux de souris traitées a démontré que la lolamycine préserve la diversité et la richesse du microbiote intestinal. Il convient de souligner que les souris traitées à la lolamycine ont conservé leur capacité à éliminer spontanément la colonisation par Clostridioides difficile, une complication courante – mais grave – de l’antibiothérapie.

Conclusion

Bien qu'une validation par des essais cliniques chez l’homme soit nécessaire, cette avancée permet non seulement de relever le défi immédiat posé par les infections résistantes, mais elle ouvre également une nouvelle ère, celle des traitements ciblés de haute précision capables de préserver notre santé globale.

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Actualités Gastroentérologie Médecine générale

Le monde des antibiotiques à l’aube d’une ère nouvelle : la lolamycine représente une avancée majeure dans la lutte contre les infections et la protection du microbiote intestinal

Face à l’augmentation des infections à Gram négatif, les antibiotiques à large spectre agissent comme une traînée de poudre en détruisant non seulement les bactéries nocives mais aussi celles qui sont bénéfiques. La lolamycine, un nouvel antibiotique, ne cible que les bactéries nocives, ce qui permet d’épargner le microbiote intestinal et d’offrir un traitement anti-infectieux plus précis et plus sûr.

Le microbiote intestinal

En raison de la multiplication des infections bactériennes à (sidenote: Bactéries à Gram négatif groupe de bactéries qui se caractérisent par la structure unique de leur paroi cellulaire, qui les rend résistantes à de nombreux antibiotiques et complique le traitement des infections. ) , notre microbiote intestinal – qui abrite des milliers de milliards de bactéries bénéfiques – est harcelé par les antibiotiques à large spectre. Bien qu’efficaces contre les infections, ces médicaments éliminent souvent les bactéries bénéfiques de notre intestin, pouvant entraîner des infections secondaires. C’est un peu comme si on utilisait un marteau-pilon pour casser une noix. Il existe donc un besoin urgent d’antibiotiques ciblant les bactéries nuisibles sans affecter celles qui sont bénéfiques.

C’est justement là que la lolamycine entre en jeu. Des chercheurs ont travaillé à la conception d'un antibiotique capable de cibler spécifiquement les bactéries à Gram négatif 1.

L'arme secrète ? Le système Lol de transport des lipoprotéines, un mécanisme critique propre à ces bactéries nuisibles. En venant perturber ce système, la lolamycine est capable d’éliminer les pathogènes sans endommager nos bactéries bénéfiques.

Qu'est-ce qu’une bactérie à Gram négatif ?

Les bactéries à Gram négatif possèdent une structure à paroi cellulaire unique qui les rend résistantes à de nombreux antibiotiques.

Importance relative au sein du microbiote

  • 47% du microbiote intestinal est constitué de bactéries à Gram négatif.
     
  • Elles jouent un rôle crucial dans la digestion et l’immunité.

La lolamycine ou l’état de l’art de la médecine de haute précision


Le développement de la (sidenote: Lolamycine antibiotique sélectif contre les bactéries à Gram négatif mis au point récemment, qui cible le système Lol de transport des lipoprotéines, éradiquant efficacement les bactéries pathogènes sans perturber le microbiote intestinal. ) n’a pas été une mince affaire. Imaginez que vous essayiez de fabriquer une clé qui s’adapte parfaitement à une serrure donnée sans affecter la structure environnante. Les chercheurs ont commencé par une série de criblages sur cellules entières afin d’identifier des molécules capables d’inhiber le système Lol parmi un groupe de bactéries spécifiques. Grâce à une série d’ajustements et de modifications, ils sont parvenus à mettre au point une plateforme hybride qui a mené à la création de la lolamycine.

Mieux comprendre les antibiotiques

Les antibiotiques sont des médicaments utilisés pour le traitement des infections bactériennes.

Modes d’action :

  • Ciblage de la paroi/membrane cellulaire : les antibiotiques compromettent l’intégrité des cellules bactériennes (par exemple, la pénicilline)

  • Inhibition de la synthèse des protéines : les antibiotiques empêchent les bactéries de produire des protéines essentielles (par exemple, les tétracyclines)

  • Blocage de la réplication de l’ADN : les antibiotiques interrompent la croissance bactérienne en interférant avec les processus de l’ADN (par exemple, les quinolones)

Soumis à des tests rigoureux, ce nouvel antibiotique a produit des résultats impressionnants. La lolamycine exerce une forte activité contre plus de 130 souches différentes de (sidenote: Multirésistantes se dit des bactéries qui ont développé une résistance à plusieurs classes d’antibiotiques, rendant particulièrement difficile le traitement des infections que celles-ci peuvent causer. ) , y compris des fauteurs de troubles notoires tels que E. coli et Klebsiella pneumoniae. Dans des modèles murins d’infections graves, la lolamycine réduit de manière significative les charges bactériennes et améliore les taux de survie, surpassant ainsi les antibiotiques existants.

Sensibilisation aux antibiotiques

Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW) Avertissement :

  • « Les antibiotiques, ce n’est pas automatique » - Faites un usage responsable des antibiotiques afin de prévenir la résistance.
     
  • L’utilisation abusive et incorrecte des antibiotiques peut entraîner l’apparition de souches bactériennes résistantes, ce qui complique le traitement des infections.
     
  • Consultez systématiquement un professionnel de santé avant de prendre des antibiotiques.

Cibler les vauriens mais épargner les héros

Mais ce qui change vraiment la donne, c’est la capacité de la lolamycine à préserver le microbiote intestinal. Contrairement aux antibiotiques à large spectre qui font des ravages au sein de la communauté bactérienne de l’intestin, le traitement à la lolamycine ne provoque que des variations minimes. Cela a été confirmé à l’aide de techniques avancées de séquençage de l’ADN qui ont démontré que la diversité et la richesse du microbiote intestinal sont préservées. Il convient de souligner que les souris traitées à la lolamycine ont été capables de contrer les infections secondaires à Clostridioides difficile, une complication fréquente de l’antibiothérapie.

1 sur 3 personne a été informée par un médecin que la prise d’antibiotiques pouvait avoir des conséquences négatives sur l’équilibre de son microbiote

Bien qu’une validation plus poussée soit nécessaire dans le cadre d’essais cliniques, la lolamycine constitue sans nul doute une avancée spectaculaire. Il ne s’agit pas seulement de combattre les infections, mais de le faire avec précision, en veillant à ne pas endommager les bactéries bénéfiques. Cette avancée marque le début d’une nouvelle ère en médecine, qui se caractérisera par la conception d’antibiotiques ciblant précisément les pathogènes tout en préservant notre santé globale.

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La dyspepsie fonctionnelle

La dyspepsie fonctionnelle est un trouble digestif aussi courant que son nom est barbare. Douleurs ou brûlures d’estomac, sensation d’estomac trop plein, inconfort, nausées… sont autant de symptômes caractéristiques. Si le pronostic vital n’est pas engagé, la qualité de vie est mise à mal par ce trouble dans lequel le microbiote intestinal semble être impliqué. Pour soulager les symptômes, l’alimentation peut être adaptée. Autre piste : une modulation de la flore intestinale, via des probiotiques.

Le microbiote intestinal

La dyspepsie fonctionnelle, qu’est-ce que c’est ?

Symptômes et prévalence

Son nom est peu connu du grand public. Et pourtant, la dyspepsie fonctionnelle (DF) est un trouble gastro-intestinal très fréquent, encore mal compris aujourd'hui et sous diagnostiqué. La dyspepsie fonctionnelle génère à elle seule 3 à 5 % des consultations chez le médecin en Amérique du Nord !

Le terme de dyspepsie est issu du Grec “dys” (mauvais), « pepsis » (digestion).

Les symptômes de la dyspepsie fonctionnelle, variés, sont toujours associés à l’impression de mal digérer 2:

  • une satiété précoce alors que l’on est loin d’avoir terminé son repas
  • la sensation d’avoir trop mangé (estomac qui semble lourd et distendu), malgré un repas tout à fait raisonnable
  • des douleurs ou des brûlures en haut de l’estomac
  • une perte d'appétit
  • des éructations ou des hoquets
  • des nausées voire des vomissements

Attention !

Les symptômes doivent être durables pour que l’on puisse parler de dyspepsie fonctionnelle : ils doivent être ressentis depuis au moins 6 mois et être présents depuis au moins 3 mois consécutifs.

On distingue 2 types de dyspepsie fonctionnelle :

  • le syndrome de détresse post-prandiale, caractérisé par une sensation d’estomac distendu (plénitude post-prandiale) après le repas ou de satiété précoce avant même sa fin
     
  • le syndrome de douleur épigastrique (qui concerne la région supérieure et moyenne de l'abdomen), avec des symptômes sans lien direct avec le repas (brûlures d’estomac, etc.)

Le saviez-vous ?

La dyspepsie est dite fonctionnelle car elle ne s’accompagne d’aucune anomalie structurelle au niveau des organes et tissus digestifs. Les symptômes ressentis ne s’expliquent pas par la présence d’une lésion au niveau de l’estomac (pas d’ulcère) ni d’aucune autre anomalie organique ou structurelle : les éventuels examens (gastro-entéroscopie, échographie, tomodensographie…) reviennent tous négatifs.

Combien de personnes sont touchées par cette maladie ? Qui sont les personnes les plus à risque ?

Les études estiment que de l’ordre de 10 à 30 % des adultes et de 3 à 27 % des enfants dans le monde seraient concernés par la dyspepsie fonctionnelle 2. Les femmes, les fumeurs et les consommateurs d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, kétoprofène) se révèlent plus à risque 3.

7 % des adultes sont touchées par la dyspepsie fonctionnelle ⁴

3 à 27 % des enfants dans le monde seraient concernés par la dyspepsie fonctionnelle ⁴

Les conséquences pour les patients sont loin d’être négligeables : 2/3 des personnes touchées par la dyspepsie fonctionnelle souffrent de symptômes persistants et irréguliers qui peuvent affecter leur qualité de vie et leur bien-être 1.

Quels sont les facteurs associés à la dyspepsie fonctionnelle ?

Hygiène de vie, alimentation...

L’alimentation

Le rôle de l’alimentation dans le déclenchement des symptômes de la dyspepsie fonctionnelle est de plus en plus reconnu. Les coupables ? Avant tout les aliments gras. Mais pas seulement. D'autres aliments, y compris ceux contenant des glucides, le lait et les produits laitiers, les agrumes, les aliments épicés, le café et l'alcool, ont également été impliqués 5. Avec néanmoins un bémol : les résultats des études restent peu cohérents.

Quels aliments sont associés à quels symptômes ?

  • Sensation de trop plein après le repas : viande rouge, banane, pain, blé, gâteaux, pâtes, saucisses, aliments frits, haricots, mayonnaise, lait, chocolat, œufs, bonbons, orange et autres agrumes
  • Éructations : boissons gazeuses, oignons, haricots, lait et banane
  • Brûlures en haut de l’estomac : café, fromage, oignons, poivre, lait, chocolat, ananas 5

Le mental pourrait également intervenir dans l’équation, le souvenir d’une mauvaise expérience amenant les patients à anticiper des symptômes et à les ressentir à l’excès quand ils sont à nouveau exposés. L’expérience montre ainsi qu’il suffit de distraire un patient par une tache cognitive pour lui faire oublier des symptômes ; à l’inverse, mentir sur le taux de graisse d’un yaourt (taux annoncé supérieur à la réalité) accroit la nausée ressentie par le patient.

FODMAPs et dyspepsie

Les FODMAPs (Fermentable Oligo, Di-, Mono-mers and Polyols) sont des glucides que l’Homme ne sait pas digérer. Ils sont donc fermentés par les bactéries intestinales (et notamment les Bifidobactéries), avec à la clé la production de gaz (et donc des ballonnements). D’autres effets potentiels sont rapportés comme l’augmentation du volume d'eau du contenu digestif et une production excessive d' (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) (propionate, butyrate et acétate). Selon des essais cliniques récents, les FODMAPs pourraient être impliquées dans la pathogenèse de la dyspepsie fonctionnelle 6.

Le stress et l’anxiété

Les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle sont souvent stressés et anxieux : une large étude a ainsi montré que l’anxiété était clairement liée à la maladie, et plus spécifiquement à la détresse postprandiale ; une autre étude menée auprès de 18 000 Japonais montre que les patients présentant des symptômes de dyspepsie fonctionnelle se sentent plus stressés au quotidien, évoquent plus souvent ne pas assez dormir, et se plaignent davantage de difficultés à trouver le sommeil 5.

Le manque d’activité physique

Les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle rapportent en général une activité physique plus faible. Et c’est bien dommage : il semble que le sport puisse en effet réduire leurs symptômes, et améliorer le transit et l’évacuation des gaz chez les personnes souffrant de ballonnements 5.

Microbiote & sport : des micro-organismes de compétition

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Le tabac

Une étude menée auprès de 2 560 Suédois montre que les fumeurs sont plus exposés au syndrome de détresse post-prandiale : fumer 10 à 19 cigarettes par jour augmente le risque de 42 %, tandis que fumer plus d’un paquet quotidien va plus que doubler ce risque 7.

 

L’obésité

L’obésité est associée à de nombreux symptômes gastro-intestinaux, y compris la dyspepsie fonctionnelle. Plusieurs hypothèses ont été formulées : par exemple, chez les personnes obèses, les récepteurs oraux et intestinaux chargés d’alerter l’organisme de la présence de graisses pourraient être altérés, ce qui amplifierait les effets gastro-intestinaux chez ces patients, les rendant plus sensibles aux graisses alimentaires 5.

Certains spécialistes évoquent par ailleurs un lien réciproque entre dyspepsie fonctionnelle et (sidenote: Le syndrome métabolique Le syndrome métabolique, également appelé syndrome X, est caractérisé par le cumul de plusieurs troubles métaboliques chez un même individu, parmi lesquels un tour de taille important (en raison d'un excès de tissu adipeux abdominal), une hypertension, une glycémie à jeun anormale ou une résistance à l'insuline et une dyslipidémie.  ) , l’un favorisant l’autre et inversement, créant un cercle vicieux 1.

 

La bactérie Helicobacter pylori

Depuis les années 1980, on sait que l’estomac, bien que très acide, n’est pas stérile. Il abrite même une communauté de microorganismes, dont la bactérie H. pylori. Or, l'infection par H. pylori semble causer la survenue et la progression de la dyspepsie fonctionnelle : des patients ayant des antécédents d'infection à H. pylori présentent un risque plus élevé de développer une dyspepsie fonctionnelle 2.

Quelle est l’implication du microbiote dans la dyspepsie fonctionnelle ?

La dysbiose, le rôle des métabolites...

Une dysbiose tout au long du système digestif

Le tube digestif héberge près de 100 milliards de microorganismes, appartenant à plus de 1 000 espèces différentes : le microbiote gastro-intestinal.

Les protéobactéries, Firmicutes, Actinobactéries et Bacteroidetes dominent largement cette communauté : ils représentent plus de 98 % du microbiote intestinal, avec une prédominance des Firmicutes, suivis par les Actinobactéries et les Bacteroidetes 2. Tout du moins chez les patients sains. Car chez les personnes souffrant de pathologie, y compris de dyspepsie fonctionnelle, cet équilibre n’est pas retrouvé : une dysbiose est observée dans tout le système digestif, de la bouche à l’anus 2.

Ainsi, chez les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle, les études observent par exemple :

  • une plus grande présence des Firmicutes, streptococcus (associés à des symptômes sur le haut de l’estomac), Bifidobacterium et Clostridium
  • une moindre abondance de Prevotella (allant de pair avec davantage de symptômes de gêne après le repas)

Avez-vous déjà entendu parler de « dysbiose » ?

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Le rôle des métabolites microbiens

L’implication du microbiote dans la dyspepsie fonctionnelle est loin de se limiter aux seules bactéries présentes. Car chacune de ces bactéries sécrète diverses molécules actives, bénéfiques ou délétères, étroitement liées à la santé de leur hôte et à l'apparition et à la progression de nombreuses maladies 2,3. Par exemple : 

Troubles-fonctionnels-intestinaux-image-1

Dyspepsie fonctionnelle : quels sont les mécanismes en jeu ?

L’immunité, l’axe intestin-cerveau...

Même si de nombreuses zones d’ombre demeurent, les chercheurs estiment que les mécanismes conduisant à la dyspepsie fonctionnelle sont probablement multifactoriels et variables d’un patient à l’autre 8. Ainsi, plusieurs mécanismes sont impliqués dans la dyspepsie fonctionnelle :

 

Une perturbation de la barrière intestinale

Normalement, les aliments qui transitent dans notre système digestif demeurent isolés de notre organisme par une barrière : la muqueuse intestinale. Cette barrière est semi-perméable : elle permet l'absorption des nutriments, mais barre le passage aux substances nocives et pathogènes divers et variés ingérés en même temps que notre repas 2

Chez les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle, l’intégrité de cette muqueuse est mise à mal, tant et si bien qu’elle joue moins bien son rôle de filtre.

 

Une perturbation de l’immunité intestinale

Chez les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle, il semble que la réponse immunitaire soit suractivée : 40 % des patients présentent des cellules inflammatoires infiltrées au niveau du duodénum ; et une prolifération de bactéries (et notamment de bactéries orales) 9 est souvent observée au niveau de l’intestin grêle, ce qui pourrait activer cette réponse immunitaire. D’ailleurs, certains chercheurs pensent qu’il convient de se focaliser davantage sur le microbiote de (sidenote: Intestin grêle Partie du système située entre l'estomac et le gros intestin (ou côlon), essentielle pour la digestion et l'absorption des nutriments. Mesurant 6,5 à 7m, c’est la plus longue portion du tube digestif, comprenant le duodénum, puis le jéjunum et enfin l'iléon. ) pour mieux comprendre la pathogénèse de la dyspepsie fonctionnelle 9.

Une prolifération des bactéries de l'intestin grêle en cause ?

Une prolifération de bactéries dans l'intestin grêle (ou SIBO, acronyme de small intestinal bacterial overgrowth) pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse de la dyspepsie fonctionnelle : cette prolifération semble en effet plus fréquente chez les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle que chez les patients ne présentant pas ces symptômes 10,11. Parmi les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle, ceux qui se sont vus prescrire des IPP (inhibiteurs de pompe à protons, médicaments utilisés pour réduire la sécrétion d’acide gastrique) semblent plus à risque de SIBO 12 : en réduisant l’acidité de l’estomac, les IPP réduisent cette barrière chimique censée détruire, à coup d’acide chlorhydrique sécrété par les parois de l’estomac, de nombreux micro-organismes pathogènes. Ce qui pourrait expliquer la présence d’un excès de bactéries dans l’intestin grêle, situé juste après l’estomac.

Néanmoins, les preuves d’un lien entre dyspepsie fonctionnelle et SIBO restent encore ténues : faute de pouvoir facilement recueillir la flore du duodénum, les études reposent en général sur la détection de gaz contenus dans l’air expiré par les patients. Un test certes facile à réaliser et non-invasif, mais dont la contrepartie est un indéniable manque de fiabilité 11.

Une dérégulation de l’axe intestin-cerveau

Il existe des interactions complexes entre le microbiote intestinal, le système digestif et le système nerveux central. Cet axe microbiote-intestin-cerveau explique que le stress puisse engendrer un mal au ventre, ou que des modifications de la flore intestinale puissent altérer la motilité intestinale et « informer » le cerveau, qui à son tour peut réguler les intestins. Or, la dyspepsie fonctionnelle s’avère étroitement liée à des troubles de la motilité gastro-intestinale (celle-ci étant sous contrôle cérébral) et à une hypersensibilité gastro-intestinale, qui sont eux-mêmes liés au microbiote gastro-intestinal 2. De là à penser que tout est lié, il n’y a qu’un pas…

L’axe intestin-cerveau : Quel est le rôle du microbiote ?

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Une réponse anormale à l’ingestion d’aliments

La présence de nutriments dans la lumière du tube digestif génère des signaux qui adaptent la digestion : un repas riche en graisses reste par exemple plus longtemps dans l’estomac, la vidange gastrique étant retardée. Chez les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle, l'ingestion d'aliments pourrait être associée à des signaux exagérés émanant du tractus gastro-intestinal. Avec à la clé toute une série de symptômes sans lien avec la réalité : impression de rassasiement alors que le repas ne fait que commencer, hypersensibilité à la distension gastrique, etc. 5

Quels sont les traitements de la dyspepsie fonctionnelle et les perspectives ?

L'alimentation, les probiotiques...

Alimentation

L’alimentation étant soupçonnée de participer à la dyspepsie fonctionnelle, son adaptation pourrait, en toute logique, en améliorer les symptômes. Pourtant, les études mettant en avant les effets de régimes spécifiques manquent. Néanmoins, les experts considèrent qu’une large partie des patients devrait tirer bénéfice d’un régime moins riche en graisses et d’une alimentation fractionnée (plus petits repas consommés plus souvent). D’ailleurs, c’est déjà en pratique ce qu’ils font : les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle ont un apport en graisses alimentaires légèrement réduit et ont tendance à prendre des repas plus petits plus fréquemment 5.

D’autres patients gagneront davantage à écarter les aliments épicés ou acides (tomate, agrumes, etc.), ou ceux riches en fibres ou FODMAPs induisant des ballonnements. Pour autant, ces évitements doivent être gérés avec prudence afin de ne pas déséquilibrer le régime alimentaire 2.

L'alimentation

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Inhibiteurs de pompe à protons

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont des médicaments utilisés pour réduire la sécrétion d’acide gastrique. Ils sont prescrits par les médecins dans la prise en charge du reflux gastro-œsophagien et des ulcères gastro-duodénaux.

A court terme, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peuvent améliorer les symptômes de la dyspepsie fonctionnelle. Mais leur usage sur le long terme semble aller de pair avec une augmentation des Streptococcus et donc une dysbiose délétère 13.

 

Antibiotiques pour éradiquer H. pylori

Selon l'American College of Gastroenterology et l'Association canadienne de gastroentérologie, les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle et âgés de moins de 60 ans devraient d’abord bénéficier d’un test de dépistage d'H. pylori. Si celui-ci s’avère positif, un traitement antibiotique doit être proposé pour éradiquer la bactérie.

Mais cette stratégie présente des limites : seul 1 patient sur 10 ressentirait une amélioration de ses symptômes, alors que les autres verront leurs symptômes s’alourdir 14.

Antibiotiques : quels impacts sur le microbiote et notre santé ?

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Probiotiques

La dysbiose du microbiote gastro-intestinal étant étroitement liée à la survenue et à la progression de la dyspepsie fonctionnelle, la régulation du microbiote gastro-intestinal a en toute logique été envisagée comme une thérapeutique potentielle 2. Le rôle des probiotiques pourrait être multifactoriel 15 :

  • restauration de la flore commensale éliminée par les pathogènes
  • restauration de la perméabilité de la barrière intestinale
  • réduction de l’hypersensibilité viscérale
  • actions anti-inflammatoires locales et systémiques
  • régulation de la motilité intestinale

Autant de bénéfices qui réduiraient les symptômes de dyspepsie fonctionnelle 15.

Un grand nombre d'études cliniques semblent confirmer « sur le terrain » que les probiotiques peuvent améliorer les symptômes des patients 2,15 .

Pour autant, les résultats publiés sur les 15 dernières années ne suffisent pas à conclure car ils souffrent de défauts : la définition de la maladie a évolué entre-temps ; les études confondent souvent dyspepsie fonctionnelle (durable) et infection (de courte durée) à H. pylori ; les probiotiques utilisés varient largement d’une étude à l’autre ; les déclarations des symptômes ressentis par les patients restent peu fiables faute d’être objectivées cliniquement… 15. Des travaux complémentaires de recherche restent encore nécessaires.

Thérapies alternatives

Différentes thérapies alternatives sont reconnues comme des traitements sûrs et efficaces de la dyspepsie fonctionnelle :

  • la thérapie comportementale cognitive, souvent utilisée en cas de stress et d’anxiété, aide le patient à identifier les pensées ou les comportements qui entraînent ou exacerbent l'expression des symptômes
  • l’hypnothérapie durant laquelle le patient, en état d’hypnose, est davantage réceptif aux suggestions thérapeutiques
  • Le potentiel de la réalité virtuelle est également étudié 14.

Le microbiote intestinal

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Sources

1. Volarić M, Šojat D, Majnarić LT et al. The Association between Functional Dyspepsia and Metabolic Syndrome-The State of the Art. Int J Environ Res Public Health. 2024 Feb 18;21(2):237.

2. Zhou L, Zeng Y, Zhang H et al. The Role of Gastrointestinal Microbiota in Functional Dyspepsia: A Review. Front Physiol. 2022 Jun 8;13:910568.

3. Farcas RA, Grad S, Grad C et al. Microbiota and Digestive Metabolites Alterations in Functional Dyspepsia. J Gastrointestin Liver Dis. 2024 Mar 29;33(1):102-106.

4. Black CJ, Paine PA, Agrawal A et al. British Society of Gastroenterology guidelines on the management of functional dyspepsia. Gut. 2022 Sep;71(9):1697-1723.

5. Feinle-Bisset C, Azpiroz F. Dietary and lifestyle factors in functional dyspepsia. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2013 Mar;10(3):150-7. 

6. Rettura F, Lambiase C, Grosso A et al. Role of Low-FODMAP diet in functional dyspepsia: "Why", "When", and "to Whom". Best Pract Res Clin Gastroenterol. 2023 Feb-Mar;62-63:101831.

7. Talley NJ, Powell N, Walker MM et al. Role of smoking in functional dyspepsia and irritable bowel syndrome: three random population-based studies. Aliment Pharmacol Ther. 2021 Jul;54(1):32-42.

8. Brown G, Hoedt EC, Keely S et al. Role of the duodenal microbiota in functional dyspepsia. Neurogastroenterol Motil. 2022 Nov;34(11):e14372. 

9. Zhong L, Shanahan ER, Raj A et al. Dyspepsia and the microbiome: time to focus on the small intestine. Gut. 2017 Jun;66(6):1168-1169. 

10. Tziatzios G, Gkolfakis P, Papanikolaou IS et al. High Prevalence of Small Intestinal Bacterial Overgrowth among Functional Dyspepsia Patients. Dig Dis. 2021;39(4):382-390. 

11. Gurusamy SR, Shah A, Talley NJ et al. Small Intestinal Bacterial Overgrowth in Functional Dyspepsia: A Systematic Review and Meta-Analysis. Am J Gastroenterol. 2021 May 1;116(5):935-942.

12. Costa MB, Azeredo IL Jr, Marciano RD et al. Evaluation of small intestine bacterial overgrowth in patients with functional dyspepsia through H2 breath test. Arq Gastroenterol. 2012 Dec;49(4):279-83.

13. Wauters L, Tito RY, Ceulemans M et al. Duodenal Dysbiosis and Relation to the Efficacy of Proton Pump Inhibitors in Functional Dyspepsia. Int J Mol Sci. 2021 Dec 19;22(24):13609. 

14. Lacy BE, Chase RC, Cangemi DJ. The treatment of functional dyspepsia: present and future. Expert Rev Gastroenterol Hepatol. 2023 Jan;17(1):9-20.

15. Tziatzios G, Gkolfakis P, Leite G et al. Probiotics in Functional Dyspepsia. Microorganisms. 2023 Jan 31;11(2):351. 

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Maladie

Quelle est la différence entre les prébiotiques, les probiotiques et les postbiotiques ?

Prébiotiques, probiotiques, postbiotiques... Derrière ces termes confus se cache en réalité un univers passionnant qui concerne notre santé. Ces « biotiques » sont les petites mains discrètes qui travaillent dans l'ombre pour prendre soin de notre précieux microbiote intestinal. Prêt à lever le voile sur leurs rôles spécifiques et leurs différences fondamentales ? Dans cet article, nous allons démêler les fils de cette toile microscopique pour vous aider à apprivoiser ces alliés insoupçonnés de votre bien-être. Explorons ensemble cet écosystème fascinant présent en chacun de nous !

Le microbiote intestinal FAQ du Microbiote Prébiotiques : l'essentiel pour comprendre

Introduction

Nous allons nous plonger dans l'univers fascinant des « biotiques ». Vous vous demandez ce que sont ces « biotiques » ? Il faut remonter à un mot du grec ancien, « bíos », qui signifie simplement « vie ». C'est de cette racine que découlent les termes probiotiques, prébiotiques, postbiotiques ou symbiotiques. Il ne s'agit pas simplement de noms scientifiques pour faire chic, mais bien de différents éléments qui composent un quartier vivant, où chacun joue un rôle unique dans le bon fonctionnement de la cité.

Imaginez que vous venez d'emménager dans un nouveau quartier et qu'un voisin vous propose gentiment de vous faire visiter les lieux, en vous indiquant toutes les personnes et tous les endroits clés qui animent la communauté. C'est ce que nous allons faire ici : une visite du quartier des « biotiques » présent à l'intérieur de votre corps.

Probiotiques : des aides pour votre corps

Dans notre cité de la santé, les probiotiques sont comme des amis dont la visite nous fait du bien : des micro-organismes  vivants qui élisent domicile en nous et contribuent à notre bien-être. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Association scientifique internationale pour les probiotiques et les prébiotiques (ISAPP), les probiotiques sont des « micro-organismes vivants qui, lorsqu'ils sont administrés en quantités adéquates, confèrent un bénéfice pour la santé de l'hôte ». 1

Pour dire les choses plus simplement, il s'agit de microbes bénéfiques tels que des bactéries, des levures, etc. qui contribuent à notre bien-être général. Les probiotiques contribuent à notre santé de diverses manières, et notamment :

  • en améliorant l'équilibre du microbiome 2
  • en inhibant la croissance des agents pathogènes dans le corps humain 3
  • en renforçant la barrière intestinale et les fonctions métaboliques des organes ciblés 4, 5, 6
  • en soutenant la fonction immunitaire 7
  • et en modulant diverses voies de signalisation et de métabolisme 8

D’après une idée fausse très largement répandue, tous les aliments fermentés, tels que le yaourt, le kéfir ou le kombucha seraient intrinsèquement probiotiques. Bien que la fermentation puisse introduire des bactéries bénéfiques, tous les produits fermentés ne contiennent pas de souches probiotiques vivantes répondant aux critères définis par les autorités sanitaires. 10 Toutefois, certains aliments fermentés le sont à l'aide d'un microbe dont le caractère probiotique a été démontré, ou ont été supplémentés en probiotiques en quantités suffisantes pour être bénéfiques pour la santé.sources fiables

Il est essentiel de lire attentivement les étiquettes et de s'appuyer sur des sources fiables pour être sûr de consommer des produits contenant des cultures probiotiques validées scientifiquement et cliniquement. En outre, certains pensent que les probiotiques fonctionnent de la même façon pour tous, alors que des souches différentes peuvent avoir des effets variables sur des individus et des états de santé différents. 1, 11 Il est essentiel de consulter des professionnels de santé et de suivre des recommandations fondées sur des données probantes pour optimiser les bénéfices des probiotiques en fonction de votre situation et vos besoins spécifiques.

Image
There are products that can protect our microbiota, called probiotics. Indeed, probiotics restore and maintain the equilibrium of the microbiota, they modulate the immune response, strengthen the barrier function and will also eliminate pathogens and toxins.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les probiotiques, vous pouvez consulter la section qui leur est consacrée ici :

Les probiotiques

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Diet

Prébiotiques : nourrir les bons microbes et bien plus

Les prébiotiques sont définis comme « un substrat sélectivement utilisé par les micro-organismes de l’hôte conférant un avantage pour la santé ». 12, 13 Contrairement aux probiotiques, les prébiotiques ne sont pas des microbes vivants, mais servent plutôt de carburant aux bactéries bénéfiques présentes dans notre microbiome. On simplifie souvent à l'extrême en qualifiant les prébiotiques de « nourriture pour les probiotiques ».

Si les prébiotiques favorisent la croissance des probiotiques, leurs effets bénéfiques découlent de l'activité du microbiote intestinal résident, qui métabolise ces composés et génère indirectement des effets physiologiques positifs pour l'hôte, autrement dit pour nous ! En outre, toutes les fibres alimentaires ne sont pas des prébiotiques et tous les prébiotiques ne sont pas des fibres. 14 Cette distinction est souvent négligée, ce qui donne lieu à des idées fausses quant à leur définition et leurs fonctions.

Il faut imaginer les prébiotiques comme les restaurants préférés de vos bactéries utiles. Des aliments comme les bananes, les oignons et l'ail sont riches en substances telles que l'inuline et les galacto-oligosaccharides (GOS) qui agissent comme des prébiotiques.  Lorsque vos bactéries bénéfiques se nourrissent de ces aliments, elles peuvent augmenter la production de molécules, c'est-à-dire de métabolites, tels que les acides gras à chaîne courte (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) (acétate, propionate et butyrate) qui, à leur tour, peuvent avoir une action bénéfique sur votre santé. 15

Au-delà de la santé intestinale, un lien a été établi entre les prébiotiques et le rééquilibrage du microbiote permettant une meilleure défense contre les agents pathogènes, 16 un meilleur contrôle du poids17 une meilleure absorption des minéraux, 18 etc.  Des bénéfices qui ne se limitent pas à l'intestin. 19

Nous avons également préparé une section consacrée aux prébiotiques et à leurs bienfaits pour la santé :

Prébiotiques : l'essentiel pour comprendre

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Postbiotiques : cadeaux de la part des microbes

Une fois que les probiotiques ont terminé leur visite de la ville, ils laissent derrière eux des cadeaux appelés postbiotiques. On pourrait les comparer aux produits et services fournis par les entreprises d'une ville après assimilation des matières premières. Les postbiotiques comprennent des substances bénéfiques comme les vitamines et (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) . Ce sont les récompenses que votre corps reçoit suite au travail acharné des probiotiques.

Cette définition a été révisée à de nombreuses reprises et la communauté scientifique est parvenue à un consensus : « un postbiotique est une préparation de micro-organismes inanimés et/ou de leurs composants conférant un bénéfice pour la santé de l'hôte" . En d'autres termes, les postbiotiques ne sont pas seulement les déchets "recyclés" des probiotiques (ou leurs produits finaux), mais aussi les probiotiques "morts" eux-mêmes et leurs composants fragmentaires ! 20

Il a été démontré que les postbiotiques, comme les probiotiques, renforcent le rôle de barrière, réduisent l'inflammation et exercent une activité antimicrobienne contre les agents pathogènes, ce qui améliore la santé globale. 21 Leurs propriétés bénéfiques s'étendent également au-delà de l'intestin, avec des avantages pour la santé de la peau et du vagin et la possibilité de traiter les affections cutanées et vaginales. 22, 23

Peut-être avez-vous entendu d'autres termes tels que parabiotique, paraprobiotique ou protéobiotique. En effet, certains chercheurs ont tenté de définir plus précisément les différents éléments ou parties du composant postbiotique, c'est-à-dire les cellules mortes, les composants des cellules et les métabolites produits par ces cellules microbiennes.

  • Les termes parabiotiques et paraprobiotiques sont synonymes ; ils sont utilisés pour décrire les cellules microbiennes inactivées, qu'elles soient intactes ou rompues. On peut voir ces cellules comme des « fantômes » de microbes bénéfiques encore capables de se montrer utiles. 24
  • Les protéobiotiques, eux, sont des métabolites naturels produits par le probiotique au cours de la fermentation. 25, 26

Toutefois, il n'y a pas de consensus sur ces définitions possibles, et tous ces termes relèvent de la définition de Postbiotique fournie par l'ISAPP. 20

The psychobiotic diet: modulating gut microbiota to reduce stress

Les symbiotiques en action, et le cas des psychobiotiques

Les symbiotiques sont comme des projets communautaires qui rassemblent tout le monde autour d'un objectif commun. 27 Ils combinent des probiotiques des prébiotiques dans un même produit, ce qui garantit que les bonnes bactéries ont non seulement un endroit où vivre, mais aussi leur nourriture favorite en abondance dès le début. Cette combinaison se retrouve dans certains yaourts et compléments alimentaires, l'association étant conçue pour renforcer encore davantage le bénéfice pour la santé.dépression

De leur côté, les psychobiotiques constituent une toute nouvelle catégorie de probiotiques et de prébiotiques qui peuvent être bénéfiques pour votre santé mentale lorsqu'ils sont correctement consommés. 28 Ils agissent par l'intermédiaire de ce que l'on appelle l'axe intestin-cerveau. En fait, l'intestin et le cerveau sont physiquement connectés et communiquent en permanence. Les microbes qui vivent dans vos intestins peuvent envoyer à votre cerveau des signaux qui ont un impact sur votre humeur, votre fonction cognitive et même vos comportements.

Les chercheurs sont très enthousiastes quant au potentiel des psychobiotiques. Les premières études montrent qu'ils peuvent aider à prévenir ou à améliorer des pathologies telles que les maladies neurodégénératives comme Alzheimer's ou Parkinson. Certaines données suggèrent même que les psychobiotiques pourraient jouer un rôle thérapeutique dans le traitement de troubles psychiatriques tels que la dépression ou l'anxiété. 29

Pour en savoir plus sur l'interaction entre l'intestin et le cerveau :

L’axe intestin-cerveau : Quel est le rôle du microbiote ?

Explorer ce sujet !

Et les antibiotiques?

Enfin, il est essentiel de distinguer les antibiotiques des autres « biotiques ». Si les antibiotiques sont des médicaments cruciaux pour le traitement des infections bactériennes, une utilisation systématique ou excessive peut gravement perturber l'équilibre délicat du microbiome, ce qui peut avoir des conséquences imprévues et profondes. 30, 31 Ces puissants médicaments ne font pas la distinction entre les bactéries nocives et les bactéries bénéfiques, ce qui signifie qu'ils peuvent décimer des populations microbiennes vitales pour la santé et l'immunité.

Antibiorésistance

En outre, le recours excessif aux antibiotiques contribue à l'augmentation alarmante des superbactéries résistantes aux antibiotiques, ce qui constitue une menace importante pour la santé mondiale. 30 Il est donc impératif d'utiliser les antibiotiques de façon raisonnée et uniquement en cas d'absolue nécessité, sous le contrôle de professionnels de la santé.

Le maintien d'un microbiome sain et diversifié grâce aux probiotiques, aux prébiotiques et à d'autres « biotiques » peut contribuer à contrer certains des dommages collatéraux causés par les antibiotiques et favoriser le bien-être général.

Vous trouverez ici une section consacrée aux effets des antibiotiques sur le microbiote et sur votre santé :

Antibiotiques : quels impacts sur le microbiote et notre santé ?

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Qu'est-ce que la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW)

Depuis 2015, l’OMS organise chaque année la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW), qui a pour but de mieux faire connaître le phénomène mondial de résistance aux antimicrobiens. 

La résistance aux antimicrobiens survient lorsque les bactéries, les virus, les parasites et les champignons évoluent et résistent aux effets des médicaments. En raison de cette pharmacorésistance, les antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens perdent leur efficacité et les infections deviennent plus difficiles, voire impossibles à traiter, ce qui augmente le risque de propagation des maladies, de pathologie grave et de décès.

Organisée du 18 au 24 novembre, cette campagne invite le grand public, les professionnels de santé et les décideurs politiques à faire un usage raisonné des antibiotiques, des antiviraux, des antifongiques et des antiparasitaires afin de prévenir le développement accru de la résistance aux antimicrobiens.

Sources

1. Hill, C., Guarner, F., Reid, G. et al. The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics consensus statement on the scope and appropriate use of the term probiotic. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 11, 506–514 (2014). 

2. Hori, T.; Matsuda, K.; Oishi, K. Probiotics: A Dietary Factor to Modulate the Gut Microbiome, Host Immune System, and Gut–Brain Interaction. Microorganisms 2020, 8, 1401.

3. Maftei N-M, Raileanu CR, Balta AA, et al. The Potential Impact of Probiotics on Human Health: An Update on Their Health-Promoting Properties. Microorganisms. 2024; 12(2):234.

4. Latif A, Shehzad A, Niazi S, et al. Probiotics: mechanism of action, health benefits and their application in food industries. Front Microbiol. 2023;14:1216674.

5. Bermudez-Brito M, Plaza-Díaz J, Muñoz-Quezada S, et al. Probiotic mechanisms of action. Ann Nutr Metab. 2012;61(2):160-174.

6. Maftei N-M, Raileanu CR, Balta AA, et al. The Potential Impact of Probiotics on Human Health: An Update on Their Health-Promoting Properties. Microorganisms. 2024; 12(2):234.

7. Liu Y, Wang J, Wu C. Modulation of Gut Microbiota and Immune System by Probiotics, Pre-biotics, and Post-biotics. Front Nutr. 2022;8:634897.

8. Plaza-Diaz J, Ruiz-Ojeda FJ, Gil-Campos M, Gil A. Mechanisms of Action of Probiotics. Adv Nutr. 2019;10(suppl_1):S49-S66.

9. Marco ML, Sanders ME, Gänzle M, et al. The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on fermented foods. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2021;18(3):196-208

10. https://isappscience.org/do-fermented-foods-contain-probiotics/

11. McFarland LV, Evans CT, Goldstein EJC. “Strain-Specificity and Disease-Specificity of Probiotic Efficacy: A Systematic Review and Meta-Analysis”. Front Med (Lausanne). 2018;5:124.

12. Gibson GR, Hutkins R, Sanders ME, et al. Expert consensus document: The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on the definition and scope of prebiotics. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2017;14(8):491-502.

13. Bedu-Ferrari C, Biscarrat P, Langella P, Cherbuy C. Prebiotics and the Human Gut Microbiota: From Breakdown Mechanisms to the Impact on Metabolic Health. Nutrients. 2022;14(10):2096.  

14. https://isappscience.org/wp-content/uploads/2019/04/Prebiotics_Infographic_rev1029.pdf

15. Nissen L, Valerii MC, Spisni E, Casciano F, Gianotti A. Multiunit In Vitro Colon Model for the Evaluation of Prebiotic Potential of a Fiber Plus D-Limonene Food Supplement. Foods. 2021;10(10):2371.

16. Jenkins G, Mason P (2022) The Role of Prebiotics and Probiotics in Human Health: A Systematic Review with a Focus on Gut and Immune Health. Food Nutr J 7: 245.

17. Bertuccioli A, Cardinali M, Biagi M, et al. Nutraceuticals and Herbal Food Supplements for Weight Loss: Is There a Prebiotic Role in the Mechanism of Action?. Microorganisms. 2021;9(12):2427.  

18. Bryk G, Coronel MZ, Pellegrini G, et al. Effect of a combination GOS/FOS® prebiotic mixture and interaction with calcium intake on mineral absorption and bone parameters in growing rats. Eur J Nutr. 2015;54(6):913-923.  

19. Markowiak P, Śliżewska K. Effects of Probiotics, Prebiotics, and Synbiotics on Human Health. Nutrients. 2017;9(9):1021. 

20. Salminen S, Collado MC, Endo A, et al. The International Scientific Association of Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on the definition and scope of postbiotics Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2021;18(9):649-667. 

21. Scott E, De Paepe K, Van de Wiele T. Postbiotics and Their Health Modulatory Biomolecules. Biomolecules. 2022;12(11):1640.  

22. Heo YM, Lee DG, Mun S, et al. Skin benefits of postbiotics derived from Micrococcus luteus derived from human skin: an untapped potential for dermatological health. Genes Genomics. 2024;46(1):13-25.  

23. Shen X, Xu L, Zhang Z, et al. Postbiotic gel relieves clinical symptoms of bacterial vaginitis by regulating the vaginal microbiota. Front Cell Infect Microbiol. 2023;13:1114364. 

24. Hosseini SH, Farhangfar A, Moradi M, et al. Beyond probiotics: Exploring the potential of postbiotics and parabiotics in veterinary medicine. Res Vet Sci. 2024;167:105133.

25. Nataraj BH, Ali SA, Behare PV, et al. Postbiotics-parabiotics: the new horizons in microbial biotherapy and functional foods. Microb Cell Fact. 2020;19(1):168.  

26. Cuevas-González PF, Liceaga AM, Aguilar-Toalá JE. Postbiotics and paraprobiotics: From concepts to applications. Food Res Int. 2020;136:109502.

27. Swanson, K.S., Gibson, G.R., Hutkins, R. et al. The International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on the definition and scope of synbiotics. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 17, 687–701 (2020). 

28. Dinan TG, Stanton C, Cryan JF. Psychobiotics: a novel class of psychotropic. Biol Psychiatry. 2013;74(10):720-726.

29. Long-Smith C, O'Riordan KJ, Clarke G, et al. Microbiota-Gut-Brain Axis: New Therapeutic Opportunities. Annu Rev Pharmacol Toxicol. 2020;60:477-502. 

30. WHO Antimicrobial Resistance; Oct 2020; https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/antimicrobial-resistance 

31. Ramirez J, Guarner F, Bustos Fernandez L, et al. Antibiotics as Major Disruptors of Gut Microbiota. Front Cell Infect Microbiol. 2020 Nov 2

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Actualités

Que faut-il retenir ?

Lourde morbidité des diarrhées infectieuses
  • La diarrhée tue environ 1,5 million de personnes chaque année.55 C'est la troisième cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.1 
  • La plupart des cas de diarrhée aiguë sont dus à des pathogènes infectieux, à savoir, des virus, des bactéries et des parasites. Le Rotavirus et Escherichia coli sont les deux agents étiologiques les plus fréquents de la diarrhée modérée à sévère dans les pays à faible revenu.
Interaction complexe entre les agents infectieux et le microbiote
  • Quel que soit l'agent étiologique de la diarrhée infectieuse, l’issue dépend d'interactions complexes entre le pathogène et le microbiote intestinal. 
     
  • La composition du microbiote intestinal peut déterminer l’issue d’une infection causée par un pathogène diarrhéique et constituer un facteur de protection ou de facilitation. À l’inverse, la diversité et la composition du microbiote intestinal peuvent être gravement altérées par une diarrhée infectieuse et la restauration d’un « microbiote sain » peut nécessiter plusieurs semaines après la disparition de la diarrhée.14 
     
Proportion importante de cas évitables
  • Une proportion importante des maladies diarrhéiques peut être évitée grâce à l’accès à l’eau potable et à des mesures appropriées d’assainissement et d’hygiène.1 
     
  • La vaccination contre le rotavirus constitue une autre stratégie de prévention importante, que l’OMS recommande d’inclure dans tous les programmes nationaux de vaccination et de considérer comme une priorité.56 
     
Suivi et prise en charge des patients
  • La majorité des diarrhées infectieuses sont spontanément résolutives chez les personnes immunocompétentes. Néanmoins, certains patients (déshydratation sévère, maladie plus sévère, fièvre persistante, selles sanguinolentes, immunodépression...) nécessitent des examens diagnostiques spécifiques.11 
     
  • La complication la plus grave de la diarrhée infectieuse est la déshydratation, qui peut nécessiter une thérapie de réhydratation orale ou intraveineuse, en fonction du degré de déshydratation.1 
     
Stratégies de ciblage du microbiote intestinal, essentielles pour la prévention et la prise en charge de la diarrhée

La Société européenne de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques (ESPGHAN) et l’Organisation mondiale de gastro-entérologie (WGO) considèrent que les professionnels de santé peuvent recommander certaines souches probiotiques: 

  • pour la prévention de la diarrhée associée aux antibiotiques ; 
  • pour le traitement de la diarrhée aiguë (virale) chez les enfants, car elles peuvent réduire la durée de la diarrhée. 
     
Pistes de recherche prometteuses impliquant le microbiote
  • Les recherches futures auront pour but d’élargir les connaissances sur le microbiote dans le contexte des diarrhées infectieuses, afin d’améliorer leur prévention et leur prise en charge. 
     
  • L'optimisation du profil du microbiote afin de déterminer l’issue de l’infection5 et d’améliorer l’efficacité du vaccin contre le rotavirus29 constitue une piste de recherche prometteuse.
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Détail du dossier

La diarrhée parasitaire : le microbiote peut-il déterminer les résultats cliniques ?

Tous les individus ne réagissent pas de la même manière aux infections parasitaires intestinales : si certains ne présentent absolument aucun symptôme, d’autres souffrent de diarrhée plus ou moins sévère pouvant entraîner la mort. Le microbiote intestinal est de plus en plus souvent cité comme un facteur clé pour expliquer cette variabilité.

Les parasites intestinaux peuvent être classés en deux grandes catégories : les protozoaires (organismes unicellulaires) et les helminthes (multicellulaires, également connus sous le nom de vers).39 Au niveau mondial, on estime à 895 millions le nombre de personnes infectées par des helminthes transmis par le sol (HTS). Les protozoaires intestinaux (PI) ont un taux de prévalence global plus faible, mais plus de 350 millions de personnes seraient infectées par trois des parasites protozoaires les plus fréquents40. Les infections à protozoaires sont monnaie courante dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFM). La mondialisation de la chaîne alimentaire, les voyages internationaux et les migrations entraînent une augmentation des infections à protozoaires dans les pays à revenu élevé, où elles sont plus fréquentes que les infections à helminthes intestinaux.39

La giardiase – la diarrhée parasitaire la plus répandue dans le monde – touche 280 millions de personnes chaque année.41

LES DIARRHÉES CAUSÉES PAR DES PARASITES PROTOZOAIRES

​​​​​​​Les parasites protozoaires intestinaux les plus fréquents sont Giardia intestinalis (Giardia duodenalis ou Giardia lamblia), Entamoeba histolytica, Cyclospora cayetanensis et Cryptosporidium spp. Les maladies diarrhéiques causées par ces pathogènes sont connues respectivement sous les noms de giardiase, amibiase, cyclosporose et cryptosporidiose.41 

Giardia intestinalis

Giardia intestinalis infecte la partie supérieure de l’intestin grêle en altérant la barrière et la perméabilité intestinales. De 6 à 15 jours après l’infection, elle peut provoquer une diarrhée aqueuse aiguë accompagnée de crampes abdominales, de ballonnements, de nausées et de vomissements. La giardiase – la diarrhée parasitaire la plus répandue dans le monde – touche 280 millions de personnes chaque année.41 

Entamoeba histolytica

Les infections à Entamoeba histolytica sont généralement asymptomatiques, mais elles peuvent provoquer une maladie invasive du gros intestin (notamment chez les patients immunodéprimés), une dysenterie amibienne pouvant alors se développer. La phase aiguë dure 3 semaines, avec des douleurs abdominales, une diarrhée sanglante et la présence de mucus dans les selles. Responsable de plus de 26 000 décès par an2, l’amibiase est la troisième cause de mortalité due aux infections parasitaires dans le monde ; elle affecte particulièrement les populations des PRFM41

Cyclospora cayetanensis

Cyclospora cayetanensis est la seule espèce du genre Cyclospora capable d’infecter l'homme. Après une période d’incubation pouvant varier de 2 à 12 jours, l’infection se manifeste typiquement par une diarrhée aiguë aqueuse et abondante, des crampes abdominales, des nausées, une fièvre de faible intensité, de la fatigue et une perte de poids.41 

Cryptosporidium spp

Les symptômes de l’infection à Cryptosporidium spp. apparaissent après une ou deux semaines d’incubation : les symptômes cliniques les plus fréquents sont une diarrhée aqueuse aiguë, des crampes abdominales, une malabsorption, des nausées, des vomissements et de la fièvre, qui durent environ 5 à 10 jours.41 On estime à 64 millions le nombre de cas de cryptosporidiose signalés chaque année.40

La coexistence des parasites helminthiques et du microbiote de l’hôte remonte à des millions d’années.50

LA DIARRHÉE DU VOYAGEUR : L’INFECTION PARASITAIRE EST SOUVENT ASSOCIÉE AU SII-PI

Bien que la plupart des cas de diarrhée du voyageur soient aigus et se résolvent spontanément, un sous-ensemble de personnes présente des symptômes gastro-intestinaux (GI) persistants qui peuvent durer des semaines, des mois, voire des années après le traitement efficace de la cause initiale.52 Un article récent suggère que près de 10 % des patients souffrant de diarrhée du voyageur développent des symptômes persistants compatibles avec le syndrome de l’intestin irritable post-infectieux (SII-PI). Les infections parasitaires, en particulier la giardiase, sont souvent associées au SII-PI53.

LES DIARRHÉES CAUSÉES PAR DES HELMINTHES TRANSMIS PAR LE SOL 

Sur le plan mondial, les principaux helminthes transmis par le sol sont l’ascaris (Ascaris lumbricoides), le trichocéphale (Trichuris trichiura) et les ankylostomes (Necator americanus et Ancylostoma duodenale). Les symptômes ressentis à la suite d’une infection helminthique sont liés au nombre de vers hébergés : les personnes souffrant d’infections légères (peu de vers) ne ressentent généralement aucune gêne, tandis que les infections plus graves peuvent provoquer toute une série de symptômes, dont certains se manifestent au niveau de l’intestin (diarrhée et douleurs abdominales), une malnutrition, un malaise général et une faiblesse, ainsi que des troubles de la croissance et du développement physique. Les helminthes transmis par le sol contribuent à la morbidité en altérant de plusieurs façons l’état nutritionnel des personnes infectées : ils se nourrissent des tissus de l’hôte, provoquent des pertes de sang intestinales et entravent l’absorption des nutriments.42 

  • Ascaris lumbricoides est le plus fréquent des nématodes intestinaux capables d’infecter l’homme. On estime que 807 à 1 221 millions de personnes sont infectées chaque année.43 L’infection est souvent asymptomatique. La forme symptomatique se caractérise par une phase pulmonaire précoce suivie d’une phase intestinale tardive, marquée par des diarrhées, des douleurs abdominales légères, une anorexie, des nausées et des vomissements.41 
     
  • On estime à 604 à 795 millions le nombre de personnes infectées par Trichuris trichiura dans le monde. Les personnes souffrant d’infections sévères peuvent avoir des selles douloureuses et fréquentes contenant un mélange de mucus, d’eau et de sang.44 
     
  • On estime à 576 à 740 millions le nombre de personnes infectées par des ankylostomes dans le monde. Peu nombreuses sont les personnes qui présentent des symptômes gastro-intestinaux, en particulier celles qui sont infectées pour la première fois. Les effets les plus fréquents et les plus graves de l’infection par l’ankylostome sont une perte de sang intestinal entraînant une anémie, associée à une perte de protéines.45

 

LE MICROBIOTE JOUE-T-IL UN RÔLE DANS LA VARIABILITÉ CLINIQUE PRONONCÉE DES DIARRHÉES PARASITAIRES ?

Les infections parasitaires à protozoaires se caractérisent par la grande variabilité de leur présentation clinique : elles peuvent être asymptomatiques ou provoquer des diarrhées, des douleurs abdominales, une perte de poids, etc. Des études récentes ont mis en évidence la contribution potentielle du microbiote intestinal à cette variabilité clinique : par exemple, une abondance de Prevotella copri dans le microbiote intestinal permet de prédire une diarrhée dans le contexte d’une infection par Entamoeba histolytica46 ; une faible abondance de Megasphaera avant et au moment de la détection de Cryptosporidium a été associée à une diarrhée parasitaire chez des nourrissons au Bangladesh, ce qui suggère que le microbiote intestinal jouerait un rôle dans la détermination de la sévérité des cryptosporidioses47

En ce qui concerne les helminthes, les interactions complexes entre les vers et le microbiote (« deux vieux amis de l’homme »50) sont actuellement à l’étude50 (Figure 7). Les auteurs s'accordent sur l’existence d’une interaction complexe et dynamique entre le(s) parasite(s), le microbiote de l’hôte et son immunité, capable de déterminer l’issue clinique des infections parasitaires.46,48

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Interactions entre helminthes et microbiote

CAS CLINIQUE par le Professeur Stephen Allen

  • Lors de vacances en Asie, une cadre d’entreprise de 36 ans développe une diarrhée non sanglante, visqueuse et malodorante, accompagnée de crampes abdominales et de ballonnements. 
     
  • Au cours de la deuxième semaine de la maladie, l’examen microscopique des selles révèle une giardiase et elle prend un traitement de 10 jours au métronidazole. 
     
  • Au cours de l’année suivante, au Royaume-Uni, elle connaît des épisodes fréquents de symptômes similaires, chacun durant quelques jours et l’obligeant à s’absenter au travail. 
     
  • Après avoir exclu d’autres maladies grâce à des examens complémentaires et à une évaluation clinique, on lui diagnostique un syndrome de l’intestin irritable post-infectieux à prédominance diarrhéique (SII-D), une affection qui se développe chez 10 % des patients ayant subi un épisode aigu de gastro-entérite54
     
  • Trouvant que les changements d’alimentation et les traitements pour le SII-D ont peu d'effet, elle souhaite savoir si elle doit envoyer un échantillon de selles à l’étranger pour une analyse du microbiote et si une transplantation fécale pourrait être utile. 
     
  • Le rôle de la dysbiose persistante dans le SII post-infectieux causée par une infection parasitaire ou par les médicaments utilisés au cours du traitement est mal connu. Des recherches supplémentaires sont nécessaires avant de pouvoir répondre avec certitude aux questions de cette femme.

POINT DE VUE DE L’EXPERT 

Les infections parasitaires intestinales constituent une cause fréquente de maladie dans le monde, principalement des diarrhées dues à des protozoaires tels que Giardia, Entamoeba histolytica et Cryptosporidium, et des anémies due à des helminthes. De même, les parasites intestinaux sont des commensaux et peuvent même exercer des effets bénéfiques sur la santé, notamment grâce à l’amélioration de la résistance à d’autres entéropathogènes et à la prévention des maladies allergiques et auto-immunes. Le défi à relever consiste à mieux comprendre les relations complexes entre les différents parasites, la muqueuse intestinale, les cellules immunitaires de l’intestin et le microbiote intestinal afin de pouvoir tirer parti des effets bénéfiques de l’infection parasitaire intestinale tout en améliorant ses effets indésirables.

PROFESSEUR. STEPHEN ALLEN Professeur de Pédiatrie, Faculté de Médecine Tropicale de Liverpool (Royaume-Uni)
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Détail du dossier Gastroentérologie